43rd Legislature

Transcription

Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le Wednesday 23 October 2013, 12 h 09

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures neuf minutes)

M. Khadir : Nous avons posé une question à la première ministre pour lui demander si elle entend, malgré ce qu’elle a dit le 7 octobre dernier, si elle entend respecter l’esprit de la loi et l’engagement moral pris par le ministre Drainville lorsqu’il a, en juin dernier, présenté sa loi sur les élections à date fixe. Je rappelle que, suivant cette loi, des élections... la date des prochaines élections sont fixées à octobre 2016.

C’est sûr que cette loi, malheureusement, n’est pas blindée contre la possibilité pour la première ministre, suivant des calculs partisans, suivant des calculs électoralistes, à lancer des élections à n’importe quel moment, comme bon lui semble. Or, lorsque cette loi a été présentée, plusieurs l’ont critiquée. Il y a eu le politologue Marc Chevrier qui se demandait si ce n’était pas plutôt des élections à date molle, ce qui a été repris par votre collègue M. Robitaille dans une chronique récente pour, justement, poser la question.

Ça a été aussi critiqué par M. Gilles Duceppe qui disait que, même minoritaire, un gouvernement ne devrait pas avoir le droit de déclencher lui-même des élections. Le gouvernement devrait se soumettre à la démocratie, au vote de l’opposition. Puisqu’il est minoritaire, dans le fond, c’est à l’opposition à décider si, à un moment donné, le programme, les projets du gouvernement ne réussissent pas, par dialogue, par débat, à recueillir suffisamment d’appui à l’Assemblée. Là, il y a une légitimité, l’opposition vote contre des projets du gouvernement et font tomber le gouvernement. Mais ce n’est pas au gouvernement, par calcul politique, à se lancer en élections.

Donc, il proposait d’introduire une notion, à l’intérieur de la loi, des mécanismes pour verrouiller, pour empêcher que la première ministre puisse décider elle-même de le faire. D’ailleurs, même le Parlement britannique...  vous savez que nos institutions, malheureusement encore, portent lourdement l’héritage du parlementarisme britannique pour plusieurs de ces inconsistances, incohérences avec la démocratie. Le Parlement britannique est en train de se réformer à plusieurs égards, notamment en matière d’élections à date libre. Il y a le Fixed-term Parliaments Actde 2011, où, là aussi, il y a des mécanismes très rigoureux pour éviter ou baliser, lorsqu’il y a un gouvernement minoritaire, la prérogative royale de déclencher une élection en dehors de la date fixée par le législateur.

Là, malheureusement, M. Drainville n’a pas voulu respecter son engagement moral, le Parti québécois n’a même pas voulu s’associer avec les partis d’opposition et une motion qui reprenait ses propres mots pour dire que le temps des élections calculées suivant le profit électoraliste du parti au pouvoir, là, c’est un temps révolu. On veut redonner aux citoyens des raisons d’avoir confiance dans le système démocratique et politique et donc des élections à date fixe. Il n’a pas été capable de me répondre qu’il allait maintenir son engagement, parce que la première ministre avait dit, le 7 octobre dernier, qu’elle y pensait puis qu’au moment opportun elle allait prendre la décision. Bien, ça, ce n’est pas des élections à date fixe, ça.

M. Journet (Paul) : Est-ce qu’on peut vraiment parler d’un engagement moral dans la mesure où ils ont volontairement laissé ce trou-là dans la loi qui a été adoptée?

M. Khadir : Oui, mais…

M. Journet (Paul) : Ce n’était pas la loi, mais qu’il n’y a pas d’engagement moral, donc…

M. Khadir : …mais le ministre Drainville disait que son intention à lui, c’était de respecter cet engagement moral que les élections seraient à date fixe, que l’opposition devrait porter l’odieux politique… Là, je n’ai pas ses termes, là. Dans son envolée, à l’époque, il disait que c’était à l’opposition de porter l’odieux, éventuellement, de faire tomber le gouvernement et le coût politique que ça allait occasionner, si l’opposition renversait un gouvernement minoritaire trop rapidement.

Là, je vous mentionne que ça fait un an. Harper a déjà goûté à ça. Il s’est laissé tenter, ça a occasionné 300 millions de dépenses pour les contribuables canadiens, puis il est passé d’un gouvernement minoritaire à un autre gouvernement minoritaire. En 2007, il a passé sa loi puis, en 2008, il est parti en élection.

