43rd Legislature | 2nd Session

Transcription

Journal des débats de la Commission permanente de l'éducation

Version finale

28th Legislature, 5th Session
(February 24, 1970 au March 12, 1970)

Le Wednesday 25 February 1970 - Vol. 9 N° 

Bill 62 - Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal


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Table des matières

Journal des débats

 

Commission permanente de l'Education

Bill 62 — Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal

Séance du mercredi 25 février 1970

(Seize heures dix minutes)

M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A l'ordre, messieurs!

Si vous vous souvenez bien, à la dernière occasion, le député de Saint-Laurent, M. Pearson, avait fait une heureuse suggestion, à l'effet que les organismes présenteraient leur mémoire avant l'audition et que, par la suite, les membres de cette commission prendraient connaissance des mêmes mémoires présentés et poseraient seulement des questions, suivant les rapports déposés devant cette commission.

Il y aurait aussi à retenir que nous entendons cet après-midi deux associations, The Montreal Teachers' Association et l'Association des enseignants de Lakeshore. Il est bien entendu que nous terminerons nos travaux aujourd'hui à 5 h 30 et que ces mêmes associations devront se partager la période de temps. Cela vous va-t-il? Est-ce que le ministre de l'Education aurait quelque chose à dire?

M. CARDINAL: Oui, M. le Président, je vous remercie. Je voudrais répéter, devant la commission et ceux qui sont invités, ce qui vient d'être dit à l'Assemblée nationale. A cause d'une indisposition du député d'Ahuntsic et d'un voyage qu'il doit faire, nous avons convenu, cet après-midi, de terminer à 5 h 30, parce que, d'une part, je dois moi-même me rendre à Montréal pour annoncer la première étape des règlements qui viennent appliquer le projet de loi 63 concernant l'inscription dans les écoles et le choix de la langue d'enseignement. Nous reprendrons donc les travaux de cette commission mercredi prochain, après la période des questions, c'est-à-dire vers 16 heures, pour terminer vers 17 h 30 ou 18 h 30 suivant le cas — il y a conseil des ministres le mercredi soir — quitte à accélérer par la suite les travaux après entente entre les deux leaders parlementaires ou les représentants de l'Opposition et du parti ministériel à cette commission.

A la dernière séance de cette commission, il avait été suggéré de part et d'autre que les deux associations — et ces deux seulement — soient entendues cet après-midi et qu'elles se partagent le temps. Je concours entièrement à cette suggestion; je puis assurer les membres de la commission et ceux qui veulent se faire entendre qu'à compter de la semaine prochaine, les travaux parlementaires étant vraiment partis, nous nous entendrons pour accélérer l'audition de ces rapports. C'est tout ce que j'ai à dire, M. le Président, des mémoires qui nous sont présentés. Merci, M. le Président.

M. HYDE: M. le Président, je crois que le ministre n'a pas l'intention d'empêcher les deux associations qui sont ici de revenir à une date ultérieure même si nous étions incapables de terminer l'audition de leurs exposés.

M. CARDINAL: Je n'ai pas d'objection, mais il s'est produit un petit incident à la fin de la dernière séance et je ne voudrais pas que cela se reproduise. Quelqu'un s'est plaint de ce que certains avaient pris trop de temps et qu'il n'avait pas pu lui-même être entendu. Il a alors été suggéré, des deux côtés de la table, que seules les deux associations soient entendues; il avait été suggéré que l'on ne lise pas tout le mémoire; il y a même quelqu'un qui s'est exprimé en regrettant que d'autres aient lu tout leur mémoire. Une procédure avait été adoptée mais n'a pas été entièrement suivie; nous savons que nous avons environ 70 mémoires à entendre — je pense que vous n'étiez pas là à ce moment-là — je réfère donc à ces faits précis qui se sont produits.

Si nous modifions sans cesse notre attitude, il y aura des gens qui seront malheureux, parce que, si nous n'entendons cet après-midi qu'une seule association, l'autre aura raison de se plaindre d'être venue pour rien une fois de plus à Québec. C'est purement dans ce sens-là. C'est dans le but d'être utile et d'être juste que je répète ce qui a été dit à la fin de la dernière séance; ce n'est pas dans le but d'empêcher quelqu'un de prendre plus de temps qu'il n'est nécessaire.

M. LAFRANCE: M. le Président, à titre d'information, le ministre pourrait-il dire aux membres de la commission s'il a reçu un mémoire de la part du comité protestant et du comité catholique?

M. CARDINAL: La question a été posée à la dernière séance; j'ai répondu que je verrais les membres du Conseil supérieur et des deux comités pour leur demander s'il m'est permis de dévoiler s'ils ont ou non produit un mémoire et s'ils veulent le rendre public. J'ai, de fait, à la suite de cette question posée par le député d'Ahuntsic, communiqué par écrit avec chacun des comités et je n'ai reçu encore aucune réponse; je ne suis donc pas libre — parce que ça ne dépend pas du ministère — de répondre à la question, j'attends une autorisation des comités concernés. J'ai écrit aux comités pour avoir leur réponse sur la question posée à la dernière séance et à celle-ci.

J'ajouterai un autre détail, si vous le permettez: le député d'Ahuntsic, appuyé par le député de Marguerite-Bourgeoys, avait proposé une motion que nous avions acceptée, pour préparer un questionnaire. J'ai parlé à M. Lefebvre ce matin; vu qu'il est absent cet après-midi, il m'a demandé de remettre à la semaine prochaine la discussion sur ce questionnaire.

M. LE PRESIDENT: M. Donald Peacock, de la Montreal Teachers' Association, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter au mémoire que vous avez déposé devant cette commission?

M. PEACOCK: Oui, monsieur. Je m'appelle Donald Peacock, je suis président de la "Montreal Teachers' Association" qui est un syndicat représentant les 3,000 enseignants à l'emploi du bureau métropolitain protestant. J'ai à ma gauche les deux vice-présidents, M. Bernstein et M. Myett.

Je tiens tout d'abord, à m'excuser auprès du ministre de l'Education; je n'avais pas l'intention de lui faire une injure personnelle, à cause de mon attachement au principe de la souveraineté du Parlement. J'ai fait ce qui a paru être une intervention assez désobligeante à son égard. Je m'excuse, M. le ministre.

M. CARDINAL: Je vous en prie, M. Peacock; je comprends fort bien que nous étions tous fatigués; le Président a rappelé à ce moment-là qu'il n'était là que pour présider et que c'était en vertu d'une entente entre les deux partis que fonctionnait cette commission. Je vous remercie de vous excuser, je peux vous dire que, pour moi, personnellement, l'incident était complètement oublié.

M. PEACOCK: Pour moi aussi, merci. Si je peux faire un petit résumé de notre mémoire, pour en souligner les points majeurs, nous commençons en parlant du climat fort défavorable à une unification totale à l'heure actuelle, et à une tendance de débattre toute l'affaire du bill 62 dans les termes des vieilles attitudes raciales.

Nous sommes certains que ce comité n'est pas touché par cette habitude mais ça existe quand même ailleurs. Nous soulignons ensuite les quatre points principaux qu'on trouve dans le bill et nous disons que nous sommes en faveur de trois de ces quatre points. La rationalisation des structures scolaires, tout le monde est d'accord qu'il faut bien en finir avec les 42 commissions. Sur la coordination des services et des ressources encore nous sommes aussi entièrement d'accord avec ça; nous acceptons aussi la démocratisation des structures scolaires et surtout finalement l'implication juridique des parents dans le processus de consultation.

Contrairement aux principaux de Montréal, nous ne craignons pas les pouvoirs donnés ici à nos parents. N'étant que des enseignants, nous savons fort bien qu'il n'y a nul humain au-dessus d'un principal.

Depuis trop longtemps, nos parents sont impliqués dans nos écoles sans statut juridique; nous devons approuver pleinement cet aspect du bill qui leur donne deux fonctions très importantes, qui leur donne un statut juridique. Il y a ensuite l'intégration des structures, et c'est ici que nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Nous trouvons en effet que l'intégra- tion du ministère est déjà accomplie et que l'intégration par la voie du conseil scolaire de l'île augmentera ce processus. Mais, à l'heure actuelle, nous préférons, comme nous vous le disons plus loin, une division où ce serait nécessaire : intégration où ce serait nécessaire et division où c'est nécessaire. Pour nous, c'est au niveau de la commission locale qu'il y a dû avoir une division sur la base linguistique. En passant, en parlant de l'intégration et du droit de vote pour les commissaires, nous regrettons que le ministre ait limité le droit de vote, pour les commissaires, aux citoyens canadiens.

Dans son bill 63, à l'article 3, il a même enlevé le choix de la langue d'enseignement aux immigrants, si l'on comprend bien le bill 63. L'article 594 montre qu'au moins le ministre sait compter les têtes d'Italiens à Saint-Léonard. Le rapport Pagé a consciemment suggéré que tous les enfants majeurs dans les écoles aient le droit de vote. On s'étonne que le ministre n'ait pas retenu cette recommandation de son propre conseil.

Ensuite, nous nous élevons, comme presque tout le monde, contre la manière de nommer les membres du conseil scolaire. Nous nous prononçons sur ce qui nous parait une idée fondamentale, à l'effet que la centralisation des services devrait augmenter l'efficacité du programme, mais que la centralisation des pouvoirs ne peut nous conduire que vers une trop grande rigidité de la bureaucratie. Alors, nous proposons un amendement à l'article 662. Nous n'avons pas mis le nombre, ici, parce que nous n'étions pas sûrs du nombre de commissions qu'il doit y avoir. Si on suppose qu'il y en a treize, comme suggère la commission Parent, notre amendement doit se lire: Le conseil est composé de quinze membres, dont treize membres sont choisis par les commissaires d'école des commissions scolaires de l'île de Montréal, à raison d'un par commission.

Ensuite, nous parlons de l'ambiguïté quant au statut légal de notre employeur. Il y a plusieurs articles qui confondent cette question, ce qui nous apparaît très important parce que notre syndicat est défini en termes de l'employeur. Alors, nous demandons que ce soit la commission scolaire qui soit reconnue comme employeur légal. Nous nous rendons bien compte que les pouvoirs des employeurs sont partagés un peu partout maintenant. C'est au niveau provincial qu'on négocie les contrats et tout cela; mais quand même, il faut qu'il y ait un employeur officiel, et pour nous c'est la commission scolaire.

