(Dix heures cinq minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Présence du ministre de la Justice de la
république du Sénégal
Avant de procéder aux affaires courantes, j'ai le plaisir de
souligner la présence dans les galeries du ministre de la Justice de la
république du Sénégal, M. Seydou Madani Sy.
Aux affaires courantes, ce matin il n'y a pas de déclaration
ministérielle.
Aucune présentation de projets de loi.
Aucun dépôt de documents, ni de rapports de commissions, et
je n'ai reçu aucune pétition dans les délais requis.
Il n'y a aucune intervention portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Nous allons procéder immédiatement à la
période de questions orales.
M. le chef de l'Opposition, en principale.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
La protection de l'industrie québécoise
du bois de sciage
M. Johnson (Anjou); M. le Président, ma question s'adresse au
premier ministre et, pour la troisième fois, elle touche la question du
bois de sciage au Québec et des échanges commerciaux que nous
avons avec les États-Unis dans ce domaine. Le premier ministre se
rappellera qu'à l'occasion de questions précédentes, j'ai
eu à évoquer le fait que près de 30 000 emplois
dépendent de cette industrie qui, on le sait, exporte 60 % de sa
production et qui concentre ses activités, notamment dans
l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-du-Fleuve, le
SaguenayLac-Saint-Jean, l'Estrie et la Mauri-cie.
Le premier ministre, à l'occasion des différentes
questions que je lui ai posées, s'est contenté de me renvoyer au
gouvernement fédéral ou aux négociations du
libre-échange, sans compter les occasions où il m'a livré
essentiellement son carnet mondain de visites. Nous savons en ce moment, M. le
Président, que la Commission internationale du commerce des
États-Unis est en audience sur cette question et nous savons que
l'industrie américaine du bois de sciage demande l'imposition d'un tarif
de 27 % sur le bois de sciage en provenance du Canada aux États-Unis,
donc du Québec. Est-ce que le premier ministre entend entreprendre des
démarches particulières au-delà de simplement nous
renvoyer aux autorités fédérales dans ce domaine?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je vais être
obligé de rectifier les faits. Je n'ai jamais dit qu'on devrait se
contenter de discuter ou de déléguer nos pouvoirs au gouvernement
fédéral. J'ai dit qu'il y aurait une action concertée,
comme il y a eu une action concertée en 1982 et en 1983. Or, il n'y a
pas de changement d'approche par rapport à l'attitude antérieure
du gouvernement. J'espère que les résultats seront les
mêmes.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, on sait que cette
approche concertée qui avait donné lieu à un lobby
canadien et particulièrement québécois efficace devant
cette commission en 1983 et qui a permis littéralement de sauver des
milliers d'emplois au Québec, c'était fait sous la forme d'une
intervention directe du ministre du Commerce extérieur de
l'époque.
Est-ce que le premier ministre considère que son ministre du
Commerce extérieur et les services qu'il dirige devraient venir
directement en aide à l'industrie du bois de sciage qui sera
appelée à comparaître sans doute devant cette
commission?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, il y a certainement lieu, et
c'est ce que nous faisons, de travailler en concertation avec le gouvernement
fédéral de manière à être plus efficaces. Il
me semble que c'est assez clair. J'ai été assez net sur cette
question, beaucoup moins ambigu de toute façon que le chef de
l'Opposition en fin de semaine sur l'horizon ou la police d'assurance.
J'ai été et j'ai toujours été très
clair sur l'importance du Québec de travailler en concertation avec le
gouvernement fédéral, avec les autres provinces qui sont
impliquées. Il y aura une réunion cette semaine avec le
gouvernement fédéral où le ministre
délégué aux Forêts sera présent à
Ottawa, de manière à avoir la stratégie la plus
efficace
possible.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, question
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le premier ministre
ne reconnaît-il pas que force est de constater que depuis près
d'un mois et demi où je lui ai posé ces questions il me donne
exactement les mêmes réponses alors qu'aux États-Unis,
contrairement, je crois, à ce qu'il croyait il y a six semaines, ce
n'est pas le président des États-Unis qui intervient, c'est la
Commission of International Trade des États-Unis?
Le premier ministre ne reconnaît-il pas qu'il y a des actions
immédiates à poser pour les fins de garantir que les gens de la
Mauricie, du SaguenayLac-Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue,
de l'Estrie et du Bas-du-Fleuve ne voient pas mise en péril l'industrie
du bois de sciage?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II me semble que je suis obligé de
répéter les mêmes réponses parce que le chef de
l'Opposition ne paraît pas les comprendre. Je viens de lui dire, comme je
l'ai fait à plusieurs reprises, que nous prenons la même approche,
mais au lieu d'avoir des actions séparées - puisque ce
problème affecte d'autres provinces - nous allons avoir des actions
conjuguées ensemble. Le ministre délégué aux
Forêts sera à Vancouver cette semaine de manière à
avoir cette stratégie qui devrait nous permettre de réussir. Je
crois que le Québec et le Canada ont une excellente cause. On sait que
tout tourne autour des droits de coupe. On reproche, du cûté
américain, au Canada d'avoir des droits de coupe inférieurs
à ceux qui existent aux États-Unis alors qu'on sait fort bien que
le contexte est différent, que l'approvisionnement est beaucoup plus
coûteux au Canada qu'il ne peut l'être aux États-Unis. On
est confiant d'avoir...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...une excellente cause dans ce dossier et c'est
pourquoi il n'y a pas de contradiction pour nous - cela a toujours
été clair, contrairement à d'autres partis -entre la
défense des intérêts du Québec et la concertation
avec les autres provinces et le gouvernement fédéral. II me
semble que le chef de l'Opposition devrait finalement comprendre le point de
vue du Québec.
Le Président: M. le député de Duplessis,
question additionnelle.
M. Perron: Oui. Question additionnelle adressée au
ministre délégué aux Forêts. Est- ce que le ministre
délégué aux Forêts a rencontré les
représentants du bois de sciage pour établir une action
concertée avec le gouvernement du Québec dans le cadre de ce
problème qui est vécu avec les États-Unis
actuellement?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, c'est une
question qui me préoccupe beaucoup et qui préoccupe mes
collègues, comme le premier ministre l'a mentionné. Mon
collègue le ministre du Commerce extérieur, et moi rencontrons
l'industrie. Même ce soir nous avons une rencontre à ce sujet.
Le Président: M. le député de Roberval,
question principale.
Les pourparlers pour la vente
d'électricité à l'Ontario
M. Gauthier: Je vous remercie. Radio-Canada faisait état
hier d'une possible entente sur un contrat d'électricité de 2000
mégawatts, de fourniture d'électricité de 2000
mégawatts à l'Ontario. Évidemment, l'Opposition se
réjouit de cette annonce puisque les discussions ont été
amorcées alors que nous formions le gouvernement.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît, M. le ministre des
Transports! M. le député de Roberval, si vous voulez continuer
votre question.
M. Gauthier: Pour le bénéfice de ces
députés, je pense que je vais être obligé de changer
ma question principale et de l'adresser au premier ministre, pour lui demander
qu'il confirme que c'est exact. De toute façon, il réglera cela
à son caucus.
Le Président: M. le député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, je disais que l'Opposition
se réjouissait évidemment de la question puisque cela permettrait
de devancer des travaux dont l'enclenchement est prévu en quelque sorte
pour 1988, 1990 et 1991 et cela permettrait vraisemblablement de les devancer
d'une année ou deux.
Le Président: Votre question.
M. Gauthier: Ma question s'adresse au ministre de
l'Énergie et des Ressources. J'aimerais que le ministre nous dise quels
sont les éléments nouveaux dans le dossier qui font en sorte que
le Manitoba, qui était en quelque sorte un concurrent très
sérieux d'Hydro-Québec dans le dossier en cours avec
l'Ontario, selon la nouvelle, aurait été
dépassé par le Québec.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources, vous avez la parole.
M. Ciaccia: M. le Président, je me réjouis du fait
que l'Opposition soit finalement d'accord avec la construction de la
deuxième phase de la Baie James.
Une voix: Cela a pris du temps.
M. Ciaccia: Mieux vaut tard que jamais.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. Ciaccia: Évidemment, c'est exact que nous sommes en
discussion très avancée avec l'Ontario. Pour répondre
à la question du député, je présume que le fait
qu'il y ait un gouvernement libéral au Québec qui peut
négocier d'une assez bonne façon avec les deux premiers
ministres, celui du Québec et celui de l'Ontario, a eu comme
résultat de débloquer le dossier et d'avoir des discussions
très avancées pour la vente de 2000 mégawatts dans le
projet de la Baie James.
Le Président: M. le député de Roberval en
additionnelle.
M. Gauthier: M. le Président, je voudrais demander au
ministre si les discussions qui, normalement, doivent porter sur des questions
d'ordre technique et qui font que le Manitoba, pour des raisons
évidentes dans une certaine mesure, est un concurrent sérieux...
Je voudrais savoir si la réponse du ministre veut dire que le premier
ministre du Québec serait en train de faire un "deal" politique au
détriment d'autres aspects probablement de l'activité
économique et politique du Québec.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je ne vois pas pourquoi le député de
Roberval n'a pas posé directement la question au premier ministre,
puisqu'il le met en cause. Mais quand même, c'est moi qui ai
été mis en cause...
Le Président: À l'ordre!
M. Bourassa: ...dans cette question. Je crois, M. le
Président, que le dossier du Québec... D'abord, je me
réjouis de la conversion du Parti québécois à
l'énergie hydro-électrique et je lui dis qu'il faut constater
qu'il y a quelques années la phase II de la Baie James était
considérée comme une aberration mentale du côté de
l'Opposition. Pour rafraîchir la mémoire...