M. Lavallée (Hugo) : Mais au-delà des principes, quelle est votre lecture politique de la situation actuelle? Vous pensez vraiment que le Parti québécois veut déclencher des élections à tout prix cet automne?

M. Khadir : Bien, regardez, il y a eu des annonces, plus de 200 annonces. Un de vos collègues en a fait le décompte dans l’actualité, M. Castonguay, Alec Castonguay. Il y a eu plus de 200 annonces, au cours des derniers mois, totalisant tout proche de 6 milliards d’engagements de dépenses, en plus de la charte — ce n’est pas moi qui le dis — la charte des valeurs québécoises, coulée en août, débattue tout le long du mois de septembre et d’octobre maintenant, suffisamment de temps pour que nous déposions, la semaine passée, un projet de charte de laïcité alternative, que l’ADQ… je m’excuse, la CAQ dépose aujourd’hui. Donc, tout le monde a eu le temps de réfléchir et de proposer des solutions, puis le gouvernement tarde encore. Pourquoi?

M. Journet (Paul) : Mais là on a eu des déclarations, là, des signaux assez clairs, là, de pas n’importe qui, du vice-premier ministre, qui est venu dire que les Québécois ne veulent pas d’élection en ce moment, cet automne, et que lui non plus n’en souhaite pas. Et plusieurs péquistes ont été entendus à la période des questions, en train de dire : Non, il n’y aura pas d’élection cet automne. Ça vous rassure?

M. Khadir : Bien, ce n’est pas ce qu’a dit M. Drainville. J’ai demandé à M. Drainville de prendre cet engagement, ce n’est pas ce qu’a dit…

M. Journet (Paul) : Ce n’est pas lui qui décide, si...

M. Khadir : Je comprends, mais donc ça veut dire qu’il y a une mésentente à l’intérieur, c’est ce que je comprends. Le vice-premier ministre est en train d’envoyer un message, peut-être, à la première ministre pour la dissuader. Puis, si vous me... si on doit, j’imagine, si on doit l’interpréter… Moi, j’ai demandé, justement, au gouvernement de le clarifier. M. Drainville avait l’opportunité, en prenant un engagement clair, de dire : Écoutez, on prend l’engagement, quand on a dit «élections à date fixe», là, ça veut dire que ce n’est pas la première ministre qui va décider.

M. Robillard (Alexandre) : Mais est-ce que ce n’est pas un peu une façon... parce qu’il y a d’autres ministres qui disent : Bon, il y a effectivement des choses qui ne fonctionnent pas. Est-ce que les déclarations de ce matin, ça ne peut pas être perçu comme une façon, pour eux, de vouloir faire porter l’odieux d’un scrutin sur l’opposition?

M. Khadir : Non. Ce que j’ai compris de M. Drainville, c’est de dire qu’on ne laissera quand même pas à l’opposition de décider, que, si l’opposition est tentée de nous renverser, bien, nous, on va se préparer. Et il n’a même pas dit : Bien, on va voir, c’est à l’opposition de porter l’odieux. Il a dit : Bien, nous, on a pris nos précautions, autrement dit. Autrement dit, on pourrait...

M. Robillard (Alexandre) : Mais il dit quand même que c’est l’opposition qui les force à se préparer. Donc...

M. Khadir : Oui, mais, en démocratie, quand tu es minoritaire, c’est ça. En démocratie, quand tu es minoritaire, c’est-à-dire que le parlement représente, avec tous ses défauts, la volonté de la population. Et donc c’est à la majorité de décider, pas à une minorité. C’est d’autant plus antidémocratique et odieux de dire qu’on est pour des élections à date fixe, être minoritaire puis décider soi-même du déclenchement des élections.

M. Robillard (Alexandre) : Mais, dans la situation actuelle, est-ce que vous croyez le gouvernement quand il dit qu’il est forcé de se préparer à cause de l’opposition? Ou est-ce que, compte tenu de ce que vous observez depuis l’été...

M. Khadir : Ça, c’est jouer avec les mots.

M. Robillard (Alexandre) : ...vous constatez qu’il y a quand même une stratégie en place pour des élections automnales?

M. Khadir : Ça, c’est jouer... Nous, nous ne souhaitons pas des élections rapprochées, en novembre prochain. Mais nous nous préparons quand même...

Journaliste : ...sont contre.

M. Khadir : Mais, nous, nous... nous avons même déposé une motion, j’ai posé une question, mais nous nous préparons quand même. Personne ne pourra reprocher au Parti québécois, comme aux partis d’opposition, de se préparer au cas où un événement politique arrive. Ça, c’est une chose. C’est une autre chose que de le déclencher soi-même.