Ensuite, nous trouvons que le plus grand défaut du bill c'est de vouloir centraliser à l'excès, de créer une hiérarchie trop compliquée. Pour nous, le bill 62, imposerait un modèle grand format de la CECM ou bien du bureau métropolitain protestant sur l'île de Montréal. L'accueil donné au bill par les commissaires de la CECM est facile à comprendre. "It is a wise father who know his own child."

Nous avions espéré qu'avec ce bill, on pourrait casser une fois pour toute les structures non démocratiques qui sont en place à l'heure actuelle. Pour nous, gonfler le Bureau métropolitain protestant ou l'autre modèle, la CECM, ce n'est pas comme cela que l'on crée la démocratie. Nous craignons que les parents et les électeurs n'aillent pas se prévaloir de leur droit de vote parce que la commission serait tellement faible qu'il ne vaudrait pas la peine de voter pour une commission tandis que tout le pouvoir serait au niveau du conseil de l'île qui est lui-même une créature du gouvernement.

On a déjà eu un ministère. On peut comprendre la nécessité d'un ministère; en avoir deux, c'est un luxe pour nous.

Ensuite, nous parlons encore de notre droit d'association qui est déjà inscrit dans le code du travail. Nous, nous voulons choisir une association de langue anglaise. Or, le code du travail n'est pas clair là-dessus et nous voulons que le gouvernement fasse en sorte que les enseignants dont l'outil de travail est la langue aient le droit de s'associer sur une base linguistique. Même si vous aviez des commissions unifiées, il y aurait lieu quand même de nous organiser, nous les enseignants, sur une base linguistique. Ce n'est pas que nous sommes séparatistes. Nous avons déjà travaillé avec l'Alliance des professeurs de Montréal. Nous avons fait notre devoir lors des négociations provinciales. Nous n'avons pas reçu notre récompense, mais nous avons fait notre devoir quand même.

Nous disons finalement que si les objectifs de ce bill sont les quatre points que nous avons déjà énumérés, il n'est pas nécessaire, pour atteindre ces objectifs, d'unifier totalement toutes les sturctures à tous les niveaux. S'il y a un autre objectif, l'amélioration du bilinguisme dans la province, nous croyons que ce n'est pas en unifiant les commissions qu'on va créer le bilinguisme, sauf pour les pauvres commissaires qui peuvent évidemment apprendre à parler la langue française. Mais quand on parle du bilinguisme, on parle surtout des enfants, et si on veut vraiment que nos enfants parlent bien la langue seconde, la responsabilité appartient grandement au ministre lui-même ou au ministère.

Plusieurs résolutions ont été adoptées par une association de parents-maîtres protestants de Montréal pour améliorer le bilinguisme et l'enseignement de la langue française dans nos écoles. Si ça vous intéresse, nous en avons des copies.

En principe, nous demandons qu'il y ait des normes spéciales — nous l'avons déjà dit lors des séances de la commission qui a étudié le bill 85 — pour permettre des classes où il n'y aurait pas plus de quinze étudiants. Nous demandons qu'il y ait des échanges d'enseignants entre les diverses commissions, afin que la commission protestante, par exemple, l'année prochaine, puisse obtenir les services d'enseignants d'autres commissions.

A l'heure actuelle, ce qui empêche les enseignants de changer de commission, c'est qu'ils perdent leur droit d'ancienneté et plusieurs autres droits, même leur classification. Alors, il y a certainement moyen d'adopter un système d'échanges. Si le ministre de l'Education veut vraiment qu'il y ait interpénétration des deux cultures, c'est par cette voie qu'on pourra le faire.

Finalement, il y a un grand besoin de créer des instituts de linguistique, à Montréal et ailleurs, pour recycler les enseignants face aux méthodes modernes d'enseigner la linguistique.

Dès le début, nous avons essayé d'adopter une attitude modérée envers ce projet de loi. Nous avons même été forcés de nous dissocier publiquement de certains anglophones qui n'ont pas encore accepté l'établissement du ministère de l'Education.

Mais, si la réaction de la communauté anglophone face au bill 62 a révélé une méfiance totale à l'égard du ministre, c'est parce qu'il n'a jamais clairement expliqué pourquoi il voulait à tout prix des commissions unifiées, malgré les recommandations majoritaires de son propre conseil de restructuration.

On n'a pas besoin d'être paranoïaque pour supposer que le ministre voulait ainsi démontrer à l'élément unilingue que, lui au moins, était favorable à leur cause. L'abolition de toute structure anglophone pourrait réjouir ceux qui sont animés d'un esprit revanchard envers notre minorité. Nous ne sommes pas prêts à être l'agneau du sacrifice ou la tête de saint Jean-Baptiste de la Salomé des anglophones. Si le ministre n'a pas de telles intentions, qu'il nous explique tout de suite pourquoi les commissions unifiées sont essentielles à la réalisation des grands principes énumérés dans son projet de loi. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT (M. Crôteau): Alors, avant que ne débute l'intervention des membres de cette commission, je sais que le rôle de président n'est pas de faire de proposition ou de motion, mais je pense bien qu'il y aurait lieu que le rapport qui a été déposé devant la commission soit cité au long au journal des Débats. Etes-vous tous d'accord?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Nous sommes d'accord.

M. LE PRESIDENT (M. Crôteau): Alors, M. le ministre de l'Education.

M. CARDINAL: Tout d'abord, merci à M. Peacock du Montreal Teachers' Association. Merci du ton généralement serein. Je reprends certains points par commentaires ou par questions. La suggestion que des citoyens qui ne

sont pas canadiens au sens de la loi fédérale puissent être électeurs est retenue. J'ai déjà dit devant cette commission que le cens d'éligibilité ou le cens électoral pouvait être modifié. De fait, nous avons déjà eu d'autres suggestions à ce sujet.

Il y a une question que je voudrais poser: Est-ce que j'ai bien compris, M. Peacock, que vous dites qu'en vertu de l'article 3 du bill 63 les immigrants n'ont pas le choix de la langue?

M. PEACOCK: Si je comprends bien, le ministre de l'Immigration, de concert avec le ministre de l'Education, prend les mesures nécessaires afin que... etc. pour que les immigrants envoient ou qu'ils fassent instruire ----certains ont dit que ça veut dire obligatoirement — leurs enfants dans des institutions où les cours sont en langue française.

M. CARDINAL: Si vous le permettez, il y a eu un très long débat en Chambre pendant lequel il a été beaucoup question de ceci, et cela a vraiment été la différence entre le gouvernement, de même que l'Opposition officielle, et l'Opposition circonstancielle, cette différence entre l'incitation à étudier en français et l'obligation d'étudier en français.

L'article 3 dit: "L'article 3 de la loi du ministère de l'Immigration est modifié en ajoutant, à la fin, le paragraphe suivant: e) prendre, de concert avec le ministre de l'Education, les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent dès leur arrivée ou même avant qu'elles quittent leur pays d'origine la connaissance de la langue française et qu'elles fassent instruire leurs enfants dans des institutions d'enseignement où les cours sont donnés en langue française". Si on prend le texte anglais, c'est une traduction qui exprime la même pensée. Cela a été un long débat, et le Parlement comme tel, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, a décidé de rendre obligatoire, pour le ministre, de prendre les moyens d'inviter, d'inciter les immigrants à étudier le français, mais a refusé d'accepter que le ministre puisse forcer les immigrants à apprendre le français. Je voulais apporter cette précision. Si l'on veut interpréter ce texte de loi après coup, on peut se référer au journal des Débats, où ceci a été dit très clairement et pendant assez longtemps d'ailleurs; cela a fait l'objet de plusieurs discours.

Quant aux droits syndicaux, vous proposez, comme l'Alliance des professeurs de Montréal d'ailleurs, qu'ils se fassent au niveau de la commission scolaire. C'est une question qui, lors du projet de loi 25 et des négociations, avait été réglée; c'était au niveau provincial. J'ai indiqué, à la dernière séance, que le projet de loi 25 se terminait — je cite de mémoire — le 1er juillet 1970 et que ce n'est pas le projet de loi 62 qui réglerait ceci; que s'il n'était pas suffisamment clair, dans le texte de 62, on le corrigerait, mais qu'il y aurait une loi spéciale pour indiquer ce qui arrivera après l'extinction des effets du projet de loi qui est devenu la loi no 25.

Une autre remarque. Vous dites que vous ne voulez pas que le conseil métropolitain devienne un deuxième ministère. Je vous dirai que je suis entièrement d'accord et que je ne veux pas qu'il y ait deux ministères de l'Education. Comme le pensent certaines personnes, c'est bien assez qu'on en ait un sans en créer un autre. C'est sur les moyens d'y arriver — et ce n'est pas nous qui l'avons créé, d'ailleurs; il ne faudrait pas se réjouir trop vite de l'autre côté de la table — c'est sur les moyens d'y arriver dis-je, que nous nous séparons peut-être.

Sixièmement, vous avez des suggestions heureuses, quant au recyclage des enseignants, par exemple pour l'enseignement des langues. Je vous dirai que j'ai reçu, au ministère, un document qui n'est pas encore rendu public, parce qu'il est document de travail, un document qui sera présenté au conseil des ministres, incessamment, sur l'enseignement du français ou l'enseignement en français.

Je répète que ce soir je vais donner les premiers règlements en vertu du projet de loi 63. D'ici un mois ou trois semaines, les règlements de nature pédagogique seront aussi donnés. Nous aurons déjà, dans les règlements qui dépendent du bill 63, des moyens, des garanties, des méthodes qui viendront réaliser certaines de vos suggestions.

Quand vous dites que je n'ai pas expliqué le pourquoi de la commission scolaire unique, c'est une critique que le député d'Ahuntsic a déjà faite. J'avais dit alors que je ne l'acceptais pas. Quand même, si je n'ai plus de voix, c'est peut-être parce que tous les jours ou tous les deux jours je tente d'expliquer le projet de loi 62.

Lundi soir, je suis passé à CFCF au programme de Burt Cunning, "The Hot Seat" — en anglais s'il vous plaît — où j'ai répondu aux questions de Burt Cunning. C'étaient des questions assez directes, je pense. Ce n'est pas moi qui avais préparé les questions, au contraire.

Il y a vraiment là une question de philosophie du bill, et je pense que cet après-midi ce n'est pas le temps de reprendre cela. De plus, le 3 mars prochain, je vais passer à l'émission "Hourglass" sur le réseau anglais pour aussi tenter d'expliquer, pendant une heure cette fois, les raisons du projet de loi. A la fin des auditions de cette commission, lors du débat en deuxième lecture, je pense que j'aurai l'occasion de m'exprimer longuement sur le sujet après avoir entendu les réflexions de tous ceux qui viennent devant nous.