Une voix: ...mégawatts.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: M. le Président, si le chef de l'Opposition
veut poser des questions sur la perspective de réalisation, je suis
prêt à lui répondre, mais c'est assez rare qu'il me pose
des questions à ce sujet. Je répondrai au député de
Roberval qu'en soi le projet de développement ou l'intérêt
de l'Ontario, comme l'intérêt de la Nouvelle-Angleterre ou
l'intérêt de l'État de New York, on se souvient des
déclarations du gouverneur Cuomo sur l'intérêt de
l'État de New pour l'énergie hydro-électrique...
On n'a pas posé de questions, du côté de
l'Opposition, sur les liens qui pouvaient exister...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...entre l'intérêt de New York pour
l'hydro-électricité et d'autres questions. Alors, c'est la
même situation pour tous les clients potentiels. Nous avons l'immense
avantage au Québec d'avoir cette richesse que certains de nos
concurrents n'ont pas et nous essayons, de ce côté-ci, de
travailler à la prospérité du Québec, en utilisant
au mieux les richesses québécoises et en combattant ainsi le
sous-emploi et en permettant de relancer l'économie notamment pour les
jeunes.
Le Président: M. le député de Roberval, en
additionnelle.
M. Gauthier: M. le Président, est-ce que le premier
ministre considère qu'il ne force pas la vérité lorsqu'il
dit dans cette Chambre que la Baie James, phase II, est une aberration, alors
que c'est prévu dans les plans d'Hydro-Québec. J'ai ici
l'extrait. "La Baie James, phase II, est prévue depuis longtemps pour
1988, 1990 et 1991". Est-ce qu'il ne considère pas qu'il induit la
population en erreur, en laissant croire que des signatures de contrat et
d'éventuels projets seraient une nouveauté pour
Hydro-Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je me suis
référé - je remercie très chaleureusement le
député de Roberval de me donner l'occasion de lui rappeler
certains faits - à des déclarations de l'ancien ministre de
l'Énergie, M. Bérubé, l'ancien ministre de
l'Énergie, M. Duhaime, et probablement le chef de l'Opposition
également, dans ses tournées à ce moment, sur la justesse
ou la justification de l'exportation d'énergie ferme, parce que c'est ce
qu'on négocie actuelle-
ment avec l'Ontario et c'est ce qu'on négocie avec la
Nouvelle-Angleterre et l'État de New York. (10 h 20)
C'est à ce moment-là qu'on a jugé que cette
idée d'exporter de l'énergie ferme - le chef de l'Opposition
pourra poser des questions additionnelles s'il le veut - l'Opposition disait
que c'était une aberration mentale, que c'était la folie du
siècle, alors que maintenant on semble d'accord, et je m'en
réjouis, parce que dans le contexte économique actuel...
Le Président: En conclusion.
M. Bourassa: ...c'est bon qu'il y ait un consensus sur de grands
projets québécois. Je crois que tout le monde peut facilement
vérifier les critiques très acerbes du Parti
québécois vis-à-vis de l'exportation d'énergie
ferme aux États-Unis ou à l'extérieur du
Québec.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, tout en reconnaissant
que la période des questions n'est pas le meilleur des endroits pour
entretenir un débat à cet égard - je pense que le premier
ministre le reconnaîtra et qu'on trouvera d'autres moyens pour pouvoir
nous exprimer de part et d'autre adéquatement là-dessus -...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...est-ce que le premier ministre a
l'intention de continuer de situer les développements au niveau de la
Baie James, phase II, autour des 12 000 mégawatts qu'il anticipait il y
a déjà deux ans ou s'il considère que les travaux
d'Hydro-Québec devraient commencer à partir d'un chiffre comme
5000, 6000 ou 7000 mégawatts et que le gouvernement devrait
procéder, c'est-à-dire essentiellement dans le devancement des
travaux d'Hydro-Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. de La Palice serait facilement d'accord avec le
chef de l'Opposition ce matin. Ce que je dis et ce que j'ai toujours dit, c'est
que lorsque nous aurons des ventes suffisamment importantes qui vont
nécessiter le début des travaux, le devancement des travaux -
c'est toujours ce que nous avons dit - jusqu'à un certain niveau la
gestion de l'offre ou la gestion de la demande peut faire face à un
certain nombre d'exportations de kilowatts, mais à un niveau
donné, comme 2000 mégawatts, à ce moment-là, il est
évident qu'il faut devancer les travaux. Mais lorsque j'ai parlé
de 12 000, je n'étais pas limité au marché de l'Ontario.
On sait qu'à cause de l'augmentation de la croissance économique
et l'augmentation de la consommation tout court il y aura des prévisions
de demandes plus fortes que celles qui avaient été
annoncées il y a quelque temps. En Nouvelle-Angleterre, on
prévoit...
Le Président: En conclusion.
M. Bourassa: ...une fourchette de 4000 à 7000. Je donnerai
une conférence ce soir à un groupe d'experts en énergie
dans la région de Boston avant de me rendre à la
conférence des gouverneurs et des premiers ministres.
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je veux expliquer mon
absence dans les prochains jours et je le regrette beaucoup. J'aurais
aimé être ici pour répondre à d'autres questions de
l'Opposition.
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Ce que je veux dire - M. le Président, il
faut quand même répondre d'une façon complète -
c'est qu'il y a des besoins en Nouvelle-Angleterre, des besoins additionnels
qui se situent entre 4000 et 7000 mégawatts; nous allons essayer d'en
obtenir le maximum avec les exportations d'énergie ferme. Il y a
l'État de New York, il y a l'Ontario...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...il y a ce qu'on appelle, M. le Président,
les "mid-Atlantic States", voisins de l'État de New York. Quand on voit
les problèmes... M. le Président, pour terminer, en trente
secondes...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...quand on voit les problèmes qui
proviennent des centrales au charbon et les problèmes de
l'énergie nucléaire, c'est cela qui fait que les chiffres de 10
000 à 12 000 mégawatts paraissent plus réalistes encore,
étant donné ces problèmes, pour les prochaines
années.
Des voix: Bravo!
Une voix: Les ciseaux à Gobeil!
Le Président: Je ferai remarquer au premier ministre que
j'ai dû intervenir pour lui demander de conclure à cinq reprises
lors de sa dernière réponse. M. le député de
Roberval, en additionnelle.
Des voix: Oh!
M. Gauthier: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gauthier: ...quand le premier ministre n'est pas sûr de
ses idées, il les noie dans un déluge de mots.
Des voix: Ah!
Le Président: M. le député de Roberval, je
reprends le parti ministériel quand un de ses membres ne respecte pas le
règlement, mais, comme je vous ai reconnu sur une additionnelle,
limitez-vous à l'additionnelle, sans remarque, s'il vous
plaît!
M. Gauthier: D'accord, M. le Président, de bon gré.
Je voulais la poser au ministre, mais il ne répond plus. Peut-être
au premier ministre. Le premier ministre peut-il nous assurer que, dans la
négociation qui se fait actuellement avec l'Ontario, il y a eu des
assurances que l'électricité qu'il refilera aux voisins de
l'Ouest ne sera pas utilisée pour autre chose que de la consommation
interne?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, encore là, je ne sais
pas combien de temps vous allez m'accorder pour répondre. J'ai eu
l'occasion de discuter de la possibilité de négocier, avec
l'Ontario dans certains cas. Ce qui est en discussion ici, c'est,
évidemment, pour les besoins internes de l'Ontario, parce que l'Ontario
a une croissance économique très rapide et des besoins de
consommation importants. Mais, puisque, pour quelques années encore,
jusqu'à la fin des années quatre-vingt-dix, ils ont certains
surplus, que c'est à la fin des années quatre-vingt-dix que la
demande va se réaliser pour eux, ce que j'ai discuté avec
l'Ontario, c'est de la possibilité de s'entendre ensemble, étant
donné les interconnexions... Est-ce que vous voulez connaître les
faits? Est-ce que cela vous fait mal à ce point d'avoir des
réponses précises...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...sur une question économique aussi
importante? C'est la possibilité, M. le Président, pour reprendre
ma réponse, de négocier avec l'Ontario des exportations dans
d'autres États américains que l'État de New York ou de la
Nouvelle-
Angleterre. C'est un quatrième marché qui s'offre au
Québec si on collabore avec l'Ontario à cause des interconnexions
qui existent entre l'Ontario et ce quatrième marché.
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: C'est ce qui fait qu'on a tellement d'atouts et
c'est ce qui nous donne confiance, du côté du Parti
libéral, vis-à-vis de l'avenir économique du
Québec.
Le Président: M. le député de
Verchères, en principale.
Refus de demander l'avis de
la CDP sur les visites au
domicile des assistés sociaux
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Les directives
données aux agents de l'aide sociale, comme je l'ai indiqué hier,
à l'égard des visites à domicile soulèvent
différentes questions à l'égard du respect et de la
protection des droits des personnes. La semaine dernière, la ligue des
droits a indiqué que la Loi sur l'aide sociale n'autorisait pas le
gouvernement à agir comme il le fait, ni les règlements de l'aide
sociale, et qu'en faisant cela le gouvernement contrevient à la fois
à la Charte canadienne des droits et libertés et à la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
À cela, le ministre nous a répondu qu'il n'y avait pas de
problème, qu'il avait vérifié, qu'il contrôlait
l'opération et que jusqu'à maintenant tout allait bien dans le
respect des droits des personnes.
