43e législature

Transcription

Journal des débats de la Commission spéciale sur le problème de la liberté de la presse

Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 4 juin 1969 - Vol. 8 N° 

Commission parlementaire spéciale sur le problème de la liberté de la presse


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Table des matières

Journal des débats

 

Commission parlementaire spéciale sur le problème

de la liberté de la presse

Séance du mercredi 4 juin 1969

(Dix heures quarante et une minute)

M. CLOUTIER (président de la commission parlementaire spéciale sur le problème de la liberté de la presse): Messieurs, nous commençons, ce matin, la quatrième séance de la commission. Nous avons beaucoup de travail, ce matin. Je vais vous donner brièvement l'ordre du jour pour vous fixer sur la somme de travail que nous avons à accomplir aujourd'hui. D'abord, ce matin, Me Pichê et Me Bureau parleront au nom de la compagnie de publication La Presse Ltée. Me Gaston Pouliot parlera au nom des journaux Trans-Canada Ltée. Me Deschênes, Me Garon et M. Parisien parleront pour les entreprises Gelco Ltée. M. Philippe de Gaspé Beaubien parlera au nom de Québec Télémédia Inc. M. Dent, journaliste, et M. Elzéar Lavoie de l'université Laval parleront à titre personnel.

M. LESAGE: Si je comprends bien, vous êtes un comptable; pourquoi voulez-vous vous débarrasser de M. Marcel Caron et en faire un avocat?

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, c'est une revanche parce qu'on m'appelle souvent docteur Cloutier. Alors, messieurs, la parole est à Me Piché, au nom de la compagnie de publication La Presse.

M. PICHE: M. le Président, MM. les membres du comité, mon associé, Me Jean-Paul Bergeron, représente également la Presse avec moi. Nous sommes accompagnés, ce matin, de M. Pierre Dansereau, président de la compagnie de publication La Presse Ltée; de M. André Bureau, son vice-président exécutif; de M. Pierre Lafrance, directeur du service de l'information; de M. Jean Rivest, adjoint au directeur, et de M. Jean Sisto, un autre adjoint au directeur. Le dernier, mais non le moindre, est M. Roger Champoux, chef éditorialiste.

Me Bureau présentera le mémoire de la Presse et vous aurez tout le loisir de l'interroger. Si vous le jugez à propos, tous les autres messieurs, ici présents, et qui font partie de l'organisation de la Presse sont également à la disposition de la commission pour répondre à toute question que vous voudriez leur poser. M. Bureau.

M. BUREAU: M. le Président, MM. les membres de la commission, j'ai l'honneur de présenter, ce matin, le point de vue de La Presse sur l'objet de l'étude de votre commission, la liberté de la presse. Des allusions fréquentes et récentes ont été faites au danger que comporterait pour cette liberté la concentration de certaines entreprises de presse entre les mains d'intérêts qui seront une fois pour toutes aujourd'hui clairement identifiés.

La Presse, nous le croyons, doit donc aujourd'hui répondre à ces allusions ou à ces allégations et faire la démonstration de la marge de liberté dont jouit son service de l'information.

On a demandé des faits, la semaine dernière, nous entendons aujourd'hui en fournir. C'est le but de notre présentation. Chaque jour, la Presse est chargée de renseigner le public sur les sujets d'actualité. Aujourd'hui, elle croit nécessaire de vous renseigner à son sujet à elle. Pour le faire, elle vous a remis un dossier qui comporte différents documents.

Vous avez d'abord un exposé de faits et de principes — qui est préparé plus particulièrement pour votre commission — dans le dossier vert que vous avez devant vous. J'attire en particulier votre attention sur le contenu de ce document. Il pourrait se séparer en deux. Il y a d'abord l'ossature de notre présentation de ce matin dans les cinq premières parties. Et dans le chapitre intitulé La restructuration de la rédaction de la Presse, vous avez une étude détaillée dans laquelle je n'ai pas l'intention d'entrer ce matin. Elle comporte l'analyse des textes de conventions collectives qui existent et qui fournissent des garanties de liberté professionnelle aux journalistes et qui comportent également tout le cheminement et toute l'analyse du processus qui a été mis en place avec la nouvelle structure pour assurer cette liberté de presse qui nous est chère à nous autant qu'à vous.

Je vais donc tenter, ce matin, de vous dire ce qu'est la Presse, de vous rappeler sa philosophie, de vous résumer son processus de fabrication, de vous rappeler les exigences de son tirage et les préoccupations qu'elle a dans le choix et le perfectionnement de ses journalistes, pour vous montrer quelles possibilités il y ad'un contrôle de l'information à la Presse.

D'abord, ce qu'est la Presse. C'est un journal qui existe depuis quatre-vingt-cinq ans, et chacun a à la mémoire, sinon certains titres, certaines caricatures, à tout le moins certaines épreuves qu'elle a eu à traverser au cours des différentes années de son existence. La Presse, à l'heure actuelle, a 1,360 employés et 3,500 camelots s'ajoutent à ce nombre-là. La Presse

paye chaque année des salaires, des gages, des commissions de $9,700,000. Elle verse à chacun des gouvernements, au chapitre de l'impôt retenu à la source, au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral, une somme approximative de $1 million. Ceci pour situer dans l'économie le rôle que joue la Presse. Ses actifs immobilisés sont de l'ordre de $15 millions.

Au 31 mars dernier, son tirage, sur semaine, était de 222,184 exemplaires, tel que certifié par l'ABC, et le samedi, de 237,000.

Toutes les actions de la Presse sont détenues par la Corporation Gesca Ltée, elle-même une filiale à 100% des entreprises Gelco Ltée dont le contrôle est entre les mains de M. Paul Desmarais, tel que cela vous sera plus longuement expliqué après mon exposé dans le compte rendu que doivent faire devant vous les entreprises Gelco Ltée.

Les administrateurs de la Presse sont MM. Maurice Chartré, Pierre Dansereau, Louis-R. Desmarais, Paul Desmarais, Jacques-G. Fran-coeur, Jean-Louis Lévesque, Jean Parisien. Le président de la compagnie de publication de la Presse Ltée est M. Pierre Dansereau.

Vous avez également dans votre dossier un autre document dont le titre en première page est; « La Presse à l'heure de 1969. » Ce document est un travail de vulgarisation qui a été préparé à l'intention de nos lecteurs et qui a déjà d'ailleurs été distribué dans la Presse au début de 1969.

Vous y trouverez là une foule de renseignements sur ce qu'est la Presse, et vous verrez en particulier quels sont les taux de salaire payés à la Presse, quelles sont les différentes comparaisons qu'on peut établir entre les conditions de travail des employés de la Presse avec ceux de la même industriel Montréal, dans la province de Québec, au Canada et en Amérique du Nord.

J'attire votre attention sur ces tableaux parce qu'ils indiquent, je pense, quelque chose dont on doit être fier à la Presse: nous payons actuellement à notre personnel technique les plus hauts salaires qui se paient en vertu de conventions collectives en Amérique.

La direction de La Presse reflète bien la façon dont sont organisés ses services. Vous avez dans le document, qui est l'exposé de faits et de principes que contient votre dossier, l'organigramme de la structure supérieure de La Presse où vous avez le conseil d'administration, le président. J'attire votre attention sur le partage des responsabilités et le partage des services entre les deux niveaux d'autorité, c'est-à-dire entre le niveau du président et le niveau du vice-président exécutif.

Au niveau du président sont rattachés le service du contrôleur, le service de l'éditorial, le service des relations publiques. Au niveau du vice-président exécutif, il y a les services que vous voyez en bas de la page, qui sont les services de mise en marché et de recherche, d'information, de production, de finance, de publicité, de tirage, de personnel et relations de travail et de promotion.

Alors comme vous le voyez, déjà à cette étape-ci et avant que nous abordions le sujet plus à fond, il y a déjà, au niveau de la structure, une séparation entre l'éditorial et l'information. L'un et l'autre ne relèvent pas de la même autorité.

La différence qu'il y a entre les triangles et les ronds qui sont indiqués sur cet organigramme, c'est que les triangles indiquent des fonctions de soutien, destinées à servir tous les autres services de cette même catégorie, tandis que le rond, au-dessus d'un service, indique qu'il s'agit d'une fonction dont l'autorité est directe et qui n'est pas, elle, destinée à servir tous les autres services.

Je vous ai rappelé, en deux mots, ce qu'est la Presse matériellement et administrativement, mais, telle qu'elle est, peut elle être contrôlée? Nous prétendons que non. D'abord, à cause de sa philosophie ou de ses standards. Pour apprécier ces standards, voyons d'abord ce que n'est pas la Presse. La Presse, d'abord, ce n'est pas un journal de combat idéologique. Il faut bien se rappeler que la Presse n'est pas non plus, l'organe d'un parti politique. La Presse n'est pas le porte-parole d'une classe particulière de la société et elle n'est pas, non plus, un journal à sensations.

Quand nous commençons par faire cette distinction-là, nous en arrivons à définir plus justement ce qu'est la Presse, c'est-à-dire un journal d'information générale. Cest ça qu'est la Presse.

Alors, les exigences que pose cette définition de la Presse comme journal d'information générale, sont énumérées de la façon suivante: d'abord, l'indépendance. Notre journal n'est rattaché à aucun parti politique. Il ne cherche pas, non plus, la promotion d'une classe au détriment d'une autre. Vous avez eu l'occasion de vous en rendre compte tous les jours. Si je ne faisais appel qu'aux illustrations de nos caricaturistes, je pense que vous pourriez vous rendre compte qu'il n'y a pas de parti pris envers quelque parti que ce soit. M. Lesage...

M. LESAGE: Vous n'êtes pas obligé de faire exprès pour le démontrer.

M. BERTRAND: Vous n'êtes pas obligé de rappeler les caricatures où nous paraissons.

M. BUREAU: M. le premier ministre, nous avions tout un jeu de caricatures...

M. LESAGE: Cela serait intéressant.

M. BUREAU: ... pour illustrer ce point de vue. Malheureusement, les conditions techniques font que nous allons devoir nous en passer. La deuxième caractéristique ou le deuxième standard que nous nous sommes imposé, c'est l'honnêteté. Je dis honnêteté au lieu d'objectivité. Pourquoi? Parce que nous croyons que la notion d'objectivité, même si les mots sont apparemment opposés, est trop subjective. Nous croyons que la notion d'honnêteté est beaucoup plus près de critères que nous pouvons apprécier et beaucoup plus réaliste dans sa formulation et dans son appréciation.

Alors, La Presse, en tenant compte non seulement de la façon dont doit se faire un journal, des exigences de ses éditions ou des moyens d'accès aux sources d'informations, rapporte, dans la mesure du possible, tous les faits, sans les déformer, sans les colorer, en essayant de présenter un tableau aussi complet que possible.

Je vous invite, à ce moment-ci, à faire une comparaison — et je ne veux pas la faire au détriment de qui que ce soit, mais je pense qu'il est nécessaire que nous nous arrêtions à y penser — entre ce que vous avez comme contenu dans un article de journal, au point de vue de l'information, et ce que vous avez comme contenu dans une capsule de quelques secondes que l'on vous passe à la radio ou à la télévision, dans les bulletins de nouvelles. Je ne veux pas déprécier les services de nouvelles des autres organes d'information, mais il reste qu'au point de vue de la vérité nous croyons pouvoir fournir plus d'aspects de la nouvelle, de façon à donner une image plus juste, plus honnête.

Le respect de la conscience communautaire, c'est un autre standard que nous respectons, nous le croyons. La Presse respecte ses lecteurs, tant individuellement que dans leur ensemble. Elle indique la source de ses informations. Vous le voyez, quand vous lisez La Presse, s'il s'agit d'une nouvelle qui vient d'une agence de presse, s'il s'agit d'une nouvelle qui vient de nos bureaux, s'il s'agit d'une nouvelle qui vient de nos journalistes. Vous savez également s'il s'agit d'un commentaire, d'une analyse, d'une étude et non pas d'une simple nouvelle. Vous savez également s'il s'agit d'un éditorial ou s'il s'agit d'une nouvelle. Vous savez aussi, parce que c'est maintenant indiqué dans notre journal, quand il s'agit de publi-information au lieu de la stricte information.

Tout ça est destiné à respecter le lecteur, à bien lui indiquer quelle sorte de nouvelle il va lire et d'où elle vient. Il y a aussi la responsabilité sociale de La Presse. Sa responsabilité sociale, c'est son rôle d'animateur dans la société, et nous croyons que La Presse s'en acquitte par ses enquêtes, par ses études, par ses analyses, par ses participations à différentes campagnes : cam -pagne contre la pollution de l'eau, campagne contre la pollution de l'air, campagne d'adoption. Toutes ces choses sont des manifestations du sens civique, je dirais, de La Presse ou enfin de son rôle d'animateur dans la société.

Et une caractéristique particulière à La Presse — parce que je ne prétends pas que nous soyons le seul journal à avoir ces standards, mais je pense que, dans un journal d'information générale comme La Presse, nous les retrouvons tous — c'est la totalité de l'information, et ça, c'est très important.

Chez nous, La Presse, étant donné le rôle que nous avons à remplir comme journal d'information générale, il nous faut un journal complet. Cela veut dire qu'il nous faut dans chaque édition pratiquement retrouver tout le champ de l'activité humaine, que ce soient les faits divers, que ce soit la justice dans son administration, dans différents aspects, que ce soient l'économie, la religion, les sciences, les sports, la politique nationale, la politique internationale, les pages féminines, les pages de variétés, les pages d'arts et lettres. Je vois M. Lévesque qui tourne de l'oeil en entendant cette énumération, mais je pense qu'il est bon, au départ, de se rendre compte de tout ce que ça contient, La Presse, pour apprécier vraiment quel est le travail à faire pour fabriquer tous les jours un journal comme La Presse, et c'est là que l'on va voir s'il y a possibilité d'un contrôle d'information ou pas.

M. LEVESQUE (Laurier): Moi, je suis sûr que cela nous apprend beaucoup de choses.

M. BUREAU: Je ne prétends pas vous apprendre des choses nouvelles, je voudrais quand même brosser un tableau rapide, pour que nous puissions avoir tous les éléments en main afin de pouvoir apprécier ensuite la justice de nos commentaires là-dessus.

Et nous avons La Presse, étant donné que c'est un journal d'information, une politique éditoriale distincte de la politique d'information. Vous vous souvenez sans doute du temps où, à La Presse ou dans d'autres journaux, il y avait un service de rédaction, où le service de rédaction englobait

à la fois le service de 1'éditorial et le service de l'information. Il n'y avait pas cette étanchéité de l'éditorial par rapport à l'information. Aujourd'hui, cela existe. La restructuration qui a été organisée par le service de l'information, par les directeurs du service et ses adjoints, a prévu une séparation distincte entre l'éditorial et le service de l'information, de sorte qu'aujourd'hui, l'éditorial, qui est la prérogative reconnue à l'éditeur de faire connaître ses options, de faire connaître ses commentaires, est complètement séparé du service de l'information. Il n'y a donc pas possibilité ou de contrôle ou d'influence entre les deux. Ce sont deux services complètement différents qui relèvent d'une autorité différente.

La politique éditoriale propre de La Presse consiste, étant donné le vaste public auquel elle s'adresse, étant donné la différence qui existe entre les âges, entre les classes — ce mot n'est probablement pas exact — mais enfin entre les groupes qui lisent La Presse, étant donné cela, nous avons une politique éditoriale qui pourrait se définir rapidement comme ceci:Nous voulons fournir à nos lecteurs des options valables dans chaque cas où nous analysons telle et telle situation.

Nous voulons également avoir une ouverture sociale qui soit compatible avec les intérêts de nos lecteurs. Nous ne prétendons pas parler ex cathedra; nous ne prétendons pas que nous parlons et que personne ne peut avoir d'opinions en sens contraire.

C'est la prérogative reconnue d'un éditeur d'exprimer ses opinions dans la page éditoriale. Nous tâchons de les exprimer en tenant compte de ce que je viens de mentionner. Tels sont donc les standards que la Presse s'est fixés et qu'elle essaie de maintenir. A ce moment-ci, je pose un premier jalon dans notre travail. Je crois que ces standards sont incompatibles avec un régime de contrôle de l'information. Comment pourrait-il y avoir contrôle de l'information s'il y avait toujours cette exigence de la totalité de l'information? Il n'y a pas de compatibilité entre les deux parce que le contrôle de l'information est une sous-information et la sous-information n'est pas compatible avec la totalité de l'information. La sous-information n'est pas compatible non plus avec l'indépendance et avec l'honnêteté que nous voulons respecter.

Je pose tout de suite comme première conclusion que déjà ces standards, que nous maintenons, relativement dans certains cas, à cause des circonstances que j'ai mentionnées tout à l'heure, sont incompatibles avec un régime de contrôle de l'information. Mais, allons plus loin. Malgré cette incompatibilité, est-ce qu'il demeure physiquement possible — je pense qu'il est extrêmement important de s'en rendre compte — de contrôler l'information dans un journal comme la Presse? Pour y répondre, je pense que l'on n'a qu'à se poser une question: par qui et comment est réparti le travail? Par qui, d'abord? La restructuration de la rédaction dont j'ai parlé tout à l'heure a été étudiée par les journalistes, elle a été convenue entre les parties, elle a été amenée en place et, actuellement, cette restructuration est justement en train de se compléter à la Presse.

Dans cette restructuration, vous avez un partage d'autorités. Je vous invite à consulter l'organigramme qui vous est montré actuellement. Vous avez, en haut, le vice-président exécutif, vous avez ensuite le directeur de l'information; d'un côté, vous avez ses adjoints à l'administration et, de l'autre côté, ses adjoints à la recherche et à la planification. En bas, vous avez cinq adjoints à l'information pour assurer la permanence du service de l'information 24 heures par jour et sept jours par semaine.

A l'étape suivante, au niveau de l'adjoint au directeur de l'information, vous avez les grandes divisions qui sont à la base de tout le travail de recherche de la nouvelle. Vous avez la division des arts graphiques, vous avez les trois divisions de l'information auxquelles nous reviendrons tout à l'heure, et vous avez la division des agences et des bureaux de presse. Je m'arrête plus particulièrement aux divisions nos 1, 2 et 3. A la division no 1, cela groupe toute la nouvelle qui vient des faits divers de la justice, des affaires urbaines, de la politique municipale, des affaires publiques, de l'éducation, du bien-être, de la santé et de la religion.

Dans la division no 2, vous avez la politique nationale, la politique internationale, l'économie et les sciences.

M. BERTRAND: M. Bureau, c'est presque un gouvernement.

M. BUREAU: Je ne pousserai pas plus loin la comparaison. Je ne comparerai pas ces gens à des fonctionnaires. On sait que le sujet est dans l'air et je ne voudrais pas entrer là-dedans.

M. MICHAUD: M. Bureau, dans votre premier organigramme, où s'arrête le personnel syndiqué?

M. BUREAU: Voulez-vous revenir à la deuxième diapositive? Bon. Le personnel syndiqué va jusqu'au niveau de chef de ces grandes divisions. Les adjoints, les cinq adjoints à l'information

sont des gens qui ne font pas partie du personnel syndiqué. Ce sont véritablement les représentants du directeur de l'information.

M. MICHAUD: Mais les directeurs de service comme tels...

M. BUREAU: Les directeurs de chacune des grandes divisions sont des gens syndiqués, c'est-à-dire arts graphiques, division no 1, division no 2, division no 3 et agence de presse et bureau. Là, ce sont tous des gens syndiqués.

M. MICHAUD: Donc pour le personnel non syndiqué, il y a le directeur de l'information et ses cinq adjoints. Cela s'arrête là.

M. BUREAU: Ses neuf adjoints, parce qu'il y en a deux qui sont à la planification et deux qui sont à l'administration, mais il y a vraiment cinq adjoints à l'information.

M. MICHAUD: Est-ce que la nouvelle convention collective qui vient d'être signée avec votre société a prévu des changements pour ça? Est-ce qu'il y a eu du personnel syndiqué qui a été décertifié?

M. BUREAU: Non, il n'y a pas eu de personnel syndiqué qui a été décertifié. Il n'y a eu aucune décertification. Il y a même eu une requête conjointe de la part du syndicat des journalistes et de La Presse pour approuver cette restructuration supérieure. Elle a été déposée devant la Commission des relations de travail conjointement et elle a été accordée par la Commission des relations de travail. Maintenant, c'est une nouvelle définition des tâches.

Antérieurement, vous aviez un conseil de rédaction qui était composé du rédacteur en chef, du gérant de rédaction, du secrétaire de la rédaction, du directeur de l'information, du directeur de 1'éditorial, des adjoints au directeur de l'information. C'était en fait une espèce de sénat où siégeaient à la fois les gens de l'éditorial et les gens de l'information. Il y avait dans ce temps-là huit membres qui siégeaient dans ce conseil d'administration, si vous voulez, de la rédaction — le service de l'éditorial est distinct et le service de l'information est composé d'un directeur et de neuf adjoints. Il n'y avait personne dans ce temps-là qui s'occupait vraiment comme fonction d'autorité de l'administration. Nous en avons deux maintenant.

Il n'y avait personne, dans les attributions de ceux qui faisaient partie du conseil de la rédaction, qui s'occupait de recherche et de planification. Nous en avons deux maintenant

Il y a donc ces quatre personnes qui n'avaient pas leur pendant dans l'ancien conseil de la rédaction. Est-ce que ça répond à votre question, monsieur Michaud?

M. MICHAUD: Cela va.

M. BUREAU: Dans la division no 3, on retrouve les sports, la rédaction féminine, les arts et lettres, les variétés et les loisirs. Comme vous le voyez, tout le champ d'action, tout le champ d'activité de nos lecteurs est couvert par l'une ou l'autre de ces trois grandes sections. Les deux autres sections, les deux autres divisions, devrais-je dire, celles qui sont en bout, sont des divisions qui assistent chacune de ces trois grandes divisions pour leur fournir les services de maquettistes, de graphistes, de dessinateurs, de photographes ou qui les assistent au point de vue des agences de presse ou des bureaux comme Québec, Ottawa et Paris.

Toute l'information est cueillie par les journalistes qui font partie de ces sections. A l'intérieur de chacune des sections que j'ai énumé-rées, sports, rédaction féminine, arts et lettres, variétés, loisirs, économie, religion, toutes ces choses-là, il y a donc des journalistes.

Ce sont ces journalistes qui vont chercher la nouvelle, ce sont eux qui l'amènent à cette section. Il y a d'abord un premier travail: toute cette nouvelle, toute cette masse d'information est recueillie à ce niveau, au niveau des journalistes. Est-ce que vous avez une idée de ce que ça représente, cette masse d'information tous les jours, 24 heures par jour, sept jours par semaine?