C'est tout ce que j'avais à dire, M. le Président. Je n'ai pas d'autres questions ni d'autres commentaires. Merci.

M. PEACOCK: M. le Président, est-ce que je peux vraiment répondre au ministre?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. PEACOCK: Je lui ai demandé d'expliquer pourquoi il voulait une commission unifiée. Il m'a dit qu'il va tout expliquer à "Hourglass". Je ne regarde pas "Hourglass", mais quand même, il y a là une question d'économie. Vous proposez onze commissions. Si vous avez vraiment l'intention de créer aussi — comme vous l'avez dit la dernière fois, je crois — des services ancillaires, qui soutiennent une éducation — l'éducation, ce n'est pas un enseignant dans une classe, c'est une toute autre chose, ce sont les administrateurs, tout ça — dans les deux langues pour chaque commission, comme à l'heure actuelle, cela va créer 22 structures administratives, plus une avec le conseil. Si, par contre, vous prenez les recommandations du rapport Pagé, vous en avez seulement treize plus une, donc quatorze structures administratives. Si vous avez l'intention de nous donner ce moyen de veiller à la qualité de notre enseignement — parce que ce n'est pas seulement qu'on nous accorde l'enseignement en langue anglaise, mais c'est un enseignement de bonne qualité qu'il faut — par là je veux dire les consultants, les coordonnateurs et tout l'appareil administratif, tout l'équipement administratif, si vous allez vraiment nous accorder ça pour que notre enseignement en langue anglaise soit de bonne qualité, ça va vous coûter plus cher par votre moyen que par la recommandation du rapport Pagé.

M. CARDINAL: Ceci est discutable, parce que nous avons fait des études au ministère, et j'ai indiqué plusieurs raisons pour l'unicité de la commission scolaire. Une des raisons, je l'ai rappelé à la dernière séance de cette commission, c'est le fait que nous aurions à nouveau sur le territoire de l'île de Montréal des structures parallèles.

Nous aurions, au point de vue de l'équipement et des écoles, par exemple, les mêmes problèmes que présentement. J'ai indiqué aussi, sur un plan plus général, que c'était un pari, un "challenge", si vous voulez, visant à mettre ensemble des gens qui ont toujours fait partie de deux solitudes, qui auraient, pour une fois, une occasion de se rencontrer. J'ai indiqué aussi que ceci devait se faire sans qu'il y ait diminution de la valeur de l'enseignement dans un secteur ou dans l'autre. J'ai indiqué, à la séance du 27 novembre et à celle du 11 décembre, plusieurs autres raisons sur lesquelles je ne veux pas revenir. Ces deux séances ont été consacrées entièrement à des explications. Ce n'est pas pour refuser de répondre à des questions, mais pour éviter des répétitions et permettre à d'autres de s'exprimer, j'attends la fin des témoignages pour faire la synthèse de ce que sera alors la politique du gouvernement.

M. LAFRANCE: Il aurait été très intéres- sant, cependant, que le ministre réponde, d'une façon peut-être assez brève, à la question bien directe qui lui a été posée. Le ministre a évoqué la question de l'économie. Est-ce que, vraiment, il va pouvoir réaliser des économies?

M. CARDINAL: C'est ce que nous croyons. Je pense que vous étiez présent à la première séance, celle du 27 novembre. A ce moment-là, c'est la première raison que j'ai invoquée dans le domaine de l'équipement. Je pense que deux directions pédagogiques, c'est quand même moins cher que deux équipements complètement différents, avec deux administrations complètement différentes et de toute façon, deux directions pédagogiques différentes dans deux commissions scolaires. L'économie que nous réaliserons pas ce bill doit se prendre dans son ensemble. Ce n'est pas simplement au niveau du directeur pédagogique que l'on doit considérer l'économie — cela me paraît marginal — cela doit se prendre dans l'ensemble du projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

MR. GOLDBLOOM: Mr. Peacock, I have two questions I would like to ask. On page 5 of your brief, you say that the right of free association of teachers' groups in professional unions would disappear with the structures which are proposed here. Is it not true that there have been many instances where a single employer has negociated with more than one union, a single union or a federation of unions with more than one employer?

MR. PEACOCK: But not normally divided on linguistic grounds. Fifty per cent plus one is the rule. Now you tell me that the Alliance des professeurs de Montréal and the Federation of English Speaking Catholic Teachers are an example of two associations with one employer. But this is an exceptional case and I do not want to go into the history of it right now, but it was rather an extraordinary situation. The Alliance has been decertified. It was asking for a certificate. It did not expect to get it and the former Duplessis regime gave it a shared one. They were so teckled to get a shared one that they did not object. It was a very unusual, exceptional case; since then, it has been repeated. I have been informed by our legal experts — I am not a legal expert — that it is not at the present moment in "le code du travail". It is not normal. It would require special direction from the "commissaire-enquêteur" to accord a joint certificate to two associations divided on linguistic grounds under one given employer.

Because of this fact, which I am told by Me Lapointe, we are suggesting that some measures be taken. I understand the Minister saying Bill

62 will not deal with this, but Bill 62 affects this. Our syndicate only exists because of our employer; you remove our employer and we are all up in the air. It is bad enough, Dr. Gooldbloom that we are not even mentioned once in Bill 62. There are all sorts of transitory provisions whereby the Catholic School Commission, the Protestant School Board and anybody you think of and the Council should be involved in the reorganization but not one mention of teachers is made and, at the end of it all, we disappear.

MR. GOLDBLOOM: Except that you are a voluntary association, and you would not want a law to make you disappear or to preserve your existence. You will continue to be a voluntary association of those teachers who want to associate together voluntarily, will you not?

MR. PEACOCK: I do not think you understand the legal fact. We are a voluntary association. People join it if they want to, but they would not want to, if we have no right to bargain. Why would they want to join us, just to sing God save the Queen together?

MR. GOLDBLOOM: Not even "O Canada"? The other question I want to ask you is that you make reference to the curious privilege of being able to tax oneself, over and above a certain level of taxation. Do I take it from this, since you disapprove of this privilege, that you are in fact asking that the State finance the totality of education, and that you would like to have the possibility of people financing some part of education themselves disappear from our system?

MR. PEACOCK: Well, you are pushing too far what I have said here. Too many people, including people on the other side of the table, your side of the table, have suggested that we have been wallowing privileges for years. This is a common fallacy; now the privilege of being well paid is no doubt a privilege in a poor country, but the privilege of people of the same wealth deciding to pay more, is another "privilège"; that was the point we are making. Alright, we will finish with that, we will finish with the unaqualities whereby the fat cats get fatter and the thin cats get thinner. We want to play our role. It is increasingly clear that the right to tax yourself locally is not accompanied by any power anymore. It seems to me, since you ask me, that it probably would be more appropriate to put a ceiling now on the local taxation for education — perhaps as I speak now, as someone who owns a house and whose taxes have gone up twice, they have doubled since I have bought the damn thing, including the mortgage rate, I am beginning to wonder whether I want to pay that luxury, because I think that it is not accompanied by any real power anymore.

The fact that the Protestant School Board of Greater Montreal is largely self-sufficient does not seem to have accorded it, in the last 3 or 4 years, any special rights or powers that are noticeable, compared with any other commission. So that possibly it might be the moment, though I am not a tax expert, that most of the money comes from central resources and there be no more endless increases of local taxation on the grounds that this creates power, because it does not.

M. CARDINAL: M. le Président, pour revenir à la question du député de Richmond, et à celle de M. Peacock, et pour indiquer justement qu'il ne s'agit pas d'éviter une question, je rappellerai que, le jeudi 27 novembre 1969, dans le journal des Débats, aux pages 3,985 et 3,986 — deux pleines pages — j'ai indiqué les raisons pour lesquelles le gouvernement avait opté pour la division en onze commissions scolaires unifiées.

J'y réfère simplement ceux qui veulent relire ce texte, pas pour me citer moi-même, mais parce que la réponse a déjà été donnée dans ces pages du journal des Débats.

Quant à la dernière question posée par le député de D'Arcy-McGee, elle est fort intéressante. J'ai indiqué lors du dépôt en première lecture du projet de loi 62 que l'intention du gouvernement était, sur une certaine période de temps, d'abord de geler et puis éventuellement de faire disparaître la taxe foncière scolaire telle que nous la connaissons. Déjà, dans notre projet de loi 62, il y a une unification de la taxe foncière qui permettra une normalisation, une égalisation et éventuellement une disparition. Mais ceci n'est pas prévu dans le projet de loi. Ce sont des projets qui ne peuvent pas se réaliser à court terme, les impôts fonciers au Québec pour fins scolaires représentant près de $450 millions.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, en réponse au ministre, je voudrais faire un commentaire. Le financement de nos commissions scolaires actuellement, comme celui de nos hôpitaux et de nos agences de bien-être social, se fait selon un système qui exige de l'organisme en question la soumission d'un budget. Les dépenses admissibles sont approuvées et la contribution du gouvernement est faite selon cette appréciation du budget et cette approbation. Mais si, à un moment donné, une contribution volontaire est faite par un organisme autre, le budget, en ce qui concerne le gouvernement, est réduit d'autant.

M. CARDINAL: Je vais être très précis. Que l'on prenne la Loi de l'instruction publique ou le projet de loi 56 sur les institutions privées, la règle est la même. Dans le cas des commissions

scolaires, il y a deux sortes de subventions: les subventions de fonctionnement, qui ne tiennent pas compte du tout du budget, qui sont suivant des normes, des per capita, etc., qui sont automatiques et les subventions d'équilibre budgétaire qui, évidemment, tiennent compte de la richesse. C'est vrai pour ce point-là. Quant au bill 56, l'Etat finance à 60 p.c. ou à 80 p.c. et permet à l'institution de demander la différence, soit 30 p.c. ou 50 p.c. si vous voulez, aux individus; il ne défend pas les subventions privées. Que ce soit en vertu du bill 56, en vertu de la Loi de l'instruction publique ou en vertu du bill 63, rien n'interdit donc la subvention privée. Cependant, pour la subvention d'équilibre budgétaire, que ce soit pour une commission scolaire ou pour les universités où c'est, mutatis mutandis, le même système, il y a là un effet, vous avez raison, nous en avons déjà discuté. .