La question est simple: Compte tenu de la gravité,
néanmoins, des propos et des opinions émises par la Ligue des
droits et libertés pourquoi le ministre écarte-t-il du revers de
la main cette opinion de la Ligue des droits et libertés et
s'entête-t-il à refuser de demander un avis à la Commission
des droits de la personne, organisme habilité à
interpréter la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président,
contrairement aux affirmations du député de Verchères, la
ligue n'a pas dit qu'il y avait violation, elle a émis l'opinion qu'il y
avait risque de violation si le comportement des agents n'était pas
conforme.
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: ...dans ce cas-là, est-ce que le ministre
a pris connaissance du texte de la ligue qui disait: "Ni la loi, ni les
règlements d'application de la Loi sur l'aide sociale n'autorisent des
fonctionnaires à se rendre au domicile des prestataires pour y
recueillir, contrôler ou vérifier les informations concernant leur
admissibilité"? La ligue ajoutait: "Les visites à domicile des
prestataires par des fonctionnaires risquent...
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
M. Charbonneau: ...de constituer des fouilles abusives."
Est-ce que le ministre a pris connaissance du texte même de la
déclaration de la Ligue des droits et libertés? Et pourquoi, une
nouvelle fois, s'entête-t-il à demander à l'organisme qui a
été mis en place pour vérifier la valeur et
l'interprétation de la charte...
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
M. Charbonneau: Pourquoi le ministre s'entête-t-il à
demander un avis à la commission des droits?
M. Chevrette: À ne pas demander.
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais répéter
encore une fois, en réponse à la question du député
de Verchères, que la ligue a indiqué qu'il y avait des risques,
s'il y avait de la part des agents socio-économiques de l'aide sociale
des comportements abusifs qui pouvaient mener à des fouilles ou à
des perquisitions illégales. C'est au texte, j'ai pris connaissance du
texte comme tel.
Quant aux visites à domicile, vous avez fait état la
semaine dernière et du code d'éthique que les fonctionnaires
avaient colligé et des directives. Vous verrez que lors des visites ils
demandent le consentement de la personne. C'est écrit dans le code de
procédure.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: En additionnelle, M. le Président. Est-ce
que le ministre trouve normal qu'il ne soit prévu nulle part dans ces
directives que les assistés sociaux puissent prendre connaissance des
conclusions, des commentaires et des opinions émises après les
visites par les agents de l'aide sociale?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail. (10 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être pas à
l'intention du député de Verchères, mais pour les
assistés sociaux qui se tiennent quand même au courant des
débats parlementaires à l'Assemblée nationale, j'ai
indiqué la semaine dernière que nous suivions de très
près l'évolution du dossier. J'indique également qu'en
plus des mesures administratives que nous avons prises il existe des mesures
d'ordre quasi judiciaire et qu'en cas de soupçon, d'accusation ou de
violation de quelque article de la Loi sur l'aide sociale, de quelque
règlement qui découle de la Loi sur l'aide sociale, de quelque
norme administrative qui découle de la loi ou de l'application des
règlements de l'aide sociale, dans le cas où il pourrait y avoir
plainte, il y a également un organisme quasi judiciaire qui s'appelle la
Commission des affaires sociales qui est là pour entendre, de
façon impartiale et éclairée, sans démagogie
aucune, les plaintes qui pourraient être portées.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que le ministre
trouve acceptable de recommander à ces agents, dans ses directives, de
réaliser les entrevues seuls, sans témoin?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je n'ai
pas vérifié chacune des visites qui ont été
effectuées au cours des dernières semaines par les agents
socio-économiques de l'aide sociale. Mais, comme je m'étais
engagé à le faire, j'ai vérifié l'ensemble des
visites qui a été effectué au cours de la première
semaine. Dans les 170 cas que j'ai pris la peine de vérifier
personnellement, il n'y a pas eu, suivant les dossiers que j'ai
consultés, accroc aux droits ou aux libertés fondamentales des
individus et il n'y a même pas eu plainte de la part des
intéressés qui ont reçu la visite des agents
socio-économiques. Comme je l'ai indiqué la semaine
dernière, il y a eu des cas d'annulation dans 17 % des dossiers, mais il
y a également eu des cas d'augmentation des prestations de l'aide
sociale.
M. Charbonneau: Dernière question
additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Verchères, une dernière additionnelle.
M. Charbonneau: Le ministre peut-il nous expliquer comment les
agents, suivant ses directives, vont pouvoir expliquer aux gens leurs droits,
leur donner de l'information sur leurs droits, comme le prévoit la
directive, alors que nulle part dans cette directive on ne donne de
détails sur les droits des bénéficiaires? On ne parle que
de leurs obligations et on donne abondamment de détails sur leurs
obligations, mais nulle part dans cette directive il n'est question de leurs
droits. Et le ministre n'a pas d'opinion juridique quant à leurs droits
et à leur respect. Comment le ministre pense-t-il que les agents vont
pouvoir effectivement donner de l'information adéquate à
l'égard des droits des bénéficiaires s'ils n'ont
même pas d'information? Ils ont eu une formation d'une journée et
demie.
Le Président: M. le député de
Verchères, vous êtes en additionnelle.
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, encore une
fois, pour tenter d'aller vraiment au fond des choses avec le
député de Verchères, je pense que l'exemple qu'on peut
donner des 170 dossiers vérifiés, M. le député de
Verchères, est le suivant. Les deux assistés sociaux qui ont eu
droit à des augmentations se sont quand même vu expliquer leurs
droits: qu'en fonction de leur situation réelle, de leur vécu
concret, en appliquant la loi et les règlements tels qu'ils existent,
ils avaient droit à des augmentations. Ceux et celles qui ont subi des
diminutions ou ceux et celles qui ont eu des annulations, c'est en leur
expliquant quelle était la loi et quels étaient les
règlements et en les appliquant à leur vécu quotidien.
Quant à une opinion sur la validité du code
d'éthique et des règles de procédure que les
fonctionnaires ont colligés, j'ai demandé aux fonctionnaires du
ministère de la Justice de me fournir une opinion. J'ai reçu, au
moment où on se parle, une opinion préliminaire qui est positive,
dans le sens que le code de procédure, ainsi que le code
d'éthique respectent les droits et libertés fondamentales. Pour
plus de sécurité, étant donné qu'il s'agissait
d'une opinion préliminaire, j'ai également demandé aux
fonctionnaires du ministère de la Justice de me fournir une opinion qui,
cette fois-ci, ne serait pas préliminaire, mais qui serait
fouillée et détaillée et concernerait chacun des aspects.
J'ai, de plus, demandé aux fonctionnaires du ministère de la
Justice de m'exprtmer une opinion ou des directives quant aux lignes de
conduite que nous devrions adopter quant à la réforme de l'aide
sociale que nous nous proposons de soumettre à cette Chambre à
l'automne.
Le Président: M. le député de Laviolette, en
principale.
Politique de l'enseignement professionnel
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à M. le ministre de l'Éducation. Il y a quelques semaines, le
ministre annonçait la parution de la politique sur l'enseignement
professionnel. Nous savons que ce secteur connatt de grandes
difficultés. On parle d'hécatombe dans le secteur professionnel
à la fois au niveau des effectifs scolaires et des effectifs
enseignants, 32 % des enseignants sans poste. Le ministre disait qu'il voulait
promulguer cette politique pour qu'à l'automne elle ait des effets dans
le secteur de l'enseignement. Ma question est la suivante. Compte tenu des
courts délais, que nous sommes déjà en juin et que
l'application doit se faire en septembre, comment le ministre pense-t-il
pouvoir procéder à une application qui soit efficace de la
politique de l'enseignement professionnel et ce, dès l'automne
prochain?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, je remercie le
député de Laviolette de son intérêt pour cette
question tout à fait vitale. Ainsi qu'il l'a rappelé justement,
j'ai pris l'engagement au début de la présente année de
mettre au point pour l'été de 1986 un projet de réforme de
toute la politique de formation professionnelle des jeunes au secondaire.
Il me fait plaisir d'annoncer au député de Laviolette que
j'ai dans ma serviette ce matin un texte auquel je dois mettre une touche
finale. Nous comptons adresser ce texte aux organismes concernés au
cours des prochains jours afin que, dans un délai qui sera
approximativement d'un mois, ils puissent nous faire part de leur
réaction et qu'ensuite, dès la fin de l'été, nous
puissions envoyer le projet au Conseil supérieur de l'éducation
afin de recevoir son avis, comme la loi nous enjoint de le faire.
J'espère qu'après ces étapes nous serons en mesure,
dès l'automne, de mettre la touche finale à cette politique de
manière à l'inclure dans l'instruction annuelle pour
l'organisation des écoles que nous comptons fortement mettre à la
disposition des commissions scolaires avant la fin de 1986.
Le Président: M. le député de Laviolette,
question additionnelle.
M. Jolivet: Selon la réponse que M. le ministre vient de
nous donner et compte tenu qu'il a l'intention de placer cette politique pour
l'année 1986-1987, ne croit-il pas que la période estivale n'est
pas un moment propice pour mener les consultations nécessaires sur une
question aussi importante que celle-là?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je pense qu'il y a méprise entre le
député de Laviolette et moi-même. Il est clair, par ce que
j'ai dit, que cette politique ne commencera à s'appliquer qu'en
1987-1988, c'est-à-dire à compter de septembre 1987.
L'instruction pédagogique pour l'année 1986-1987, pour
l'information du député, a déjà été
envoyée aux commissions scolaires au mois de janvier dernier.
Le Président: M. le député de Laviolette,
question additionnelle.
