Version finale
Le Thursday 23 May 2013, 13 h
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Treize heures une minute)
Mme de Santis: Bonjour. Mon nom, c'est Rita de Santis, pour qui ne me connaît pas. Je suis la députée de Bourassa-Sauvé.
J'aimerais présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: Flory Doucas, la codirectrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, et Mme Kate Conner, mère de quatre enfants, et c'est elle qui a écrit la lettre qui va vous être remise bientôt.
Alors, je suis ici aujourd'hui pour vous informer que j'ai accepté de parrainer une pétition, à la demande de Mme Conner, une pétition qui sera mise sur le site Internet de l'Assemblée nationale. Cette pétition demande qu'on interdise l'ajout de saveurs au tabac pour rendre le tabac beaucoup plus attrayant pour les jeunes. L'industrie du tabac reconnaît que l'ajout d'additifs à saveur de fruits et de bonbons rend les produits du tabac plus attirants aux jeunes. C'est camoufler les dangers du tabac à l'aide de saveurs agréables et amusantes.
Il faut se rappeler que l'Institut national de la santé publique du Québec nous dit que nos jeunes - jeunes, c'est du primaire V au secondaire V - un plus grand pourcentage de nos jeunes consomme des produits de tabac que n'importe où à travers le Canada, sauf peut-être la Saskatchewan et le Manitoba. On sait aussi que ces produits sont de plus en plus des cigares et cigarillos qui sont aromatisés.
J'aimerais rappeler que le 31 octobre dernier, la première ministre a promis un livre vert sur la prévention de... et la promotion de la santé. En février dernier, notre ministre de la Santé, M. Hébert, nous a dit, et je cite: «Cette politique qu'a promise Mme la première ministre comprendra bien sûr la lutte au tabagisme qui, encore, est associée à de nombreuses maladies chroniques et pour lesquelles il faut redoubler d'ardeur.» Fin de citation. Et, si le ministre est sérieux, voilà un bon moment de passer de la parole au geste.
Prévenons le tabagisme chez nos jeunes au lieu de les soigner plus tard dans la vie, amenons-les à ne pas commencer à fumer. Merci. J'aimerais maintenant laisser la parole à Mme Doucas.
Mme Doucas (Flory): Nous saluons l'initiative de Mme la députée Mme de Santis et l'appui du Dr Bolduc aujourd'hui ainsi que le caucus libéral. Enfin, des élus sont à l'écoute des préoccupations entourant l'aromatisation des produits du tabac. Cette préoccupation a été exprimée par des parents, des pédiatres et de nombreux membres de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.
Permettez-moi de vous parler un peu du rôle que jouent les additifs aromatisants. Le réflexe normal pour le corps, lorsqu'on inhale quelque chose qui est irritant ou désagréable pour la gorge, c'est de tousser. Le tabac a naturellement un goût qui est amer, mais, en le parfumant, on parfume la fumée. L'expérience a bon goût et la perception du danger est atténuée. On est alors plus enclins de reprendre une bouffée et puis une autre, et la dépendance s'installe facilement comme ça, à la nicotine.
Les fabricants ajoutent même du menthol à certains de leurs produits. Lorsqu'inhalé, le menthol, qui a des propriétés anesthésiques, laisse une trompeuse sensation rafraîchissante, même refroidissante. La fumée donne moins l'impression de brûler la gorge, ce qui facilite l'inhalation profonde.
22 % des jeunes Québécois de la sixième année du primaire au secondaire ont déjà consommé un produit du tabac aromatisé. Un élève sur trois âgé de 15 à 19 ans a aussi déjà consommé un cigarillo. 18 % des Québécois ont déjà... des élèves âgés de 15 à 19 ans ont déjà essayé la pipe à eau. Même du côté des produits sans fumée comme le tabac à chiquer, leurs ventes ont augmenté de 10 % au cours des cinq dernières années au Canada.
Il y a quelques années, voyant le problème comparable à l'échelle canadienne, les groupes de santé du Québec et des autres provinces s'étaient initialement tournés vers le gouvernement fédéral, ce qui avait mené à l'adoption de la loi C-32 en 2009, une loi interdisant l'aromatisation des cigarettes et des petites cigares, soit des cigares pesant moins de 1,4 gramme.
Or, la loi n'a pas eu les impacts escomptés puisque l'industrie a facilement déjoué en fignolant ses produits pour échapper à la définition légale d'un petit cigare. Les filtres ont été retirés ou modifiés, les cigares allongés de quelques millimètres pour échapper à la loi. On retrouve actuellement, dans les points de vente au Québec, des produits qui sont sensés avoir été interdits.
Ce n'est donc pas surprenant de voir que les groupes aujourd'hui se tournent vers le gouvernement du Québec. Beaucoup de juridictions ont déjà intervenu pour protéger leurs jeunes: le Brésil, le Chili, de nombreuses juridictions australiennes et aux États-Unis. Même l'Alberta a annoncé un projet de loi. On se tourne maintenant vers l'Assemblée nationale du Québec. La coalition entend faire de son mieux pour publiciser la pétition lancée par Mme de Santis et se réjouit de ce geste concret des élus du Parti libéral du Québec.