Cela veut dire, en moyenne, une centaine d'articles de nos propres journalistes à la Presse; cela veut dire 255,000 mots qui nous viennent des agences de presse auxquelles nous sommes abonnés. Or, nous sommes abonnés à un très grand nombre d'agences de presse: Presse canadienne, Presse associée, Reuter United Press International, Agence France-Presse, Dow Jones, Los Angeles Times, Washington Post. 255,000 mots par jour entrent par ces agences de nouvelles. Nous recevons les informations de 23 correspondants et collaborateurs réguliers. Des informations nous viennent de nos bureaux d'Ottawa, de Paris et de Québec; 150 à 200 photos nous viennent de nos journalistes; 140 téléphotos entrent tous les jours par les différents services d'agences. Si on ajoute à ça tous les appels téléphoniques, tous les communiqués, toutes les lettres, toutes les informations qui nous parviennent par toutes sortes de moyens au cours de la journée, vous avez là la masse des informations qui arrivent tous les

jours à la Presse. Toute cette matière doit être triée; elle doit être agencée, elle doit être parfois récrite, traduite, condensée. Elle doit être évaluée à sa valeur relative. Cela, c'est bien beau, ça se fait dans une journée, mais qu'on pense que nous publions quatre éditions dans une journée, entre huit heures et demie le matin et trois heures et demie l'après-midi. Il faut réévaluer la majorité des grandes nouvelles que nous recevons, parce qu'elles sont complétées, elles sont commentées. Parfois, elles ont perdu de leur intérêt au fur et à mesure des éditions. Il faut les réévaluer.

Il faut ajouter à ces nouvelles. Il faut les déplacer dans le journal. Alors, c'est tout ce travail qui est effectué aux différentes étapes que vous avez constatées et que j'ai essayé de vous décrire. Tout ça équivaut, chaque jour, comme matière rédactionnelle, à une moyenne d'un volume de 500 pages. Toute cette masse d'information doit être étudiée, comme je viens de le décrire, pour paraître dans nos journaux entre huit heures et demie le matin et trois heures et demie l'après-midi. J'ai ici le journal d'hier. Je vous invite à regarder la première page, pour avoir une idée de ce qu'est la transformation des nouvelles au fur et à mesure des éditions. Hier, il n'y avait pas de nouvelles absolument fantastiques. C'était de la nouvelle comme on en a tous les jours. Vous avez, en première page...

M. BERTRAND: Excepté la première page.

M. BUREAU: Dans la première page, vous allez voir qu'avec les éditions il y a des changements. Il y a des nouvelles qui perdent de leur intérêt, à un moment donné.

M. MICHAUD: Avez-vous reçu un appel du premier ministre?

M. BUREAU: C'est parce que la première édition s'en vient à Québec.

M. BERTRAND: Vous vouliez qu'on le sache à Québec.

M. BUREAU: Ces nouvelles nous arrivent la veille au soir, c'est-à-dire Jusqu'à deux heures du matin, au moment où la Presse canadienne ferme ses bureaux. Ce sont des nouvelles que nous recueillons la nuit et ce journal sort à huit heures et demie le matin. Il y a des commentaires qui arrivent au cours de la journée et que nous ajoutons aux nouvelles que nous avons publiées dans la première édition.

Il y a des choses qui changent. Il y a toutes sortes d'événements qui se passent. Alors, en première page, vous avez trois nouvelles qui n'apparaissent plus dans la deuxième édition: la tempête à Montréal, la noyade à La Ronde et l'homme posera le pied sur la lune le 20 juillet. Ces nouvelles, on les retrouve dans la deuxième édition, mais à un autre endroit. Cet endroit était déjà occupé par quelque chose. Alors, ça veut dire, encore là, un déplacement. Je n'ai pas l'intention de suivre l'histoire de la nouvelle concernant la lune à travers les éditions, mais je pense que vous pouvez imaginer facilement ce qu'il en est. Dans la deuxième édition, on a encore le même titre et vous avez deux nouvellles qui ne seront pas dans la troisième édition. « L'abordage aux Philippines » va disparaître comme texte dans la deuxième édition et se retrouvera à une autre page; « Ottawa fixe un plafond au budget de la défense » va disparaître de la troisième édition et se retrouvera à une autre page.

M. MICHAUD: ... M. Bureau, si vous le permettez, étant donné que vous parlez des éditions, nous avons l'impression — quand je dis nous, je veux dire certaines personnes — que la « couverture » du Parlement québécois est moins importante à Montréal dans les deuxième, troisième, quatrième éditions qu'elle ne l'est en première. Nous avons l'impression qu'il y a une carence de ce côté-là, que des événements se produisent et que le Parlement québécois est moins bien « couvert » par La Presse que par certains autres journaux.

M. BUREAU: J'ai bien envie de dire, comme M. Kierans, que je ne peux accepter cette accusation de discrimination...

M. MICHAUD: Ce n'est pas une accusation.

M. BUREAU: ... mais je m'en garderai bien. D'une édition à l'autre, il y a des nouvelle dont l'importance relative est plus grande. Je vous l'ai mentionné tout à l'heure. Il peut arriver qu'une nouvelle qui faisait, comme hier, la manchette de la première page se retrouve en page 2 ou dans une page de cahier après la première ou la deuxième ou la troisième édition. On ne fait pas le journal La Presse plus pour Québec que pour Chicoutimi, que pour Trois-Rivières, que pour Montréal. C'est un journal dont le noyau naturel est Montréal, c'est évident, mais la première édition est faite avec les nouvelles que nous avons à ce moment-là. La deuxième édition, nous la complétons, nous

la modifions avec les nouvelles que nous avons. C'est toujours apprécié suivant la valeur relative des nouvelles. Les nouvelles que vous avez dans La Presse au sujet de la « couverture » du Parlement de Québec s'y retrouvent toute la journée. Elles peuvent peut-être être déplacées au gré des circonstances suivant ce qui se passe de plus important ou de plus immédiatement intéressant au moment où l'édition va sortir.

Par exemple, le jour où la Bourse a sauté, où il y a eu une bombe à la Bourse, toutes les nouvelles de la première page ont sauté. Nous avons mis des photos sur ce qu'était le drame de la bombe à la Bourse.

M. LEVESQUE (Laurier): Avec une bombe, c'est normal que cela saute.

M. BUREAU: Bien, il y en a qui n'ont pas sauté.

M. BERTRAND: Il y en a qui ont été désamorcées.

M. BOUSQUET: Je pense que le metteur en page a une influence quand même extraordinaire sur l'évolution de l'opinion publique par l'espace qu'il accorde à telle ou telle nouvelle. Est-ce que c'est un personnage unique ce metteur en page?

M. BUREAU: Le travail tel qu'il est prévu à la restructuration se fait au niveau de l'adjoint à l'information qui a physiquement autour de lui, à une table de travail autour de lui, les chefs des trois grandes divisions que je vous ai mentionnées tout à l'heure et les représentants des services auxiliaires que je vous ai également mentionnés, photographes, maquettistes et tout cela. C'est avec tous ces gens-là que se fait la mise en page, parce que tous ces gens-là ont leur mot à dire dans l'appréciation de la valeur relative des nouvelles. Personne à La Presse ne détient une autorité unique qui puisse dire: Je décide que cette nouvelle-là est la meilleure; toutes les autres, nous les mettons de côté.

M. BOUSQUET: Dans le cas de chaque édition, c'est un travail collectif?

M. BUREAU: Absolument.

M. MICHAUD: Y a-t-il un éditeur du service de l'information politique, un directeur du service de l'information politique comme tel?

M. BUREAU: Dans la restructuration, il est prévu une section qui s'appelle politique internationale et politique nationale. Il y a un chef de cette division; il y a même trois chef pour assurer la permanence vingt-quatre heures par jour à chacun des niveaux de la division.

M. MICHAUD: Mais il n'y a pas comme tel de directeur du service de l'information politique?

M. BUREAU: Cela ne s'appelle pas comme cela, M. Michaud. La restructuration prévoit les adjoints, les chefs de divisions, les chefs de sections. S'il s'agit de la division numéro 2, par exemple, dans laquelle se trouve la division de la politique, vous avez trois chefs de divisions qui seront assistés de chefs de section qui, eux, auront une autorité particulière soit sur la politique internationale, soit sur la politique nationale, provinciale, soit sur l'économie ou sur les différentes choses qui forment cette division numéro 2.

M. MICHAUD: Ma question sera plus pratique. Quand la copie est acheminée par les courriéristes parlementaires au pupitre de La Presse, y a-t-il une compétence en matière politique qui traite cette copie tant au point de vue du titre que de la place dans le journal et que de l'espace à accorder?

M. BUREAU: Justement, le chef de la division numéro 2 qui a sous sa responsabilité la politique internationale, la politique nationale et l'économie est le bonhomme qui va être assis avec l'adjoint à l'information, à la même table que lui, pour apprécier la valeur de chacune des nouvelles qui lui sont transmises, que ce soit transmis par les services d'agences de nouvelles ou que ce soit transmis par nos gens qui sont, je dirais, dans le champ et qui vont chercher la nouvelle. Est-ce que cela répond à votre question, M. Michaud?

M. MICHAUD: Oui.

M. BOUSQUET: Pour ce qui est des titres, qui s'en charge?

M. BUREAU: Les titres sont pensés au niveau de cette table-là.

Il y a des suggestions qui sont faites à partir du Journaliste. Maintenant quand vous arrivez, par exemple, avec une nouvelle, prenons le cas d'aujourd'hui. Vous avez devant vous une série de mémoires qui doivent être présentés aujourd'hui. Il y a la Presse, les jour-

naux Trans-Canada Ltée, les entreprises Gelco Ltée, Québec Télémédia, M. David Dent et M. Elzéar Lavoie.

Imaginez-vous que le bureau de Québec doit trouver un titre pour « couvrir » tout ce qui se passe ici.

M. BERTRAND: Peut-on tenir pour acquis qu'aujourd'hui la Presse va avoir la première page?

M. BUREAU: Vous seriez bien téméraire de tenir ça pour acquis, M. le Premier ministre. Mon expérience n'est pas nécessairement dans ce sens-là. Je pense que, depuis le début des séances de la commission, vous avez pu voir les pages de cahier qui étaient consacrées à cette information-là. Maintenant demain, s'il y a des nouvelles plus importantes, je ne sais pas ce qui arrivera. S'il y a des nouvelles moins importantes, je ne sais pas non plus ce qui arrivera. Il faudrait le demander à ceux qui sont au pupitre aujourd'hui, à Québec, qui vont apprécier la valeur relative des nouvelles.

Mais, tout de suite, je vous informe, parce que le bureau de Québec pourrait bien trouver un titre pour coiffer l'ensemble de l'affaire. Il peut se trouver que, dans la page qu'on lui destine, à la dernière minute, il y ait un changement qui doive être apporté, parce qu'une nouvelle très importante arrive et qu'il faille réduire le titre. Le titre peut être modifié à ce moment-là.

M. MICHAUD: Ou une page d'Eaton.

M. BUREAU: Pardon?

M. MICHAUD: Ou une page d'annonces.

M. BUREAU: Non, c'est réglé depuis bien longtemps, ces problèmes-là.

M. BOUSQUET: C'est quand même un sujet très sérieux, le sujet de la question des titres.

M, BUREAU: Alors, à ce moment-là, je pense qu'il y a un autre aspect à considérer aussi. J'ai parlé d'une nouvelle qui arriverait à un moment donné. Il y a aussi la ressemblance des titres qu'il faut éviter dans le journal. Il y a toute une foule de détails pratiques qui font qu'à un moment donné, des titres peuvent être modifiés, et qu'ils ne soient pas exactement les titres qui avaient été suggérés à la base. Cela peut être pour une foule de raisons; parce qu'on n'a pas assez d'espace, parce qu'il est arrivé une autre nouvelle, parce qu'une nouvelle est déjà coiffée d'un titre qui ressemble trop à celui-là.

M. BOURASSA: Mais, d'une façon générale, un titre est toujours suggéré?

M. BUREAU: Je pense que oui. Evidemment, si le journaliste ne le suggère pas, il est possible qu'il n'y en ait pas, mais normalement un titre est suggéré sur les textes qui sont soumis. C'est ce qui se fait régulièrement.

M. BOURASSA: Quelle est, brièvement, la proportion des quatre éditions en volume, c'est-à-dire la première c'est 15%, etc.? Quelle est la plus importante des quatre?

M. BUREAU: C'est la troisième. M. BOURASSA: La troisième.

M. BUREAU: C'est la troisième, parce que la troisième est celle qui est distribuée par porteurs dans la région montréalaise. C'est la plus grosse édition.

UNE VOIX: Vous n'avez pas d'intérêts personnels, M. Bourassa?

M. BOUSQUET: Pourrait-on vous demander quelle priorité vous accordez aux différentes nouvelles? Accordez-vous la priorité aux nouvelles québécoises, aux nouvelles canadiennes ou aux nouvelles internationales? Au premier abord, y a-t-il une certaine priorité accordée à telle ou telle nouvelle?

M. BUREAU: Vous avez, dans le mémoire qui vous a été soumis, à partir de la page 23, je pense, une appréciation, jour par jour, de la moyenne d'information qui est publiée sur tel ou tel sujet. A partir de la page 23, il y a un tableau qui indique pour chaque jour l'espace rédactionnel minimum, — c'est l'espace minimal, cela ne tient pas compte des urgences, des choses qui arrivent en surplus — le nombre de colonnes attribuées à la rédaction, si aucun événement spécial n'en exige davantage.

Vous avez là le partage, et vous pouvez probablement tirer la conclusion qui vous intéresse. Mais ça, c'est l'espace minimal jour par jour.

M. MICHAUD: Aux fins d'accélérer les travaux, étant donné que la plupart des membres du comité ont dû lire, puisqu'ils l'ont reçu au préalable, le mémoire que vous avez soumis

— là évidemment, c'est un petit cours d'information à l'usage des profanes sur la fabrication d'un journal — pourrait-on peut-être poser certaines questions sur la structure du capital de la société?

M. BUREAU: Certainement, La structure du capital va être étudiée par Gelco immédiatement. Il me reste deux courts points à vous présenter, si vous voulez. Nous croyons, nous, qu'avec cette masse d'information, avec les exigences de la production, c'est-à-dire produire quatre éditions entre huit heures et demie et trois heures et demie de l'après-midi, avec la structure qui est mise en place et dont les centres de décision sont répartis depuis le plus bas ni-beau jusqu'au niveau des adjoints, nous croyons, dis-je, qu'avec ça et en présence de cette complexité de la fabrication du journal et de cette masse encore d'information, il est impossible, physiquement, de contrôler l'information.

Même si on le voulait, ce ne serait pas possible de la contrôler. Imaginez-vous le nombre de nouvelles qui arrivent à la Presse tous les jours, vous n'avez qu'à feuilleter la Presse et vous allez voir quelle est la masse de nouvelles que nous recevons. Nous sommes obligés d'en écarter un très grand nombre, mais nous ne pouvons pas les écarter sans les avoir lues, sans les avoir triées, sans les avoir appréciées, sans les avoir traduites parfois.

M, BOUSQUET: Maintenant, si vous me permettiez une autre question, il y a une possibilité, je ne dis pas que c'est une probabilité, mais il y a une possibilité d'orienter un journal au moment du choix des journalistes. Cela vaut dans le domaine de la presse comme cela vaut dans le domaine d'une faculté universitaire. Nous pouvons dire que les professeurs sont libres d'enseigner la matière comme bon leur semble, mais il y a quand même une sélection qui peut se faire au moment de l'emploi.

Y aurait-il moyen d'avoir une petite idée de la façon dont vous procédez pour l'emploi des journalistes?

M. BUREAU: C'est une excellente question, je suis bien content que vous me l'ayez posée. Le service de la rédaction compte 200 journalistes ou personnel auxiliaire. Il y a 140 journalistes, il y a les maquettistes, les photographes, les dessinateurs, le personnel auxiliaire. Alors, le choix des 200 personnes ne pourra jamais se faire. Au niveau supérieur, au choix des adjoints et du directeur de l'information, il est évident que c'est la responsabilité de l'éditeur de choisir le directeur de l'information en fonc- tion de la sorte de journal qu'il veut faire et que nous avons, tout à l'heure, exposée devant vous: un journal qui soit indépendant, qui soit honnête, qui soit respectueux, qui soit complet, parce que c'est un journal d'information. Alors, à ce niveau, le choix du directeur de l'information relève de la responsabilité de la direction de l'entreprise. Ses adjoints ont été choisis et les neuf adjoints du directeur de l'information sont tous devenus adjoints depuis que les nouveaux intérêts sont propriétaires de la Presse.

Ils ont tous été choisis — j'ai eu personnellement connaissance du choix de sept de ces adjoints — après, si vous voulez, un examen sérieux des candidatures par le directeur de l'information, et c'est lui qui a recommandé — dans ce cas-là, il me l'a recommandé parce que c'est moi qui avais cette responsabilité, qui avais ce service sous ma juridiction — ces nominations-là. Ce sont des gens qui ont travaillé avec lui dans la salle, ce sont tous des gens de la Presse et ils ont tous accédé au poste d'adjoint à l'information sur recommandation et sur décision du directeur de l'information.

M. LEVESQUE (Laurier): Qui est directeur de l'information?

M. BUREAU: M. Pierre Lafrance. Vous avez d'ailleurs dans le cahier, et je vous y réfère, à la page 12, intitulée: La direction du service, les noms de chacun de ces journalistes, leur expérience et leurs qualifications pour occuper les postes de direction qu'ils occupent dans le service de l'information. J'attire votre attention là-dessus, vous allez voir qu'il s'agit d'employés de la Presse. Nous n'avons pas voulu que nous disions, du jour au lendemain, comme ça s'était déjà fait, il y a le nouveau directeur à l'information, nous arrivons avec dix, quinze nouveaux gars que l'on va chercher partout ailleurs pour faire le ménage. Il n'était pas du tout question d'un ménage à la Presse. Nous avons le personnel qualifié qu'il faut pour le service de l'information. Nous tâchons d'en recruter encore pour compléter les rangs de ce personnel. C'est ce que nous avons fait, depuis un an et demi.

M. LAPORTE: Me Bureau, si on voulait orienter la nouvelle, ce qui, évidemment, ne semble pas être le cas à la Presse, manifestement, quel est le service qu'il serait le plus facile de contrôler ou le plus efficace?

Je vais poser une question, étant donné que je ne joue pas à cache-cache, ne croyez-vous pas que ceux qui font les titres sont le plus en mesure d'influencer, d'orienter?

M. BUREAU: Ils ont certainement une très large part de responsabilité, mais ils sont obligés de travailler avec le matériel qu'ils ont sous la main...

M. LAPORTE: Oui.

M. BUREAU: Ils sont obligés de travailler avec l'article qui est devant eux.

Alors, je dirais, moi, que, si on voulait tâcher d'influencer ou d'orienter quelqu'un, il faudrait le faire au niveau des gens qui vont chercher la nouvelle, parce qu'à ce moment-là ce sont eux qui fournissent la matière. Maintenant, pour aller plus loin, si j'acceptais votre théorie que les gens qui font les titres sont susceptibles d'orienter davantage l'information, il reste qu'à l'intérieur de la convention collective des mécanismes sont prévus pour empêcher ce travail d'orientation ou de « biaisage » de la nouvelle.

A ce moment-là, c'est une atteinte au travail professionnel de l'individu et il serait certainement sujet à des sanctions.

M. LAPORTE: Cest bien difficile à déterminer, de toute façon.

M. BUREAU: Non, non, il y a des cas patents.

M. LAPORTE: Je vous donne deux exemples, l'un qui m'apparaît simplement — je ne parle pas de La Presse, je parle en général — être du journalisme amateur. On lit, dans tous les journaux, régulièrement, que ce soit à Ottawa ou à Québec, après un long débat sur une motion de non-confiance: « Autre motion de non-confiance rejetée par la Chambre ».

Disons qu'il est assez improbable que, dans notre système parlementaire, quand le gouvernement a la majorité, la motion de non-confiance soit votée. Alors, qu'on lise régulièrement: « Huitième motion de non-confiance défaite par la Chambre », cela peut impressionner certains lecteurs qui disent: « L'Opposition se fait toujours battre ou le gouvernement gagne toujours ». Cela ne me paraît pas du journalisme bien fait.

M. BERTRAND: Cest la vérité.

M. LAPORTE: Cela n'est-il pas de nature à influencer le lecteur, alors qu'on devrait le mettre au courant du sujet qui a été discuté? C'est mon premier exemple.

Le deuxième exemple — je parle toujours de ceux qui font les titres — une conférence a été prononcée, un jour, sur un sujet fort délicat: l'avenir du Canada, la constitution, enfin, on connaît le sujet. Cette conférence d'une vingtaine de pages avait demandé à son auteur, disons, beaucoup de travail et de soins. Dans le texte qu'on avait remis aux journaux et qui était fort étudié, on disait: Certaines choses peuvent parfois entraîner des exagérations. On a vu le nationalisme poussé à son extrême en Allemagne avec les conséquences... Cela, c'était une incidente de deux paragraphes dans le texte. Elle a été résumée en trois paragraphes et le titre était devenu: « M. X parle d'Hitler et de nationalisme ».

On en a entendu parler après ça; la personne s'est fait accuser, on a dit: « II charrie un peu, le petit garçon, parler d'Hitler et de nationalisme ». Lorsqu'ensuite on a demandé comment il se faisait que le titre avait été fait comme ça, on a répondu: Evidemment, c'est Untel qui a fait le titre. Cest ça la question que je vous pose.

M. BUREAU: Alors, pour répondre à votre première question concernant l'exemple du huitième rejet...

M. BOUSQUET: C'est le sort de l'Opposition.

M. BUREAU: ... je pense qu'il faut tenir compte de différentes circonstances ou de différents éléments pour apprécier l'affaire. D'abord, il est possible que l'on ait parlé de cette motion-là dans nos journaux depuis trois jours, par exemple. Il était peut-être suffisant de dire: « Rejet de la motion de non-confiance », parce qu'elle avait fait la manchette depuis une couple de jours. Cela, c'est une chose possible.

Une autre chose qui est possible, c'est qu'il faut tenir compte du fait qu'il y a d'autres média que les journaux qui informent également le public On ne peut plus dire, aujourd'hui, que la presse informe à elle seule M. X. La presse, c'est un élément qui informe, mais elle n'est pas toute seule.