M. Jolivet: J'avais compris, par la réponse du ministre,
qu'il parlait de fin 1986. C'est la raison pour laquelle j'ai posé la
question. Maintenant, quelles mesures le ministre entend-il privilégier
pour les enseignants qui, dans ce secteur, sont en difficulté au niveau
des mises en disponibilité et aussi en termes de recyclage? Connaissant
l'âge et la formation de ces personnes, quelles sont les mesures qu'il
entend proposer pour les enseignants du secteur professionnel?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Dans le projet que nous adresserons ces jours prochains
aux commissions scolaires et dont copie sera, évidemment, disponible
pour tous les députés, des passages spéciaux sont
consacrés à cette question. Le député verra que
nous avons prévu ces problèmes d'une manière
spéciale.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, question principale.
Les feux de foret dans la province
M. Baril: Question principale au ministre
délégué aux Forêts, M. le Président. Les feux
de forêt ont fait d'énormes ravages depuis quelques semaines au
Québec, surtout en Abitibi-Témiscamingue, au Saguenay et au
Lac-Saint-Jean. On parle de milliers et de millions d'hectares de forêt
consumés. Le ministre pourrait-il nous dire si ces feux de forêt
sont maintenant sous contrôle?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, voilà une question responsable et intéressante
aussi.
Le Président: M. le ministre. À l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! Quant aux feux de forêt,
M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je félicite
mon collègue de Rouyn-Noranda-Témis-camingue et celui de
l'Abitibi-Est de leur préoccupation pour la forêt qui est un
secteur économique vital dans leur région. Je leur dirai que,
actuellement, il y a 33 feux en activité au Québec, dont 19 dans
les régions du Nord-Ouest, 7 sont incontrôlables. Sur ces feux,
nous avons 120 combattants. Nous utilisons 7 avions-citernes et 11
hélicoptères. Ces feux dans le Nord-Ouest du Québec ont
détruit 80 000 hectares de forêt. Oisons qu'à 75 %, c'est
en forêt verte.
Le Président: M. le député de
Rouyn-No-randa-Témiscamingue, question additionnelle.
M. Baril: Question additionnelle au ministre, M. le
Président. Le ministre peut-il nous donner une idée de ce que
représentent ces pertes sur le plan économique?
Deuxièmement, est-ce que notre système de lutte contre les feux
de forêt est vraiment efficace?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le ministre délégué aux
Forêts, vous avez la parole. (10 h 40)
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, nous avons le meilleur système de protection contre
les feux de forêt. Plusieurs pays et plusieurs provinces ont recours
à nos services en cas de désastre. Actuellement, c'est notre
tour. C'est désastreux pour le Québec.
Mais, pour répondre au premier volet de la question de mon
collègue, si on prend seulement la valeur du bois livré aux
usines, nous pouvons affirmer en cette Chambre que 60 000 hectares de
forêt verte ont été détruits, ce qui
représente environ 3 000 000 de mètres cubes de bois. Mettez-les
à 25 $ le mètre cube, cela représente une perte, un manque
à gagner de 75 000 000 $.
Le Président: Mme la députée de
Marie-Victorin, en principale.
Nouvelle tarification pour les familles
d'accueil
Mme Vermette: Question principale. Ma question s'adresse à
la ministre de la Santé
et des Services sociaux. Mme la ministre, cet après-midi à
13 h 30, face au parlement, il y aura une manifestation des familles d'accueil.
Ces familles d'accueil veulent savoir à quoi s'attendre face aux
délais qui perdurent depuis la confirmation d'une nouvelle tarification,
une nouvelle catégorisation face aux familles d'accueil. Mme la
ministre, combien de semaines additionnelles devront-elles encore attendre pour
toucher leur rajustement?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux, vous avez la parole.
Mme Lavoie-Roux: En 1984, une nouvelle réglementation a
prévu une catégorisation différente des familles
d'accueil, en familles de réadaptation, familles
spécialisées et familles ordinaires. Depuis ce temps, il y a eu
des études qui ont été faites pour déterminer,
d'une part, les tarifs ou les taux qui devraient être appliqués et
aussi spécifier davantage quelle était la nature de ces familles,
le nombre d'enfants ou d'adultes qui y faisaient appel. Je suis heureuse - j'ai
eu l'occasion de le faire, il y a à peu près quinze jours - de
dire à la députée de Marie-Victorin que le mémoire
qui doit être présenté au Conseil des ministres est
actuellement au Conseil des ministres et j'ose espérer avoir une
réponse dans les prochains jours possiblement.
Le Président: Mme la députée de
Marie-Victorin, question additionnelle.
Mme Vermette: Oui. Ma question sera la même que celle
posée lors de l'étude des crédits, la même que celle
posée il y a quinze jours, à savoir les délais. Mme la
ministre, combien de semaines additionnelles encore ces familles
devraient-elles attendre puisque vous leur avez déjà
confirmé en janvier qu'elles devront avoir de nouveaux
réajustements?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai rien confirmé au mois de janvier.
À ce moment, les études qui auraient dû être faites
depuis 1984, ou de 1984 à la fin de 1985, n'étaient pas
terminées. Il a fallu attendre la fin des études pour
préparer un mémoire qui soit cohérent au Conseil des
ministres. Dès que j'aurai eu l'approbation du Conseil des ministres, je
peux assurer les familles d'accueil que nous ferons la plus grande diligence
possible pour qu'elles reçoivent les nouveaux tarifs.
Le Président: Mme la députée de
Marie-Victorin, question additionnelle.
Mme Vermette: Question additionnelle. Ma question s'adresse
toujours à la ministre de la Santé et des Services sociaux. La
confirmation avait été faite au niveau du CSS de la
Montérégie. Il y a un moratoire qui a été fait.
Des voix: Question!
Le Président: Votre question, madame.
Mme Vermette: N'est-il pas vrai que le CSS de la
Montérégie avait reçu une confirmation en ce qui concerne
la nouvelle tarification et qu'un moratoire a été émis,
justement, pour permettre qu'un décret soit adopté au Conseil des
ministres? C'est depuis ce temps que ces familles attendent.
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: D'après ce que la députée
de Marie-Victorin nous dit, il semble qu'il y a eu des pourparlers entre le
CRSSS de la Montérégie et le CSS de la Montérégie.
Ce que je répète, c'est que les études préalables
qui étaient nécessaires pour fixer les nouveaux taux et,
également, pour déterminer les conditions s'appliquant à
chacune des nouvelles catégories ont été terminées
au mois de mars. Je répète que j'attends la décision du
Conseil des ministres. J'en ferai part aux intéressés le plus
rapidement possible.
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, question principale.
Entente avec l'Alcan sur le dossier des berges du lac
Saint-Jean
M. Brassard: À l'occasion de l'étude des
crédits du ministère de l'Environnement, le ministre, à la
suite de mes questions, réaffirmait son intention d'en arriver à
une entente avec l'Alcan avant l'été sur le dossier des berges du
lac Saint-Jean, relativement, entre autres, au niveau de gestion, de même
qu'aux travaux à effectuer pour empêcher l'érosion des
berges. Est-ce que le ministre a réussi, puisque l'été est
tout proche, à conclure une entente avec l'Alcan? En d'autres termes,
les négociations sont-elles terminées au moment où on se
parle? Quand compte-t-il faire ratifier cette entente, s'il y a entente, par le
Conseil des ministres?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, oui, nous tenons toujours nos
engagements. Il y a une entente qui a été - oui c'est cela, nous
tenons nos engagements - signée avec
l'Alcan. On espère que ce sera ratifié par le Conseil des
ministres demain et que les détails de l'entente seront annoncés
dans la région du Lac-Saint-Jean, jeudi matin.
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, en additionnelle.
M. Brassard: Une petite additionnelle, simplement. Est-ce le
ministre lui-même qui viendra dans la région annoncer les
détails de l'entente?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Oui, c'est le ministre lui-même et avec
beaucoup de plaisir.
Le Président: M. le député de Taillon, en
principale. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député
de Taillon, vous avez la parole, en principale.
Fusion du Comité de la protection
de la jeunesse et de la Commission
des droits de la personne
M. Filion: Merci, M. le Président. Au mois de mars
dernier, le ministre de la Justice a décidé de procéder
à la fusion du Comité de la protection de la jeunesse et de la
Commission des droits de la personne sans consultation avec les organismes
concernés et, on le sait, à l'encontre de la réforme
entreprise en 1979 et confirmée par deux commissions parlementaires. Il
est remarquable que cette décision du ministre ait amené un front
unanime d'opposition de la part du syndicat des employés de la
Commission des droits de la personne, du Comité de la protection de la
jeunesse, des intervenants du milieu, notamment des centres de services sociaux
et de la DPJ. Est-ce que le ministre de la Justice est au courant des
études internes, effectuées au sein de la Commission des droits
de la personne, démontrant que les mandats des deux organismes sont
difficilement conci-liables et que la fusion projetée crée plus
de problèmes que les maigres économies qui en
résultent?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: M. le Président, premièrement, le
député de Taillon sait très bien qu'il y a eu des
consultations et, même en commission parlementaire, il y a eu des
représentants de la Commission des droits de la personne qui ont dit
qu'il n'y a pas de problèmes avec cette fusion. Deuxièmement, la
Commission des droits de la personne va accomplir le mandat et la mission du
Comité de la protection de la jeunesse. Je n'ai pas pris connaissance de
ces études disant qu'il y a des difficultés et qu'il y a des
conflits, quoique nous avons étudié cette question au
ministère. Il n'y a aucun conflit dans les mandats. Il n'y a aucun
problème. Nous sommes prêts à procéder, le cas
échéant.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Oui, manifestement le ministre n'est pas au courant de
ces études internes auxquelles je le renvoie.
Le Président: En additionnelle.