M. GOLDBLOOM: Il me semble important, M. le Président, de tenir compte du fait que si tout va bien dans un tel système, la qualité de l'éducation et la qualité des services étant bonnes partout, on peut accepter que les contributions privées ne soient pas nécessaires. Mais, à un moment donné, si ça ne va pas tellement bien — et rien ne nous permet d'être certains que tout ira toujours bien — il y aura peut-être lieu de permettre qu'à certains endroits où les gens sont plus fortunés, ils fassent une certaine contribution à leur école. Ceci permettrait peut-être au gouvernement d'accorder des subventions spéciales à d'autres écoles défavorisées au lieu d'être obligé de répandre ce montant parmi toutes les écoles en question. C'est une question qui est assez délicate et je prends l'occasion de cette opinion exprimée par le Montreal Teachers' Association pour en parler.

M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. TETLEY: M. le Président, le ministre a parlé du bill 56. Vous défendez le droit des parents de payer, je crois que c'est...

M. CARDINAL: Cela dépend des niveaux. C'est-à-dire que si l'on prend les institutions considérées d'intérêt public, les parents peuvent payer jusqu'à 30 p.c. du niveau équivalent dans le secteur public. Ceci comme "tuition fees", si vous voulez, comme frais de scolarité. Rien n'empêche un individu ou une organisation de faire, par testament, par donation ou autrement, des dons à des institutions privées. Ceci se fait présentement, d'ailleurs, ceci existe.

M. TETLEY: Je crois que cette distinction que vous faites est très drôle...

M. CARDINAL: Comment est-elle drôle? Il y a une différence entre ce qui est volontaire et ce qui est exigé.

M. TETLEY: Parce que si jamais je veux donner de l'argent...

M. CARDINAL: ... si vous vivez aussi.

M. TETLEY: Oui, si je suis parent et que je veux donner, pas $20,000, que je n'ai pas, mais $300 pour mon fils, je n'ai aucun droit...

M. CARDINAL: Vous avez le droit, mais le collège n'a pas le droit de vous réclamer ce montant-là. C'est très différent, je ne voudrais pas que l'on confonde. C'est l'obligation pour l'institution de ne pas exiger plus. Ce n'est pas la défense de donner pour ceux qui voudraient donner.

M. TETLEY: En tout cas, vous défendez les riches, mais...

M. CARDINAL: Moi, je défends les riches? Où avez-vous pris cela?

M. TETLEY: Les institutions qui ont, depuis des années peut-être, reçu de l'argent...

M. CARDINAL: Est-ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas voté pour le bill? Non, il n'était pas député à ce moment-là.

M. TETLEY: Pardon?

M. CARDINAL: On pourrait dévier, mais les institutions qui seraient riches ne sont pas obligées de demander à tomber sous le coup du bill 56; ainsi, par exemple, The Lower Canada College n'a pas demandé à bénéficier du bill 56. Il n'est pas obligatoire.

M. TETLEY: Non, pour des raisons... C'est un sujet que je vais soulever plus tard.

M. CARDINAL: On en aura l'occasion lors des crédits.

M. TETLEY: Parfait. J'ai une question pour M. Peacock, page 5, droits syndicaux. You do not wish really to have the CEQ negociate for you, I gather, I understand it and I appreciate it. I think you should give more reasons why you wish to do your own negotiating? Pourriez-vous nous donner immédiatement ces raisons?

M. PEACOCK: Vous soulevez un autre problème. Je parlais seulement des droits syndicaux, c'est-à-dire la définition du syndicat, au terme de son employeur, mais aussi des corporations. Alors, deux des corporations, le PAPT et le PACT, ont des chartes sur une base confessionnelle. Si les écoles confessionnelles,

comme telles, disparaissent, les enseignants vont se trouver dans la CEQ. C'est une autre question. Mais, pour répondre directement à votre question, je n'ai pas dit que je ne voulais pas que la CEQ négocie pour nous. J'ai dit... Vous savez, c'est très compliqué, cette histoire de bill 25 et le code de travail. D'un côté, nous avons des certificats qui nous donnent le droit de négocier et nous ne négocions pas. De l'autre côté, la CEQ, le PAPT et la PACT n'ont pas de certificat qui leur donne le droit de négocier et ils négocient. C'est très logique. C'est latin. Nous ne voulons plus cela. Nous voulons des négociations par région, par zone, dans un cadre établi au niveau provincial. Ce n'est pas dans mon mémoire, mais, puisque vous m'avez posé la question, je vous réponds. Autrement, il y a des certificats invalides, qui ne veulent rien dire. Le code de travail devient vaste. Nous nous sommes battus pour obtenir notre droit de négocier une convention collective, nous étions en plein en train de négocier, notre première convention collective et le bill 25 nous en a empêchés, parce qu'on savait que les protestants agissaient différemment de vous. Depuis ce temps, je tiens un certificat sans pouvoir exercer les droits attachés normalement à ce certificat. C'est une autre question, mais c'est cela.

M. CARDINAL: Il y aura tantôt une autre loi qui s'occupera strictement des négociations et qui est nécessitée par la fin de l'application du bill 25.

M. PEACOCK: J'espère qu'avant de présenter cette loi, vous allez au moins consulter les enseignants; vous n'êtes pas lié par nos idées, mais quand même... Cela va de même pour les prévisions transitoires du bill 62; vous ne mentionnez pas les enseignants dans vos prévisions transitoires. Nous sommes ici 21,000 enseignants, qui veulent être écoutés.

M. CARDINAL: Nous vous écoutons. Mais, si vous permettez, au sujet du bill 25, attention. Je ne fais pas de promesses, comme ministre de l'Education, parce que, pour ce bill qui viendrait remplacer le bill 25, il y aurait une question importante qui va se poser. Est-ce que ce sera une loi qui émanera, comme parrain, du ministre de la Fonction publique ou du ministère de l'Education? Une chose est certaine, c'est que — mon intention a été dite souvent — dans ces domaines, c'est de consulter, d'aller devant une commission, de rencontrer les gens; ce n'est pas une loi qui va jaillir soudainement au cours de la session pour régler le cas à la dernière minute, c'est trop important.

M. PEACOCK: Mais — pour parler du bill 62 — est-ce que vous pourriez, par exemple, impliquer formellement dans les dispositions de votre projet de loi, dans le processus de consultation, avant 1971, les enseignants sur l'île de Montréal?

M. CARDINAL: C'est possible, M. le Président, je ne le nie pas. La difficulté...

M. PEACOCK: Est-ce que vous allez le faire?

M. CARDINAL: Je l'espère.

M. PEACOCK: Qu'est-ce qui vous en empêche?

M. CARDINAL: Il n'y a rien qui m'en empêche, mais je suis très candide, au sens, si vous voulez, anglais ou latin du mot, en vous disant que les positions du gouvernement, je les indiquerai après avoir entendu les diverses opinions. Votre mémoire sur ce sujet, comme le mémoire de l'Alliance des professeurs sur ce sujet, n'exprime pas la même opinion que celui de la CECM, par exemple. Il faut écouter...

M. PEACOCK: J'espère.

M. CARDINAL: Vous en êtes sûr vous-même. Alors je préfère ne pas faire de promesse et laisser la porte ouverte à des possibilités, et j'exprimerai ces opinions dès la fin des travaux de la commission avant que nous ne retournions en deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions, M. Peacock, M. Bernstein, M. Myett.

M. PEACOCK: M. le Président, est-ce que je pourrais déposer ici, en appendice à notre mémoire, des résolutions sur l'enseignement de la langue seconde? C'est en anglais, mais c'est à titre d'appendice, quoi, à notre mémoire.

M. LE PRESIDENT: Comme appendice, oui. Très bien.

Maintenant l'Association des enseignants du Lakeshore. M. Jean-Edouard Juras.

M. DAOUST: M. le Président, M. Cardinal, Mme Casgrain, membres de cette commission, madame, messieurs.

Mon nom est David Daoust, membre de l'exécutif de la Lakeshore Teachers' Association, l'Association des enseignants du Lakeshore. Mes collègues sont messieurs John Juras, vice-président de l'Association et M. Allen Seddon, membre de l'exécutif.

Mes premiers mots seront pour vous remercier de nous avoir accordé du temps pour présenter notre opinion sur un projet d'une si grande importance, le projet de loi 62. La LTA est l'une des associations les plus récemment reconnues de la région de Montréal. Fondée en février 1968 pour remplacer la "Lakeshore Association of Protestant Teachers", la LTA est

la première unité syndicale à représenter les enseignants protestants de langue anglaise du Lakeshore. Actuellement, la LTA, comme unité de négociation, représente 792 enseignants, et peut se considérer comme l'une des voix les plus représentatives dans le domaine de l'éducation.

L'exécutif des enseignants a consulté tous ses membres sur le projet de loi 62 avant de se présenter devant cette commission. Le projet de loi, je vous assure, a fait l'objet d'une longue et laborieuse étude.

En bref, l'Association des enseignants considère le projet de loi inacceptable dans son ensemble, même si elle accepte certaines dispositions comme les principes du mode de financement, le système à trois paliers, et la participation des parents dans l'enseignement au niveau des comités d'écoles, et aussi les garanties confessionnelles.

J'aimerais, à ce moment-ci, passer le micro à mon collègue, M. Seddon, qui nous énumérera quatre de nos réglementations que nous croyons les plus importantes.

M. SEDDON: M. le ministre, messieurs les membres de la commission, voici les recommandations de notre mémoire que nous trouvons les plus importantes: 1. Que le gouvernement accepte la recommandation de la Commission Pagé sur la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal, soit neuf (9) commissions scolaires de langue française et quatre (4) de langue anglaise. 2. Que les commissions scolaires protestantes de langue anglaise de Dorion, de Hudson et de l'île Perrot soient intégrées aux structures de la commission scolaire régionale de langue anglaise la plus à l'ouest de l'île de Montréal. 3. Que l'existence des unités syndicales des enseignants de langue anglaise soit garantie et que le gouvernement garantisse aux éducateurs, par des amendements aux chartes de la C.E.Q. du P.A.P.T. et du P.A.C.T. le droit d'adhérer automatiquement à la corporation de leur choix ou d'en démissionner.

Mon collègue donnera quelques explications sur ce point.

M. DAOUST: Je crois qu'il nous reste une demi-heure, M. le Président. Pour mieux profiter du temps de cette commission, et ne pas réitérer des voeux déjà soumis ici par d'autres organismes, nous voulons présenter notre point de vue sur quatre grands principes de notre mémoire.

Premièrement, la LTA s'oppose avec véhémence à l'unification des onze commissions scolaires sur l'île de Montréal. A la place, il propose neuf commissions régionales de langue française et quatre de langue anglaise qui obéiraient aux normes définies par le rapport Pagé à propos du bilinguisme.