M. LAPORTE: J'aimerais bien que vous notiez que je ne parle pas du journal La Presse: je parle en général.

M. BUREAU: Non, non. Alors, disons le journal X.

M. LAPORTE: D'accord.

M. BUREAU: Si, par ailleurs, pendant X

jours à la télévision, à la radio, il a été question de cette chose-la et qu'il en a été question aussi dans nos pages, il est peut-être suffisant de parler du huitième rejet. Je viens à votre deuxième exemple. Je n'exclus pas la possibilité qu'à un moment donné quelqu'un, soit par manque d'expérience, soit par intérêt même jusqu'à un certain point, ait pu faire passer une chose comme celle-là. Cela est possible. Nous sommes tous des humains; nous sommes tous bousculés par les éditions; nous sommes tous soumis aux difficultés que nous pouvons avoir à obtenir certains renseignements ou certaines informations.

Il y a des journalistes qui vont chercher la nouvelle chez un individu et qui sont très mal reçus; c'est humain qu'ils en gardent un souvenir amer, parfois. Il peut arriver des choses comme celle-là. Mais justement notre restructuration, en permettant l'étude de la fabrication du journal au niveau des chefs de division et de l'adjoint à l'information devrait empêcher des choses comme celle-là de se passer. C'est ce que nous souhaitons.

M. LAPORTE: Ce que je veux dire, en somme... Je vais donner un exemple du journal où j'ai travaillé. Cela s'est passé pendant que j'étais là. A un moment donné, un correspondant du Devoir à Ottawa est devenu candidat conservateur. Un correspondant du Devoir...

M. BUREAU: Je le connais, celui-là.

M. LAPORTE: ... est devenu candidat cré-ditiste. Non, moi j'ai démissionné avant. Mettons aussi mon cas. Là, je le cite. A un moment donné, quand le deuxième est parti, nous avons reçu une lettre de quatre lignes que nous avons publiée et que j'ai trouvée fort éloquente: « Nous avons hâte de savoir le nom de votre prochain correspondant à Ottawa pour savoir en faveur de quel parti il va déformer la nouvelle ». C'est une chose que personne ne peut vérifier et où l'honnêteté intellectuelle du journaliste est tout à fait en cause. Il n'y a pas un conseil d'administration, pas un conseil d'arbitrage et pas un tribunal d'honneur qui peut juger une chose comme celle-là.

On a parfois l'impression — je parle du journalisme en général — que les journalistes défendent une thèse autant qu'ils publient de la nouvelle. On peut donner de cela certains exemples.

M. BUREAU: Nous entrons là dans tout le débat...

M. LAPORTE: La qualification.

M. BUREAU: ... de l'individualité du journaliste...

M. LAPORTE: Oui.

M. BUREAU: ... dans le compte rendu d'un fait. Normalement, il ne devrait pas se trouver d'éléments qui indiquent quelle est la faveur politique ou autre de l'individu qui fait le compte rendu.

M. LAPORTE: C'est le débat perpétuel, et qui ne sera jamais résolu, de la nouvelle et du commentaire.

M. BUREAU: Oui, exactement.

M. LAPORTE: Il y avait autrefois un code bien tranché à l'effet qu'on ne faisait jamais de commentaires dans une nouvelle.

M. BUREAU: Certainement.

M. LAPORTE: Disons que cela a évolué, fort heureusement, mais c'est le problème du commentaire.

M. BUREAU: Absolument.

M. LAPORTE: Quand un journaliste a écrit, par exemple, que M. X faisait un discours, c'était un ministre fédéral, pas nécessairement du gouvernement actuel: Pendant que la foule manifestait, le ministre a continué « platement » son discours. A ce moment-là, qu'est-ce que c'est? Cela s'est vu.

M. BUREAU: C'était peut-être « platoni-quement » qu'il voulait dire.

M. LAPORTE: C'était peut-être évident.

M. BUREAU: C'était peut-être « platoni-quement » et cela a sauté à la composition.

M. LAPORTE: C'est-à-dire que, comme dans notre temps, les typographes ont le dos bien large.

M. BUREAU: C'est du bien bon monde comme nous.

M. LAPORTE: Ah, oui!

M. BUREAU: Il y a du vrai dans ce que vous soulignez. C'est une responsabilité très

grande que celle de faire les titres, il n'y a pas de doute là-dessus.

M. LEVESQUE (Laurier): Excusez-moi... M. BUREAU: Allez donc, M. Lévesque.

M. LEVESQUE (Laurier): II y a un autre danger. Il y a les titres qui comportent un danger. C'est-à-dire qu'il y a aussi une façon d'orienter un journal: c'est le choix de la place qu'occupera la nouvelle. Comme vous le disiez vous-mêmes, je ne pense pas qu'aucun journal quotidien qui est aussi massif que La Fresse et qui prétend essayer de tout « couvrir » ou à peu près éliminera systématiquement les nouvelles. Seulement, il y a une différence inoui'e entre la page 1, la page 3 et la page 75, aux environs des huit erreurs, vous savez.

M. BUREAU: Aux environs de?

M. LEVESQUE (Laurier): Aux environs de « Trouvez les huit erreurs ».

M. BUREAU: Oui. Sept erreurs.

M. LEVESQUE (Laurier): Sept? Non.

M. BUREAU: C'est la question de la mise en page.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, excusez-moi. Les sept erreurs sont chez Péladeau, je pense. Chez vous, ce sont huit erreurs.

M. BUREAU: Bien, il y a certainement une erreur là.

M. LEVESQUE (Laurier): Je fais le jeu assez souvent. Donc, le choix de l'endroit, sans compter la présentation dont on vient de parler, est fait par...

M. BUREAU: Je vous l'ai expliqué tout à l'heure. Il est fait au niveau de l'adjoint avec ses chefs de division.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. BUREAU: C'est en fonction de chacune des éditions.

M. LEVESQUE (Laurier): Essentiellement, l'adjoint et le directeur de l'information ont quand même la haute autorité sur...

M. BUREAU: Certainement.

M. LEVESQUE (Laurier): ... la façon de faire le journal...

M. BUREAU: C'est cela.

M. LEVESQUE (Laurier): ... et la façon de traiter la nouvelle.

M. BUREAU: II faut s'entendre sur l'expression « traiter la nouvelle ». Le mot « traiter » peut avoir bien des sens.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce que je veux dire très simplement — je ne veux pas faire de thèse — c'est que quand le directeur de l'information est choisi, c'est lui quand même qui dirige l'information.

Il a ses adjoints sous le directeur de l'information; les adjoints sont également choisis par la direction, ce qui est normal. Vous l'avez dit, ils sont pris à même le personnel, mais deviennent des non-syndiqués, non syndicables...

M. BUREAU: C'est exact.

M. LEVESQUE (Laurier): ... et représentent la direction. Or, la facture générale du journal et un certain climat... Je crois que l'essentiel d'un journal est quand même le choix qu'on fait, dans tous les secteurs, des informations, parce qu'il y a des sujets qui durent. Vous avez par exemple des discussions politiques au Canada ou dans Québec qui ne se font pas du jour au lendemain, qui durent. Je prends un exemple que je connais, je le vis. Bon. Alors, il y a un certain choix qui se fait de ces nouvelles et, essentiellement, elles dépendent du directeur de l'information et de ses adjoints, à long terme.

Autrement dit, ce n'est pas sur une journée ni sur une semaine, mais un certain climat s'établit dans le choix. Il y a des choses qui sont plus importantes que d'autres, etc. et c'est inévitable.

M. BUREAU: Les choses les plus importantes, on en parle à la page 23; je vous ai indiqué tout à l'heure quelle était la répartition de l'espace minimum du journal. Il faut penser que nous ne sommes pas un journal de combat idéologique, alors on ne peut pas donner 50% de l'espace de La Presse aux problèmes politiques, par exemple. Il faut que nous fournissions à nos lecteurs un journal complet et diversifié. Alors cela nous oblige, à certains moments...

M. LEVESQUE (Laurier): Il y a un choix qui

se fait dans l'information. C'est tout ce que je voulais dire.

M. BUREAU: Forcément. On reçoit 255,000 mots d'agences, par exemple, alors s'il fallait les publier tous, on n'en sortirait pas.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. LEVESQUE (Laurier): Donc, le choix dépend essentiellement de la direction et des hommes qui sont là.

M. BUREAU: Bien écoutez, là je ne suis pas tout à fait d'accord.

M. LEVESQUE (Laurier): Ecoutez... D'accord.

M. BUREAU: Bien, votre raisonnement est très bien fait, sauf qu'il met de côté la présence des chefs de division qui sont assis là et qui participent avec l'adjoint à l'information, à la fabrication de chacune des éditions du journal. Je ne peux pas tenir pour acquis que les chefs de division, de la première, de la deuxième ou de la troisième division, qui sont syndiqués, qui ont dans leur convention collective des normes de protection et de garantie professionnelles, se fassent passer des bois si vous voulez, par l'adjoint au directeur de l'information. Bien au contraire, il y a un adjoint au directeur de l'information qui est assis à la table et qui est entouré de ses trois personnes qui, elles, ont la responsabilité de la « couverture » de chacun de ces domaines. Et si, à un moment donné, une décision était prise de choisir telle ou telle nouvelle plutôt que telle autre, — pas nécessairement dire, à partir de demain matin, on ne parle plus de M. Lévesque, c'est évident que cela ne peut pas se faire, c'est évident que cela ne se ferait nulle part, je pense, j'espère — mais, si à un moment donné, petit à petit c'était éliminé graduellement, pensez-vous, d'abord, que nos lecteurs ne réagiraient pas? Je vais vous en parler tout à l'heure, pensez-vous à part cela, que nos journalistes ne réagiraient pas?

M. LEVESQUE (Laurier): Ecoutez, ça devient ad hominem; j'ai essayé de l'éviter, j'aimerais bien que vous en fassiez autant.

M. BUREAU: Oui, oui. Bien je m'excuse, alors disons...

M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes porté à faire un plaidoyer, ce n'est pas ce que je vou- lais faire, et surtout je n'ai pas envie de me donner comme exemple. Je vous dis simplement ceci et je voudrais avoir votre réponse: la direction a la haute main sur la facture de son journal, c'est à elle ce journal, vous l'avez dit. Bon. La direction est représentée, vous avez dit vous-même que, vous, vous avez présidé à ce choix du directeur de l'information et des adjoints, si j'ai bien compris tout à l'heure.

M. BUREAU: Je n'ai pas présidé au choix du directeur, je n'étais pas...

M. LEVESQUE (Laurier): J'ai cru comprendre le mot présidé, on verra dans le compte rendu.

M. BUREAU: Oui, oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous, vous êtes à quel poste à La Presse?

M. BUREAU: Vice-président exécutif.

M. LEVESQUE (Laurier): Bon le vice-président exécutif que vous êtes, qui représente la direction, a quand même son mot à dire dans le choix du directeur de l'information et de ses adjoints. Bon. Les chefs de division dont vous parlez, si j'ai bien compris votre raisonnement tout à l'heure, les adjoints, comme vous dites, n'ont pas été parachutés d'en dehors mais ont été pris à même les journalistes.

M. BUREAU: C'est ça.

M. LEVESQUE (Laurier): II y a des chances que les chefs de division dont vous parlez, qui sont autour de l'adjoint quand on fait le journal, puissent aussi un jour devenir adjoints, à condition que cela fasse l'affaire de la direction. Oui ou non?

M. BUREAU: Bien voici, là on prend...

M. LEVESQUE (Laurier): Ils sont dans la ligne de promotion. Oui ou non?

M. BUREAU: Exactement.

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, d'accord, c'est tout ce que je voulais dire. Merci.

M. BUREAU: Je voudrais tout simplement dire que si j'ai mentionné le nom de M. Lévesque, ce n'était pas une attaque ad hominem que je voulais faire, pas du tout. Je voulais montrer jusqu'à quel point on ne peut pas...

M. LEVESQUE (Laurier): Ecoutez, je voulais systématiquement éviter de parler de choses qui pourraient directement m'intéresser et je voudrais que vous en fassiez autant.

M. BUREAU: Très bien, je vais tâcher de le faire.

M. LEVESQUE (Laurier): On essaie de comprendre votre journal et non pas vos orientations.

M. BUREAU: Oui.

M. M1CHAUD: M. Bureau, si je comprends bien le sens de votre mémoire, vous voulez prouver, corrigez-moi si je fais erreur, que quels que soient les apparentements et les cousinages économiques — puisque ce comité a été institué pour étudier le phénomène de la concentration des entreprises de presse et des apparentements économiques que pourrait éventuellement avoir La Presse avec d'autres structures financières — quels que soient les apparentements économiques du journal La Presse quelle que soit sa propriété, il est impossible d'intervenir dans le mécanisme de la diffusion des faits.

M. BUREAU: Exactement. C'est ce que je veux démontrer.

M. MICHAUD: C'est ça que vous voulez prouver.

M. BUREAU: J'espère que la lecture du journal... Je ne parle pas de la lecture d'un journal...

M. MICHAUD: Si vous le permettez, je vais continuer. Il y a une place qui n'est pas faite, bien sûr — le député de Laurier vient de le mentionner — aux adjoints ou aux sous-adjoints qui sont dans une ligne de promotion et qui seraient éventuellement tentés de protéger davantage les intérêts du patronat. Il y a une place aussi qui n'est pas faite à cette sorte d'autocensure que peuvent éventuellement pratiquer les journalistes devant des sujets qu'ils estiment litigieux ou qui, d'après eux, ne seraient pas reçus avec tellement de faveur de la part de la direction. Ce n'est pas prévu. Evidemment, c'est de l'impondérable.

M. BUREAU: Je pense, M. Michaud, que vous avez, dans l'étude de la restructuration qui accompagne le mémoire, une réponse détaillée à tous ces points. Vous avez là l'explication de tout le mécanisme, l'explication du choix des individus qui occupent tel ou tel poste et les critères sur lesquels on s'est basé pour faire ce choix. Je comprends les appréhensions de M. Lévesque. J'espère que ma démonstration sera suffisante pour le convaincre qu'on agit de bonne foi et qu'on essaie de le faire de façon à assurer la liberté de presse. C'est tout ce qui nous intéresse. La restructuration s'est passée de cette façon: pendant un an et demi, les journalistes, par leur représentant, le syndicat des journalistes de La Presse, ont étudié, dans des journées d'information parallèles aux séances de négociations qui continuaient à se dérouler, la restructuration qui était proposée par la direction de l'information. Cette restructuration, ce n'est pas la haute direction qui l'a suggérée; ce sont les adjoints et le directeur de l'information qui se sont penchés sur ce problème.

Ce problème n'était pas nouveau, parce qu'il y avait de nouveaux intérêts à La Presse. Depuis des années, les journalistes demandaient, par exemple, la séparation entre 1'editorial et l'information. Si vous relisez les numéros de la revue Trente, qui était l'organe de l'Alliance des syndicats de journalistes, vous allez voir que, dans la majeure partie de tous ces articles, on revenait sur des thèmes et sur des suggestions qui, aujourd'hui, sont entérinées et se retrouvent dans la nouvelle structure. J'ai parlé, tout à l'heure, de la séparation ou de la décentralisation des centres de décision, entre le niveau de l'adjoint et le niveau du journaliste, par les chefs de section et les chefs de division.

Vous allez avoir là-dedans toutes les distinctions qui s'imposent et toute la description de ce processus de décision à tous les échelons. Vous allez voir que, quand ça arrive au niveau de l'adjoint à l'information, le travail est pratiquement complété. Il s'agit, alors, d'un travail de coordination. Imaginez-vous l'individu qui a un journal de 92, de 104 ou de 120 pages à faire pour le lendemain. Pensez-vous que ces gens-là, chefs de division, adjoints au directeur de l'Information, vont avoir le temps de contrôler la masse d'informations qui leur arrivent, quand, déjà, les chefs de section, les journalistes et les chefs de division ont fait un premier tri? Cela se fait au niveau des journalistes qui sont syndiqués.

M. MICHAUD: Vous nous assurez que cette nouvelle structure qui a été mise en place, quels que soient les intérêts économiques en cause, sera la garantie de liberté de l'information et de diffusion des faits. Je reviens toujours avec mon exemple qui est, je pense, assez bien choisi. Je suppose qu'un reportage ou une enquête serait

faite par un journaliste de La Presse sur l'étatisation des pistes de courses. Or, La Presse, par ses apparentements économiques, par ses cousinages, est propriétaire de Blue Bonnets et du parc Richelieu. Il n'y aurait aucune tentative d'intervention de la direction dans un reportage éventuel sur le dossier des hippodromes.

M. BUREAU: Vous prenez une hypothèse. Si vous me le permettez, je vais répondre par des exemples.

M. MICHAUD: Cette structure permettra justement qu'il n'y ait pas d'intervention.

M. BUREAU: Au moment même où la structure était à se discuter et à se négocier, alors qu'elle n'était pas encore en place complètement, vous avez eu, par exemple, une grève à Blue Bonnets. Blue Bonnets est la propriété d'intérêts qui sont apparentés aux nôtres, par différents graphiques que vous verrez tout à l'heure.

Je pense que pas un seul journal a fourni de l'information sur cette grève-là comme La Presse. Information de provenance syndicale dans la plupart du temps parce que, généralement, les patrons font un communiqué, deux communiqués et on n'en parle pas davantage.

Essayez de vous souvenir de l'information qu'il y a eu dans la Presse au sujet de cette grève de Blue Bonnets. J'apprécierais que vous puissiez porter un jugement après cela pour savoir si vraiment vous pensez qu'il a pu y avoir, qu'il y a eu ou qu'il aurait dû y avoir une intervention quelconque. Je vous cite également le cas de la Cie de Transport Provincial qui a connu une grève aussi. Regardez là-dedans. Ce sont des exemples que l'on a mentionnés depuis quelque temps de compagnies qui seraient voisines des intérêts de la Presse. Regardez encore là le genre d'information que nous avons donnée sur ces conflits. Vous allez voir qu'il y a eu absolument aucune intervention d'aucune sorte.

M. MICHAUD: La grève ne mettait pas en cause la propriété de ce monopole d'Etat qui est rétrocédé à des entreprises privées.

M. BUREAU: J'arrive à votre exemple plus particulièrement. Je voulais d'abord vous donner l'occasion d'apprécier que dans des cas où vraiment il y avait des intérêts en jeu, il n'y a pas eu de telles interventions.

Dans le cas hypothétique que vous suggérez, le cas de la nationalisation des pistes de course, il est possible que le service de l'éditorial, qui exprime la pensée de l'éditeur, ait une pensée ou un commentaire à formuler concernant ce bill. C'est sa prérogative. Il est séparé du service de l'information. L'éditorial est séparé complètement du service de l'information.

Il n'y a absolument rien qui transperce de l'éditorial à l'information. Vous allez me dire que ce n'est pas une démonstration définitive. Il pourrait toujours y avoir un appel téléphonique pour demander qu'on ne publie pas telle ou telle chose. C'est à cela que revient votre question. Evidemment, il pourrait y avoir un appel téléphonique, je ne sais pas de qui, mais il pourrait peut-être y avoir des appels téléphoniques. Il y en a tous les jours, de ces appels, M. Michaud...

M. MICHAUD: Non, non, mais cela...

M. BUREAU: ... de la part de toutes sortes de gens qui veulent qu'on passe sous silence tel compte rendu qui a été fait, telle chose qui a été dite. Cela ne dérougit pas, les appels téléphoniques, à La Presse de gens comme cela. Il y en a de très haut placés. Il y en a qui sont ministres, qui ont été ministres dans différents cabinets de différents gouvernements qui appellent pour se plaindre de telle ou telle chose. Cela arrive tous les jours, c'est humain.

M. LEVESQUE (Laurier): Qui s'occupe des pages économiques et financières?

M. BUREAU: La nomination a été faite la semaine dernière. C'est M. Roger Marceau qui était un journaliste à la section des pages économiques et financières. M. Marceau est un diplômé de l'Institut d'économie politique de Paris.

Il est à la Presse depuis quelques années. C'est lui qui aura la charge, dorénavant, de faire les pages financières de la Presse. Il remplace à ce poste M. Laurent Lauzier.

M. LEVESQUE (Laurier): Roger Marceau. M. BUREAU: Roger Marceau.

M. BOUSQUET: Dans le cas des différentes nominations, est-ce que l'on pourrait dire que le vice-président consulte les journalistes avant de faire une nomination de chef de division, de chef de secteur ou d'adjoint à l'information? Est-ce qu'il y a une certaine consultation pour que vous vous assuriez que la personne qui est en autorité est acceptée des journalistes?

M. BUREAU: Si vous vous référez à l'organigramme du début de ce texte, vous verrez que dépendent de ma responsabilité la production,

l'information et tous les autres services. Il y en a huit qui dépendent de ma responsabilité. Nous avons 1,360 employés dans ces services. Il est absolument impossible que je participe à toutes les décisions. Physiquement, c'est déjà impossible. Deuxièmement, au niveau des chefs de section et des chefs de division, il y a eu, conformément à la convention collective, des affichages. Tous les postes ont été affichés. Tous les journalistes de la Presse — et cela pour la première fois — avaient le droit de poser leur candidature à n'importe quelle des fonctions qui étalent là.

Le choix s'est fait par les adjoints et le directeur de l'information. Ces nominations ont été affichées. Il y a dans la convention collective des mécanismes prévus pour contester ces nominations si n'importe quel des employés qui se prétendrait lésé par telle ou telle nomination voulait la contester.

A l'heure actuelle, il y a eu affichage des nominations. Il n'y a eu aucun grief de présenté à l'heure actuelle à ces nominations qui comportent une trentaine de postes de chefs de section et de chefs de division. Ceci a été fait de la façon la plus scientifique, la plus honnête, la plus professionnelle possible. La façon de procéder à ce choix a été exposée au syndicat. Elle a été commentée, étudiée. Je pense que l'on a procédé à ces nominations de façon à pouvoir mettre au meilleur endroit le meilleur homme pour faire le meilleur journal. C 'est tout ce qui nous intéresse.

Quant à mon rôle, puisque la question était dans ce sens-là, je vous dirai que j'ai appris, jeudi matin de la semaine dernière — parce que le mercredi où cela a été affiché, j'étais ici à Québec — les noms des individus qui avaient été retenus pour chacune de ces fonctions.

Le directeur de chacun des services a notre confiance totale dans l'administration de son service. C'est lui qui dirige son budget, qui l'administre, qui choisit son personnel et qui s'occupe de faire fonctionner son service. Je ne peux pas me substituer à M. Lafrance, au gérant de la production, au directeur de la publicité ou au directeur du tirage; je manquerais mon coup dans tous les cas.