M. Filion: Comment le ministre de la Justice peut-il
s'entêter à unir deux organismes contre la volonté expresse
de l'un de ces organismes et malgré les réticences de l'autre,
alors qu'on sait que tout cela va donner un bien piètre mariage?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: Ce que le député de Taillon... Le
Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. Marx: ...dit n'est pas tout à fait exact. Par exemple,
le syndicat à la Commission des droits de la personne était
contre la fusion parce que les syndiqués n'ont pas voulu perdre leur
syndicat. C'est la question qui était surtout en jeu. Nous sommes en
train de négocier avec tout le monde dans ce dossier afin de trouver une
solution qui fera l'affaire de tout le monde.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Pourquoi le ministre de la Justice a-t-il peur, si ce
qu'il dit est vrai, de tenir une commission parlementaire afin d'entendre les
intervenants dans ce dossier, alors qu'on a 34 000 cas de signalements par
année qui dépendent de la décision du ministre?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: Ce que le député a dit, à la fin,
est tout à fait faux dans le sens que le Comité de la protection
de la jeunesse a traité seulement 300 dossiers l'an dernier, non pas 34
000 comme il a voulu en donner l'impression. De toute façon, le
député de Taillon aura l'occasion de poser toutes les questions
qu'il voudra bien poser en commission parlementaire, on va lui donner toutes
les réponses qu'il aimerait avoir. (10 h 50)
Le Président: Mme la députée de
Chicoutimi. En additionnelle ou en principale, Mme la
députée.
Mme Blackburn: En additionnelle.
Le Président: En additionnelle, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Au ministre de la Justice. Le ministre peut-il
nous dire que la visibilité de la problématique jeunesse en
difficulté ne mérite pas cette petite économie de l'ordre
de 200 000 $ alors qu'on sait que le budget du ministère de la Justice
est de l'ordre de 800 000 000 $?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: La députée est malheureusement mal
informée. Elle a pris son information dans les journaux. Ce n'est pas
une économie de 200 000 $. C'est une économie de 800 000 $ la
première année année. Donc, c'est quatre fois plus.
Deuxièmement, en ce qui concerne la visibilité, il ne faut
pas oublier que le Comité de la protection de la jeunesse n'est pas un
organisme de première ligne. C'est la DPJ qui répond aux
plaintes.
En ce qui concerne la visibilité, je peux vous dire, Mme la
députée que le comité aurait plus de visibilité
parce que, maintenant, il y a beaucoup de confusion entre le comité et
la DPJ. Oui, Mme la députée, c'est exactement cela. Vous pouvez
vérifier avec les membres du comité. On m'a dit cela, qu'il y a
de la confusion entre le comité et le directeur. Je pense qu'avec la
fusion, il va avoir plus de visibilité et plus d'efficacité.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
Une voix: ...additionnelle, s'il vous platti
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: En additionnelle. Est-ce que le ministre de la Justice
a vérifié l'hypothèse que l'Opposition lui a soumise
depuis le début en ce sens qu'il pourrait faire l'économie
projetée des centaines de milliers de dollars avec une simple
cohabitation des soutiens administratifs des deux organismes, sans les
intégrer l'un à l'autre malgré leur volonté?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: M. le Président, les économies sont
près de 1 000 000 $. Nous avons étudié toutes les
possibilités et nous sommes encore prêts à examiner toute
possibilité. Si le député de Taillon a des suggestions
à faire qui ne viennent pas des chroniques des journaux, nous sommes
prêts à étudier la question.
Le Président: Je vais maintenant mettre fin à la
période des questions - il est 10 h 52 - tel que prévu. Vous
pourrez vous reprendre demain, M. le député de
Verchères.
Nous allons continuer les affaires courantes. Ce matin, il n'y a aucun
vote de reporté.
Aux motions sans préavis... Veuillez conserver vos places ou
quitter l'Assemblée en silence, s'il vous plaît! Nous continuons
les affaires courantes.
Nous sommes à l'étape des motions sans préavis. Mme
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.
Voeux à la communauté portugaise
à l'occasion de sa fête nationale
Mme Robic: M. le Président, je demande le consentement
à cette Chambre afin de présenter une motion pour souligner, en
ce 10 juin, la fête nationale des Portugais.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement en cette
Chambre pour débattre cette motion? M. le leader de l'Opposition, est-ce
qu'il y a consentement pour débattre ladite motion?
M. Chevrette: Consentement, M. le Président.
Le Président: II y a consentement, adopté.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Le Président:
Allez, Mme la ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: M. le Président, la présence portugaise
au Québec est significative. Le recensement de 1981 indique que...
Le Président: Je m'excuse Mme la ministre. J'ai
demandé, à quelques reprises, depuis plusieurs jours, de bien
vouloir quitter la salle ou de garder le silence quand nous continuons la
période des affaires courantes. Que chacun regagne son siège et
garde le silence. Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.
Mme Robic: ...27 370 résidents d'origine portugaise sont
installés dans notre
province. Fait à noter, il s'agit d'une jeune
collectivité, puisque les trois quarts sont âgés de moins
de 45 ans. Les Portugais québécois habitent dans la région
de Hull, dans la banlieue de la rive nord de la métropole (Chomedey,
Fabreville, Sainte-Thérèse et Boisbriand) et aux alentours de
Québec.
Cependant, le plus fort groupe se retrouve à Montréal dans
le quartier Saint-Louis. Si vous avez l'occasion d'aller dans ce quartier, M.
le Président, vous vous retrouverez en plein Portugal avec ses
commerces, ses églises et ses banques. Grâce à leur labeur,
les Portugais ont redonné vie et couleur à ce quartier. Ces
travaux de rénovation leur auront même valu le prix annuel de la
Société d'architecture de Montréal, en 1975.
Les Portugais sont arrivés au Québec surtout après
1953, à l'occasion d'une entente entre le Canada et le Portugal dans le
cadre d'un programme de recrutement des travailleurs agricoles et manuels. Ils
furent embauchés sur des fermes, en forêt et sur le réseau
ferroviaire. Ces Portugais provenaient des Açores, du Portugal
continental et de Madère. Plus récemment, l'immigration
portugaise est venue des anciennes colonies de l'Angola et du Mozambique.
Cependant, même si, pour la majorité, leur arrivée est
récente, il y a eu des Portugais associés à l'histoire du
Québec et du Canada. Les Rodriguez, les Da Silva et les Pire-Henne se
sont établis au Québec à l'époque des grandes
découvertes vers le milieu du XVIIe siècle. Et, bien
avant eux, des explorateurs portugais naviguaient dans les eaux canadiennes et
on peut nommer la famille Corte Real, entre autres. Le Labrador tire d'ailleurs
son nom du terme portugais "lavrador" qui signifie travailleur. Des marins
portugais pêchaient la morue au large des grands bancs près de
Terre-Neuve bien avant l'arrivée de Jacques Cartier.
Les Portugais du Québec sont dynamiques, entreprenants. Ils
oeuvrent dans tous les secteurs économiques: construction,
hôtellerie, transport, textile, pour n'en nommer que quelques-uns. Il y
a, à Montréal seulement, plus de 150 entreprises portugaises.
Ce dynamisme se retrouve également au niveau culturel. La
communauté portugaise a créé une douzaine d'associations
qui oeuvrent au niveau de l'accueil des nouveaux arrivants, dans l'enseignement
et dans les activités socioculturelles. On peut penser aux associations
sportives, philharmoniques et folkloriques. Les Portugais publient un
hebdomadaire et un bimensuel "Do Emigrante". Des émissions portugaises
sont diffusées à la télévision et à la radio
à partir de Montréal, de Hull et de
Sainte-Thérèse.
Pour souligner cette vitalité culturelle, je m'en voudrais, M. le
Président, de passer sous silence l'apport de M. José Henriques
à qui, il y a moins d'un mois, j'ai eu le plaisir de remettre le Prix
des Communautés culturelles 1986 pour son travail dans la région
de l'Outaouais où, depuis plusieurs années, il oeuvre au sein de
la communauté portugaise.
Héritiers de l'esprit d'entreprise et d'aventure de leurs
ancêtres, les Portugais établis au Québec sont tenaces et,
comme je vous le disais, c'est une communauté dynamique,
persévérante, jeune qui participe au développement
économique, culturel et social de la vie québécoise. C'est
pourquoi je suis heureuse de souligner, en ce 10 juin, la fête nationale
des Portugais. Cette fête, sans doute l'événement le plus
significatif du peuple portugais, commémore l'anniversaire de la mort
d'un poète célèbre national, Luis de Camoês, qui
vécut de 1524 à 1580 et qui rappelle dans ses oeuvres
l'époque des grandes découvertes. Cet illustre poète
symbolise en outre l'union de tous les Portugais dispersés dans le
monde.
En terminant, je propose l'adoption de la motion suivante: Que
l'Assemblée nationale offre à la communauté portugaise du
Québec ses meilleurs voeux à l'occasion de sa fête
nationale. Qu'elle souligne tout particulièrement la contribution des
Portugais dans l'épanouissement de la société
québécoise. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, Mme la ministre. Mme la ministre,
auriez-vous l'amabilité de déposer copie de votre motion? Sur la
même motion, nous allons maintenant entendre M. le député
de Mercier. M. le député.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, "obrigado", comme on dit en
portugais. Quelques mots d'abord en portugais pour saluer nos collègues
portugais.