On espère que l'ensemble des citoyens et des élus donneront leur appui mais qu'en bout de compte le ministre de la Santé passera lui aussi à l'action concrète. Merci.
Mme Conner (Kate): Bonjour. Je m'appelle Kate Conner. Je suis anglophone, mais je parle un peu le français et aujourd'hui je veux vous donner un petit bout de mon français terrible. Désolée à l'avance.
Je suis mère de quatre enfants. Comme presque tous les autres parents, je me soucie de la santé de mes enfants. Mon mari et moi faisons tout ce que nous pouvons pour protéger la santé de nos enfants, incluant l'éducation sur les dangers du tabac. En grandissant, mes enfants chercheront à forme... former, excusez-moi, leur propre identité. Ils seront de plus en plus influencés par les tentations et pressions extérieures et de moins en moins par nous, les parents.
C'est pourquoi j'ai été scandalisée lorsqu'il y a quelques semaines j'ai été dans un dépanneur de mon quartier et j'ai vu quelqu'un acheter quelque chose qui ressemblait à des cigarettes aux fruits. Je ne savais même qu'une telle chose existait. J'ai demandé à la caissière si je pouvais en voir d'autres, et elle m'a montré toutes sortes de petits cigarillos à la saveur de pêche, de fraise, cerise, vanille, miel et raisin. Ils étaient dans des emballages tous colorés, marqués «cigares», mais le produit à l'intérieur ressemblait beaucoup plus à des cigares bruns que tous les cigares que je n'ai jamais vus.
C'est alors que j'ai compris que, peut-être, c'était un nouveau moyen que les fabricants du tabac ont trouvé pour attirer les jeunes dans le piège mortel. Un jour, très... trop bientôt, mes enfants seront adolescents et jeunes adultes. L'idée qu'il existe un produit sur les tablettes de nos dépanneurs, dans nos quartiers, qui rend le tabac plus attrayant et plus facile à consommer me fait peur.
C'est pour cette raison que j'ai écrit une lettre à mon journal et aussi à tous les députés de l'Assemblée nationale. Je veux que chaque député les voient, qu'ils les tiennent entre les mains et surtout qu'ils sentent leur arôme. Je veux qu'ils soient aussi scandalisés que moi devant ce qui est carrément une manoeuvre immorale, cruelle et... excusez-moi, cruelle et mortelle.
Il y a une limite sur ce que les parents peuvent faire pour protéger les jeunes contre le tabac. Nous, les parents, ne pouvons pas contrôler ce que l'industrie du tabac met sur les marchés pour tenter nos enfants. Seulement, le gouvernement peut imposer les lois. C'est pourquoi je suis fière de m'associer à la pétition de Mme de Santis. J'espère que ça va mener à une action concrète par le gouvernement du Québec. Merci.
M. Bolduc (Jean-Talon): Merci beaucoup. Bien, pour conclure, vous savez qu'au cours des dernières années il y a quand même eu des grands progrès de faits. Le Dr Couillard avait passé une loi qui interdisait de fumer dans les endroits publics. Il y avait interdiction également de publicité au niveau des jeunes, des enfants. Récemment, il y a eu un rapport qui a été fait, qui va être étudié par la Commission de la santé et des services sociaux, donc des mesures qui ont été mises en place.
Également, je vous rappelle qu'on a fait une poursuite de 60 milliards contre les compagnies de tabac due aux méfaits que le tabac a apporté dans notre population au cours des 30 dernières années. Mais, vous savez, c'est une industrie qui cherche à faire plus de profits. C'est une industrie qui trouve des moyens différents d'aller chercher une nouvelle clientèle.
Le tabac est le produit qui cause le plus de décès au monde. C'est le produit qui est le plus dangereux dans nos sociétés civilisées. Plus de 30 % des décès sont associés avec la consommation de tabac, et, en même temps, dans cette situation-ci, on voit que l'industrie s'attaque aux plus vulnérables, aux jeunes. Ces produits s'attaquent directement aux jeunes qui, à cause de la façon dont le marketing est fait, le produit aromatisé, la façon aussi qu'il est conçu fait que des jeunes vont consommer plus, vont débuter plus au niveau de la consommation.
Et là-dessus, je voudrais féliciter d'abord Mme Conner de s'impliquer, parce que, qu'une mère de famille se rende compte que c'est un risque pour ses enfants, elle voit les limites et que ça représente quand même un risque, féliciter également la coalition qui défend les intérêts, je pense, des jeunes dans ce dossier, la santé des jeunes, et également féliciter Rita de Santis qui accepte de supporter la pétition.
Comme ancien ministre de la Santé, comme médecin, comme père d'enfants, moi aussi, je trouve ça déplorable qu'on utilise des méthodes marketing à risque pour nos jeunes, et c'est pourquoi aujourd'hui je m'associe avec tout notre groupe pour dénoncer la situation. Et, oui, comme élus, on a un rôle à jouer, on a un rôle de sensibiliser la population, mais on a également un rôle de protéger la population. Et les seuls qui peuvent faire des lois, ce sont les parlementaires. Donc, pour nous, c'est un dossier qui est important et c'est un dossier qu'on va supporter.