Ils ont chacun leurs responsabilités et je les leur laisse prendre. Je suis chargé de coordonner leur travail au niveau absolument supérieur entre les différents services. Quand, par exemple, il se pose un problème comme celui de publier un cahier spécial sur Apollo II, cela implique la publicité, le tirage pour la diffusion de ce cahier-là, l'information, la production et la promotion. A ce moment-là, c'est moi qui doit faire la coordination de tous les commentaires que les gens vont écrire pour réaliser ce cahier. Ce n'est pas moi qui dis au service de l'information: Vous allez faire ce cahier de telle ou telle façon, vous allez mettre tel article dedans ou enlever tel autre que je ne veux pas voir. Je n'ai absolument rien à voir là-dedans.

D'ailleurs, il faudrait tenir pour acquis que les journalistes ne toléreraient pas ça, quels qu'ils soient. Je ne suis pas un journaliste professionnel, je ne suis pas un rédacteur en chef et je n'ai aucune prérogative particulière pour m'immiscer dans ce travail-là. Je suis très intéressé à la bonne marche de chacun des services et je me tiens au courant autant que c'est possible de le faire.

M. BOUSQUET: Je crois que c'est une excellente réponse.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): Je voudrais revenir deux secondes, seulement pour voir un peu comment c'est organisé. Vous dites que M. Roger Marceau s'occupe des pages économiques et financières depuis quelques jours seulement.

M. BUREAU: Oui, c'est-à-dire qu'il a été nommé. M. Lauzier continue d'assurer la permanence tant que la restructuration ne sera pas complétée, c'est-à-dire tant que le choix de tous les journalistes de cette section n'aura pas été affiché.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, M. Lauzier est encore à la Presse?

M. BUREAU: Certainement.

M. LEVESQUE (Laurier): Que va-t-il devenir?

M. BUREAU: On m'informe qu'il est en congé de maladie actuellement. C'est la raison pour laquelle M. Marceau occupe actuellement la fonction. Il devrait l'occuper en permanence, dès que la structure sera complétée.

M. LEVESQUE (Laurier): M. Lauzier est-il encore à La Presse?

M. BUREAU: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): A quel service?

M. BUREAU: OÙ? Je suis content que la question soit posée. Nous avons nommé des

chefs de division et des chefs de section: 140 postes seront affichés dans les prochains jours et tous les autres journalistes qui ne seront pas nommés à l'une ou l'autre de ces fonctions postuleront l'un ou l'autre de ces postes. Alors, M. Lauzier, comme n'importe quel autre journaliste, peut postuler n'importe quel des 140 postes qui seront affichés et sa candidature sera retenue dans l'un ou l'autre des services.

M. LEVESQUE (Laurier): Excusez-moi, c'est juste pour voir un peu la ligne. M. Marceau prend la responsabilité des pages de la section économique et financière.

M. BUREAU: C'est ça.

M. LEVESQUE (Laurier): Il dépend de qui?

M. BUREAU: II dépend du chef de la division no 2, qui est la division économie, politique internationale, politique nationale et sciences.

M. LEVESQUE (Laurier): Le chef de la division no 2 est-il un permanent?

M. BUREAU: C'est un permanent. Il y en a trois pour assurer la permanence, 24 heures par jour.

M. LEVESQUE (Laurier): Qui sont-ils? C'est quand même, un secteur assez important.

M. BUREAU: M. Pierre Lafrance, directeur de l'information.

M. LAFRANCE: Nous avons nommé récemment Louis Thivierge qui occupe encore, pour le moment, la fonction de chef de notre section internationale.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. On m'apprend que M. Robarts arrive à l'instant. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi. Vous pourrez alors continuer l'exposé. Je comprends que vous entrez dans une nouvelle partie de votre exposé. Les travaux de la Chambre reprennent à trois heures et nous serons ici, en bas, dès que les travaux de la Chambre nous le permettront, c'est-à-dire vers quatre heures moins quart.

M. LEVESQUE (Laurier): Pourriez-vous garder les deux noms, M. Lafrance?

M. LAFRANCE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Ne les perdez pas.

Reprise de la séance à 16 h 10

M. CLOUTIER (président de la commission spéciale sur le problème de la liberté de la presse): A l'ordre, messieurs! Nous reprenons la séance. Je voudrais d'abord, au nom des membres de la commission, nous excuser pour l'interruption brusque de ce matin, qui a permis aux membres de la commission d'assister à un événement important.

Avant de reprendre les travaux de notre commission, je demande à Me Paul Pouliot, qui avait une observation à faire quanta l'ordre des travaux de la commission, s'il veut bien faire son observation qu'il m'a dit très courte.

M. POULIOT: M. le Président, si vous me permettez, je vais faire en premier lieu une correction: Je ne suis pas avocat, je n'ai pas ce privilège. Je suis tout simplement journaliste. Au nom du Syndicat des journalistes de Montréal, dont je suis le président général, je vous demanderais, M. le Président, de bien vouloir remettre à plus tard la présentation de notre mémoire, qui devait se faire le mercredi 11 juin, la remettre après le début de juillet. Le syndicat est très conscient de la prime importance de vos travaux pour la démocratie au Québec et nous avons l'intention de présenter un mémoire des plus valables et des plus objectifs. C'est pour ça que je suis ici aujourd'hui pour vous demander, ainsi qu'à vos collègues, de bien vouloir retarder de quelques semaines la présentation de notre mémoire.

M. LE PRESIDENT: Nous prenons bonne note de la demande de M. Pouliot. S'il y en a d'autres qui, en ce moment-ci, n'ont pas fait connaître leur intention de présenter des mémoires et qui veulent en présenter, il sera toujours temps d'avertir la commission.

M. le député de Laurier, oui?

M. LEVESQUE (Laurier): Excusez-moi, M. Pouliot, juste pour qu'on soit sûr de quoi il s'agit, vous avez dit que c'est le syndicat...?

M. POULIOT: ... des journalistes de Montréal, affilié à CSN.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors ce n'est pas du tout conjoint avec la fédération?

M. POULIOT: Absolument pas, M. Lévesque.

M. LEVESQUE (Laurier): La présentation du rapport de la fédération est prévue pour?

M. LE PRESIDENT: C'est prévu pour le 11 juin.

M. POULIOT: La fédération est un organisme professionnel, notre association est un organisme syndical qui groupe tous les journalistes syndiqués de la CSN de Montréal.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais vous n'êtes pas en fonction du tout...

M. POULIOT: Absolument pas, M. Lévesque.

M. MICHAUD: Mais le syndicat des journalistes de Montréal comprend la Presse, la Patrie, le Petit-Journal...

M. POULIOT: ... Photo-Journal, Dernière Heure et Montréal-Matin.

M. MICHAUD: ... Photo-Journal, Dernière Heure et Montréal-Matin.

Avant que M. Bureau ne poursuive dans l'exposé de son mémoire, j'aimerais lui poser une question et j'aimerais qu'il dispose de cela tout de suite. Le 12 août 1967, et cela regarde la mécanique des transactions qui ont eu lieu le 12 août 1967. Il y a eu une loi qui a été sanctionnée par le Parlement du Québec et qui concernait la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume et de la compagnie de publication La Presse Limitée. Or, la loi stipulait que cette transaction était autorisée par la Législature en faveur de la Corporation de valeurs Trans-Canada qui était l'acquéreur à cette époque, compagnie constituée en vertu des lois de la province de Québec. Il était dit dans le texte de ce projet de loi de nature privée qu'il était opportun d'autoriser telle vente, mais avec certaines restrictions quant au transfert subséquent possible. La loi disait également: Après la vente autorisée par la loi, aucune vente, cession transport ou nantissement d'une partie substantielle des biens de la compagnie, à l'exception du poste de radio CKAC et du journal La Patrie, ne peut être validement fait ou consenti sans l'autorisation de la Législature.

Or, à l'avant-propos de votre mémoire, il est dit que la compagnie qui est propriétaire de toutes les actions ordinaires de la Presse est GESCA Limitée. Ma question est la suivante; Etant donné que Corporation des valeurs TransCanada devait revenir devant la Législature pour autoriser un éventuel transfert d'actions nantissement de ces biens du journal La Presse, est-ce que vous pourriez nous expliquer comment il se fait que c'est une autre personnalité juridique qui, actuellement, détient les actions du journal La Presse et que nous n'avons pas été saisis, nous du Parlement, de ce transfert?

M. BUREAU: La réponse à cette question vous sera donnée tout à l'heure à la présentation du mémoire de GELCO qui traite de l'administration financière du journal et des liens de propriété du journal. Moi, je ne suis pas habilité à vous répondre. D'abord je n'étais pas présent à ce moment-là. Je ne suis pas au courant de toutes les démarches qui ont été faites, mais je sais que GELCO peut vous fournir ces renseignements.

M. MICHAUD: Bien sûr.

M. BUREAU: Les témoins qui seront entendus ou les procureurs de GELCO pourront y répondre tout à l'heure si vous me le permettez.

Alors, ce matin, on a parlé à quelques reprises du pouvoir de nomination des adjoints au directeur de l'information, des chefs de division et des chefs de section.

J'ai précisé que les chefs de division et les chefs de section étaient nommés après affichage par le directeur de l'information et ses adjoints, que les nominations étaient sujettes à la procédure de grief, qu'elles pouvaient donc être contestées par tout intéressé qui se sentirait lésé. Voilà pour les chefs de section et les chefs de division.

Quant aux adjoints à l'information, ils forment, avec le directeur de l'information, la haute direction du service et sont les représentants de l'employeur auprès de ses salariés, les journalistes. La clause 104 de la convention collective que je n'ai pas citée ce matin, c'est la raison pour laquelle j'y reviens, précise, et ceci afin de garantir pour les adjoints aussi la liberté professionnelle qu'ils sont en droit d'avoir dans l'exercice d'un travail comme celui qu'ils font, donc cet article précise que ces adjoints ont droit, en tout temps, de réintégrer la salle de rédaction. Ce qui n'existe pas dans d'autres conventions collectives, à ma connaissance; ils ont le droit de laisser leur poste d'adjoint, si à un moment donné ils jugeaient que la façon de travailler à la direction du service ne leur plaisait pas ou enfin parce qu'ils auraient des motifs quelconques pour abandonner leur fonction, ils ont droit de retourner dans la salle de rédaction, tel que prévu à l'article 104. Dans ce cas l'adjoint reprend son ancien poste et peut postuler n'importe quel poste vacant également dans la salle de rédaction.

Alors, je le dis parce que je voudrais qu'on

soit bien sûr que, dans le cas d'une entreprise comme La Presse et avec la structure que nous avons mise en place, il existe, à tous les paliers d'autorité, dans la salle de rédaction, des mécanismes de protection de la liberté professionnelle. Même au niveau d'adjoint, ces gens-là ont le droit de quitter leur poste d'adjoint et de retourner dans la salle sans qu'il n'y ait aucune sanction prévue, ce qui n'est pas toujours le cas dans le cas des représentants de l'employeur qui peuvent, en sortant du syndicat, être congédiés si, à un moment donné, l'employeur jugeait qu'ils ne font pas l'affaire.

Une autre mise au point que je devrais faire probablement pour éclairer davantage le comité, c'est au sujet des titres dont il a été question ce matin. Il existe une tradition à La Presse qui veut que les journalistes fassent eux-mêmes leurs titres. Ceci s'applique à la salle de rédaction plus particulièrement. Evidemment, il peut se faire qu'au niveau des chefs de division ou même des chefs de section, on ait des modifications à apporter à un titre pour les raisons que j'ai mentionnées ce matin: espace, trop grande ressemblance avec un autre titre, titre qui paraît être la reproduction d'un titre de la veille ou des choses de ce genre-là.

Mais, règle générale, le journaliste qui écrit son article fait lui-même son titre.

Je veux également ajouter un autre point, si vous me le permettez. J'ai mentionné ce matin qu' il était physiquement impossible pour l'adjoint à l'information, accompagné ou non — si nous voulons le prendre comme cela — de ses chefs de division, de faire lui-même le tri général et l'appréciation de chacune des nouvelles pour tout le journal. Il y a toute une partie des décisions concernant le choix de la nouvelle, la place qu'elle doit avoir dans la page, qui est prise au niveau des chefs de section et des chefs de division. Nous avons des pages entières, par exemple, les pages féminines, les pages du sport, les pages d'économie, les pages de religion; pour toutes ces choses-là la maquette arrive complète au niveau de l'adjoint à l'information. Et cela part du plus bas niveau, c'est-à-dire du chef de section. Je le précise, parce que ce matin je ne pense pas avoir donné toutes ces précisions en répondant à vos questions.

M. BOUSQUET: Un autre aspect: la question des photos. J'ai remarqué que dans certains journaux les déclarations de tel homme public sont presque toujours accompagnées d'une photo, les déclarations ou les commentaires de déclarations faites par tel ou tel homme public sont presque toujours accompagnés d'une photo alors que dans d'autres cas, cela ne se produit presque jamais. J'aimerais savoir si le journaliste ou le reporter a un mot à dire dans l'insertion d'une photo pour accompagner l'article.

M. BUREAU: Je pense pouvoir vous répondre de deux façons. D'abord, évidemment, il s'agit de savoir si on a en main une photo qui a été prise au moment de la déclaration. Une photo qu'on appelle une photo d'action, prise au moment où la déclaration a été faite.

Il y a un autre point, c'est de savoir aussi si elle est suffisamment bonne pour que l'on puisse l'utiliser, etc. Et un autre point: Cest que...

M. LESAGE: C'est la grosse question. Le député de Saint-Hyacinthe, avec l'expérience, il en viendra à admettre qu'il y a des fois où nous aimerions autant qu'il n'y ait pas de photos.

M. BOUSQUET: D'accord, je sais que M. Lesage a toujours de belles photos, parce qu'il a été le plus bel homme de l'année.

M. LESAGE: Il y a longtemps de cela.

M. BOUSQUET: Je pensais surtout à ces photos prises en studio, ces photos standards.

M. LESAGE: Est-ce que vous avez des vôtres?

M. BOUSQUET: Je n'ai pas du tout à me plaindre de ce côté-là.

M. BUREAU: Si je peux préciser ma réponse.

M. BOUSQUET: J'essaie de faire abstraction de moi-même.

M. BUREAU: Si je peux préciser ma réponse, il y a un autre facteur qui entre en ligne de compte. Dans une page comme la première page de La Presse, vous avez peut-être remarqué que depuis quelque temps, au lieu d'avoir huit colonnes, nous sommes passés à six colonnes. Et ceci afin de faciliter la lecture de nos pages. Et vous avez probable ment remarqué que, même à l'intérieur de nos pages, plusieurs d'entre elles sont dorénavant composées sur une largeur de six colonnes. Nous avons remarqué que l'âge moyen de nos lecteurs exigeait que nous facilitions la lecture du journal; c'est pourquoi nous avons changé les caractères et

réduit de huit à six colonnes certaines pages du journal.

A partir de ce moment-là, si vous prenez une photo quelle qu'elle soit et qu'elle doive prendre de l'espace dans la page, il reste, évidemment, moins de place pour la nouvelle qui doit l'accompagner ou l'autre nouvelle qui pourrait prendre la place de cette photo-là.

Il y a une question d'appréciation artistique de la composition de la page qui entre en ligne de compte. C'est à cause de cela qu'à un moment donné nous éliminons une photo en laissant la nouvelle ou, à l'inverse, nous laissons la photo quitte à renvoyer la nouvelle dans nos pages intérieures. Est-ce que cela répond à votre question?

M. BOUSQUET: Oui, merci.

M. BUREAU: Maintenant, ce matin M. le député de Laurier a posé une question concernant les nominations des employés journalistes au poste de la division politique. J'aimerais que M. le directeur de l'information Pierre Lafrance puisse répondre à cette question et peut-être également répondre à cette autre remarque qui a été faite concernant encore cette division politique, répondre à cette remarque à l'effet que nous n'avions pas de «politic editor ».

M. Lafrance qui est à l'origine de ce projet de restructuration qui a été présenté et adopté pourra vous donner tous les renseignements à ce sujet-là.

M. LAFRANCE: Merci. Je dois dire que j'ai retenu les deux noms que j'avais mentionnés ce matin avant le lunch. Alors, dans la restructuration que nous sommes à mettre en place, nous avons une quarantaine de postes de cadre, soit chefs de division, chefs de section, postes qui ont été affichés dans les dernières semaines et nous avons fait les nominations il y a une dizaine de jours.

Nous avons nommé d'abord en un premier temps 29 chefs de division et chefs de section et il y en a quelques autres que nous pourrons nommer immédiatement. C'est-à-dire deux autres chefs de division et les — à quelques postes, nous allons être obligés d'organiser des concours à l'intérieur de la « boîte » pour mieux évaluer les candidats et peut-être aller à l'extérieur parce qu'il y a des fonctions qui n'existaient pas autrefois, je pense à celles, en fait, des chefs de division, art graphique et illustration, c'est que à La Presse nous n'avions pas vraiment de chefs comme dans la plupart des journaux — de « art director » pour bien se comprendre.

Alors, ce matin il était question de la division numéro 2 qui comprend la politique nationale, la politique internationale, l'économie et les sciences. Cette division est dirigée le jour, par M. Louis Thivierge, l'après-midi, par M. Maurice Giroux et le soir par M. Gilles Pratte, qui sont trois journalistes qui ont plusieurs années d'expérience, qui ont une excellente formation et qui sont vraiment des journalistes compétents. Maintenant je pense qu'il serait oiseux, fastidieux de nommer chacun des chefs de division et chacun des chefs de section.

Je voudrais, par exemple, revenir sur le poste de chef de la section politique nationale. Il est vrai qu'à La Presse, dans les dernières années, je pense qu'il n'y a pas vraiment eu de chef de section ou de directeur du service politique. La salle n'était pas structurée de cette façon, maintenant il y avait une responsabilité quand même qui était assumée au niveau d'un adjoint au chef de pupitre le jour et au niveau d'un adjoint au chef de pupitre le soir et plus haut par les adjoints au directeur de l'information et par le directeur de l'information.

Maintenant, dans la structure proposée, il y a un chef de la section politique nationale qui reste à nommer.

Nous en avions désigné un qui est un journaliste chevronné qui a, je crois, sept ou huit ans d'expérience, et il a finalement refusé la nomination pour poursuivre ses études, pour être plus libre. Il s'agit de Pierre Godin. Alors, le poste est vacant, mais nous le comblerons parce que nous sommes conscients de l'importance de ce poste.

M. BOUSQUET: Est-ce que vous voulez parler d'une politique canadienne?

M. LAFRANCE: Oui.

M. BOUSQUET: En parlant d'une politique nationale...

M. LAFRANCE: Politique nationale...

M. BOUSQUET: Je vous demande cette précision...

M. LAFRANCE: ... pour le Canada et le Québec Parce que nous avons ici un chef de la politique en regard des questions de la politique urbaine dans la division numéro 1.

M. BUREAU: Est-ce que cela répond à votre question?

M. LEVESQUE (Laurier): A propos de GESCA...

M. BUREAU: Est-ce à moi que vous posez la question?

M. LEVESQUE (Laurier): Concernant GESCA GELCO, etc. est-ce que c'est vous que cela concerne?

M. BUREAU: C'est-à-dire que ce n'est pas moi qui devrais y répondre parce que vous aurez ces réponses dans le rapport de GELCO. GELCO doit être entendue immédiatement après les journaux Trans-Canada et vous fournir tous les renseignements au point de vue de l'administration financière de ces compagnies.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. BUREAU: J'ai essayé depuis ce matin et vous m'excuserez d'avoir mis tant de temps à le faire, et peut-être avec autant de détails, ce qu'était la Presse, les normes que nous nous étions vu imposer par le genre de journal qu'il fallait faire — le journal d'information — nous avons tenté de démontrer qu'il y avait incompatibilité entre ces normes et un régime de contrôle de l'information. Nous avons également tenté de démontrer qu'il y avait impossibilité physique du contrôle de l'information à cause de la masse d'informations reçue, à cause de la structure qui décentralise les pouvoirs de décision.

Maintenant nous aborderons deux autres raisons pour lesquelles nous croyons qu'il ne peut pas y avoir de contrôle de l'information. La première concerne notre public lecteur. Les juges les plus sévères d'un journal sont les lecteurs. Ce sont eux qui ont le dernier mot, qui décident si le journal continuera à exister ou non. Si La Presse, du jour au lendemain, cessait d'être un journal d'information générale, un journal d'information diversifiée pour devenir un journal plus spécialisé; si La Presse du jour au lendemain, abandonnait cette exigence d'indépendance politique que nous essayons de maintenir et montrait une certaine partisa-nerie — politique ou autre, devrais-je dire — si La Presse cessait d'être un journal de famille pour devenir un journal à sensation, qu'arriverait-il à La Presse? Il arriverait que les lecteurs qui veulent un journal d'information générale abandonneraient La Presse. Ils iraient trouver ailleurs le journal qui leur fournirait cette information générale qu'ils recherchent dans La Presse.

Je pense que l'on comprendra encore davantage dans quelle situation nous nous trouvons si nous n'oublions pas qu'à Montréal il y a cinq autres quotidiens publiés en même temps que La Presse. Cinq autres quotidiens avec lesquels — soit dit en passant — nous n'avons aucune affinité de quelque nature qu'elle soit sur le plan de la propriété ou sur le plan d'entente mutuelle. Ce sont cinq véritables concurrents qui existent à Montréal, qui publient 555,000 copies par jour, alors que notre journal en tire 222,000.

M. LESAGE: Ce chiffre de 555,000 est pour les autres...

M. BUREAU: C'est seulement pour les autres.

M. LESAGE: Combien pour le Star?

M. BUREAU: Les chiffres que nous avions au 31 décembre pour le Star étaient de 195,847 et je sais qu'ils ont augmenté depuis.

Mais enfin, ce sont les derniers chiffres officiels que nous avions de l'ABC et c'est sur ces chiffres que nous nous sommes basés pour en arriver à ces 555,000 copies.

Est-ce que cela répond à votre question, M. Lesage?

M. LESAGE: Oui.

M. BUREAU: Si l'on tient compte de cela, si l'on tient compte de la concurrence... il y a plus de journaux quotidiens à Montréal que dans n'importe quelle autre ville d'Amérique. New York a moins de quotidiens que nous n'en avons à Montréal à l'heure actuelle.

M. LESAGE: J'ai lu cela dans votre exposé.

M. BUREAU: Et il y a plus de quotidiens de langue française à Montréal qu'il n'y a de quotidiens tout court à New York. Alors, cela veut dire que c'est un régime de concurrence très serré. Il faut vraiment que notre journal de meure identifié à ses principes de base et qu'il continue à être ce journal d'information générale que nous avons mentionné tout à l'heure.