Caros amigos Portugases, boa festa. La traduction est prête pour
le Journal des débats. (11 heures)
À une époque - je me souviens quand on étudiait la
géographie, on nous le rappelait - les gens croyaient que la terre
était plate comme une galette. Mais, il y avait un peuple au monde pour
qui ce n'était pas vrai, un peuple de pêcheurs et de marins, les
Portugais, qui savaient, pour l'avoir exploré, que le globe était
circulaire et qu'en poursuivant leur route au-delà de l'horizon - cher
à mon chef - ils parviendraient à décrouvrir d'autres
pays. C'est donc ainsi que le nom de Magellan est le premier nom portugais que
nous apprenions à l'école. C'était un explorateur
portugais qui a fait connaître les routes d'accès à tous
les pays du monde. Si on regarde sur
la carte de l'époque les voyages de Magellan, on se rend compte
que Magellan a été un explorateur audacieux qui a fait reculer
les frontières de l'inconnu et a permis aux autres navigateurs et
explorateurs européens de découvrir le Canada, le Québec
et les États-Unis.
Par conséquent, la dette que nous devons aux Portugais est
beaucoup plus grande qu'on le croit généralement. Je voudrais
aussi rappeler que les Portugais qui vivent maintenant ici sont venus de leur
pays, du Mozambique ou de l'Angola ou des Açores en grande partie, un
peu comme de nouveaux Magellan, avec le même esprit d'entreprise, de
découverte, d'initiative et de dynamisme, qui leur a permis de
s'implanter partout au Québec, de devenir relativement prospères
et de créer des emplois pour les leurs et l'ensemble des
Québécois de toutes origines.
C'est donc un plaisir pour moi, M. le Président, de me joindre
à la motion de ma collègue de Bourassa, ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, pour souligner ensemble que
la dette du Québec à l'égard des Portugais est immense, la
dette des Canadiens dans leur ensemble aussi et même la dette du
continent nord-américain au total. Je répète donc à
mes amis portugais mes meilleurs voeux de bon anniversaire: "Boa anniversario!"
M. le Président, "obrigado".
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre, voulez-vous utiliser votre
droit de réplique? Non. Est-ce que la motion est adoptée? M. le
député de Saint-Jacques, est-ce que la motion est adoptée?
Adopté. Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: Je désire aviser l'Assemblée
qu'aujourd'hui, à la salle du Conseil législatif, après
les affaires courantes jusqu'à 13 heures et si nécessaire de 15
heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la commission de
l'éducation poursuivra l'étude détaillée du projet
de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de
certains enfants.
Je rappelle, puisque l'avis a déjà été
donné, qu'à la salle Louis-Joseph-Papineau, après les
affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et
de 20 heures à 24 heures, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation procédera à des
consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de
loi 69, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux.
De même, un rappel qu'à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, après les affaires courantes jusqu'à
13 heures, et si nécessaire de 15 heures à 18 heures seulement,
la commission de l'aménagement et des équipements entendra les
intéressés et procédera à l'étude
détaillée des projets de loi d'intérêt privé
suivants et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi
privé 218, Loi concernant certaines tractations entre la Compagnie de
Jésus et la Corporation du Collège Jean-de-Brébeuf;
deuxièmement, projet de loi privé 202, Loi concernant la ville de
Deux-Montagnes et, finalement, le projet de loi 252, Loi concernant la ville de
Saint-Césaire.
À la salle Louis-Hippolythe-Lafontaine, de 20 heures à 24
heures, la commission du budget et de l'administration poursuivra
l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi sur le
ministère des Approvisionnements et Services et modifiant diverses
dispositions législatives.
Je désire également donner avis que le mardi 17 juin,
à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, après les affaires
courantes jusqu'à 13 heures, la commission des affaires sociales
entendra les intéressés et procédera à
l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt
privé 208, Loi modifiant la Loi constituant en corporation
l'Hôtel-Dieu de Lévis.
M. Chevrette: II doit y avoir consentement aujourd'hui pour faire
siéger très brièvement la commission des institutions pour
une séance de travail.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Cela ferait une quatrième commission
aujourd'hui et on doit donc demander un consentement.
Le Président: II y a consentement pour qu'une
quatrième commission siège simultanément pendant que les
travaux de l'Assemblée vont continuer? Il y a bien consentement de part
et d'autre de cette Chambre.
M. Chevrette: On s'entend bien pour que ce soit pour la
matinée seulement.
Le Président: Pour la matinée seulement. C'est bien
cela, M. le leader du gouvernement? Adopté.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Aucun.
Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je vous prierais d'appeler l'article 1 du feuilleton,
M. le Président, tout en prenant note de l'ordre de l'Assemblée
d'hier à ce sujet.
Projet de loi 85
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Président: A l'article 1 du feuilleton, il s'agit de la
reprise et fin de débat ajourné par M. le député de
Bertrand hier concernant l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi sur la
vente de la Raffinerie de sucre du Québec, présenté par le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Nous allons maintenant entendre M. le député de
Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir d'intervenir en cette Chambre pour apporter quelques propos et quelques
réactions au projet de loi 85 qui vise essentiellement à donner
les autorisations nécessaires concernant la vente de la raffinerie de
sucre de Saint-Hilaire au groupe Lantic. C'est à triple
préoccupation, veuillez me croire, M. le Président, que
j'interviendrai. D'abord, parce que c'est le premier dossier de la
privatisation de la part du gouvernement libéral du Québec. C'est
donc un dossier qui me préoccupe sur le plan de la privatisation et
j'aurai la chance d'en toucher quelques mots.
Deuxièmement, en tant que critique en matière d'industrie,
de commerce et de création d'emplois, je dois vous dire que la vente et
la fermeture de la raffinerie de sucre entraînera nécessairement
des pertes directes de plus de 100 employés et indirectes pour quelque
500 emplois.
Troisièmement, à titre de député de
Bertrand, député voisin du comté de Verchères
où se situent actuellement les activités de la Raffinerie de
sucre du Québec, vous comprendrez qu'à ce titre-là aussi
il y a un impact important, un impact économique qui se veut
négatif sur la rive sud.
Dans un premier temps, j'aborderai le projet de loi 85 sous le volet de
la privatisation. Le gouvernement du Québec, qui est en place depuis le
2 décembre, nous avait fait part qu'il voulait privatiser plusieurs
sociétés d'État. La première de ces
sociétés à tomber sous cette privatisation, c'est la
Raffinerie de sucre du Québec.
Ce qui est dommage - je le déplore et je pense que les
députés ministériels devraient aussi le déplorer -
c'est la façon dont cette privatisation est faite, qui fait que ce n'en
est pas vraiment une. Cela m'inquiète et cela lève le voile sur
les autres privatisations qui pourraient venir On sait qu'une dizaine ou une
douzaine de sociétés d'État sont à privatiser. En
soi, ce n'est pas mal que l'État se retire de certaines entreprises,
mais là où cela fait mal - on le verra dans le cas de la
raffinerie de sucre - c'est de la façon dont les choses se font. Il ne
s'agit pas essentiellement d'une privatisation, mais d'une liquidation puisque
la raffinerie de sucre, en étant vendue à la compagnie Lantic,
sera démantelée et les activités cesseront à
très court terme à Saint-Hilaire où se passe actuellement
une activité importante.
Lorsqu'on parle de privatisation par la voie de la liquidation, cela
m'inquiète et je pense que cela devrait inquiéter tous les
membres de cette Assemblée, puisque cela fait partie de
l'économie du Québec. On verra, au cours des prochaines minutes,
de quelle façon cela viendra nous affecter.
On vend sous prétexte que cela allait mal et sous prétexte
que des sommes importantes étaient englouties. Je voudrais dire
là-dessus qu'on ne pourra pas prendre, ni pour la Raffinerie de sucre du
Québec ni pour quelque autre entreprise que ce soit, le critère
de base suivant: parce qu'une entreprise d'État n'est pas rentable, on
doit la vendre, car je pense que c'est une perspective à très
court terme.
Deuxièmement, en ce qui regarde les engagements de ce
gouvernement, les engagements du Parti libéral du Québec face
à la raffinerie de sucre, j'aimerais rappeler ce que mon collègue
de Verchères a très bien fait et que d'autres en cette Chambre,
ont aussi rapporté: essentiellement, il y a eu des promesses très
précises de faites durant la campagne électorale concernant la
Raffinerie de sucre du Québec. J'imagine que ces engagements ont
été formulés de façon que ce soit clair pour la
population. (11 h 10)
Dans le dépliant et dans les engagements du candidat qui se
présentait, M. Chapdelaine, il mentionne, pour se faire élire,
durant la campagne électorale, que la Raffinerie de sucre du
Québec ne fermera pas. C'est une parole donnée avec l'endossement
- c'est spécifié - du Parti libéral du Québec et de
son chef, Robert Bourassa. On verra tantôt un peu pourquoi l'actuel
premier ministre du Québec n'a jamais cru en la raffinerie de sucre.
Cela remonte au temps où il était premier ministre en 1973; ce
qui fait qu'en 1985, en reprenant le pouvoir, il peut difficilement faire
autrement que de démanteler et de faire en sorte que la raffinerie de
sucre n'existe pas. C'est un bel exemple d'un engagement pris par le Parti
libéral. Ce n'est pas faire de la démagogie, ce n'est pas
renvoyer la balle dans le camp adverse, mais c'est vraiment un engagement pris
qui est clair pour les citoyens et les citoyennes du comté, des
environs. Je dois vous dire que, dans le comté de Bertrand, il y a des
travailleurs et des travailleuses de la raffinerie de sucre qui y demeurent,
mais
qui se sont fait leurrer par des promesses du gouvernement.