Nous ne sommes pas les seuls à désirer l'établissement de commissions séparées selon la langue. Le Montreal Star du 23 avril 1968 rapportait que l'honorable Marcel Masse, ministre des Affaires intergouvernementales, appuyait la division du système éducationnel suivant les normes linguistiques plutôt que selon celles de la confessionnalité. "Nous nous acheminons de plus en plus vers un système divisé, basé sur la langue, " disait M. Masse.

La nomination de quelques membres de langue anglaise dans une structure unifiée n'a aucune signification, car il n'y aurait pas de protection adéquate des droits de la minorité. Les commissions unifiées sont une sauvegarde pour la survivance et le développement de la culture française. Mais qu'en est-il de la minorité? Il est ironique de noter que, pendant que les Canadiens français du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Manitoba, pour ne mentionner que ceux-ci, prennent en charge le contrôle de leur système d'éducation, les Canadiens de langue anglaise au Québec perdent le leur avec le projet de loi 62.

La fusion des deux systèmes serait un désastre à la lumière du courant politique et du climat social qu'il y a actuellement dans la province. Nous nous interrogeons sur le véritable but du projet de loi 62. Est-ce un moyen de nous diviser, nous les Anglo-Canadiens, en vue de nous dominer plus facilement ensuite? A-t-il pour objet de nous forcer à quitter la province? Constituant une minorité au Québec, devons-nous nous soumettre à la nécessité de la protection de nos droits par des commissions scolaires unifiées? L'histoire est pleine d'exemples où les besoins d'une majorité ont pris le dessus sur ceux de la minorité.

Au Québec, certains politiciens et manifestants se plaignent du fait que seule la culture française importe. Si le projet de loi 62 est voté dans sa forme présente, qu'adviendra-t-il de la culture de la minorité? Les Canadiens de langue française comprendront certainement la raison de notre inquiétude, car ils luttent pour la conservation de leur culture depuis deux siècles. Indéniablement, ils ne doivent pas nous nier un contrôle adéquat de nos structures éducationnelles et de notre système en général.

Un autre point: la LTA suggère fortement que les écoles anglo-protestantes actuelles de Dorion, de Hudson et de l'île Perrot soient admises dans les structures de la commission scolaire régionale la plus à l'ouest. Ces régions ont des liens avec le "Lakeshore Regional School Board" et l'Association des enseignants du Lakeshore (LTA) depuis des années. Toute cette région est intimement liée, au point de vue culturel, économique et social, à l'île de Montréal. Placés dans la commission régionale

catholique unifiée de Vaudreuil-Soulanges, les anglophones disposeront d'une voix faible à cause du groupe culturel dominant de langue française. Rattachées à l'île de Montréal, Dorion, Hudson et l'île Perrot continueraient à jouir d'une grande gamme de services. Elles auraient alors l'espoir de maintenir leur présent système d'éducation.

Aussi, il nous semble logique d'inclure les catholiques de langue anglaise dans la même structure administrative. La LTA s'oppose avec véhémence à toute tentative tendant à nier l'existence des unités syndicales des enseignants anglophones ou à les priver du droit de libre association. L'article 3 du code du travail nous donne droit d'appartenir à l'unité de négociation de notre choix. Avec l'unification des commissions scolaires, ce droit perd toute sa signification, puisque nous constituons la minorité.

Nous déplorons la possibilité d'absorption de nos enseignants de neufs régions scolaires dans les unités syndicales et locales de la Corporation des enseignants du Québec. Nous sympathisons également avec la minorité francophone des commissions 2 et 10. Nous déplorons cependant l'effet d'être catapultés dans une sorte de fédération mégalithique à l'échelle de toute l'île qui comprendra 4,000 enseignants protestants de langue anglaise, 3,000 catholiques de langue anglaise et 14,000 catholiques de langue française.

Nous tenons à diriger notre propre organisation comme nous l'entendons. Nous nous refusons à l'idée d'être absorbés par la Corporation des enseignants du Québec pour plusieurs raisons. La Corporation des enseignants du Québec a une philosophie éducationnelle différente de la nôtre et ses services en anglais sont réduits au minimum. De plus, la Corporation des enseignants du Québec a, par le passé, été mêlée à la politique et a appuyé officiellement une politique d'unilinguisme.

Si nous devions nous trouver comme minorité au sein d'une association unifiée d'enseignants, nous ne pourrions que prévoir des démissions en masse de la corporation, de ses syndicats et de la fédération. Il en résulterait un fort affaiblissement du moral de l'enseignant, un exode d'enseignants qualifiés de la province ainsi qu'un désordre interne qui amènerait l'arrêt d'un important segment du système éducationnel.

Ainsi, la LTA préconise fortement la reconnaissance des commissions régionales de langue anglaise ainsi que de langue française comme employeur légitime des enseignants et du personnel administratif. De cette manière, les enseignants de langue anglaise auront le droit, d'après le code du travail, d'instituer des unités syndicales de langue anglaise.

La LTA croit à la sauvegarde de son organisation mère, la Provincial Association of Protestant Teachers. En tant que la plus vieille association d'enseignants au Québec, fondée en 1864, elle continue d'être à l'avant-garde de l'éducation non seulement au Québec, mais aussi à travers le pays. Le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour voir à ce que tous les éducateurs de langue anglaise, s'ils le désirent, appartiennent à la PAPT ou à son successeur de langue anglaise.

Si les parents optaient pour les écoles neutres — il semble bien que ce soit le cas pour plusieurs parents protestants — tous les enseignants de ces écoles neutres deviendraient automatiquement membres de la Corporation des enseignants du Québec.

Suivant un amendement de 1967 au bill privé 114, de la charte de la corporation, pour empêcher une baisse de peut-être plusieurs milliers d'enseignants et la disparition de la PAPT, la LTA recommande des amendements par le gouvernement aux chartes de la CEQ, du PAPT et du Provincial Association of Catholic Teachers. Ces amendements devraient garantir l'éligibilité automatique de tous les éducateurs à la corporation de leur choix, avec le droit de démissionner de cet organisme.

En conclusion, sur la base des arguments présentés dans ce document — vous l'avez ici, je crois — nous maintenons que la qualité de l'éducation peut être réalisée grâce à un système qui préconiserait des commissions scolaires régionales de langue française et de langue anglaise. De plus, elles garantiraient la survivance de la minorité anglaise au Québec et assureraient aux parents une voix effective en ce qui a trait à l'éducation dans la langue de leur choix.

M. LE PRESIDENT: Merci. Le ministre de l'Education.

M. CARDINAL: Vous affirmez qu'en Ontario il se développe des commissions scolaires françaises, je connais très bien Bill Davis et j'ai souvent discuté avec lui des problèmes des commissions scolaires séparées. A ma connaissance, en Ontario, il y a des écoles françaises, mais il n'y a pas de structure qui s'appelle commission scolaire française. Ceci, je veux le dire très clairement. On pourra vérifier le fait; cela n'existe pas.

On pourrait faire un relevé des provinces du Canada où il y a des commissions scolaires de langue française. On n'en trouverait probablement pas.

Il y a des écoles françaises, il y a des "Separate School Boards" pour des fins confessionnelles, mais il ne faut pas mélanger l'école et la structure. Cet argument, il faut bien le préciser.

J'admets, d'autre part, que le cas du Lake-shore est un cas particulier. Son territoire dépasse celui de l'île de Montréal, s'étend à l'île Perrot, s'étend à la région de Dorion-Vaudreuil. Nous avons hésité longtemps avant d'inclure l'île Perrot dans cette restructuration. J'ai mê-

me indiqué devant cette commission que ceci faisait l'objet d'une étude particulière, présentement, au ministère de l'Education. Je peux ajouter une chose — je pense qu'il ne sera pas mal à l'aise si je le fais — le sous-ministre Dickson a été un de ceux qui ont travaillé à la création du Lakeshore School Board et des commissions scolaires du Lakeshore; il n'est certainement pas quelqu'un qui, au ministère, est prêt à les démembrer, et nous en avons discuté ensemble. Alors, il est évident que ceci est, dans la restructuration, un cas particulier; c'est le seul cas que je connaisse où le territoire de la régionale s'étend en dehors du territoire métropolitain prévu par le projet de loi 62.

Ma dernière remarque: C'est bien votre droit de vous élever, je prends vos mots, avec véhémence — je ne sais pas si le mot a le même sens en français qu'en anglais, je le vérifierai — contre le projet de loi 62; c'est un droit qui vous est reconnu. C'est pourquoi nous avons été heureux de vous entendre et nous vous remercions.

M. BIENVENUE: M. Daoust, même s'il y a confusion quant aux termes "commission scolaire" ou "école" dans les provinces dont vous avez parlé, ai-je bien compris que votre idée était que dans ces provinces que vous avez nommées, peu importe le terme "école" ou "commission scolaire", les minorités faisaient des gains appréciables, que la tendance était à des gains des minorités françaises actuellement, par opposition à il y a plusieurs années?

M. DAOUST: C'est ça.

M. BIENVENUE: C'est ça que vous vouliez dire. En d'autres termes, vous dites: Il est ridicule de reculer ici, si on avance ailleurs.

M. DAOUST: C'est ça.

M. CARDIANL: Ne mêlons pas les deux, il y a une différence entre les structures et les écoles.

M. BIENVENUE: Oui, oui, j'ai bien souligné la confusion quant aux termes ou la différence, mais l'idée maîtresse que vous voulez dégager, c'est qu'il y a progrès là-bas pour la minorité française.

M. DAOUST: Et pas de progrès ici.

M. BOUSQUET: Vous ditez dans votre mémoire: Certainement les Canadiens français de langue anglaise doivent comprendre la raison de notre inquiétude. Eh bien, moi, je considère qu'elle est incompréhensible. Vous avez peur, de perdre votre langue, alors que vous êtes sur un continent où il y a 250 millions d'Anglo-Saxons. Vous n'arrivez pas à comprendre, en fait, que les Canadiens français qui représentent une petite minorité, une infime minorité, veuillent se protéger. Bien, je trouve absolument incompréhensible cette peur. Peut-être avez-vous raison, mais je la trouve absolument incompréhensible. Tous les jours, on constate les progrès que fait l'anglais au Québec; ça crève les yeux, le français est en train d'agoniser au Québec, et vous avez peur de perdre l'anglais. Je ne comprends rien là-dessus.