M. LESAGE: Qu'est-ce qui reste à New York? Il reste le New York Times et le Journal American.

M. TETLEY: The Post.

M. LESAGE: Oui.

M. TETLEY: The New York Daily Mirror.

M. BOUSQUET: Non, il y en a un des deux qui est disparu.

M. TETLEY: C'est un journal du matin.

M. LESAGE: Le New York Times.

M. BOUSQUET: Le Post, dans l'après-midi.

M. BUREAU: Daily News, New York Times, le Post.

M. BOUSQUET: C'est cela. Le Daily Mirror est disparu.

M. BUREAU: Il y a des journaux de banlieue mais de New York même, il n'y a que ces journaux-là maintenant. Ils sont partis de 7 et ils sont réduits à 3.

M. BOUSQUET; Vous parlez des exigences de votre public. Est-ce qu'on peut dire que La Presse est faite en fonction du public montréalais avant tout?

M. BUREAU: C'est notre marché naturel. C'est le marché naturel que nous avons à desservir — il faudrait trouver un meilleur terme — mais c'est notre marché naturel. C'est là qu'il faut vraiment commencer par servir nos lecteurs.

M. LESAGE: Oui, mais vous considérez Saint-Hyacinthe un peu comme un appendice de Montréal?

M. BUREAU: Depuis que M. Michaud s'est réintéressé au journalisme dans cette section, cela sera peut-être moins nécessaire.

M. BOUSQUET: Je pense que M. Lesage serait d'accord pour dire que c'est la plus belle banlieue de Montréal.

M. LESAGE: Le député de Saint-Hyacinthe est l'ancien rédacteur en chef du Clairon! Alors... Saint-Hyacinthe est autour de cette table une ville très importante.

M. BOUSQUET: Il faut dire que le Clairon ne fait pas tellement honneur à Saint-Hyacinthe, n'en déplaise à son éditorialiste.

M. LESAGE: Si vous pensez que vous pourriez faire mieux!

M. BUREAU: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter que dans ce champ de concurrence que nous retrouvons à Montréal, même la presse écrite n'est pas toute seule.

Il y a les postes de radio, il y a les postes de télé- vision, il y a les revues. Il y a environ 12 revues qui sont publiées hebdomadairement ou mensuellement, à Montréal, qui fournissent de l'information également. Je ne parle pas des revues spécialisées. Je parle des revues d'Information à caractère plus général.

M. LESAGE: Vous comptez la revue « Sept jours »?

M. BUREAU: Bien sûr.

Alors on apprécie davantage le risque que courrait un journal d'information comme La Presse si, du jour au lendemain, il changeait de personnalité et cessait d'être le journal d'information qu'il a toujours été ou qu'il veut continuer à être.

Il y a une deuxième raison à cela, je reviens au public lecteur. Nous sommes extrêmement sensibles aux réactions de notre public lecteur. C'est notre seule raison de vivre. Le jour où les lecteurs ne nous liront plus, c'est bien dommage, mais il n'y aura plus de journal possible.

Alors, nous faisons constamment des enquêtes auprès du public lecteur pour savoir ce qu'il désire avoir dans nos pages, ce qu'il a besoin de retrouver dans les pages de La Presse.

Une autre raison. En supposant qu'on mette de côté l'incompatibilité avec nos exigences, en supposant que ce ne soit pas impossible d'intervenir au point de vue du contrôle de l'information et en supposant qu'on se fouterait de notre public lecteur, il resterait encore quelque chose, en fait, qui nous empêcherait d'aller à un régime de contrôle de l'information et ce sont nos journalistes, à l'intérieur de notre salle de rédaction. Je le dis sans aucune arrière-pensée, parce qu'il existe des mécanismes de protection professionnelle au niveau de la convention collective, qui vous sont d'ailleurs expliqués assez clairement dans le document que nous vous avons remis ce matin.

Ces mécanismes prévoient justement cette garantie de liberté professionnelle à tous les journalistes de la Presse. Il y a la restructuration de la salle de rédaction avec la répartition des centres de décision qui, encore une fois, permet une liberté d'expression, une liberté complète pour nos journalistes. D'ailleurs je pense que si vous lisez la Presse vous devez vous rendre compte de cette liberté à l'intérieur de nos pages. Je ne crois pas qu'il existe beaucoup de journaux au Canada — j'aurais pu préciser davantage, mais disons au Canada — où il existe une liberté d'information, une liberté d'expression pour les journalistes à l'Intérieur des pages d'un journal comme il en existe à la Presse. Je ne veux en aucune façon préten-

dre qu'il y a du contrôle ailleurs. Il est possible que les objectifs qu'ils recherchent dans l'orientation de leur journal fassent qu'on retrouve moins d'expressions d'opinion diversifiées comme dans la Presse.

Je crois que le journal La Presse est un des rares journaux où l'expression d'opinions est aussi diversifiée et ceci parce que les journalistes se sentent libres de le faire. Ils sont protégés par la convention collective. Nous voulons vraiment que l'on retrouve dans la Presse ces expressions d'opinions, ces faits qui relèvent de l'actualité et qui intéressent la masse de nos lecteurs.

M. LESAGE: Nous constatons quelquefois que c'est plus que diversifié, des rédacteurs se contredisent parfois.

M. BUREAU: C'est arrivé.

M. LESAGE: Oui, ce qui prouve bien qu'il y a liberté.

M. BUREAU: Il y a surtout — et ça c'est important — la qualité des journalistes que nous tâchons de conserver de recruter et de bien traiter. Nous payons nos journalistes aux salaires, au point de vue de la convention collective les plus élevés au Canada. Il y a cette qualité-là que nous recherchons et que nous tentons de conserver parce que nous sommes convaincus qu'un journaliste qualifié, un bon journaliste ne se laissera pas imposer de contrôle d'information. Nous participons à des travaux communs avec les journalistes, avec l'université Laval, avec l'université de Montréal pour mettre sur pied des organismes ou des cours, des maîtrises, des baccalauréats en information de façon à compléter la formation des jeunes qui veulent se diriger dans cette carrière-là ou de façon à apporter un complément de formation à ceux qui y sont déjà entrés. Pour nous c'est extrêmement important et c'est probablement la plus sûre garantie contre toute ingérence de la direction dans la liberté d'information.

M. LESAGE: De quelle façon pouvez-vous en arriver à apaiser des frustations à vos journalistes, à d'excellents journalistes qui se plaignent soit que leurs articles sont coupés, soit qu'ils apparaissent dans la page de la nécrologie ou encore que le titre soit mal fait ou qu'on ne donne pas suffisamment d'importance à ce qu'un journaliste considère comme étant une trouvaille ou une première? C'est fréquent, n'est-ce-pas? Du moins ça arrive?

M. BUREAU: Oui, bien sûr ça doit arriver!

M. LESAGE: Alors quelles dispositions prenez-vous pour empêcher des frustations qui sont bien humaines, qui sont bien naturelles?

M. BUREAU: Jusqu'à ce que la restructuration soit complétée, il y avait une grande quantité de journalistes qui ne relevaient pas d'une autorité particulière dans la salle de rédaction. Ils occupaient un poste, ils avaient une responsabilité de « couverture » disons le port de Montréal, mais ils ne relevaient d'aucune autorité si ce n'est l'adjoint, en haut. Il pouvait arriver que le journaliste qui « couvre » le port de Montréal, fournissant sa copie à l'adjoint soit ou bien mieux traité ou moins bien traité que les journalistes qui avaient des étapes à franchir avant que leur nouvelle arrive au niveau du pupitre où se faisait la mise en page. Cela pouvait arriver.

Aujourd'hui avec la structure que nous avons bâtie, il y a à tous les niveaux, au niveau des chefs de section qui englobent tout le monde. — il n'y a plus de ce « pool » général où il y avait des gars qui étaient en charge d'un secteur d'information en particulier et qui n'avaient personne à qui répondre — aujourd'hui tout le monde est dans une section ou dans une division, de sorte que chaque nouvelle va être appréciée à tous les paliers de décision, c'est-à-dire au niveau de la section. Je prends, par exemple, la section féminine ou la section du sport, si vous voulez. Déjà à l'intérieur de la section de la section du sport il va se faire un tri, il va se faire une évaluation, mais entre tous les gars qui écrivent des articles sur le sport — ça c'est au niveau de la section — après il va y avoir une autre réévaluation au niveau de la division quand toutes les sections vont arriver dans cette division-là. Il y aura finalement une coordination de l'ensemble au niveau de l'adjoint.

Mais, le cas que vous signalez, la frustration qu'un journaliste ressent quand une nouvelle qu'il croit avoir une saveur bien particulière ou une importance bien particulière n'est pas traitée comme il l'aurait voulu, bien évidemment, il faut vraiment que quelqu'un, en définitive, que ce soit son chef de section ou son chef de division, prenne la décision de placer la nouvelle dans le cadre des pages qui lui sont confiées, dont il a la responsabilité.

Il y a toujours, évidemment, une appréciation que j'ai dite relative de cela. Il pourrait arriver, malheureusement, qu'une nouvelle soit mal traitée. C'est sur le plan d'une nouvelle qui arrive suffisamment longtemps avant pour

passer à travers toutes les étapes. Mais, à part cela, il y a la nouvelle qui arrive à la dernière minute et qui, malheureusement, ne peut pas trouver la place qu'on voudrait lui accorder à la première page, ou en page 2, ou en page 3, il y a la nouvelle qui n'est pas complétée à temps. Ce sont toutes ces choses qui font qu'à un moment donné une nouvelle ne peut pas être traitée comme on le voudrait.

M. LESAGE: J'espère que vous me comprenez bien. Je ne parle pas de la réaction de celui ou de ceux qui font l'objet de la nouvelle. Je parle...

M. BUREAU: Non, non, du journaliste... M. LESAGE: ... de celui qui l'a écrite.

M. BUREAU: A l'heure actuelle, il y a un mécanisme de dialogue qui est installé à tous les niveaux de la salle de rédaction et c'est par cela, je pense, qu'on va éviter les problèmes de ce genre-là.

M. LESAGE: M. Lévesque, si vous voulez...

M. LEVESQUE (Laurier): Je voulais simplement savoir — parce que vous étiez là-dedans — de qui relèvent, dans toutes ces structures qui sont assez complexes quand même, les pages clés vis-à-vis du public que sont la première, la troisième et les pages frontispices des cahiers?

M. BUREAU: Je vais demander à M. Lafran-ce de vous répondre pour être bien sûr qu'il n'y aura pas d'erreur.

M. LEVESQUE (Laurier): Qui, autrement dit, est chargé de remplir ces pages-là et d'en faire l'arrangement?

M. LAFRANCE: J'aimerais, d'abord, faire une remarque préliminaire. C'est qu'on est au stade de la mise en place dans notre nouvelle structure. C'est déjà commencé. C'est déjà bien avancé, d'ailleurs. En pratique, notre première page sera conçue, évidemment, par l'adjoint en consultation avec chacun des chefs des trois divisions.

M. LEVESQUE (Laurier): Quel adjoint?

M. LAFRANCE: Cela dépendra. Pour la première édition, ce sera l'adjoint du soir.

UNE VOIX: Un de vos adjoints?

M. LAFRANCE: Un des adjoints du directeur, oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit, soit le directeur de l'information, qui est vous-même, ou l'adjoint qui, à ce moment-là, est en service, est chargé de la facture de la première page...

M. LAFRANCE: Disons, responsable de tout le produit...

M. LEVESQUE (Laurier): De ce qui va là...

M. LAFRANCE: Oui. Evidemment, l'adjoint aura la responsabilité globale du produit, de l'ensemble du journal, plus particulièrement de la première page. Mais en consultation avec chacun des chefs des trois grandes divisions.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais, pour autant qu'il s'agisse de pages qui sont générales, enfin la page 3, en règle générale, c'est la page des grandes nouvelles locales. La page 1, c'est la page de la journée...

M. LAFRANCE: Justement, je pense que...

M. LEVESQUE (Laurier): ... Les premières pages des cahiers ont chacune une spécialité, mais très générale quand même.

M. LAFRANCE: Oui. Nous tenons déjà compte des habitudes de nos lecteurs. On n'a pas l'intention de tout chambarder, parce qu'il faut respecter les habitudes de lecture. La page 1, je crois, restera une page vitrine où l'on essaie de présenter un éventail complet de la situation dans le monde, aux heures de nos éditions. La page 3, à cause des habitudes de nos lecteurs, restera une page d'information locale. Mais, ailleurs dans le journal, la nouvelle sera traitée selon sa nature et non pas selon sa provenance comme cela était jusqu'à maintenant.

C'est-à-dire que la nouvelle sera jugée à sa valeur relative. Par exemple, il ne sera plus question, disons, des faits divers et de la justice pour seulement ce qui se passe à Montréal. On pourra tenir compte de ce qui se passe aussi dans le monde.

M. LEVESQUE (Laurier): Normalement — je m'excuse de vous bousculer on ne peut pas entrer dans toute votre technique — vous avez un cahier qui, règle générale, concerne, je veux dire, s'ouvre — c'est devenu une sorte d'habitude — un cahier qui s'ouvre sur les nouvelles

de Québec, quand il y a une session, et un cahier qui s'ouvre sur la nouvelle internationale. Est-ce que vous changez cela?

M. LAFRANCE: C'est ça. Cela ne sera pas tellement modifié. Mais, si vous voulez une précision. Par exemple, actuellement, dans notre page de cahier sur les nouvelles internationales, nous traitons de nouvelles à la fois politiques et à la fois de nouvelles d'intérêt général.

Alors, dans la structure envisagée que nous sommes à mettre en place, nous traiterons de politique internationale. Le fait divers international, par exemple, sera joué dans d'autres pages avec le fait divers local et le fait divers national. Il prendra sa place relativement à son importance au point de vue de l'intérêt qu'il pourra avoir vis-à-vis des lecteurs.

M. LEVESQUE (Laurier): Pour résumer, pour être sûr, je ne voudrais pas vous faire faire d'autres développements, le fait est simplement celui-ci. A l'intérieur des restructurations qui se sont effectuées, qui ne sont pas tout à fait terminées, les pages les plus vitrines du journal qui sont, je crois, en gros, la page 1, la page 3 et les pages vitrines des cahiers seront essentiellement, et là ce qui m'intéresse forcément, c'est la nouvelle qu'on peut appeler nationale...

M. LAFRANCE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... ou internationale, si vous voulez, mais nous parlons en tant que Québécois, c'est essentiellement votre responsabilité et celle de l'adjoint qui sera en service à ce moment-là.

M. LAFRANCE: Disons que la structure prévoit un partage des responsabilités.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais qui rend la décision finale?

M. LAFRANCE: La décision finale, évidemment, appartient au directeur du service.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. LAFRANCE: Mais la première responsabilité commence au niveau de « reporter ».

M. LEVESQUE (Laurier): Mais la décision... « The box stops... »

M. LAFRANCE: It does not stop, it still goes.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais « the box stops » chez vous.

M. LAFRANCE: Au public. M. LEVESQUE (Laurier): Oui.

M. BUREAU: M. le Président, nous croyons avoir démontré que la philosophie et les conditions de production d'un journal et les exigences de nos lecteurs et la qualité professionnelle des journalistes et les mécanismes de protection que contiennent les conventions collectives à la Presse, empêchent tout contrôle d'information à la Presse. Nous allons plus loin. Malgré cette démonstration, nous croyons tout de même qu'il y a lieu de constituer le plus tôt possible un conseil de presse permanent chargé d'assurer le maintien, mais alors dans tous les médiums d'information, de la liberté d'information à laquelle le lecteur, notre seul vrai juge, a droit.

S'il y a d'autres questions à poser, je suis à votre disposition.

M. M1CHAUD: M. Bureau, le cas du journal Le Soleil, si ma mémoire est bonne, pour tous les cas de litige qui intéressent à la fois les journalistes et le public, la conventin collective a prévu l'institution d'une sorte de tribunal d'arbitrage composé de personnes à l'extérieur de l'entreprise. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion?

M. BUREAU: Pourriez-vous me répéter votre question, s'il vous plaît, M. Michaud.

M. MICHAUD: Dans les cas de litige en matière d'information qui impliquent la direction de l'entreprise et les journalistes, la convention collective du journal Le Soleil prévoit une sorte de tribunal d'arbitrage auprès duquel les deux parties en cause vont en appel et portent la cause en appel. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion? Est-ce qu'elle a été retenue? Est-ce que vous êtes au courant?

M. BUREAU: La convention collective que nous venons de signer a été signée après celle du journal Le Soleil. Elle a été signée après de longs mois de négociations et il est apparu aux deux parties dans l'affaire qu'un comité conjoint d'abord suffirait pour tâcher d'étudier les problèmes. Ce comité conjoint est formé de représentants des journalistes et de représentants de la direction du service. II existe également la procédure de grief dans la convention collective et il y existera, nous le souhaitons, la Presse le souhaite en particulier,

la constitution d'un conseil de presse qui justement pourra, lui, avoir au maintien de la liberté de presse dans son sens le plus large.

Au moment où le Soleil a négocié sa convention collective, il était question, évidemment, depuis plusieurs années, d'un conseil de presse, mais disons que depuis six mois ou depuis huit mois, la probabilité de l'installation d'un conseil de presse est beaucoup plus grande qu'elle ne l'était au moment où les parties se sont rencontrées au journal Le Soleil pour négocier leur convention collective.

Maintenant, je ne voudrais pas analyser une disposition seulement de la convention collective du journal Le Soleil sans prendre l'ensemble de la convention et sans la comparer avec l'ensemble de notre convention collective. Je peux vous dire par exemple que chez nous la clause de conscience dont vous parlez depuis longtemps, M. Michaud, nous l'avons à la Presse et il n'y a pas un autre journal dans la province de Québec qui l'a à l'heure actuelle sauf de très rares exceptions, en tout cas, qui ne sont pas à ma connaissance. Alors, s'il fallait se mettre à comparer clause pour clause...

M. MiCHAUD: En fait, je parlais de cette chose-là parce qu'il s'agissait manifestement dans les cas où la direction du journal, la propriété avait un intérêt quelconque dans le litige.

Si je me souviens bien, cette disposition de la convention collective du Soleil a été négociée à la suite d'une grève qui a eu lieu dans une industrie de la ville de Québec, alors qu'un des propriétaires de journal ou membre du conseil d'administration était impliqué dans cette grève étant le propriétaire de l'usine. Est-ce que dans des cas spécifiques comme ceux-ci où des intérêts économiques du journal La Presse, d'un intérêt apparenté serait impliqué dans un cas de litige d'information, est-ce que cela ne serait pas une bonne solution que de soumettre cela à une sorte de tribunal extérieur qui ne serait pas à la fois juge et partie?

M. BUREAU: Nous souhaitons que cela soit soumis précisément au conseil de presse.

M. MICHAUD: Vous verriez le conseil de presse pour disposer de ces cas-là?

M. BUREAU: Exactement. Maintenant, il y a déjà, dans la procédure, deux griefs de la convention collective, tous les mécanismes qu'il faut dans la convention pour régler ce genre de problèmes-là. Mais en plus de cela si, par exemple, la plainte venait du public, de corps étrangers, de corps intermédiaires, cela devrait aller au conseil de presse. Cela pourrait même être porté devant le conseil de presse par des journalistes ou par le syndicat des journalistes ou par la fédération des journalistes. Tous ces cas-là sont possibles. Et je pense que le conseil de presse répondrait...

M. MICHAUD: Mais vous comprendrez que vos ramifications financières étant tellement étendues qu'il serait un peu indécent dans des cas où la liberté de l'information serait mise en cause, que vous seriez à la fois juge et partie dans un problème vous concernant.

M. BUREAU: Par exemple le cas que vous avez donné ce matin, revenons à ce cas-là, disons la nationalisation des pistes de course. Si le journaliste prétendait qu'il y avait eu une directive d'émise ou si on lui avait laissé comprendre ou si on lui avait fait voir qu'il était mieux de ne pas parler de telle ou telle chose ou d'en parler dans tel ou tel sens, je pense que vraiment vous avez un cas où une plainte doit être déposée au conseil de presse. Si en plus de cela, l'individu s'était hasardé à écrire quelque chose, il aurait subi une sanction, bien évidemment, la clause de grief pourrait jouer à ce moment-là.

M. BOUSQUET: Mais, en pratique est-ce qu'il y a eu un certain nombre de cas comme ceux-là où il y avait matière à déposer des plaintes?

M. BUREAU: Au conseil de presse?

M. BOUSQUET: De la part de vos journalistes? Est-ce que certains journalistes se sont plaints? Est-ce qu'ils ont essayé d'utiliser une procédure de grief? Ou est ce qu'ils se sont plaints qu'à un moment donné, ils ne pouvaient pas s'attaquer à l'un ou l'autre des intérêts, disons, directs ou indirects des propriétaires de la Presse?

M. BUREAU: Je peux vous répondre très facilement. Ce n'est certainement pas à ma connaissance si cela s'est fait. Mais j'aimerais bien que M. Lafrance vous y réponde parce que c'est lui qui est en charge du service, c'est lui qui devrait recevoir ces plaintes-là, s'il y en avait.

M. LE PRESIDENT: M, Bureau, est-ce que par le biais des budgets ou de l'allocation des fonds, il peut y avoir certaines contraintes ou certaines pressions sur...?

M. BUREAU: Je suis bien content que l'on me

pose la question, M. le Président, cela va me donner l'occasion de préciser que pour la première fois dans l'histoire de la Presse, il y a eu un budget qui a été fait pour le service de l'information et c'est l'année dernière et cette année. Ces budgets-là ont été préparés, étudiés et sont administrés par le service de l'information. M. Lafrance pourrait peut-être vous dire quel est le genre de consultation que nous avons eue au moment où il m'a présenté le budget et nous nous sommes rencontrés après que leur étude eut été complétée, Je leur ai posé plusieurs questions sur des articles qui étaient inclus dans leur budget et ils m'ont démontré la nécessité de toutes ces dépenses qu'il fallait prévoir au budget. Nous avons peut-être coupé $300 sur un budget de $3 millions. Nous sommes peut-être un mauvais administrateur, mais, nous tâchons de faire confiance à chacun de nos services, c'est pourquoi nous avons insisté sur la restructuration, vous en avez entendu parler beaucoup depuis le matin, je comprends, mais c'est essentiel dans la Presse. Il y a eu une restructuration de tous les services et, à la suite de cette restructuration-là, les gens qui sont en charge, sont vraiment en charge. Et cela est la première fois que cela arrive chez eux. Je pense que c'est quelque chose qu'il faut souligner devant vous parce qu'à mon sens les craintes que l'on a évoquées à l'heure actuelle, ne s'appliquent en aucun cas à la Presse. Bien au contraire, il y a eu des avantages énormes depuis le début, deuis un an, un an et demi, que dure ce système à la Presse. J'aimerais bien que M. Lafrance réponde à la question de M. Bousquet pour qu'il ne reste pas de doute dans l'esprit des membres de la commission.