Je pourrais comprendre qu'un gouvernement, en campagne
électorale, puisse prendre certaines formes d'engagements et qu'à
la lumière des renseignements et après avoir tout essayé,
il doive se désister. Je pourrais comprendre cela parce que, parfois, on
n'a pas toutes les versions, sauf que, dans ce dossier, c'est le premier
dossier. Autant on a critiqué jusqu'à maintenant le gouvernement
de ne pas avoir agi sur le plan du développement économique - je
le déplore -autant, là-dessus, je dois dire qu'il a agi
rapidement. Ces gens ont agi rapidement, puisque déjà en mars il
y avait une entente de conclue avec la compagnie Lantic. Il y avait une entente
de conclue pour vendre les actifs. On verra aussi, au cours des prochaines
minutes, de quelle façon cette vente se traduit dans les coffres du
gouvernement. Je trouve cela vraiment déplorable puisqu'il y avait
effectivement d'autres solutions d'envisagées pour la raffinerie de
sucre. Il y avait effectivement d'autres solutions pour résoudre ce
problème. C'est un problème qui, j'en conviens, est fort
complexe, mais c'est un dossier que j'ai suivi ces dernières
années tout en n'étant pas membre de cette Chambre, mais en tant
que maire de Boucherville et en étant très actif, sur le plan
économique, sur la rive sud.
La décision prise au cours du mois de mars par le gouvernement
est une décision des plus déplorables. D'ailleurs, M. le
Président, je ne suis pas le seul, en plus des députés et
collègues de l'Opposition, à penser de cette façon. Ce
n'est pas parce qu'on est dans l'Opposition qu'il faut être critique
à tout prix et juger les gestes posés de l'autre
côté en disant: Ce que vous posez comme geste, c'est mal. Non. Un
gouvernement, quel qu'il soit, pose de bons gestes et de mauvais. Mais dans ce
cas-là, je trouve cette décision tout à fait inacceptable.
L'Union des producteurs agricoles - l'UPA - dans un communiqué
qu'émettait son vice-président, M. Jean-Yves Couillard, en mars
dernier, traduisait très bien le sentiment des gens du milieu,
traduisait très bien le sentiment des producteurs agricoles
touchés par cette décision du gouvernement. Essentiellement, ce
qu'il disait, c'est que le geste qui est posé est un geste
prématuré; tout cela a été fait sans attendre la
décision du gouvernement fédéral relativement à une
politique du sucre. On sait que le gouvernement fédéral devait
rendre au cours du printemps 1986, donc en mars, avril ou mai, une
décision concernant la politique canadienne du sucre. On a agi
prématurément, puisqu'on on a rendu cette décision et on a
décidé de vendre parce que cela faisait partie des
priorités de privatiser. On a décidé de vendre la
raffinerie de sucre avant que quelque décision soit prise par le
gouverne- ment fédéral. On verra tantôt de quelle
façon cela avait une implication importante. On pourrait,
déclarait le vice-président de l'UPA dans le Soleil du 11 mars
1986, certainement mettre de l'avant une politique et sauver la Raffinerie de
sucre du Québec avec les centaines d'emplois que cela comporte. Je
pense, disait le vice-président de l'UPA, que la Raffinerie de sucre du
Québec n'a pas eu droit à un procès juste et
équitable. On l'a sacrifiée pour satisfaire les
intérêts de l'oligopole du sucre et des gestionnaires
libéraux qui croient que l'État doit être
géré comme une business.
M. le Président, qu'on ait vendu la Raffinerie de sucre du
Québec, c'est une chose. Qu'on l'ait vendue à la compagnie Lantic
et qu'on crée ainsi une situation de monopole dans le domaine du sucre
au Québec, cela devient inacceptable parce que le Québec se
ramasse dans une situation où une seule entreprise, soit la compagnie
Lantic, va contrôler le marché du sucre. Preuve à l'appui.
Et cela avait été mentionné au cours des mois de
février et mars, parce que nous craignions à ce moment que, si la
vente se faisait à la compagnie Lantic, ce seraient les consommateurs,
les Québécois et les Québécoises, qui auraient
à payer la facture puisque, vous savez, quand on est dans une situation
de monopole, celui qui exerce ce monopole contrôle le marché et
peut faire augmenter les prix en conséquence. Effectivement, le prix du
sucre a plus que doublé depuis cette période. Qui en fait les
frais? Ce sont finalement les consommateurs québécois.
C'est bien sûr qu'on me dira: On ne peut pas garder une
société d'État qui perdait de l'argent, on ne peut pas
contiuer à engloutir des sommes d'argent importantes. Mais, ce que les
Québécois et les Québécoises doivent savoir, c'est
qu'il s'est passé des événements importants au cours des
dernières années, lesquels ont fait en sorte que la Raffinerie de
sucre du Québec n'était pas rentable.
D'abord, il faut savoir et rappeler à cette Assemblée
qu'il y avait un moratoire de la part du gouvernement fédéral, du
ministère de l'Expansion économique, signé en 1980, et qui
interdisait pour cinq ans à la Raffinerie de sucre du Québec de
transformer son sucre brut en sucre blanc, le sucre que l'on connaît, le
sucre de table. Cette interdiction prenait fin à la fin d'octobre 1985.
C'est donc dire que le gouvernement antérieur ne pouvait pas agir tant
et aussi longtemps que ce moratoire, que cette interdiction n'était pas
levée.
Deuxièmement, au cours des dernières années, le
prix du sucre a fluctué de façon incroyable. Les prix ont
varié des années 1974 à 1985-1986, de 0,63 $ la livre
à 0,028 $, 0,029 $ la livre. Effectivement, il
n'y a aucune entreprise qui peut se rentabiliser à partir du
moment où le prix du marché baisse de cette façon, sauf
qu'il était prévu, dans le plan préparé au cours de
l'année 1985 par le précédent gouvernement, dans la
solution envisagée, des investissements importants d'environ 12 000 000
$ à 13 000 000 $ pour permettre, dès la levée du moratoire
du gouvernement fédéral, la transformation du sucre brut au sucre
blanc. Cette transformation, c'est l'étape qui permet de faire des
profits. C'est l'étape qui permet non seulement de transformer, mais de
commercialiser, ce qui permettrait à la raffinerie de sucre de se
trouver dans une situation beaucoup plus enviable, une situation de profit. (11
h 20)
Mais on n'a pas pris le temps de l'étudier. On l'a
déjà abandonnée avant de partir parce qu'il faut se
rappeler la petite histoire de la Raffinerie de sucre du Québec. On se
plaît souvent à renvoyer au précédent gouvernement
pour des décisions qui ont été prises, mais lorsqu'on
fouille un peu, on s'aperçoit qu'en 1973 il y a une décision d'un
gouvernement qui a été prise et qui allait à l'encontre
des demandes des dirigeants de la Raffinerie de sucre du Québec qui
voulaient à ce moment qu'on modernise, qu'on puisse améliorer les
équipements qui étaient défectueux afin que la Raffinerie
de sucre du Québec puisse - parce qu'à ce moment c'était
possible de le faire avant le moratoire - être vraiment concurrente et
développer son marché. Les investissements n'ont pas
été faits, à ce moment, en 1973, et il faut se rappeler
que les dirigeants d'alors et le premier ministre étaient les
mêmes, le Parti libéral, avec M. Bourassa. Ce n'est pas surprenant
qu'aujourd'hui on n'y croie pas.
Sauf que les preuves ont été faites et, seulement au cours
de l'année 1984-1985, il y a eu un effort, puisque cela a
été rendu permissible, de commercialisation. On a
travaillé en sous-traitance et la Raffinerie de sucre du Québec a
mis sur le marché son sucre raffiné, le Marie perle. Seulement
dans l'année 1984-1985, à ce chapitre, dans la transformation,
dans la mise en marché et dans la commercialisation, on a pu faire un
bénéfice net de 2 800 000 $ sur cette activité.
Avant de poser le geste de fermer une entreprise ou de s'en
débarrasser, il faut, je pense, voir s'il y a un avenir pour cette
entreprise. Cet avenir était d'autant plus crédible si on pouvait
le baser sur un prix moyen du marché qui se situerait aux alentours de
0,06 $ américains la livre. Non seulement les 0,06 $ US la livre ont
été atteints, mais, au moment où on se parle, le prix est
à plus de 0,08 $ US la livre. C'est donc dire que, si le gouvernement du
Québec, le gouvernement actuel avait pris la décision ou prenait
la décision, non pas de vendre, mais de faire une immobilisation pour la
prochaine année d'environ 12 000 000 $ à 13 000 000 $,
d'équiper la Raffinerie de sucre du Québec des installations
nécessaires pour passer son sucre brut au sucre blanc, on pourrait,
à très brève échéance, puisque les prix du
marché augmentent, rentabiliser les opérations de la Raffinerie
de sucre du Québec.
Cela peut sembler utopique, mais les règles du jeu ont
changé et cela était prévisible. Au contraire, le geste
qui est posé actuellement, le geste qui est de vendre à un
concurrent qui devient en situation de monopole fait en sorte qu'on n'aura
plus, en tant que Québécois, aucun contrôle sur le prix du
sucre. On n'aura plus un mot à dire. Pourquoi une société
d'État? Pourquoi le gouvernement est-il intervenu il y a quelques
années dans une société d'État? C'est parce que,
justement, il s'agissait de contrôler une partie de notre marché.
Si le gouvernement était là dans ce secteur d'activités,
c'est parce que cela nous échappait. Effectivement, les grands de ce
marché, que je ne peux pas blâmer... D'ailleurs, le
président de la compagnie Lantic, M. Léo Labrosse, dans le
Devoir, le 11 mars dernier, soulignait avec grand plaisir qu'il croit avoir
fait une bonne transaction. Je comprends! Au prix qu'ils l'ont eue par rapport
au marché, par rapport aux commandes en carnet qu'ils ont, ils ont fait
une excellente affaire.