M. DAOUST: De perdre l'anglais au Québec, monsieur.

M. BOUSQUET: Oui, oui, au Québec. Je ne le crois pas. Visitez la rue Sainte-Catherine — je vous donne un exemple — à Montréal. Qu'est-ce que vous diriez, par exemple, si vous alliez à Paris et si vous voyiez que les affiches en langue allemande étaient dans une proportion aussi grande que les affiches en langue anglaise dans la ville de Montréal? Vous diriez: Le français est en train de disparaître, ça crève les yeux. Je ne comprends pas votre attitude.

M. LAFRANCE: Le député de Saint-Hyacinthe est trop à Paris et pas assez au Québec.

M. DAOUST: Cela dépend du quartier.

M. BOUSQUET: Je fais des comparaisons et les comparaisons, tout le monde reconnaît que les comparaisons aident à comprendre les situations. Je ne suis pas à Richmond non plus.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. Daoust, pourrais-je vous demander d'apporter des précisions à vos recommandations numéros 6 et 9? Vous préconisez des garanties quant à l'existence d'unités syndicales d'enseignants de langue anglaise de façon générale, et ensuite, à la recommandation 9, vous parlez plus spécifiquement de la CEQ., de la PAPT. et de la PACT. Est-ce que vous tenez absolument au maintien de ces organismes dans leur forme actuelle, ou est-ce que vous pourriez envisager la création d'unités plus larges de négociation pour tous les enseignants de langue anglaise, comprenant également ceux qui, de langue anglaise, enseigneraient l'anglais et enseigneraient en anglais dans les écoles de langue française?

M. SEDDON: Je crois que la position de la PAPT est, depuis plusieurs années, de s'acheminer vers une association provinciale qui serait une association de langue anglaise. Dans le moment, nous avons un comité qui travaille avec la Provincial Association of Catholic Teachers pour atteindre ce but. Nous aimerions avoir une association pour représenter tous les professeurs de langue anglaise au Québec, mais cette association, soit la PAPT telle quelle ou la

nouvelle association, ne pourra pas exister sans l'appui des professeurs de langue anglaise de l'île de Montréal, parce que c'est à Montréal qu'ils sont le plus nombreux, soit à peu près 7,000, tandis que, dans le reste de la province, il n'y en a peut-être que 2,000 à peine. Alors, l'association provinciale ne peut pas exister si on enlève la section des professeurs de Montréal.

M. GOLDBLOOM: Merci. J'ai une deuxième question à vous poser. Ah! excusez-moi, est-ce que vous auriez voulu ajouter quelque chose à votre réponse?

M. DAOUST: Rien.

M. PEARSON: Juste un tout petit détail. Est-ce que vous pensez que les membres de la PACT — Provincial Association of Catholic Teachers — sont également désireux de se regrouper ou s'ils préfèrent demeurer indépendants?

M. SEDDON: Je ne suis pas ici pour parler au nom de cette organisation qui est une organisation catholique, mais je crois qu'il est vrai que cette organisation n'envisage pas de se grouper en une association anglaise. De même, je pense que cette association vient de se déclarer en faveur de la division, dans l'éducation, sur une base linguistique. Alors, de ce point-là, on pourrait avoir éventuellement une association de professeurs aussi.

M. PEARSON: Votre association désire un seul groupement. Mais, jusqu'à ce jour, est-ce qu'il y a eu des rencontres, des négociations avec l'autre groupe?

M. SEDDON: Il y en a qui se produisent maintenant.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, ma deuxième question est double et délicate. A la page 10 de votre mémoire, vous proposez des raisons d'ordre linguistique pour le maintien de commissions scolaires séparées selon la langue. Et vous dites, au milieu de la page: "Il y a le grave danger qu'au moins neuf commissions scolaires, dominées par des partisans de l'unilinguisme, pourraient imposer leur volonté" et, en imposant cette volonté, brimer les droits des enfants de langue anglaise de ces commissions scolaires.

Je suis obligé de vous demander pourquoi vous dites "neuf commissions scolaires". Est-ce que vous êtes convaincus que, dans les deux autres, il n'y a aucune possibilité que des unilinguistes prennent le pouvoir et briment les droits des enfants francophones? Sinon, ne pensez-vous pas qu'un jour nous pourrions choisir les commissaires d'école selon leur compétence et leurs connaissances, sans tenir compte de leur langue et, ainsi, leur faire confiance pour le respect des droits de tous les enfants?

M. SEDDON: Je crois que l'argument que vous avez présenté répond à votre première question. Dans les deux secteurs où la majorité sera de langue anglaise, soit le Lakeshore et la région 2, je ne crois pas que les anglophones soient de philosophie unilinguiste. Au contraire, ils verront à la protection de la minorité francophone. Il y a des régions de Montréal, comme on le sait, où des gens ont pris le contrôle des commissions scolaires et empêchent maintenant les élèves de langue anglaise d'avoir une éducation.

M. CARDINAL: Pardon, il y en a combien?

M. SEDDON: Il y a la région de Saint-Léonard.

M. CARDINAL: Pardon, c'est une commission scolaire d'un mille carré. Ce n'est pas une région. Deuxièmement, le bill 63 règle ça définitivement, ne l'oublions pas. En vertu du bill 63, article 2, les commissions scolaires sont obligées de donner l'enseignement en français aux anglais...

M. SEDDON: Oui, M. le ministre. Nous admettons ça. Mais, de quelle qualité sera cette éducation s'il n'y a pas, dans cette région, une structure de langue anglaise pour pourvoir à sa sauvegarde?

M. CARDINAL: C'est là la question; c'est là où nous ne nous entendons pas. D'après moi, ce ne sont pas les structures qui rendent français, qui rendent anglais, qui rendent catholique, qui rendent juif, qui rendent protestant. C'est, au contraire, la conviction des gens. Voici des raisonnements qu'on a entendus durant une partie de l'après-midi. Vous dites à la page 10 que vous n'avez pas une grande confiance dans la démocratie si la majorité est de langue française. Je m'excuse d'être aussi brutal, mais c'est écrit dans le mémoire, pas seulement à la page 10, mais en plusieurs endroits.

C'est une accusation, ou enfin une supposition ou une hypothèse, qui me paraît assez grave, parce que, si vous regardez l'Assemblée nationale, dont les membres ou les députés sont élus dans 108 circonscriptions, aux dernières élections, il n'y a pas eu une seule circonscription où il y a eu un député unilingue d'élu. S'il y en a un maintenant, c'est parce qu'ia changé de parti; je ne pense pas et je ne crois pas que les gens de l'autre côté de la table le pensent non plus, que des gens sérieux au Québec s'imaginent qu'aux prochaines élections, le gouvernement du Québec sera dirigé par 20, 50 ou 100 députés unilingues. C'est la démocratie entière qui joue et c'est une majorité de langue française qui élit les membres du Parlement.

Je ne vois pas pourquoi ce serait différent à Montréal, si on fait jouer le jeu de la démocratie. Cela me paraît une crainte que vous manifestez, mais elle ne me parait pas fondée

sur des faits. Je l'ai dit et je le répète, il y a eu un Saint-Léonard, dans un cas, en cent et quelques années. Si ce que vous dites est vrai, il y en aurait eu cent cas par année pendant cent ans. Je pense qu'au Québec, jamais les Canadiens français n'ont brimé les droits des minorités; au contraire, il est assez singulier de constater que, devant cette commission, beaucoup d'anglophones défendent leur système qu'ils considèrent meilleur. Par conséquent, si on leur a laissé la possibilité d'instaurer un système meilleur, je ne vois pas que le bill 62 vienne demain changer la mentalité des gens. J'ai déjà dit que c'étaient les mêmes parents, avec les mêmes enfants, les mêmes enseignants, dans les mêmes bâtisses.

Il ne faut pas supposer le pire. Si nous supposions le pire, nous, du Québec, devrions être fort inquiets d'être en minorité au sein de la Confédération canadienne.

M. BOUSQUET: Moi, je trouve assez curieux que vous demandiez à une majorité française au niveau provincial de vous protéger d'une majorité française au niveau local. Je ne comprends pas votre raisonnement.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Fonction publique a-t-il quelque chose à demander?

M. COURNOYER: Disons que j'avais lu le texte des raisons d'ordre linguistique, que je le lisais en français et qu'après l'avoir tout lu en anglais, il n'avait pas la même connotation.

M. CARDINAL: C'est ce que j'ai mentionné tantôt. Vous avez présenté une traduction française, pour être parfaitement objectifs. Vous avez bien fait de présenter un mémoire dans les deux langues, mais je pense qu'il y a peut-être des corrections de traduction à faire et ce sont des choses qui arrivent.

M. COURNOYER: Le nombre neuf ici m'étonne, parce que la même affirmation peut se faire facilement dans le nombre de commissions scolaires sur le territoire sans qualifier d'unilingues les francophones ou les anglophones. Ce sont des unilingues, dès que l'on parle que de la possibilité qu'il y ait des unilingue.

On ne parle que de la possibilité qu'il y ait des unilinguistes francophones dans notre commission scolaire. Il peut fort bien arriver qu'il y ait des unilinguistes anglophones dans les autres commissions scolaires qui briment les droits des petits Canadiens français aussi dans les autres commissions scolaires. Je pense que c'est un commentaire d'une généralité telle qu'il aurait pu être plus précis en parlant des deux possibilités.

M. SEDDON: Si je peux ajouter encore un mot, je crois que M. le ministre a dit la même chose l'autre jour. Nous savons que dans les élections scolaires, il n'y a qu'une très petite partie, généralement, de tous les électeurs qui votent, tandis que dans les élections provinciales, la plupart des gens qui sont aptes à voter le font.

M. CARDINAL: Oui, mais il y a deux réponses. Il y a la réponse du député de D'Arcy-McGee, c'est la faute à qui? Deuxièmement, si les anglophones sont tellement inquiets, ils vont voter. Alors,...

M. SEDDON: Vous avez raison.

M. BOUSQUET: Le pourcentage de votes au niveau municipal est toujours beaucoup moins élevé qu'au niveau provincial. C'est le cas à Montréal, en particulier, et je ne crois pas que l'on puisse dire que l'administration Drapeau n'a pas été élue démocratiquement.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je voudrais simplement ajouter ce commentaire. Je n'ignore pas l'histoire des récentes années, mais je ne voudrais pas que nous appliquions à quelques commissions scolaires seulement des principes ou des suppositions qui ne pourraient pas s'appliquer à toutes les commissions scolaires envisagées par le bill 62 ou par ceux qui présentent des mémoires ici.