M. LAFRANCE: Au sujet de la liberté des journalistes, je pense que chacun des journalistes de la Presse pourrait être appelé ici à témoigner.

Je n'ai aucune inquiétude. Disons, pour ce qui est de ma responsabilité, moi, je vois assez fréquemment M. Bureau pour discuter de questions de budget par exemple, je l'informe sur nos politiques d'informations, nos programmes, etc.

Mes adjoints, dans leur responsabilité propre, ont des fonctions bien définies et ont une large mesure d'autonomie. Ensuite, cela est bien partagé au niveau du chef de division et du chef de section. Depuis plusieurs années, si on voulait demander aux journalistes qui travaillent à la Presse ou qui y ont déjà travaillé, je pense que c'est un des journaux où l'on a le plus de liberté d'expression.

Je ne sais pas si je serais dans l'ordre, mais j'ai avec moi mes adjoints, MM. Jean Sitto et Jean Rivest, qui viennent tout juste d'arriver à la direction de l'information comme adjoints à l'information; je pense que vous pouvez demander leur témoignage et je n'ai aucune inquiétude. Vous pouvez aussi demander à tous les journalistes de la Presse, vraiment sur l'ensemble, je n'ai aucune inquiétude quant au contrôle de l'information qu'on aurait pu faire dans le passé ou qu'on pourrait exercer actuellement. Au sujet de la préparation du budget, je peux dire que cela s'est fait à partir de la base. D'abord, la rédaction souhaitait un budget depuis des années. L'année dernière, il s'était fait une ébauche de budget et cette année on en a fait un vrai. Et, on l'a fait à partir de la base, c'est-à-dire que nous avons consulté chacun des journalistes ou chacun des chefs de section et les chefs de section nous ont présenté leurs recommandations en personnel, en équipement, en coût de frais de voyage, etc. Ils nous ont fait des recommandations pour frais de documentation, etc. Ensuite, nous avons étudié l'ensemble de cela vec eux. Ensuite, cela a été étudié avec mes adjoints et moi. On l'a présenté à la direction, au vice-président exécutif, et je peux dire que j'ai été agréablement surpris. Je pensais que ce n'était pas très drôle de discuter d'un budget, mais j'ai été vraiment... j'ai bien aimé la façon dont cela s'est déroulé. L'ouverture de la direction là-dessus et...

M. LEVESQUE: M. Lafrance, puisque vous êtes là et qu'on va abandonner ce mémoire avant longtemps, le mémoire sur lequel tout cela est basé. Vous êtes dans une relation de chef de l'information, enfin votre titre officiel est directeur de l'information et vous êtes dans une de ces... vous êtes à l'échelle d'une de ces lignes qui...

M. LAFRANCE: Oui.

M. LEVESQUE: ... sont celles de services ou de grandes divisions, de grands services, peu importe, on ne se chicanera pas sur le vocabulaire. Ici, en bas de l'organigramme... autrement dit l'information est parallèle à la production, à la publicité et au tirage, etc. Donc, c'est sur une même ligne.

M. LAFRANCE: D'accord.

M. LEVESQUE: Et tout cela relève d'un vice-président exécutif qui est Me Bureau. Ensuite, c'est l'éditorial qui est l'autre partie que le consommateur de journal, si vous voulez,

à part l'information, la publicité en général, on l'endure, mais on sait que les journaux en ont besoin. Mais, pour le consommateur du journal...

M. LAFRANCE: Le lecteur aussi.

M. LEVESQUE: ... il y a l'information et l'éditorial. Grosso modo. Alors, l'autre morceau traditionnellement essentiel se trouve lui, dans votre organigramme, sous le président, M. Dansereau, je crois, c'est cela? Donc, l'éditorial est directement relié à la propriété. De toute façon, cela a toujours été, alors cela me paraît assez logique. Et puis, le vice-président exécutif, qui n'est pas un journaliste et qui est essentiellement un membre de la direction, mène le reste de la barque.

Traditionnellement, on est habitué à passer rédacteur en chef dans les journaux ou « managing editor ». Dans votre expérience, cette relation où vous êtes vis-à-vis d'un vice-président exécutif qui n'est pas du métier, si vous voulez, et qui est plutôt relié à la direction et qui vous place, enfin ... vis-à-vis duquel vous êtes placé sur la même ligne que le reste, de la production, si on veut, ou de la fabrication. Est-ce qu'il y a d'autres exemples de cela et est-ce qu'ils sont nombreux?

M. LAFRANCE: Il y a d'autres exemples au Canada et aux Etats-Unis, je crois qu'il y en a en Angleterre.

M. LEVESQUE: Pouvez-vous en nommer au Canada?

M. LAFRANCE: Au Canada je pense qu'on pourrait nommer le « Globe and Mail » où je crois que l'éditorial relève du « publisher ».

M. LEVESQUE (Laurier): Et où l'information est sous...

M. LAFRANCE: ... un autre vice-président, je crois. Evidemment, c'est une question qui est bien discutable.

M. LEVESQUE (Laurier): Nous réfléchirons tous là-dessus...

M. LAFRANCE: D'accord, mais cela existe ailleurs. Au Montreal Star il y a une structure semblable.

M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce aurait une question à poser.

M. TETLEY: M. Lafrance, étiez-vous mem- bre de La Presse avant que La Presse soit achetée il y a deux ans?

M. LAFRANCE: Oui, j'ai été d'abord à La Presse en 1959 jusqu'à 1962, j'y suis revenu en 1965 comme adjoint au directeur de l'information, et j'ai été nommé directeur de l'information avant le changement de propriété.

M. TETLEY: Avez-vous noté plus de liberté avant ou après? Est-ce qu'il y avait des changements?

M. LAFRANCE: J'ai noté autant de liberté, mais une meilleure administration.

M. LEVESQUE (Laurier): La liberté...

M. LAFRANCE: La liberté est aussi grande, mais je pense que l'avenir est plus sûr.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission auraient d'autres questions, il est déjà cinq heures et nous avons d'autres mémoires à entendre. Me Bureau et M. Lafrance, nous vous remercions. M. Piché, auriez- vous un mot à ajouter.

M. PICHE: M. le Président, je voudrais simplement produire au dossier de La Presse un volume publié par Philippe Boagner, sous le titre de « Presse, argent, liberté » qui peut, je pense, si les membres ont le temps de le lire, les éclairer sur certains points qui ont été mentionnés par M. Bureau, ce matin. Nous avons commandé les exemplaires, il n'y en a qu'un et dès qu'ils arriveront d'Ici une dizaine de jours, nous en ferons parvenir une copie à chacun des membres de la commission sans frais, évidemment.

M. LEVESQUE (Laurier): Le temps d'avoir un exemplaire.

M. PICHE: M. le Président, un dernier mot. D'autres viendront sûrement après nous dans les séances qui suivront; il n'est pas impossible que nous désirions nous faire entendre à nouveau si nous croyons que nous avons des mises au point à faire à quelque moment que ce soit, j'espère que vous nous permettrez de revenir devant vous dans ces conditions.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Nous passerons au mémoire des journaux Trans-Canada Limitée qui sont représentés par Me Gastor Pouliot.

M. POULIOT: M. le Président, M. Jean

Francoeur, le président des journaux TransCanada exposera lui-même les points saillants du mémoire qui vous a déjà été remis, il s'agit du mémoire bleu. Il se soumettra également à vos questions, et je tiens à signaler qu'il y a ici, M. Dubé, président de la Tribune, et M. Charles D'Amours, président de la Voix de l'Est, pour répondre aux questions que vous pourriez avoir à leur poser.

M. FRANCOEUR: M. le Président, messieurs les membres de la commission, je suis ici pour vous donner toutes les précisions possibles sur ce qu'est la compagnie les journaux Trans-Ca-nada Limitée. Tout d'abord, je tiens à vous dire que l'exposé que vient de faire Me Bureau au nom de La Presse s'applique généralement — évidemment sur une échelle différente — aux journaux Trans-Canada en ce qui concerne les garanties pratiques et physiques de la liberté de l'information, le service du public lecteur, le fonctionnement quotidien de l'entreprise.

C'est pourquoi je n'insisterai pas sur ces aspects de la question. Vous avez d'ailleurs devant vous un mémoire des journaux TransCanada qui vous a certainement renseigné sur toutes les facettes de notre entreprise. Je m'en tiendrai donc à vous souligner quelques points essentiels de ce document.

Il s'agit de points se rattachant surtout à des questions déjà soulevées au cours des réunions précédentes de la commission.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que... M. FRANCOEUR: Oui, M. Lévesque?

M. LEVESQUE (Laurier): Non, je ne veux pas vous interrompre.

M. FRANCOEUR: Tout d'abord, je crois que l'essentiel serait d'installer l'organigramme en arrière. Je crois que les premiers chapitres, jusqu'à C-I, je présume que les membres de la commission les ont certainement lus. Cela rejoint passablement ce que Me Bureau vous a dit. Une répétition serait certainement de trop dans le moment.

Vous avez derrière vous, M. le Président, un organigramme qui est le même que celui que vous trouvez au chapitre C-Il, l'organigramme de la compagnie Les Journaux Trans-Ca-nada Ltée.

Vous avez tout d'abord en haut la liste les quatre actionnaires des Journaux Trans-Cana-da. A gauche, vous avez M. Pierre Dansereau qui détient personnellement environ 41/2% des actions communes et des actions privilégiées.

Vous avez ensuite Entreprises Gelco et GESCA Ltée, qui sont deux entreprises mère et fille, si on peut dire, à 100% qui, elles, détiennent environ 61% des actions communes et privilégiées des Journaux Trans-Canada Ltée. A l'extrême droite, vous avez la Société générale de publication qui, en pratique, est une compagnie qui m'appartient entièrement à moi et aux membres de ma famille qui détenons exactement le tiers des actions privilégiées et des actions communes votantes de la compagnie.

La compagnie Les Journaux Trans-Canada détient 100% des actions de toutes les compagnies filiales sauf dans le cas de la Voix de l'Est où il y a environ 5% d'actions détenues par des citoyens de Granby et des environs. Ce sont des actions datant des premières années de la Voix de l'Est alors qu'elle a connu des débuts assez longs.

Si vous voulez, je peux vous donner les noms des compagnies, mais ce sont des compagnies que vous connaissez.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est la reproduction...

M. FRANCOEUR: C'est l'organigramme qui est dans le volume.

M. LEVESQUE (Laurier): Pour revenir en haut...

M. FRANCOEUR: Oui, M. Lévesque.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous avez les actions ordinaires, les actions privilégiées, c'est complet.

M. FRANCOEUR: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'il y a d'autres titres?

M. FRANCOEUR: Oui, il y a des obligations détenues par le public, qui ont été vendues dans le public. Il y a environ $6.5 millions d'obligations qui ont été vendues comme toutes les autres obligations dans le grand public. Elles sont détenues par...

M. LEVESQUE (Laurier): Vous n'avez pas d'idée...

M. FRANCOEUR: Nous n'avons pas la liste. Elles ont été vendues par des courtiers de la même façon que les obligations de la province ou de toute entreprise.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous ne savez pas s'il y a des blocs importants?

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas parce que...

M. LEVESQUE (Laurier): Normalement, on le sait. Il y a $6.5 millions...

M. FRANCOEUR: A ma connaissance, M. Lé-vesque, non.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'il y a des billets ou des...?

M. FRANCOEUR: Non. C'est une émission d'obligations approuvée par la Commission des valeurs mobilières.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais à part cela? M. FRANCOEUR: Absolument pas.

M. LEVESQUE (Laurier): A part ce qui est mentionné là, vous avez seulement...

M. FRANCOEUR: Comme équité? Absolument pas.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous avez $6.5 millions d'obligations?

M. FRANCOEUR: Ce sont des obligations. Comme actionnaires, il y a les quatre que vous avez sur le tableau.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Les obligations sont distribuées...

M. FRANCOEUR: Ce sont des obligations qui ont été vendues par les maisons de courtage selon les procédures normales.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est parce que dans le cas de la Presse, il y avait autre chose qui...

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas notre cas à nous.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. FRANCOEUR: Maintenant, Je crois bien qu'on peut résumer rapidement ce qu'on pourrait appeler les propriétés, si vous voulez, les subsidiaires, les filiales. Vous avez, ce qui vous intéresse le plus, évidemment, ce sont les trois quotidiens: Le Nouvelliste, à Trois-Rivières, La Tribune, à Sherbrooke et La Voix de l'Est à Granby.

M. SAUVAGEAU: Et Le Flambeau? Le Flambeau?

M. FRANCOEUR: Le Flambeau. On y arrive, Monsieur. Le Journal de votre comté.

M. SAUVAGEAU: Vous avez besoin.

M. FRANCOEUR: Cinq grands hebdomadaires à tirage payé qui sont: Dimanche-Matin, La Patrie, Le Petit Journal, Photo-Journal et Dernière Heure. Dix hebdomadaires de banlieue ou de quartier parce qu'il y en a un peu des deux: L'Echo des Monts, qui est sur la rive-sud; Le Courrier de Laval, qui est dans la ville de Laval; L'Echo-Expansion, qui est également sur la rive sud; Le Reporter de Jacques-Cartier qui est, non pas dans la ville de Jacques-Cartier, mais dans le comté de Jacques-Cartier, dans le nord de l'Ile de Montréal; les deux journaux du district de Rosemont; le journal du district de Saint-Michel; le Flambeau de l'Est, qui est dans le comté de Bourget, entre autres.

M. SAUVAGEAU: Le plus beau comté.

M. FRANCOEUR: Les Nouvelles de l'Est, l'est central, tous de Montréal. Nous dirigeons également, M. Michaud, pour terminer ça, une station de radio qui, depuis toujours, est la propriété de la Voie de l'Est.

Oui, M. Michaud?

M. MICHAUD: Dans la section de journaux distribués de porte i. porte, le Guide du Nord a-t-il été vendu?

M. FRANCOEUR: Non, le Guide du Nord, M. Michaud, vous allez le retrouver sur un autre organigramme. C'est une propriété qui m'est demeurée personnelle. Elle n'est pas dans les journaux Trans-Canada. Vous allez le retrouver sur un autre organigramme si vous voulez le mettre, Monsieur, qui est l'organigramme se rapportant à la société générale sur laquelle je peux vous donner des renseignements.

Vous avez en haut une compagnie de gestion qui s'appelle Les Placements JGF dont les actions sont toutes détenues par les membres de ma famille et moi-même, qui, elle, détient toutes les actions de la Société générale de publication. La Société générale de publication détient 1/3 des actions communes et privilégiées des journaux Trans-Canada. Cette compagnie publie également le Guide du Nord et enfin elle détient les chartes, si l'on peut dire, des anciennes compagnies qui dépendaient d'elle. Ce sont des chartes qui, probablement, d'ici un an seront abandonnées selon les procédures normales prévues par la législation.

M. MICHAUD: M. Francoeur, pour revenir au premier organigramme au moment de l'acquisition par Trans-Canada...

M. FRANCOEUR: Me le remetteriez-vous pour que ça soit clair?

M. MICHAUD: ... de la propriété de Communica c'est-à-dire du Petit-Journal, Photo-Journal et de Dernière heure, il y avait une même unité de négociation syndicale puisqu'il y avait une seule entreprise, il y a eu un morcellement de trois entreprises différentes. Pouvez-vous nous dire pourquoi cela a été fait?

M. FRANCOEUR: C'est parce que la loi exige que, lorsque des compagnies sont séparées, il y ait morcellement de l'unité de négociation. C'est la Loi des relations de travail qui l'exige. La raison pour laquelle nous avons morcelé, nous, c'est que pour des raisons administratives — comme c'est la même chose ailleurs — il y a toujours une compagnie qui publie un journal, parmi les journaux vendus dans le public. Pour de nombreuses raisons administratives chaque journal est une compagnie, comme vous le voyez sur l'organigramme. Là nous avons fait la même chose, mais je dois noter que les négociations se sont poursuivies simultanément, que les trois contrats ont été signés simultanément en moins d'un mois après que nous avons acheté les journaux au groupe Communica. Tous les avantages acquis par l'ancienne convention unique ont été transmis aux trois nouvelles conventions des journalistes du Petit-Journal Limitée, de Photo-Journal Limitée, de Dernière heure Limitée.

M. MICHAUD: Vous parlez de raisons administratives et fiscales bien sûr, j'imagine?

M. FRANCOEUR: C'est un vieux dicton qui dit: En respectant la loi nous pouvons organiser nos affaires dans le sens, normal.

M. MICHAUD: A la suite de cette acquisition par votre société des propriétés de Communica, des trois journaux, il n'y a pas eu de problème de replacement de personnel. A peu près tout le monde a été reclassé.

M. FRANCOEUR: II y a eu du reclassement — un peu comme dans le cas de la Presse — de la restructuration qui a été complétée et dans l'ensemble la satisfaction semble assez générale.

M. LEVESQUE (Laurier): A propos du grou- pe Communica, est-ce que dans la transaction étaient impliqués les postes de télévision et de radio des Brillant? Est-ce parce qu'on attend simplement une approbation?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur, je vais vous référer au dernier paragraphe du chapitre C-3.

M. LEVESQUE (Laurier): Il y a des mots, on se perd lâ!

M. FRANCOEUR: Notre entreprise a été également, à la suite de cette transaction, propriétaire durant une très courte période — quelques semaines — de la station de télévision CJBR-TV et de la station de radio CJBR et CJLM, cette dernière au Nouveau-Brunswick. Elle en a maintenant disposé parce que, pour des raisons qui ont été mises d'avant par le vendeur, il voulait faire une seule vente. Mais nous, les journaux Trans-Canada n'ayant pas d'intérêts et n'étant pas intéressés vers la télévision et la radio...

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que ça été un « buy back » ou si...?

M. FRANCOEUR: Pardon?

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'ils l'ont racheté ou si ça été ...?

M. FRANCOEUR: Non, cela a été vendu à Télémédia qui va suivre GELCO...

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, alors, pour passer à l'autre filiale, à Québec Télé media.

M. FRANCOEUR: Bien, ce n'est pas une filiale. Il n'y a aucune relation entre les journaux Trans-Canada et Télé média, sur le plan...

M. LEVESQUE (Laurier): Disons que c'est passé à un autre morceau du groupe, à Québec Télémédia, quoi?

M. FRANCOEUR: Pour dire comme M. Kierans, disons que votre simplification est peut-être un peu trop simplifiée.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Juridiquement, je ne me baserai pas... C'est passé à Québec Télémédia Inc.

M. FRANCOEUR: Juridiquement... Les journaux Trans-Canada l'ont revendu à un prix normal au groupe Télémédia.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est parce que je ne trouvais pas. Il n'est pas encore inscrit sur l'organigramme.

M. FRANCOEUR: Est-ce que sur l'organigramme, vous avez d'autres questions, messieurs?

M. BOUSQUET: Vous n'avez qu'un poste de radio?

M. FRANCOEUR: Oui et nous l'avons gardé, parce qu'il faisait partie tellement intégrale de la Voix de l'Est, à tout point de vue, depuis tellement longtemps, que cela aurait été assez difficile et...

M. LEVESQUE (Laurier): Vous l'avez appelé CJRB, mais c'est CJBR...

M. BOUSQUET: CHEF, à Granby, je pense.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien, il y a une erreur, alors.

M. FRANCOEUR: Non, j'ai CJBR, moi ici.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, quand on tombe dans GELCO, où c'est marqué CJRB, c'est CJBR.

UNE VOIX: Vous avez raison.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. LESAGE: M. Francoeur...

M. FRANCOEUR: Oui, M. Bousquet. Ah, pardon!

M. BOUSQUET: Du côté de la radio, vous n'êtes pas tellement intéressé. Vous n'avez que ce poste et vous avez presque été obligé, en somme, de l'acheter?

M. FRANCOEUR: Disons que me référant à ce qu'on me dit, parce que, là, je réfère à des choses qui relèvent d'avant notre transaction, il y a eu un moment donné où, sans le poste de radio, peut-être que le quotidien aurait eu des problèmes majeurs et vice versa; à d'autres périodes, c'est le contraire. Disons que dans un journal et un poste de radio relativement petits, une année l'un supporte l'autre et vice versa. D'ailleurs, M. D'Amours qui est ici, le président de la Voix de l'Est, peut répondre mieux que moi sur les antécédents. Pour les questions se rapportant à CHEF et à la Voix de l'Est, il est beaucoup plus au courant.

M. D'AMOURS: Le poste CHEF a été fondé en 1945 et, pendant quinze ans, c'était une compagnie séparée de la Voix de l'Est. Mais, après de nombreuses difficultés financières, les premiers bailleurs de fonds ont perdu, pendant ces quinze années, au-delà de $200,000, si je me rappelle des chiffres. Le poste de radio était en voie de disparition quand il a été acquis par la Voix de l'Est Limitée. Ceci était en 1957. Depuis lors, bénéficiant des mêmes services administratifs, des mêmes services de comptabilité et bénéficiant aussi du réseau de correspondants du journal, bien progressivement et assez lentement le poste a pu faire ses frais.

Aujourd'hui, il se porte lui-même et je peux dire que ça va assez bien.

M. BOUSQUET: Au point de vue de l'information, on peut dire qu'en somme le poste CHEF est un peu la doublure de la Voix de l'Est.

M. D'AMOURS: Granby est une petite ville de 33,000 ou 35,000 de population. Pour maintenir deux hebdos — car il y a deux hebdos locaux — un quotidien et un poste de radio, je vous dis que cela fait pas mal de publicité à trouver dans un petit marché. Le fait que les deux soient administrés par la même entreprise et puissent travailler en collaboration, cela diminue les frais considérablement.

M. BOUSQUET: En passant, je peux signaler que la Voix de l'Est est un des journaux qui donnent la plus libre expression, je dirais, à toutes les tendances politiques que l'on retrouve dans la province.

M. D'AMOURS: Je vous remercie.

M. LESAGE: Est-ce parce que vous, vous y lisez souvent, M. Bousquet?

M. BOUSQUET: Je ne me lis pas très souvent, malheureusement, mais seulement je trouve que c'est un excellent journal et il me fait plaisir de le signaler en passant. Oui, c'est un excellent journal, c'est de la qualité.

M. LESAGE: Vous devez être bien traité. M. D'AMOURS: J'aimerais que...

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir une déclaration de Serge Savard?

M. BOUSQUET: Non, quand on le compare avec Le Clairon de Saint-Hyacinthe, par exem-

ple, je trouve que les gens de Granby sont beaucoup mieux servis...

M. LESAGE: Contentez-vous de votre courrier, vous!

M. D'AMOURS: Je sais que Granby est une cible à laquelle on réfère souvent, surtout dans la question du contrôle de l'information, du fait que le journal quotidien et le poste de radio sont administrés, ou sont la propriété de la même compagnie.