M. Ouellet (Martin): M. Bolduc, vous étiez au pouvoir il y a peu, hein, il n'y a pas un an, quelques mois. Ça existait, là, ce genre de produit aromatisé. Vous n'avez pas déposé de projet de loi pour les interdire.
M. Bolduc (Jean-Talon): Oui, excepté que, moi, j'ai rencontré à plusieurs reprises les différents groupes - c'est des produits qui datent, quand même, seulement depuis quelques années - et je leur avais dit que je les supporterais, mais on avait une étape à passer avant. Lorsque la loi avait été mise en place par le Dr Couillard, il y avait une évaluation de la loi qui devait se faire cinq ans après, et nous étions en attente du rapport qui va être étudié à la Commission de la santé et des services sociaux, et, après ce rapport-là, il devrait y avoir des recommandations pour avoir un nouveau projet de loi qui va être la responsabilité du nouveau ministre. Et j'aurais aimé être capable de pouvoir déposer un projet de loi, mais il y avait des étapes à suivre.
M. Ouellet (Martin): Qu'est-ce qu'on peut faire? Légalement, on peut interdire... Là, on peut essayer toutes sortes de stratagèmes, là, mais comment on fait? On leur dit...
M. Bolduc (Jean-Talon): Bien, ça va être le rôle de la commission, dans un premier temps, de faire l'évaluation et de faire des recommandations, mais il y a d'autres juridictions qui ont interdit ce type de produits, entre autres les nouveaux produits aromatisés. Mais on va laisser la commission faire son travail et faire ses recommandations.
M. Lavallée (Jean-Luc): On parlait des lois fédérales tout à l'heure. Le gouvernement du Québec aurait le pouvoir de légiférer en la matière?
M. Bolduc (Jean-Talon): Oui. Bien, on a... C'est sûr qu'il faut regarder, au niveau des juridictions, nos compétences, mais je peux vous dire que dans le domaine du tabac et compte tenu que ça représente également des éléments à risque pour la santé, selon moi, le Québec peut légiférer.
M. Lavallée (Jean-Luc): Je comprends que vous prenez fait et cause, là, aujourd'hui, vous appuyez ces gens-là. Vous ne faites pas que vous contenter de parrainer une pétition pour la saine démocratie.
M. Bolduc (Jean-Talon): On parraine. Par contre, on demeure prudents parce qu'il y a un rapport qui va être fait par la Commission de la santé et des services sociaux et, à partir de ce rapport, on fera des recommandations. Mais comme ministre, et comme citoyen, et maintenant comme député responsable de la critique au niveau de la santé pour l'opposition, c'est un dossier qui nous interpelle beaucoup et qu'on va supporter.
M. Ouellet (Martin): C'est quand le rapport, hein? Excusez-moi. Le dépôt du rapport, vous avez dit...
M. Bolduc (Jean-Talon): Bien, le rapport... la commission, à l'automne, devrait faire l'étude du rapport.
M. Ouellet (Martin): Mais, le rapport, est-ce qu'il est déposé? Il est déposé?
M. Bolduc (Jean-Talon): On a un rapport actuellement. Donc, il va nous rester l'étude. Là, il faut finir la session parlementaire, et, habituellement, on devrait faire ça au début de l'automne.
M. Lavallée (Jean-Luc): Est-ce que vous visez vraiment tous les additifs aromatisants, incluant le menthol, la vanille, etc.?
M. Bolduc (Jean-Talon): Nous ne pouvons pas nous prononcer pour cela à ce moment-ci, parce qu'il va y avoir l'étude du rapport de la Commission de la santé et des services sociaux, mais c'est certain que, vous regardez les nouveaux produits qui ont été mis sur le marché qui visent spécifiquement la clientèle jeune, je pense que c'est des produits qui sont à risque, et nous devons dénoncer l'apparition de ces nouveaux produits sur le marché.
M. Lavallée (Jean-Luc): Vous appuyez, mais là vous...
M. Bolduc (Jean-Talon): Non, ce n'est pas qu'on... on ne se retire pas, on dit juste qu'il faut laisser aussi la prérogative à la Commission de la santé et des services sociaux de faire son étude. Puis, aujourd'hui, je ne peux pas répondre pour la commission qui va remettre son rapport à l'automne.
La Modératrice: Merci. Ça va être tout.
M. Ouellet (Martin): J'en aurais une autre, moi, une autre, très rapidement, là. Je comprends que ces produits-là sont attrayants pour les jeunes, ils ont des odeurs agréables et tout, là, mais il y a aussi les boissons énergisantes ou énergétiques - je ne sais pas trop comment on appelle ça, là - c'est paqueté de sucre, puis il y a des flos qui prennent ça, ils en prennent quatre par jour.
M. Bolduc (Jean-Talon): On va s'en tenir à notre dossier aujourd'hui sur le tabac.
M. Ouellet (Martin): Ça vous préoccupe aussi ou non?
M. Bolduc (Jean-Talon): Tout me préoccupe, tout ce qui touche la santé.
Mme de Santis: Particulièrement les jeunes.
(Fin à 13 h 16)