M. LE PRESIDENT: Alors, la question est vidée?

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, si vous permettez, il faut tout de même admettre que, dans la province de Québec, les citoyens de langue anglaise ont toujours joui d'une grande liberté d'action et qu'ils ont conservé exclusivement la responsabilité d'établir leur programme, d'engager leurs professeurs et qu'ils ont toujours eu traditionnellement une maîtrise absolue de leur système d'éducation.

M. CARDINAL: Depuis la création du ministère, les programmes viennent du ministère.

M. SAINT-GERMAIN: Nous avons été, dans la province de Québec, je crois, traditionnellement à la pointe de flèche des libertés en éducation. A ce point de vue, nous n'avons pas à avoir de complexes, si l'on compare les libertés traditionnelles du Québec, dans le domaine de l'éducation, à celles des autres provinces. Et voilà que par le bill 62 on remet, si vous voulez, le système d'éducation des gens de langue anglaise sous une autorité accrue des gens de langue française, parce qu'il faut tout de même admettre que le ministère, dans le Québec, sera, du moins pendant encore de très nombreuses années, sous la juridiction des gens de langue française.

Que les gens de langue anglaise viennent ici nous faire part de leur inquiétude, il n'y a rien

de surprenant. Il ne faudrait certainement pas s'attendre qu'ils viennent ici pour nous remercier de mettre de plus en plus le nez dans leurs affaires.

M. CARDINAL: M. le Président, je remercie ceux qui nous ont présenté un mémoire cet après-midi. Si nous sommes d'accord, nous reprendrons nos travaux à la fin de la période de questions en Chambre, le mercredi 4 mars vers quatre heures de l'après-midi.

M. LE PRESIDENT: Je tiens à informer les membres de la commission que nous convoquerons, cette journée-là, la CECM ainsi qu'un groupe de cultivateurs-propriétaires de Saint-Laurent, de Pierrefonds, de Sainte-Geneviève et de la paroisse de l'Ile-Bizard.

(Fin de la séance 17 h 29)

ANNEXE

Mémoire au Comité de l'éducation de l'Assemblée Nationale au sujet du projet

de loi 62 tel que soumis par

MONTREAL TEACHERS ASSOCIATION Préambule

La Montreal Teachers Association est le syndicat qui représente les 3,000 enseignants à l'emploi du Protestant School Board of Greater Montreal. Dans notre mémoire au comité parlementaire qui étudiait le projet de loi 85, nous avons indiqué notre intention de considérer cette nouvelle législation comme enseignants du Québec et non comme membres d'une minorité linguistique, cela, même si la plupart de nos membres sont anglophones. Qu'il devienne de plus en plus difficile de maintenir cette objectivité est en soi un commentaire sur le climat social de Montréal qui ne cesse de s'aggraver, climat qui ne saurait favoriser l'introduction d'une loi dont le but est d'intégrer deux communautés linguistiques et culturelles. Nous avons déjà pu observer dans les deux communautés la tendance à discuter toute législation en termes de vieilles attitudes raciales, en ignorant le plus souvent son véritable sens. Nous sommes essentiellement un groupe "anglais", donc, on s'attendra à ce que nous nous accrochions à nos privilèges et que nous demandions un "statut" particulier comme d'ailleurs on s'attendra à ce que les groupes français fassent état de "la survivance". Un poète a déjà bien illustré ce dialogue de sourds — "Comment pourrais-je entendre ce que vous dites quand ce que vous êtes éclate à mes oreilles." — Nous espérons donc que les membres de ce comité prêteront une oreille attentive à ce qui suit. Principaux Points du Projet de Loi 62

Selon nous, le projet de loi 62 comporte les principaux points suivants. 1. Une rationalisation des structures scolaires. Il abolit les quarante-deux commissions scolaires la C.E.C.M. et la P.S.B.G.M. d'une part, la commission catholique de Dorval et la commission scolaire catholique de St-Léonard, d'autre part) pour les remplacer par onze (11) commissions régionales de population étudiante à peu près égale. 2. Une coordination des services et une uniformisation des ressources. Il abolit le présent système de taxation (basé sur la confessionalité) et érige à l'échelle de l'île de Montréal un Conseil scolaire dont les fonctions seront a) de déterminer le taux de taxation b) d'approuver les budgets des commissions régionales c) de coordonner la planification scolaire sur l'ensemble du territoire montréalais. 3. Une démocratisation des structures scolaires. Il crée des comités d'écoles élus ayant le droit de veiller à la qualité de l'enseignement dans les écoles. De plus, ces comités devront composer un collège électoral chargé d'élire un tiers des commissaires, les autres deux-tiers étant élus par tous les citoyens de la région ayant 18 ans ou plus.

4. Une intégration des structures, il abolit les commissions scolaires dissidentes et place tout enseignement (catholique, protestant, non-confessionnel, français, anglais etc.) sous la responsabilité de commissions uniques, lesquelles seront sous la direction du Conseil scolaire de l'île de Montréal et du Ministère de l'éducation. Commentaires et Critique

En principe, nous de la M.T.A., sommes tout à fait d'accord avec les trois premiers points tels que mentionnés ci-haut. Bien plus, nous considérons que ces réformes se sont fait bien attendre et que l'incapacité du gouvernement de les appliquer, que ce soit à la suite des recommandations du rapport Parent où à la suite des conclusions de la commission Pagé semble démontrer que leur application actuelle est davantage une tentative en vue d'apaiser certains groupes impatients et frustrés de notre société. Le dialogue entre les communautés culturelles de notre société ne pouvant guère se faire aujourd'hui dans la modération, il est fort probable que les dispositions de ce projet de loi seront débattues dans un contexte teinté de racisme plutôt que sur leurs valeurs propres.

Bien que favorables aux principes des trois premiers éléments du projet nous tenons à souligner deux failles majeures dans les provisions telles que rédigées. 1. L'article 662 tel que présentement rédigé, nous est tout à fait inacceptable. Si, en effet, les membres du Conseil scolaire sont nommés par le gouvernement, ceux-ci dès lors ne sont pas responsables aux commissions scolaires et donc ne constituent qu'une succursale montréalaise du ministère de l'éducation.

Il nous apparaît comme fondamental que tout système d'éducation doive se fonder sur un dialogue, un échange d'idées et d'expérience qui se fasse dans les deux sens. La centralisation des services devrait augmenter l'efficacité opérationnelle de nos programmes scolaires sur l'île de Montréal.

La centralisation des pouvoirs cependant ne peut nous conduire que vers une trop grande rigidité et la bureaucratie. Nous proposons donc l'amendement suivant: "662. Le Conseil est composé de membres, nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre, après consultation avec les divers corps publics et éducatifs concernés de l'île de Montréal, dont membres sont choisis par les commissaires d'écoles des commissions scolaires de l'île de Montréal à raison d'un par commission." 2. De plus, dans les dispositions du projet tel que présentement rédigé, il y a ambiguïté quant à la définition de l'employeur légal des enseignants. Les articles 587, 660 et 681 de même que les dispositions transitoires 10, 13 et 14 s'éloignent des recommandations de la commission Pagé et tendent à faire du conseil scolaire de l'île de Montréal l'employeur. A cause des récentes négociations au niveau provincial, nous sommes déjà aux prises avec le problème de duplication des fonctions d'emploi (fonctions qu'assumait auparavant la commission locale). Nous ne saurions mieux faire ici que proposer un principe de démocratie syndicale, à savoir:

Qu'en autant qu'un minimum d'efficacité administrative soit maintenue, le palier de négociation doit demeurer aussi près que possible des membres du syndicat qui négocie.

Etant donné que l'intervention croissante de l'autorité provinciale et la création du Conseil scolaire de l'île de Montréal créeront une plus grande uniformité dans l'enseignement, il est plus que jamais essentiel que ceux qui emploient et ceux qui sont employés répondent à la volonté de leur communauté.

En conséquence, nous proposons que les articles mentionnés plus haut soient rédigés à nouveau de sorte qu'on puisse y lire clairement que l'employeur légal des enseignants est la commission scolaire (laquelle est élue). Nous proposons particulièrement la suppression complète de l'article 681 étant donné que les conditions d'emploi sont désormais établies à la table de négociations au niveau provincial. Enfin, nous recommandons que la disposition transitoire 14 soit amendée par la suppression des mots. ".......soit du Conseil soit........"

Droits Syndicaux

Nous en sommes maintenant au point qui intéresse au plus haut degré cette association: la survivance des associations d'enseignants de langue anglaise sur l'île de Montréal. Notre association se définit en fonction de son employeur. Si notre employeur doit disparaître et être remplacé par plusieurs commissions unifiées, nos droits d'association libre en tant que professeurs anglophones disparaîtront dans neuf des onze commissions et les droits de nos confrères de langue française disparaîtront dans deux de ces commissions.

Depuis plus de trois ans, nous collaborons activement avec nos collègues francophones de la région de Montréal. Nous avons accepté la responsabilité d'agir comme les "Québécois" plutôt que comme les "ontariens de l'est" et nous avons l'intention de continuer et, si possible, de renforcer cette unité. Nous ne sommes pas une bande de séparatistes anglais. Nous sommes une association volontaire de professeurs responsables qui contribuent du mieux qu'ils le peuvent, à l'éducation du Québec. L'outil essentiel de notre profession est la langue anglaise et nous souhaitons pouvoir continuer à penser et à vivre dans cette langue. Si tout cela est un privilège alors l'existence du Canada français est aussi un privilège.