Je voudrais porter à votre attention le fait qu'il entre dans Granby huit autres quotidiens: Le Devoir, Montréal-Matin, La Gazette, La Presse, The Star, Le Journal de Montréal, La Tribune et le Daily Record.

Je vous prie de croire que quand on est assis au pupitre de l'administrateur, on se rend compte que contrôler l'information n'est pas facile. La compétition est très forte.

M. LEVESQUE (Laurier): Sauf, si vous permettez, est-ce que, très souvent, les journaux de l'extérieur dont vous parlez sont au courant, en détail, des choses qui sont normalement le centre d'intérêt d'un journal local? J'ai beau lire le Devoir, la Tribune ou la Presse, s'il y a des problèmes à Granby ou des informations qui concernent la population locale, il est évident que le premier au courant est nécessairement l'organe d'information local. Règle générale, cela reste vrai.

M. D'AMOURS: Pour la nouvelle locale, j'espère que la Voix de l'Est est bien en avant de tous les journaux que j'ai mentionnés.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est évidemment là-dessus que parfois des gens peuvent dire: Quand même il entrerait vingt journaux de l'extérieur, l'information locale est en grande partie centrée sur — peu importe qu'on soit pour ou contre — deux organismes qui sont de même propriété.

M. D'AMOURS: Mais il y a aussi deux heb-do locaux.

M. LEVESQUE (Laurier): Deux hebdos. M. D'AMOURS: Deux hebdos à Granby.

M. LEVESQUE (Laurier): Quel est le tirage des hebdos, savez-vous?

M. D'AMOURS: Distribution gratuite, c'est le tirage complet.

M. LEVESQUE (Laurier): Deux hebdos à distribution de porte à porte, genre...

M. FRANCOEUR: Ils sont très forts, M. Lévesque, si vous permettez que j'intervienne, très forts. Hebdo-Revue a une moyenne de 32 pages par semaine.

M. LE PRESIDENT: M. Francoeur, voulez-vous vous approcher du micro, s'il vous plaît.

M. FRANCOEUR: Excusez si j'interviens, c'est pour mentionner que les deux hebdos sont très forts. L'Hebdo-Revue, par exemple, a rarement en bas de 32 pages par semaine.

M. LEVESQUE (Laurier): Dont combien de pages d'annonces?

M. D'AMOURS: II rentre de plus de cela à Granby; sept canaux de télévision et seize postes de radio. Alors, la compétition est assez forte, et je pense que pour le contrôle de l'information, il n'y a pas de danger à Granby.

Je me permettrais d'ajouter que j'ai administré la Voie de l'Est sous trois propriétaires différents, d'abord M. Laurion, propriétaire actionnaire majoritaire, si vous voulez, à ce moment-là, et pour Communica, et maintenant les journaux Trans-Canada. S'il y a un moment où l'information pouvait être biaisée et peut-être un peu dangereuse, c'était certainement au temps du propriétaire unique, et non pas sous le...

M. LEVESQUE (Laurier): Donc les corporations actuelles.

M. LESAGE: M. Francoeur, est-ce que les actions communes des journaux Trans-Canada Limitée ont une valeur au pair et si ce sont des actions sans valeur au pair?

M. FRANCOEUR: M. Lesage, il faudrait que je réfère à mon équipe. Dix dollars de valeur au pair.

M. LESAGE: Oui, très bien. Dix dollars au pair, cela, ce sont les actions communes. Est-ce qu'elles sont cotées en bourse?

M. FRANCOEUR: Pas dans le moment, M. Lesage.

M. LESAGE: Je m'en doutais bien, oui. Quelle est la valeur au pair des actions privilégiées et quelles sont les conditions des actions privilégiées?

M. FRANCOEUR: Un dollar l'action et elles sont votantes.

M. LES AGE: Un dollar l'action votante. Est-ce qu'il y a un intérêt attaché obligatoirement aux actions privilégiées?

M. FRANCOEUR: Si on remonte deux ans en arrière, par exemple...

M. LESAGE: Non, mais il arrive que vous avez des actions privilégiées, par exemple, sur lesquelles le détenteur doit recevoir un minimum de 4%, 5% d'intérêt par année.

M. FRANCOEUR: Non cumulatif, M.Lesage.

M. LESAGE: C'est ordinairement ce qui arrive lorsque, pour me servir de votre expression, les actions sont votantes.

M. FRANCOEUR: Oui.

M. LESAGE: Alors, dix dollars au pair pour les actions communes, et un dollar au pair l'action privilégiée. Quelle est la capitalisation? Je m'excuse, c'est une déformation professionnelle.

M. FRANCOEUR: Non, mais écoutez, si vous me le permettez, Je pourrai vous donner la réponse après un appel téléphonique, quand j'aurai fini mon témoignage, quelqu'un...

M. LEVESQUE (Laurier): Vous n'avez pas un bilan consolidé ou un rapport, on a cru cela...

M. FRANCOEUR: Disons que la différence c'est que Power Corporation, qui est une compagnie publique, a des bilans publics, mais Trans-Canada est une société privée qui n'a que quatre actionnaires. Ce n'est pas une société publique.

M. LESAGE: Et les actions ne sont pas cotées en bourse!

M. FRANCOEUR: C'est tout.

M. LESAGE: Ce qui fait toute la différence du monde sur l'obligation qu'a la société de publier des bilans.

M. LEVESQUE (Laurier): Comme cela contrôle un grand nombre de moyens d'information, Je veux bien croire que c'est une société privée, mais cela aiderait quand même à nous faire comprendre, parce qu'autrement on se demande un peu, par rapport au mandat de la commission, à quoi cela rime.

M. LESAGE: C'est la capitalisation, quant à moi, que je voulais avoir, M. Francoeur, vous comprenez.

M. LEVESQUE (Laurier): Avant de partir.

M. FRANCOEUR: Sur des questions comme cela...

M. LESAGE: Oui, mais sur la capitalisation en actions communes et en actions privilégiées, je n'ai aucune objection à ce que vous nous fassiez parvenir le renseignement plus tard.

M. FRANCOEUR: Nous pouvons envoyer à M. le Président, dès demain, les détails sur la capitalisation...

M. LESAGE: M. Francoeur, c'est facile à calculer, vous détenez 15,000 actions ordinaires, c'est le tiers, donc il y a 45,000 actions ordinaires.

M. FRANCOEUR: C'est cela.

M. LESAGE: Ce sont 45,000 actions ordinaires à $10, cela fait $450,000 au pair, et vous avez 150,000 actions privilégiées, ce qui fait exactement 450,000 actions privilégiées, ce qui fait $450,000. Capitalisation, $900,000. J'ai ma réponse, M. Francoeur.

M. FRANCOEUR: Je vous remercie, M. Le-sage.

M. LEVESQUE (Laurier): La valeur des actifs...

M. LESAGE: C'est une autre affaire.

M. FRANCOEUR: La valeur des actifs, vous l'avez plus loin, M. Lévesque. Si vous me permettez, la valeur des actifs, j'y reviendrai au passage tout à l'heure. Je crois qu'il y aurait quelque chose...

M. LESAGE: La capitalisation au pair est de $900,000.

M. LEVESQUE (Laurier): D y a $6.5 millions d'obligations.

M. FRANCOEUR: Nous vous enverrons des exemplaires du prospectus qui a été envoyé lors

de l'émission d'obligations, nous ferons parvenir cela au président dès demain.

M. LESAGE: C'est très bien, nous aurons alors les renseignements.

M. FRANCOEUR: Je vais prendre une minute pour vous donner un aperçu de la fondation des Journaux Trans-Canada. Je crois qu'elle va permettre d'éclairer la situation et même de faire la lumière sur des choses qui semblent confuses. L'histoire remonte à 1966, quand la compagnie Télémédia a acheté toute l'entreprise qui s'appelait: La Tribune. Disons tout de suite que M. Desmarais n'était pas du tout intéressé, directement ou indirectement, dans la société Power Corporation, à ce moment-là. Or, Télémédia a acheté La Tribune, qui comprenait une station de télévision, deux postes de radio, peut-être trois, avec le FM, une imprimerie commerciale et le quotidien.

M. LEVESQUE (Laurier): A ce moment-là, est-ce que c'était M. Strong?

M. FRANCOEUR: Je ne le sais pas. Je vous réponds ce que je sais, M. Lévesque.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais est-ce que M. Strong était président, à ce moment-là?

M. FRANCOEUR: M. Strong était président de Power Corporation.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est parce que je vois que M. Frenette... Ce serait bon de savoir qui...

M. FRANCOEUR: Voici, je vous raconte, un peu comme au tribunal, ce que je sais. C'est qu'une journée, à peu près un mois après avoir appris que Power Corporation ou Télémédia avait acheté toute l'entreprise de la Tribune, comme bien d'autres personnes, j'ai reçu une lettre de Télémédia, m'avisant qu'elle n'était pas intéressée à garder le journal. A peu près tous les gens du monde des journaux et des affaires ont reçu la lettre, disant que La Tribune et l'Imprimerie Commerciale seraient vendues à une certaine date. L'Imprimerie Commerciale, pour un prix minimum de deux millions six cents et quelque mille dollars et invitant tous les intéressés à faire un appel d'offres. On demandait du comptant.

Disons que la chose m'intéressait à ce moment-là. J'ai étudié le cas de la Tribune et j'ai décidé que cela m'intéressait. J'ai essayé de faire des arrangements pour l'acheter moi- même entièrement, ce qui a été assez difficile. Finalement, je suis allé voir M. Desmarais, que j'avais rencontré socialement, et je lui ai expliqué l'affaire de la Tribune, il l'a regardée avec moi et il a accepté à ce moment-là de l'acheter conjointement avec moi, dans la proportion de deux et un, soit un tiers.

Cela s'est fait rapidement. Nous sommes partis pour le bureau de Télémédia le jour où les soumissions devaient être ouvertes. Nous sommes arrivés à midi. Lorsque les avocats et le représentant de Télémédia ont annoncé qu'ils ouvraient les soumissions, il n'y en avait qu'une, la nôtre.

Il faut, quand même, réaliser que les débuts des journaux Trans-Canada, c'est cela. A ce moment-là, tous les journaux et tous les hommes d'affaires ont été avisés. Le groupe Communica a reçu la lettre; les propriétaires du Soleil aussi. Je connais personnellement d'autres individus qui ont reçu la lettre.

Personne, à ce moment-là, n'avait assez confiance, apparemment, dans l'avenir d'un quotidien pour aller faire une offre. Je crois que c'est assez important de situer ce fait pour bien faire comprendre que, lorsque nous disons qu'il y avait un besoin de regroupement, c'était évident parce que personne ne s'est présenté pour acheter la Tribune ce jour-là. Deuxièmement, je crois que cela situe un peu le rôle de M.Desmarais. Contrairement à certaines impressions, assez compréhensibles, peut-être, selon lesquelles M. Desmarais serait parti avec l'idée d'aller rafler tout cela, celui qui est allé intéresser M. Desmarais dans la première transaction, c'est mol.

Dans la deuxième, c'est également moi. Je veux dire par cela...

M. LESAGE: Vous êtes un bon vendeur, M. Francoeur.

M. FRANCOEUR: ... que M. Desmarais n'est pas l'ogre qui est parti pour aller à Chicoutimi. La famille qui avait le Nouvelliste avait décidé de s'en départir. Je suis celui qui a apporté ce renseignement à M. Desmarais. Tout cela, pour situer un peu le rôle de M. Desmarais dans cela et, ensuite, pour faire comprendre que, quand nous parlons de certaines nécessités de regroupement, vous en avez un cas potent, c'est qu'il n'y eu personne qui s'est présenté à la Tribune, alors que c'était à ciel ouvert, comme les appels d'offres que le gouvernement fait pour différentes choses. Cela, je voudrais vous le situer dans l'histoire des Journaux Trans-Canada.

M. LESAGE: Il faut, tout de même, avoir un

capital pour acheter un journal comme la Tribune.

M. FRANCOEUR: Bien, je peux vous dire, M. Lesage, qu'il n'y avait pas de problème parmi ceux qui ont reçu la lettre. Ils auraient dû s'y intéresser, mais ils étaient...

M. LESAGE: Non, je comprends.

M. FRANCOEUR: ... disons assez craintifs.

M. LESAGE: Non, mais comprenez-moi bien, M. Francoeur, je ne veux pas...

M. FRANCOEUR: Non, mais je vous dis cela, M. Lesage...

M. LESAGE: J'ai dit qu'il fallait tout de même du capital pour acheter la Tribune.

M. FRANCOEUR: Oui.

M. LESAGE: Je vous garantis que, si le parti dont je suis le chef avait eu de l'argent, nous l'aurions peut-être acheté.

M. FRANCOEUR: Un jour, on se parlera de ce qui est arrivé au Canada, M. Lesage.

M. LESAGE: Ecoutez...

M. FRANCOEUR: Vous savez, M. Lesage, que j'ai fait une offre pour l'avoir dans ce temps-là, avec cinq autres...

M. LESAGE: J'ai vécu la difficile décision prise par M. Saint-Laurent.

M. BOUSQUET: C'était aussi bien qu'il meure.

M. LESAGE: Evidemment, pour ceux qui veulent une province séparée des autres, comme M. Bousquet.

M. BOUSQUET: Vous n'avez pas le droit de dire cela.

M. FRANCOEUR: M. le Président, pour sauter rapidement à un autre chapitre assez important où il est également question de certains problèmes qui ont déjà été soulevés, j'aimerais parler encore de la Tribune. Certaines personnes semblent voir un danger dans le fait que la Tribune et les Journaux Trans-Canada puissent rejoindre à un certain moment, au niveau des actionnaires peut-être, la télévision et la radio.

J'aimerais attirer votre attention rapidement au chapitre C-4. Le tirage de la Tribune, dans le moment, est de 38,000 exemplaires. Il approche les 40,000 exemplaires.

C'est évidemment le grand journal dans les Cantons de l'Est. Ce qu'il est intéressant de constater, d'après le « Canadian Advertising » qui est la bible des tirages, c'est que, dans les comtés reconnus comme le territoire ou le domaine de la Tribune, les autres quotidiens du Québec vendent 57,000 exemplaires, au dernier rapport à la fin de l'année 1968. Ceux-ci sont la Gazette, le Montreal Star, la Presse, Montréal-Matin, etc. Mais, ce qui est encore plus intéressant, c'est lorsque vous ajoutez les hebdomadaires locaux de ces mêmes comtés considérés strictement comme les comtés de la Tribune. Il y a 26 hebdomadaires qui rejoignent 168,900 foyers. Alors, vous voyez que, même si la Tribune est évidemment le journal le plus important des Cantons de l'Est, les gens des Cantons de l'Est entendent bien d'autres sons de cloche que celui qu'apporte la Tribune.

M. LEVESQUE (Laurier): Si vous les avez, est-ce que vous pourriez nous donner... Dans les 57,000...

M. FRANCOEUR: Les détails?

M. LEVESQUE (Laurier): Simplement les détails...

M. FRANCOEUR: Non.

M. LEVESQUE (Laurier): ... pour la Presse, le Nouvelliste et la Voix de l'Est.

M. FRANCOEUR: Non. Je n'y ai pas pensé, j'ai fait moi-même les détails avec Canadian Advertising il y a déjà quatre mois, je ne peux pas me rappeler.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est parce que la Presse est à Montréal, le nouvelliste est à l'autre entrée de la région, si je peux dire, et la Voix de l'Est est quand même dans le même coin.

M. FRANCOEUR: Disons...

M. LEVESQUE (Laurier): Etant donné que c'est du même groupe, c'était simplement pour savoir...

M. FRANCOEUR: Je peux vous dire une chose c'est que, le matin, à Sherbrooke, dans tous les kiosques, vous avez le Journal de Montréal,

Montréal-Matin et le Devoir. Ces journaux arrivent en même temps que la Tribune. Je le sais pour le constater, quand j'y vais.

M. LEVESQUE (Laurier): La Gazette aussi.

M. FRANCOEUR: Mais je pourrais vous le donner, si vous y tenez.

Je voulais vous mentionner les mêmes précisions pour la Voix de l'Est, mais M. D'Amours l'a fait plus tôt. Vous parliez tout à l'heure des actifs. Je vous référerais à la dernière page du chapitre C, paragraphe H; Immeubles Journaux Limitée. Vous avez dans le moment un total des actifs, à la fin de 1968, de $12,128,341, et dans les dépenses capitales — ce qui vous montre quand même l'importance d'avoir des sources de capitaux — pris de $3,392,000 seront dépensés au cours de 1969. C'est ce qui est engagé dans les améliorations, dans le domaine des dépenses capitales. Je crois que cela répond à une question que M. Lesage posait tout à l'heure concernant les capitaux.

M. MICHAUD: Mais ces $3 millions sont surtout investis dans le domaine de l'équipement...

M. FRANCOEUR: Oui.

M. MICHAUD: ... ou de construction d'immeubles.

M. FRANCOEUR: II y a un peu des deux. Il y a une presse « offset » neuve qui s'installe au cours du mois de juin, qui est la plus moderne au Canada, d'ailleurs la plus grosse presse « offset » au Canada, et qui doit fonctionner à l'automne. Il y a, concernant l'équipement, de nouvelles machines à composer, disons qu'il y a un peu de tout. M. Michaud, vous avez d'ailleurs les détails dans cette page.

M. LEVESQUE (Laurier): Grosso modo, vous avez à peu près $15 millions en tenant compte du budget de 1969.

M. FRANCOEUR: A la fin de 1969, vous aurez un investissement de $15,400,000, grosso modo. Je parle des actifs immobilisés.

M. LEVESQUE (Laurier): Tout £ l'heure, vous aviez à peu près $900,000 d'équité dans les actions, d'après le calcul rapide qui a été fait, et $6,500,000 d'obligations dont vous avez parlé.

M. FRANCOEUR: II y a eu une capitalisa- tion, mais il y a eu également d'autres mises de fonds qui ont été faites. Dans ces $3 millions, vous avez de l'argent qui est dû à la compagnie qui fait la Presse. Dans le moment, nous avons un engagement, nous avons certaines hypothèques, les hypothèques normales de bâtisses.

M. LEVESQUE (Laurier): Dans les investissements faits, qui sont de $12 millions — laissons de côté les $3 millions de cette année —...

M. FRANCOEUR: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Pour autant que vous le sachiez, je vous demandais tout à l'heure si vous aviez...

M. FRANCOEUR: Vous avez $6,500,000 en obligations chez les épargnants. Au début, il y avait les actions au pair, mais il y a parfois des actions au pair qui se vendent plus cher que les actions au pair. C'est une procédure absolument normale...

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. FRANCOEUR: ... dans toute entreprise ou toute compagnie.

Quant à la situation syndicale, j'attirerais votre attention sur ce chapitre, de façon générale. Je crois qu'en le lisant attentivement, à tête reposée, vous verrez que les garanties qui s'y trouvent au point de vue de protection sont majeures et des plus solides.

Oui, M. Michaud.

M. MICHAUD: Encore que là, l'affirmation est un peu plus contestable, parce que, dans les hebdomadaires, principalement, étant donné qu'il n'y a pas d'information pure, de diffusion...

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas le même genre.

M. MICHAUD: ... la liberté est à peu près totale à la direction de décider du choix du reportage, ou de l'orienter surtout...

M. FRANCOEUR: M. Michaud, amenez-moi de bons journalistes qui ont de bons sujets de reportage, et je les prendrai de préférence à ceux qui attendent les suggestions d'un direction de l'information.

Parce que dans un hebdomadaire où vous avez énormément de textes à trouver, qui doivent être un peu différents de ce que vous avez dans les quotidiens, il faut quand même bien de l'imagination dans une semaine.

M. MICHAUD: Mais la fonction étant plutôt celle de divertissement de la part...

M. FRANCOEUR: C'est cela.

M. MICHAUD: ... des hebdomadaires que celle de l'information.

M. FRANCOEUR: C'est pour cela que je me suis attardé surtout aux quotidiens du groupe.

M. MICHAUD: Est-ce que vous vous alignez, dans vos hebdomadaires, sur le modèle des conventions collectives de la Presse?

M. FRANCOEUR: Je vais vous donner le détail des conventions collectives. Celle de la Patrie a été renouvelée sans un mot de changé. Alors, vous la connaissez probablement. Seule l'échelle des salaires a été changée d'un commun accord avec le Syndicat des journalistes de Montréal.

Dans le cas du Petit Journal, le contrat a été signé avant celui de la Presse, vers le 30 janvier, pour les trois prochaines années. Je crois que cela montre un assez bon esprit de part et d'autre, ce qui est assez rare.

Au Nouvelliste — je crois que cela aussi est un record d'un autre genre — le contrat vient d'être renouvelé avant même la date de l'expiration de l'ancien contrat. Trois jours avant. Ce qui montre quand même une bonne entente entre la partie patronale et le syndicat au Nouvelliste.

La Voix de l'Est, les négociations ne font que commencer, parce que le contrat échoit ces jours-ci.

A la Tribune, le contrat a été signé pour trois ans l'année dernière. Vous ne pouvez pas l'aligner sur la Presse pour la bonne raison que c'est un contrat global du toit à la cave. C'est un contrat qui est très difficile à comprendre et à négocier — dont nous avons hérité, d'ailleurs -qui inclut les journalistes, les jeunes filles du bureau, les typographes, les pressiers. Tout le personnel de la Tribune est inclus dans un seul contrat avec des exceptions et des chapitres.

M. MICHAUD: Oui, mais je ne parlais pas des conditions économiques précisément. Je pensais plutôt aux clauses de conscience ou aux garanties formelles de...

M. FRANCOEUR: Disons que dans le cas de la Patrie, c'est le même contrat.

M. MICHAUD: Oui.

M. FRANCOEUR: Dans le cas du Petit Journal, ce sont sensiblement les mêmes clauses que celles qui existaient sous l'ancienne administration.

M. BOUSQUET: Est-ce que l'on peut dire que le principal critère qui vous guide est la rentabilité du journal?

M. FRANCOEUR: Non.

M. BOUSQUET: Ce n'est pas cela?

M. FRANCOEUR: Non. C'est un critère important, parce que... D'abord, comme je vous le disais tout à l'heure, nous avons des milliers d'épargnants qui nous ont confié leur épargne, il y a le lecteur, il y a l'actionnaire, il y a le petit épargnant, il y a le personnel. Je vois quatre intéressés dans le journal.

M. BOUSQUET: Pourriez-vous nous dire quels sont les principaux critères, à vos yeux?

M. FRANCOEUR: Je vais vous référer au mémoire exactement, M. Bousquet. Le chapitre B-I: Exposé de principes. Je crois que cela résume en quelques lignes. Ensuite, évidemment, c'est développé. Vous avez l'intérêt du lecteur au chapitre B-Il, qui est le plus important pour nous, et ensuite l'efficacité de gestion au chapitre B-m. Mais je crois qu'au chapitre B-I vous avez...