Tout ce que j’ai demandé à M. le ministre ou à la première ministre, c’est de donner l’engagement moral que ce n’est pas la première ministre qui va aller voir le gouverneur général pour dire : Bien, on dissout le parlement. On laisse la démocratie agir. La démocratie prévoit qu’une majorité de députés est souveraine et peut décider.

M. Journet (Paul) : Justement, s’il y a un tel vote, une motion de confiance cet automne, vous votez pour ou contre?

M. Khadir : Dépendemment de la situation. On va voir ça va être sur quel sujet. Mais c’est à la majorité des députés de décider, pas à un gouvernement minoritaire.

M. Journet (Paul) : ...votre vote, quel sujet...

M. Khadir : Bien, ça dépend.

M. Journet (Paul) : ...ferait en sorte que vous pourriez vouloir voter...

M. Khadir : Quand on sera rendus là, je... Bien, je n’ai pas réfléchi à un sujet précis, parce que c’est très large comme question. Posez-moi des questions précises, et là je vous dirai si on votera pour ou contre.

M. Lavallée (Jean-Luc) : Vous parlez beaucoup de l’engagement moral de Bernard Drainville, mais est-ce que les partis d’opposition, s’ils font tomber le gouvernement pour une raison x, y, z, ne trahiront-ils pas aussi l’esprit de cette loi-là? Là, vous dites que vous pourriez voter en faveur de…

M. Khadir : Non. Regardez, que ça soit au Parlement britannique, que ça

soit ceux qui ont réfléchi à l’expérience du Parlement canadien comme Gilles Duceppe, qui a vécu plusieurs gouvernements minoritaires, et les manipulations de l’opinion, et, je dirais, la violation de l’esprit de la loi par le gouvernement Harper, nous proposent des balises. Et sa balise, le minimum démocratique qu’il nous suggère, c’est de dire : C’est aux partis d’opposition, puisqu’ils sont la majorité… S’il y a un vote majoritaire des partis d’opposition pour renverser le gouvernement, c’est légitime démocratiquement, et donc ça serait la balise acceptable.

Maintenant, politiquement, il y a toujours un coût. Politiquement, c’est sûr qu’il y a toujours un coût. C’est aux partis de... de l’opposition, et ça va dépendre... Si les partis d’opposition pensent réellement qu’il y a une décision du gouvernement qui va à l’encontre de l’intérêt public et votent contre, c’est leur choix, et le peuple en décidera, en jugera.

M. Lavallée (Jean-Luc) : Ce que vous dites, c’est que, si les partis d’opposition font tomber le gouvernement, c’est correct.

M. Khadir : C’est légitime démocratiquement.

M. Lavallée (Jean-Luc) : Mais, si c’est le gouvernement qui le fait lui-même, ça n’a pas d’allure.

M. Khadir : Bien, c’est... Non, parce que le gouvernement est minoritaire, et le gouvernement a introduit une loi pour dire que les élections doivent être à date fixe, sauf quelques exceptions. Cette exception, ça ne doit pas être la volonté des minoritaires, cette exception doit être la volonté d’une majorité. Bon.

Ensuite, vient le cas où le gouvernement est majoritaire. Quand un gouvernement est majoritaire, il a la capacité d’imposer son calendrier législatif puis il peut gouverner les deux mains sur le volant, pour reprendre l’expression d’un ancien chef libéral. Bien là, il n’a aucun motif, il doit s’en tenir à l’élection à date fixe. Voilà.

M. Lavallée (Hugo) : Et donc diriez-vous que le Parti québécois essaie d’un peu masquer ses réelles intentions avec les déclarations qu’on a entendues ce matin, là, qui semblent...

M. Khadir : J’ai bien peur de ça. J’aurais souhaité que M. Drainville ne traite pas aussi légèrement son engagement moral. Il a eu l’air de s’en foutre un peu. Il a dit : Ah! Bien là, on a dit ça, mais là on ne va quand même pas laisser l’opposition de décider à... Mais l’opposition est majoritaire. Si c’est la majorité des députés au Parlement, c’est démocratique et normal que ça soit eux qui décident.

Toi, tu as pris, comme ministre... Vous, vous avez pris, M. le ministre, l’engagement d’organiser des élections à date fixe. Vous avez dit : Moralement, ça veut dire qu’on ne le fera pas par calcul politique. Aujourd’hui, il nous a dit il va le faire par calcul politique parce qu’il ne veut pas que ça soit l’opposition qui prenne cette décision démocratiquement.