En vertu de l'article 3 du Code du Travail, nous avons le droit d'appartenir à une association d'employés de notre choix. Nous avons choisi et nous choisissons encore d'appartenir à une association d'enseignants de langue anglaise. Si ce droit doit être reconnu alors les commissions de travail doivent posséder le pouvoir légal d'accorder, soit séparément, soit conjointement, des certificats d'accréditation aux différentes associations qui représentent les enseignants ayant le même employeur. Nous aimerions rappeler aux membres de ce comité que ce n'est pas par la législation qu'on va contraindre les gens à s'intégrer. Nous vous assurons que de notre propre volonté nous ferons notre devoir comme enseignant québécois. A ceux d'entre vous que nos propos ne sauraient convaincre, laissez-nous vous suggérer que la création d'une association, réunissant les quelques 20,000 enseignants de l'île de Montréal, pourrait bien être la sorte de structure unifiée que Québec un jour regrettera. La "Sur-centralisation"

Nous espérons que ce comité aura remarqué le thème central de notre présentation. Nous sommes venus ici plaider pour une éducation démocratique, pour des structures scolaires qui favorisent le développement de chaque enfant en nous permettant de nous adapter aux situations de notre milieu immédiat, cela, évidemment à l'intérieur d'un cadre suffisamment uniforme pour garantir l'efficacité administrative et la répartition équitable des ressources disponibles. Bien que nous, enseignants professionnels, acceptions le principe d'un contrôle central par le ministère de l'éducation, nous avons, souvent remarqué dans les faits que l'autorité centrale perd souvent contact avec les réalités quotidiennes de l'école. Au sein de notre commission scolaire nous avons par le passé souffert des désavantages de la "centralisation" et de structures hiérarchiques trop compliquées. Enfin, nous, professeurs, pouvons jouer un rôle important dans la préparation et l'application des programmes d'enseignement et la présente loi (62) permet également aux parents de prendre une part plus active dans le domaine de l'éducation grâce aux comités d'école et aux commissions élues: Ce serait vraiment tragique si tout ce bel effort de démocratisation se trouvait paralysé par la création d'une super-commission, créature du gouvernement et par la disparition au niveau des commissions des structures administratives pour chacune des deux cultures. Les membres de ce comité ne devront pas s'étonner, si la population néglige de se prévaloir de son droit de vote et ainsi abandonne tout le domaine de l'éducation aux bureaucrates, aux technocrates et autres administrateurs anonymes. Les membres de cette association appuient les recommandations de la commission Pagé (rapport majoritaire) qui recommande la création de neuf commissions francophones et de quatre commissions anglophones sur l'île de Montréal.

Nous le faisons parce que nous croyons qu'en vertu de la loi 60 le processus d'intégration est déjà en marche et qu'il sera accéléré par l'établissement du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Nous croyons qu'une intégration totale imposée aura pour effet de semer la discorde et la confusion dans les deux groupes culturels et détruira toute forme efficace de contrôle local sur la qualité de l'enseignement dans l'une ou l'autre des langues. Nous aimerions de plus vous faire remarquer que l'annulation de pénalités financières aux parents qui désirent envoyer leurs enfants dans une école d'une autre langue (et d'une autre confessionnalité) favorisera beaucoup le bilinguisme. Finalement, nous sommes convaincus que le ministre de l'éducation a maintenant suffisamment de pouvoirs dans l'établissement des programmes, pour garantir une instruction plus valable de la langue française dans nos écoles anglaises.

Les commissions de langue anglaise ne pourraient pas ainsi gêner l'application d'une politique scolaire même si elles le désiraient. Elles serviraient plutôt de "contre-poids" aux énormes pouvoirs de l'autorité centrale. Elles permettraient également un examen plus approfondi des innovations dans les programmes d'étude par les commissaires qui agiraient après consultation avec leurs corps professoral et administratif tout en tenant compte des désirs de la communauté.

A moins que l'intention de ce gouvernement ne soit d'éroder les droits linguistiques des anglophones au point où la minorité anglaise ne soit plus reconnaissable, l'existence des commissions anglophones ne pourra qu'accroître l'efficacité du fonctionnement de nos écoles. Ce que nous venons de dire s'applique aussi aux commissions francophones mais nous noterons toutefois que le conseil scolaire de l'île de Montréal sera en majorité française (comme c'est d'ailleurs le cas au ministère de l'éducation), ce qui signifie que l'intégration des commissions scolaires ne menacera pas la "survivance" de la majorité francophone.

Nous craignons que l'intégration des commissions ait un autre résultat indésirable notamment d'encourager les familles de langue anglaise des régions à majorité française à déménager dans les deux régions où le groupe anglophone sera en majorité. Cette polarisation ne fera qu'accroître l'esprit de "ghetto" qui a depuis trop longtemps caractérisé les diverses communautés de l'île de Montréal.

On nous répète depuis longtemps que nous devons apprendre à nous faire confiance mutuellement et que nous anglophones non-catholiques devons nous habituer à la vie québécoise. Nous sommes bien d'accord sur ces deux points et nous constatons que la CECM (commission dont les membres ne sont pas élus) a, par le passé, accordé une certaine autonomie à sa section anglaise. Pourtant, c'est précisément à cause de son attitude de tolérance envers la minorité anglophone, qu'on attaque de plus en plus la C.E.C.M. et nous constatons qu'il n'y a aucune disposition dans ce projet de loi qui garantisse le rôle d'administrateurs supérieurs en charge des programmes d'étude de langue anglaise tels qui existent au sein de la C.E.C.M. Nous ne pouvons simplement pas compter sur les bonnes intentions et sur la tolérance qui nous permettraient de maintenir notre identité culturelle. Si le peuple canadien-français ne s'était contenté que de cela, il serait depuis longtemps disparu dans un passé folklorique. Parce que nous sommes au beau milieu d'un continent anglophone nous ne risquons évidemment pas de disparaître puisque nous pouvons toujours quitter le Québec qui est aussi notre patrie et émigrer comme les Acadiens de jadis. Personne, nous espérons, n'ira proposer semblable solution à nos problèmes.

Nous vous proposons que les commissions anglophones et francophones pourront d'une manière plus efficace dispenser les trois types d'enseignement dans les deux langues; que treize (neuf francophones et quatre anglophones) structures administratives sont plus économiques que vingt deux (onze francophones et onze anglophones) et que la création des commissions unifiées ne peut se justifier que si le ministre a l'intention de faire disparaître dans l'avenir, un programme complet d'études anglophone. La Commission Royale sur le Bilinguisme et sur le Biculturalisme ne recommande des commissions unifiées que dans le cas ou un groupe linguistique est trop petit pour maintenir une commission viable sans créer une région géographiquement trop vaste. Ceci ne s'applique évidemment pas à la région de Montréal puisque les populations scolaires (de 5 à 16 ans) prévues en 1971 des quatre commissions anglophones telles que proposées par la Commission Pagé se situent entre 31,375 et 34,825 tandis que les populations de neufs commissions francophones varient de 27,025 à 43,752.

Messieurs, nos commissions scolaires protestantes ont servi la majorité de la population anglophone du Québec en leur procurant un programme scolaire complet pendant près de cent vingt ans. Le succès relatif des anglophones dans "les affaires" a permis aux commissions protestantes d'établir un système d'éducation plus coûteux qu'ailleurs et les exigences du monde des affaires ont contribué au façonnement d'un programme plus en accord avec les besoins d'une société commerciale et industrielle moderne. Même aujourd'hui, 70 p.c. des revenus du Protestant School Board of Greater Montreal proviennent de la perception de taxes locales. En acceptant le principe de la répartition équitable des ressources fiscales, nous acceptons du même coup, la fin d'une tradition solidement établie. Toutefois, nous noterons que le droit de "se taxer" davantage en vue d'améliorer l'éducation est un privilège dont bien des gens préféreraient se passer. C'est sûrement un drôle de privilège, cela.

Nous vous demandons d'accepter que la mise en commun des revenus en vue du bien général, de même que les énormes pouvoirs du ministère et du conseil scolaire, fournissent au Québec tous les outils nécessaires pour se façonner un système d'éducation coordonné, pouvant offrir des chances égales à tous nos enfants quels que soient leur origine ethnique, leur croyance ou état social. Nous vous prions de ne pas détruire complètement l'influence des communautés locales et des éducateurs dans les écoles en créant au dessus d'eux une lourde superstructure centralisatrice. Nous vous demandons de ne pas refuser à la

communauté anglophone un moyen de s'exprimer quant à la qualité et le fond de l'enseignement donné à nos propres enfants. L'éducation, ce n'est pas seulement la transmission d'information, c'est davantage un processus de croissance psychologique, émotive et intellectuelle à l'intérieur d'un milieu linguistique et culturel donné. Nous ne voulons aucunement dramatiser la présente situation mais nous demanderons à ce comité de se rappeler le message d'adieu de Monsieur Hamel à ses étudiants dans le conte inoubliable de Daudet: "La Dernière Classe. " " Tant qu'un peuple tient bien sa langue, c'est comme s'il tenait la clef de sa prison"

Nous sommes bien conscients que la possibilité de perdre votre propre langue vous fait souffrir: nous avons appuyé et continuerons d'appuyer toutes mesures légitimes qui visent à accorder la priorité au français au Québec. Nous avons déjà suggéré que des normes spéciales de dépenses soient adoptées afin de permettre à nos écoles (anglophones) de dispenser l'enseignement du français à des classes de douze à vingt élèves. Nous préconisons l'établissement d'un Institut de Linguistique dont la fonction principale serait de donner une formation aux enseignants dans des principes et les méthodes les plus modernes de l'enseignement d'une langue seconde.

A l'heure ou le reste du Canada commence à imiter votre longue tradition de tolérance envers les groupes minoritaires, nous vous demandons de ne pas supprimer nos commissions scolaires et nos structures locales qui sont si essentielles à la survivance denotre propre héritage culturel. décembre 15, 1969 D.R. Peacock

Président Montreal Teachers Association

APPENDIX Proposed MTA Motions for the Better French Committee

Whereas Article 203 of the Education Act as amended by Bill 63 places an obligation on school boards to provide, for students whose parents opt for English-language instruction, curricula which shall "ensure a working knowledge of the French language",

Whereas it is evident that children learn a second language more easily at an early age.

Whereas there is a need for our high school and senior elementary students to have intensive practice in French conversation based on the everyday life of French Canada,

Whereas the Provincial Entente between the teachers and their employers makes movements of teachers from board to board difficult,

Whereas the pupil/teacher ratios in the same Entente do not permit Boards to provide French instruction in groups of 15 or less except at the expense of other subject areas,

Whereas this is an urgent problem for parents wishing to ensure a reasonable level of bilingualism for their children in order to encourage their full participation in Quebec society,

Be it moved that: 1. the PSBGM take immediate steps to provide in 1970-71 kindergarten and Grade I classes in French across the system and to have such courses approved by the Ministry of Education

2. the PSBGM and the Ministry of Education consult together in order to provide paid "assistants français" at all levels to conduct intensive reinforcement classes in French teachers in the school, such "assistants" to be preferably educated French-Canadians whose knowledge of English would be sufficient to ensure their understanding of the students' problems in the second language. 3. the Ministry of Education avail itself of Federal funds in order to provide special financial assistance to Boards offering approved courses in the second language, such funds to be sufficient to permit classes of no more than fifteen (15) students. 4. the Ministry of Education take the necessary steps to encourage exchange programmes within Quebec whereby teachers suitably qualified in the second language may be seconded temporarily to other Boards without loss of acquired rights. 5. the Ministry of Education provide the necessary funds to set up linguistic institutes in Montreal and other urban centres for the purpose of training and retraining teachers of the second language in modern linguistic theories and practice.

February 13, 1970 D.R. Peacock