M. MICHAUD: Je pense qu'on peut difficilement contester à des investisseurs le droit légitime et normal de rechercher un profit régulier pour ces investissements, mais si, pour freiner ça, il y a des mécanismes, il y a des garanties au niveau de l'exercice de la profession, à ce moment-là c'est à ce niveau qu'on doit particulièrement travailler, tant au niveau syndical qu'au niveau professionnel pour contrebalancer cette possibilité de recherche abusive parfois du profit.

M. FRANCOEUR: Je vous réfère, par exemple, à ce sujet-là. Je crois que ça vaudrait la peine de s'attarder un instant au chapitre B-4: Traitement et formation du personnel. Si vous regardez au milieu de la page, le paragraphe du milieu: « Au chapitre du traitement, les Journaux Trans-Canada Ltée ne craignent pas d'affirmer qu'ils versent, dans tous les secteurs de leurs entreprises, des salaires au moins comparables, sinon supérieurs, 3. ce qui se verse dans chacune des régions où ils sont implantés. » Cela est pour les salaires.

Si vous tournez la page, M. Michaud, en dessous de la nomenclature de chaque ville: « Quant à la formation du personnel,... », vous avez quelques paragraphes qui se rapportent à la formation du personnel. Je suis très heureux de vous dire que nous avons eu plusieurs de nos cadres journalistes qui ont suivi des cours aux Hautes études, par exemple. Il y a M. Dubé qui est président de la Tribune, qui est un journaliste de carrière, qui est aujourd'hui le président et qui mène effectivement la Tribune. Il a passé partiellement par l'école des Hautes études, de l'Université de Sherbrooke. Nous en avons deux autres à Montréal qui ont fait de même. Pour la prochaine session d'automne des Hautes études, vous avez trois directeurs d'information inscrits. Nous avons eu un cours complet donné en relations humaines à tous les directeurs d'information, les chefs de nouvelles et également d'autres personnes au niveau de la gérance, au cours de l'hiver. En plus de tous les cours individuels, au moins cent de nos employés ont suivi l'hiver dernier un cours de leur choix. Nous avons comme politique de payer le cours, quel qu'il soit, de tout employé, que ce soit un cours même de personnalité, cours de français, cours d'anglais, cours de vente, cours de perfectionnement.

M. BOUSQUET: En somme, vous mettez beaucoup l'accent sur le perfectionnement du personnel.

M. FRANCOEUR: C'est à long terme, évidemment, on ne voit pas ça du jour au lendemain.

M. BOUSQUET: D'accord. Maintenant il y a quelque chose qui me vient à l'esprit: Etant donné que dans une région comme Montréal vous avez plusieurs journaux, est-ce qu'il vous serait venu à l'esprit d'imprimer une tendance particulière à un journal, une autre tendance à un autre, une autre tendance à un troisième? Est-ce que, d'après vous, ce serait quelque chose qui serait recommandable ou à rejeter? Quand je parle de tendances, je veux dire dans le domaine politique, dans le domaine social, en somme une espèce de spécialisation dans les tendances.

M. FRANCOEUR: Du tout, je vous réfère à ce que M. Bureau a dit ce matin. Si vous voulez que je vous fasse tout un exposé là-dessus, je pense bien que non. Les normes de liberté sur les questions politiques ou d'orientation sont exactement les mêmes que ce soit notre plus petit journal ou que ce soit notre plus grand.

Il n'y a pas de directives de données au niveau politique: C'est d'être honnête et juste.

M. LEVESQUE (Laurier): Sauf à l'éditorial, puisque ça...

M. FRANCOEUR: Oui, l'éditorial, mais même alors, chaque président, dans chaque journal — M. Dubé Ici — son éditorial relève de lui et non pas de moi. Il relève directement de M. Dubé et du moment que nous faisons confiance, par exemple à M. Dubé ou à M. D'Amours, si nous leur faisons confiance, ils prennent la responsabilité.

L'expérience a été qu'ils ont mené leur barque de façon impartiale.

M. BOUSQUET: Je songeais, en particulier, à une situation comme celle de Paris où vous avez des journaux de tendances très marquées et de tendances très diverses comme Rivarol, le Canard enchaîné, le Figaro, le Monde, Combat, etc. En somme, est-ce qu'en Amérique du Nord ou dans une ville comme Montréal, on pourrait avoir des journaux ayant des tendances?

M. FRANCOEUR: Vous en avez un, M. Bousquet. C'est Montréal-Matin...

M. MICHAUD: Vous en voulez d'autres?

M. FRANCOEUR: C'est un journal idéologique...

M. BOUSQUET: Il faut dire que Montréal-Matin passe...

M. MICHAUD: Idéologique? Ah! Ils ne l'ont pas...

M. FRANCOEUR: Rien qui reflète la pensée d'un parti.

M. LESAGE: Quand ils n'en ont pas, comment voulez-vous que cela se réflète?

M. BOUSQUET: Je crois que dans Montréal-Matin le parti libéral et le parti québécois sont bien gâtés.

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas à moi de faire l'évaluation...

M. LESAGE: Laissez-nous cela, M. Fran-coeur. Nous allons nous en occuper...

M. MICHAUD: Au sujet de B-4: Traitement et formation du personnel, au 1er paragraphe il

y a une expression d'opinion qui me fait un peu sursauter. Quand vous dites: Les Journaux Trans-Canada Ltée n'entendent pas limiter leur rôle à l'établissement d'une saine politique financière au sein des organes de presse, en plus de laisser à ces mêmes organes la pleine autonomie rédactionnelle et éditoriale dont ils sont en droit, par respect pour leurs lecteurs, d'être les seuls dépositaires.

Est-ce que vous faites allusion aux entreprises comme telles ou au personnel de rédaction de ces entreprises? Il semble là que vous revendiquiez, dans ce paragraphe, une pleine autonomie rédactionnelle, mais je crois que cela a été écrit en fonction des groupes d'intérêts auxquels vous êtes liés ou auxquels vos entreprises sont liées? Mais pensez-vous davantage que le service rédactionnel...

M. FRANCOEUR: Ce que cela veut dire, M. Michaud, c'est ceci. C'est que le Nouvelliste est une entreprise, que ce soit le groupe A qui en soit propriétaire, ou que ce soit nous, ou que ce soit un individu, le Nouvelliste est un journal par lui-même et nous lui laissons décider de sa position ou de la façon de présenter les choses qui concernent spécialement, évidemment, la région où il est publié. C'est la même chose...

M. LEVESQUE (Laurier): Qui est président?

M. FRANCOEUR: Le Nouvelliste, dans le moment, c'est M. Eric Ferrat. Il ne peut pas être ici, parce qu'il revient d'Europe, aujourd'hui, où il est allé pour des achats de machinerie.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, M. Eric Ferrat qui est également...

M. FRANCOEUR:... vice-président de la production des journaux Trans-Canada. Il est là, dans le moment, parce que M. Dansereau est devenu le président de la Presse et nous a laissé les journaux Trans-Canada...

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, c'est à titre provisoire...

M. FRANCOEUR: C'est à titre relativement provisoire. Dans le moment, cela fonctionne très bien.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais il est membre de la direction de la compagnie et, en même temps, président du Nouvelliste.

M. FRANCOEUR: Je crois qu'il y a certai- nement une chose qui est remarquable dans le domaine des journaux...

M. LEVESQUE (Laurier): Disons que, dans son optique, il doit quand même un peu réfléter la direction de la compagnie.

M. FRANCOEUR: II doit quand même bien s'entendre avec sa salle de rédaction, puisqu'il vient de signer un contrat de trois ans, avant même l'expiration de la convention actuelle. Je crois que c'est parce que les journalistes ont quand même assez confiance.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que les éditorialistes sont syndiqués?

M. FRANCOEUR: Vous voyez comme je me tiens loin. Je ne pourrais pas vous dire dans le cas du Nouvelliste.

M. MICHAUD: En tout cas, il y a les mê"-mes garanties de non-ingérence abusive de la part de la direction ou des capitaux dans le traitement de l'information.

M. FRANCOEUR: Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne le sais pas. Je vais vous le dire dans le cas des deux autres, si vous me permettez.

M. Dubé me dit que dans le moment, il l'est. Mais de part et d'autre, il est question qu'il sorte de l'unité de négociations.

M. LEVESQUE (Laurier): A la Presse, ils ne le sont pas, je crois. Ils le sont, tous...?

M. FRANCOEUR: A la Voix de l'Est, ils ne le sont pas.

M. BUREAU: A la Presse, ils sont syndiqués et ils font partie du même syndicat que les journalistes.

M. LEVESQUE (Laurier): M. Champoux, aussi?

M. BUREAU: M. Champoux, non. Mais le directeur...

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, en fait, M. Champoux arrive comme directeur...

M. LE PRESIDENT: M. Bureau, pourriez-vous donner vos réponses dans le micro pour l'enregistrement.

M. BUREAU: Alors, M. le Président, M. Champoux et M. Lafrance qui sont directeurs

du service de l'édltorial et de l'information ne font évidemment pas partie du syndicat, mais leurs employés journalistes ou en bas des cadres, dans le cas de M. Champoux, ce sont tous ses éditorialistes, dans le cas de M. Lafrance, ce sont tous les journalistes, moins les neuf adjoints qui font partie du même syndicat et font partie de la même convention collective. C'est ce qui permet d'ailleurs ce dont je vous ai parlé tout à l'heure, le retour possible dans la salle de rédaction des éditorialistes qui ne voudraient pas quitter leur poste.

M. LEVESQUE (Laurier): Si je comprends bien ce que veut dire une clause de conscience, supposons qu'ils en ont assez d'écrire tel genre d'éditorial, parce qu'après tout cela doit refléter une ligne générale, vous l'avez dit ce matin, ils peuvent retourner à l'intérieur...

M. BUREAU: Exactement. Il y a un mécanisme prévu dans la convention collective qui leur permet de retourner dans ce cas.

M. MICHAUD: Mais, M. Bureau, pour ce qui concerne la politique éditoriale de votre journal et même dans les autres entreprises, j'ai cru deviner que votre position se situait à mi-chemin entre la position anglo-saxonne traditionnelle reconnue à l'effet que l'éditorial reflétait la pensée du propriétaire ou des propriétaires du journal et l'autre position, la position française vraiment qui représente uniquement la pensée du Journaliste qui signe le topo, qui signe l'éditorial. J'ai cru comprendre que vous avez dit que la Presse essayait d'offrir un choix d'options et cela se situe entre ces deux formules.

M. BUREAU: Exactement.

M. MICHAUD: Donc, l'éditorial ne reflète pas, enfin, d'une façon inconditionnelle toujours la pensée de l'entreprise de la direction du journal.

M. BUREAU: Les gens qui sont choisis à l'éditorial, nous leur faisons confiance, nous croyons que ce sont des gens qui ont suffisamment de jugement, de connaissances et d'expérience pour pouvoir émettre des options valables, inviter les gens à réfléchir sur des problèmes et dans ce choix des...

M. MICHAUD: C'est comme nous, nous pourrions le faire, mais nous ne sommes pas rendus là.

M. BUREAU: ... éditorialistes, vous prévoyez un éventail de tendances à l'heure actuelle, et c'est excellent.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que c'est désiré?

M. BOUSQUET: Est-ce que c'est le fruit du hasard, cet éventail, ou si c'est une politique de votre part de vous assurer qu'il y ait chez les éditorialistes un éventail complet de positions politiques, sociales ou autres?

M. BUREAU: Quand nous sommes d'accord sur les grandes options de base, à partir de ce moment-là, nous sommes heureux que les éditorialistes puissent exprimer des points de vue qui se complètent entre eux, qui soient même divergents jusqu'à un certain point entre eux, pour inviter les gens à réfléchir. Maintenant, les éditorialistes qui sont là — pour répondre à la question de M. Bousquet — étaient là bien avant moi. Le seul qui est là depuis quelque temps, c'est Marcel Adam, qui est actuellement à l'édltorial de La Presse. Il était antérieurement à la salle d'information, et il est maintenant à l'éditorial.

M. LEVESQUE (Laurier): Sans rechercher des citations de ce matin, quand vous expliquez votre organigramme vous étiez très clair. Nous pourrions toujours reprendre le texte en prenant l'organigramme et en disant: Sous le président, se trouve l'éditorial. Vous nous avez fait remarquer que la ligne générale de l'éditorial est celle des propriétaires de la maison.

M. BUREAU: Cela est reconnu universellement.

M. MICHAUD: M. Bureau, je pense que c'est un débat fondamental quand vous dites: Nous sommes d'accord sur les grandes options de base. Qu'est-ce que cela serait dans votre esprit? Le maintien du capitalisme, du régime, est-ce que c'est économique, est-ce que c'est politique?

M. BUREAU: Je ne sais pas si vous lisez régulièrement la Presse, mais ses éditoriaux en particulier, les grandes options de base d'un journal au tirage que nous avons, qui s'adressent à la population que l'on dessert par tout un éventail de gens qui lisent la Presse, il faut que nous cherchions à leur offrir des options valables en général. Ces options-là, où se situent-elles? Je dirais que, par exemple, vous ne retrouverez pas dans la page de l'éditorial des

éditoriaux qui sont consacrés à la louange définitive d'un capitalisme définitif non plus qu'à un communisme de ce genre-là non plus. Vous ne retrouverez pas non plus d'éditoriaux qui suggèrent définitivement de mettre de côté quelque solution que ce soit sur le plan politique. Il arrive qu'à l'intérieur de chacun des problèmes qui sont soulevés, il y a des aspects...

M. LEVESQUE (Laurier): Cela m'a l'air que vous n'avez pas lu Mme Lapointe au point de vue politique.

M. BUREAU: Est-ce que vous en lisez d'autres que Mme Lapointe?

M. BOUSQUET: Il y a des différences entre M. Cormier et Mme Lapointe, il y a une différence...

M. BUREAU: Je pense qu'il faut les lire tous pour voir quel est l'éventail complet des options que nous soumettons et des appels à la réflexion que nous faisons dans ces pages édi-toriales. Est-ce que cela répond à votre question, M. Michaud?

M. MICHAUD: Cela répond à ma question.

M. LESAGE: Si votre but est de laisser vos lecteurs avoir des préférences pour certains éditorialistes, vous réussissez bien.

M. BUREAU: Ce n'est pas une question, j'espère?

M. MICHAUD: Non seulement cela répond à ma question, M. Bureau...

M. LESAGE: Non, c'est un commentaire, M. Bureau, pour confirmer ce que vous venez de dire.

M. BUREAU: Nous croyons que le rôle de l'éditorial a bien évolué avec les années.

M. MICHAUD: Voilà!

M. BUREAU: Pendant un certain temps, on a cru très souvent que, quand l'éditorialiste se prononçait, il fallait que la population suive. Ce n'est pas du tout ce que l'on conçoit être le rôle de l'éditorialiste. Pour nous, l'éditorialiste c'est quelqu'un qui invite les gens à réfléchir sur des sujets d'actualité. Il leur fournit son point de vue, il leur donne ce que, lui, croit être une option valable.

M. LEVESQUE: D'ailleurs, c'est la chose qui a été constatée. Dans un sens, vous dites que c'est rassurant. Vous avez l'exemple de Roosevelt, aux Etats-Unis, qui a été élu quatre fois contre tous les éditorlaux, contre tous les propriétaires de journaux.

M. BUREAU: On pourrait aller bien moins loin que cela,

M. LESAGE: On peut se vanter autour de la table. En 1966.

M. FRANCOEUR: M. le Président, avez-vous d'autres questions au sujet du mémoire?

M. LEVESQUE: Au sujet des membres de la direction de vos entreprises,... Lorsque nous avons été interrompus, nousparlions des structures, des politiques de ceux qui dirigent les entreprises. Vous dites qu'à Trois-Rivières c'est M. Ferrat qui est là et évidemment, il peut y être encore longtemps. Il fait partie structuralement, si vous voulez, des journaux Trans-Canada.

M. FRANCOEUR: C'est cela, oui.

M. LEVESQUE: Dans le cas de la Tribune, qui est-ce?

M. FRANCOEUR: C'est M. Yvon Dubé, qui est ici.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'onpeut savoir quel est le genre d'engagement... M. Dubé, par exemple, est à contrat, forcément, je suppose?

M. FRANCOEUR: Non, pas contrat écrit, on a un contrat verbal, entente cordiale.

M. LEVESQUE: Ah, bon!

M. FRANCOEUR: Maintenant, M. Dubé à toutes fins pratiques, je crois que si vous voulez l'interroger,...

M. LEVESQUE: C'est seulement pour avoir une idée.

M. FRANCOEUR: Non, pour M. Dubé, ses relations avec les journaux Trans-Canada peuvent se résumer à un appel téléphonique par semaine pour nous tenir au courant, à une assemblée une fois par mois. Le reste du temps, il mène sa barque, il peut vous le dire lui-même, entièrement et totalement. Il prend ses décisions dans tous les domaines, et à tous les

points de vue, complètement, dans l'Intérêt de la région de Sherbrooke. La même chose pour M. D'Amours, à Granby.

M. LEVESQUE: Mais dans le cas de M. Dubé, enfin juridiquement, il n'y a pas de sécurité d'emploi, de permanence autre qu'une entente avec les propriétaires.

M. FRANCOEUR: Non, c'est exact.

M. BOUSQUET: En somme, votre préoccupation principale, si je reviens à ce dont on parlait tout à l'heure, c'est de donner à la population un journal ou des journaux qui conviennent à leur goût et qui, en somme, les satisfassent.

M. FRANCOEUR: C'est une des considérations. Comme je vous le disais tout à l'heure, il y en a trois ici.

M. BOUSQUET: Oui.

M. FRANCOEUR: Vous avez l'intérêt du lecteur, l'efficacité de gestion et d'administration, le traitement et la formation du personnel. Evidemment, les traitements, c'est dans le sens de les traiter le mieux possible. Il y a également l'intérêt des gens qui nous ont fait confiance, que ce soient des actionnaires ou des gens qui ont acheté $2,000 en obligations.

M. MICHAUD: M. Francoeur, dans le cas des éditorialistes — cela m'intéresse un peu parce que c'est le métier que j'ai fait pendant de nombreuses années — est-ce que la tendance se généralise de contrats signés avec la direction d'une entreprise prévoyant, en cas de séparation, le paiement d'indemnités et le reste? Est-ce qu'il y a une tendance à protéger les éditorialistes d'une certaine façon, au cas de bris de contrat de la part de l'employeur?

M. FRANCOEUR: M. Michaud, ce sont les quotidiens qui sont en cause, et les contrats sont négociés localement.

M. MICHAUD: Je parle uniquement des éditorialistes.

M. FRANCOEUR: Bien oui, mais les contrats sont négociés localement. Je ne veux pas me tromper; Je demanderai à M. D'Amours ou à M. Dubé s'il y a quelque chose à son contrat. J'ai une idée générale de ce qui se trouve dans les contrats, mais je ne voudrais pas vous induire en erreur.

M. MICHAUD: Je pensais plutôt au statut des éditorialistes à la Presse.

M. LE PRESIDENT: M. Francoeur...

M. LEVESQUE (Laurier): Avant de terminer, le chef de l'Opposition est certainement d'accord, s'il est question — forcément, il en sera question — que cet ensemble d'entreprises qui sont quand même reliées reviennent devant la commission, est-ce que nous pourrions avoir le prospectus dont on a parlé? Il s'agit d'épargnants québécois ($6,500,000 dont vous parliez) et il y a eu un prospectus que nous pourrions...

M. LESAGE: M. Francoeur s'est engagé à nous le fournir.

M. FRANCOEUR: C'est aujourd'hui mercredi. Si M. Kierans ne nous fait pas défaut, vous aurez cela pour vendredi matin.

M. LESAGE: Cela peut aller à lundi.

M. FRANCOEUR: S'il fait défaut, cela peut aller à lundi ou mardi.

M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs...

M. FRANCOEUR: Avez-vous terminé dans mon cas, M. le Président?

M. LESAGE: M. Francoeur nous aimerions vous revoir la semaine prochaine.

M. FRANCOEUR: Pardon?

M. LESAGE: Nous aimerions vous revoir la semaine prochaine.

M. FRANCOEUR: Est-ce que nous siégeons ce soir, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Non, malheureusement, les travaux de la Chambre ne nous le permettent pas.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce soir, Serge Savard est engagé...

M. LE PRESIDENT: Indépendamment du conseil des ministres, il y a des études de prévisions budgétaires. Des commissions siègent ce soir et la plupart des membres qui siègent ici en font partie. Malheureusement, nous n'avons pas pu entendre tous ceux qui étaient inscrits à l'ordre du jour.

Nous ajournons notre séance à mercredi prochain, à 10 heures 30.

Il est probable que nous n'aurons pas le temps de terminer tous nos travaux avant l'ajournement de la session, l'ajournement prévu pour le 13 juin. Mais, de toute façon, nous entendrons, par la suite, même si la Chambre ne siège pas, ceux qui n'ont pas pu venir devant la commission. Mercredi prochain, nous dirons de quelle façon nous pourrons continuer nos travaux même après l'ajournement de la session.

M. FRANCOEUR: M. le Président, j'aimerais savoir si au sujet des Journaux Trans-Canada, vous avez tout ce que vous voulez comme renseignements. Est-ce que c'est GELCO qui suivra?

M. LE PRESIDENT: De façon générale, je crois pouvoir faire l'invitation quand même à tous ceux qui sont déjà venus devant la commission. Nous les revoyons de semaine en semaine. Je crois que c'est aussi important pour nous que tous les groupes puissent être représentés. Ils pourront faire des observations en cours de route sur des mémoires qui seront présentés autant que les membres de la commission.

Alors, je crois qu'il serait important que les Journaux Trans-Canada et les autres qui sont venus devant la commission aient ici un représentant.

M. LEVESQUE (Laurier): Ceux qu'on appelle « groupe », normalement — là je n'emploie pas un terme juridique — est-ce que ce ne serait pas utile pour vous comme pour nous, parce qu'il y a des interrelations, des interférences et c'est gênant quand...

M. LESAGE: M. Francoeur, vous devriez nous faire parvenir votre prospectus.

M. FRANCOEUR: Cest cela, oui.

M. LESAGE: Nous allons l'étudier.

M. FRANCOEUR: C'est exact. Nous serons tous ici.

M. LESAGE: Si par hasard un membre de la commission avait une ou deux questions — vous aimez Québec, je sais cela...

M. LE PRESIDENT: Alors à mercredi prochain, 10 heures 30.

(Fin de la séance: 18 h 5)