Le Modérateur : Questions en anglais?

Mme Montgomery (Angelica) : Yes. M. Khadir, how can you explain that it would... the Opposition would clearly call an election if they can get this to their advantage, but we can’t let the Government make... call an election when it’s to their... How do you explain this double…

M. Khadir : No. I don’t think that the Opposition should call an election based upon their advantage. But there might be votes on issues, because, you know, the Prime Minister, actually, could, at any time, without proposing any vote on the issue, without proposing any subject, bring us to election. If they do so, if they present a motion, important motion that is beaten by the Opposition, they have this initiative, as the Opposition could have it. It’s a question of democracy.

Inside the Parliament, democracy requires that the majority could decide. If the majority of the Members of the National Assembly, of parliamentarians decide that it’s time to go to elections, this is democratic. But, if the Prime Minister decides, without any vote, to go on election, a minority government Prime Minister, it’s just undemocratic and completely contradictory with their own law, the spirit of their law, with the British rule, we just passed an act along the same ways. It’s contradictory also with the Canadian experience, where Gilles Duceppe was saying : Look what Harper did in 2008. It cost taxpayers $300 million, and he went from one minority to another minority government by these sorts of partisan decisions. So we say : these partisan decisions cost a lot in terms of money, in terms of public confidence. We should leave it to democracy, and democracy requires a majority vote.

Mme Montgomery (Angelica) : Is it possible that the Parti québécois is backing off anyway from this idea of going to election?

M. Khadir : I don’t know. I asked, I offered the opportunity to the Prime Minister today, to Mr. Drainville, to reiterate their moral engagement that they wouldn’t force precipitated elections. They said it in June : It’s time that we get away from partisan calculations to decide the time of election. So, if he was sincere… I was asking him today to just maintain this moral engagement that they will not force elections just by their own calculation, unilaterally, without vote in Parliament.

Mme Montgomery (Angelica) : And can I ask on Kevin’s story, Pierre Karl Péladeau, the fact that he is registered as a lobbyist. Does that present any issues in your mind?

M. Khadir : Well, it just shows how ridiculous, unfortunately, this law could be, offering the possibility for the wealthiest to, in fact, just not respect the spirit of this law and act… because, for years, Mr. Péladeau was acting in a manner that was contradictory with this law, and because people began to say : Hey, you know, you have such an influence on Parti québécois or a party, you call… take the telephone, you ask for a position, and they offer you the Hydro-Québec, this is a work of influence. By law, you have to be registered and say : OK, I will register now. It’s a bit turning into ridicule the law.

What we think is that, one day, we should put an end to this disproportionate influence that big business, corporate business has on our Parliament, on our Government.

Mme Montgomery (Angelica) : Do you see any kind of contradiction, the fact that, on one hand, he’s working for the Government, for Hydro-Québec’s interests and, in the other hand, he is also lobbying the Government.

M. Khadir : It is a bit ridiculous. It looks like Berlusconi in Italy. It begins to look like that. He’s a powerful media mogul; he controls a big crunch, a majority, in fact, of the medias in Québec. He should be the first one to be completely banned to any direct contact with the Government. He has a position of critic, he’s the fifth state… He’s the fifth estate, we say in English? So he has to protect the integrity of the opinion by offering independent criticism of the Government. How could you do that when you call everyday the Prime Minister and you are appointed by her at the head of Hydro-Québec?

M. Dougherty (Kevin) : Back to, yes, what Drainville said, he said that the Government has to be prepared for every eventuality. Do you think he is saying… he’s leaving us open out, right? He’s saying : Well, yes, we have this bill… and, you know, the Opposition wants an election, we don’t want an election but we have to…

M. Khadir : If he wants to say that they have to prepare, as we do, Québec solidaire also does, other parties do, this is legitimate that they prepare, if an election comes, to have the capacity to go into elections. But to prepare, in the meaning that we’ll going to decide of the right moment and we’re going to launch it before you, guys, decide democratically, by a vote in the National Assembly, this is completely in violation of the spirit of his law. We’re saying : We have to go in election only if the Parliament decides so, by a democratic vote. They could propose it, the PQ could propose it. They have just to bring a motion in Parliament to dissolve it by the public, by the democratic vote of a majority, because democracy, after all, is the rule of majority. Thank you.

(Fin à 12 h 26)