Le gouvernement, de son côté, n'a pas fait une si bonne
affaire puisqu'il devra débourser plus de 10 000 000 $ pour combler le
manque à gagner par rapport à l'endettement qu'il y avait au
niveau de la Raffinerie de sucre du Québec. L'opération nette de
la raffinerie de sucre va faire en sorte que le gouvernement via la
privatisation ou via la vente non seulement n'encaissera aucun argent, mais
devra débourser des sommes très importantes. Ces mêmes
sommes d'argent, s'il les avait investies, auraient, à moyen et à
long terme, assuré, à mon avis, une rentabilisation et auraient
assuré les Québécois et les Québécoises
d'avoir un prix sur le marché qui soit au prix qu'il était avant
qu'on procède à cette transaction. Je trouve dommage qu'on se
retrouve dans une telle situation - je devrai conclure puisque le temps me
manque - semblable à cause d'un geste vraiment prématuré,
un geste posé vraiment à la hâte de la part du
gouvernement. Et les frais de cela? Tout cela parce qu'on voulait privatiser et
on l'a fait sous cette forme. En ce qui concerne les autres entreprises qui
sont à privatiser, cela m'inquiète. Mais les frais, dans ce
dossier, au moment où on se parle, en juin 1986, les
Québécois et les Québécoises qui sont sur le
marché, à tous les jours, paient cette facture. On doit
réaliser à quel point
on devra payer cher cette facture comparativement au choix qu'avait le
présent gouvernement par rapport au plan d'action qui était
exposé.
M. le Président, en terminant, j'espère que le projet de
loi 85, auquel je ne peux souscrire, aura des modifications. Je sais qu'on aura
la chance en commission parlementaire, lors de l'étude article par
article, d'en rediscuter. J'aurai la chance de revenir devant cette Chambre
pour faire des commentaires. Je vous remercie beaucoup.
Le Président: Merci, M. le député de
Bertrand. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation va se servir de son droit de réplique sur le projet de
loi 85. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Michel Pagé (réplique)
M. Pagé: Merci, M. le Président. Nous en sommes
à compléter le débat en deuxième lecture de ce
projet de loi 85 qui vise essentiellement à autoriser la vente des
actions de la Raffinerie de sucre du Québec à une entreprise du
Québec de la région de Montréal, la société
Lantic.
Je ne veux pas reprendre ce matin dans la demi-heure qui m'est
allouée les propos ou les commentaires formulés par les
députés de l'Opposition sur ce dossier. Cependant, je me dois de
vous indiquer et d'indiquer à cette Chambre que nous ne sommes pas
surpris de ce côté de l'attitude et de la position adoptées
par les députés du Parti québécois, lesquels ont
critiqué, lesquels se sont opposés et sont contre la cession et
la vente des actions de la Raffinerie de sucre du Québec. Je dois vous
dire et indiquer aux membres de cette Assemblée que l'équipe de
M. Robert Bourassa, que le gouvernement libéral a été
élu le 2 décembre dernier avec un mandat clairement
exprimé de la population. Une population qui était et qui demeure
très confiante en regard de l'atteinte des objectifs qu'on s'est
fixés. Nous avons convié nos concitoyens et nos concitoyennes
à une administration beaucoup plus rigoureuse des fonds publics, de ces
milliards de dollars qui sont payés en taxes et en impôts par les
femmes et les hommes du Québec qui travaillent fort pour produire et
lesquels contribuent de façon importante aux activités et au
financement des activités de l'État. Nous nous sommes
engagés à mieux gérer les fonds publics, à mieux
gérer la chose publique, à revoir certains créneaux
d'intervention qui avaient été développés à
grand prix et à des coûts très exorbitants par le
précédent gouvernement. Entre autres, nous nous étions
engagés à revoir l'implication de l'État dans certaines
sociétés. Pour la connaissance du député de
Bertrand - lequel se dit le porte-parole de l'industrie et du commerce, lequel
se dit préoccupé par les sociétés d'Etat et le
processus de privatisation qui est enclenché -qui nous indiquait ce
matin que le dossier de la raffinerie de sucre avait été le
premier dossier sur lequel nous sommes intervenus, je lui rappellerai que
c'était le deuxième. S'il avait été plus
avisé et plus près de ses dossiers, notamment dans la
région de Montréal, il aurait dû constater qu'avant le mois
de mars, soit en février, j'ai annoncé que le gouvernement
entendait mettre fin à la société du parc des expositions
à Montréal, laquelle société visait à
exploiter un immense complexe sur l'île Notre-Dame qui aurait
impliqué des déboursés pouvant atteindre 70 000 000 $ dans
le cadre du présent exercice financier. (11 h 30)
Le dossier de la raffinerie de sucre, on en parle depuis longtemps.
Cette raffinerie a fonctionné pendant 42 ans et a été 32
ans déficitaire. L'argumentation à l'appui et au soutien de la
position que le gouvernement du Québec a adoptée comme suite
d'une recommandation que je lui ai faite comme ministre de l'Agriculture et que
mon collègue, le ministre délégué à la
Privatisation, a faite au Conseil des ministre donne la lecture suivante: 115
000 000 $ d'engagements gouvernementaux de la part du gouvernement du
Québec; 30 000 000 $ de déficits accumulés dans cette
entreprise, une entreprise qui est en faillite technique depuis plus d'un an,
où le ministère des Finances devait garantir et signer, comme
ministre des Finances, des lettres de réconfort pour les institutions
financières prêteuses à la fin de chaque mois; une
entreprise qui produisait du sucre à 0,42 $ la livre et qui le vendait
à 0,10 $; une entreprise où on s'est convié à un
gouffre financier énorme; une entreprise qui a déjà
été relativement rentable; une entreprise qui avait un fonds de
réserve, en 1980, lorsque le précédent gouvernement,
lorsque le Parti québécois, au nom d'un nationalisme mal
orienté, sur la foi d'un dossier mal préparé, s'est
engagé dans un processus de modernisation de l'usine pour se lancer dans
la commercialisation du sucre dit raffiné.
M. le Président, la raffinerie de sucre -j'ai eu l'occasion de
l'indiquer plusieurs fois - aurait pu être rentable si le leadership
politique du gouvernement précédent avait été mieux
assumé, si nous avions eu des gens plus vigilants au gouvernement
précédent, si nous avions également eu une politique
sucrière canadienne. En l'absence de politique sucrière
canadienne, laquelle a été attendue, le gouvernement du
Québec n'a pas ménagé ses efforts pour sensibiliser le
gouvernement du Canada à l'obligation d'adopter une telle politique
sucrière canadienne, mais ce n'est pas venu.
Sur la foi de cela, tous les scénarios
ont été étudiés et analysés. On s'est
souventefois référé dans cette Chambre - le
député de Verchères s'y est référé et
le député de Lévis également - au plan qu'avait
proposé ou qu'avait formulé mon prédéceseur, le
titulaire du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Celui-ci s'est référé hier à un
plan formulé en 1985 qui aurait été très
coûteux, qui aurait impliqué des déboursés
additionnels de 20 000 000 $ et qui ne résistait pas à l'analyse.
Le plan de développement proposé par le Parti
québécois impliquait 20 000 000 $ d'argent neuf à
être versé, de nos taxes et de nos impôts, lesquels seraient
venus s'ajouter aux 115 000 000 $ déjà engagés. L'analyse
du dossier impliquait que les ventes de la raffinerie allaient augmenter de 40
000 tonnes de sucre raffiné à 80 000 tonnes par année dans
un marché qui est stagnant, dans un marché qui n'est pas en
croissance. Cela aurait impliqué de prendre la part du marché
appartenant à d'autres entreprises dont la société Lantic,
évidemment. Le plan du Parti québécois impliquait la
disparition des escomptes dans cette industrie, ce qui était tout
à fait illusoire. Je comprends le Conseil des ministres; je comprends le
précédent ministre des Finances de s'être opposé
fermement à la réalisation d'un tel plan.
Tous les scénarios étaient envisagés, on a
même envisagé la possibilité de vendre aux producteurs.
Pour que les producteurs puissent rentabiliser l'entreprise, il aurait fallu
leur verser une subvention de 15 000 000 $ par année pendant sept ans.
Ils ont eu la possibilité de prendre connaissance de l'ensemble des
dossiers, ils ont été consultés et associés
à notre démarche de réflexion et d'analyse dans ce
dossier. Ils en sont venus à la conclusion que c'était
déficitaire et que, cela allait demeurer déficitaire et que pour
combler ce déficit, il fallait leur verser 15 000 000 $ par année
pendant sept ans.
Les députés ont presque déchiré leurs
chemises - les députés péquistes - en disant qu'il n'y a
pas eu de consultation. Les députés ont été, dans
un premier temps, consultés, dont le député de
Verchères qui est venu, à mon invitation, me rencontrer et
rencontrer les autres collègues de la région à mon bureau.
Les producteurs ont été consultés. D'ailleurs, ils se sont
associés à la démarche de dépôt d'une offre
envers nous. Nous nous étions engagés, en campagne
électorale, à maintenir la raffinerie ouverte si on avait eu une
politique sucrière avec de l'étoffe, avec de la chair sur
l'ossature. Il n'y a pas eu de politique sucrière. On s'est
engagé à consulter les gens - c'est ce qu'on a fait - en
particulier les producteurs et les productrices. On a mis sur pied un
comité interministériel qui a travaillé très
activement à la recherche de solutions qui avaient comme perspective la
possibilité de maintenir cette entreprise ouverte. Tous les
éléments de ce dossier militent en faveur de l'action que je
propose, à titre de ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, à savoir récupérer par la vente des
actions de la raffinerie des sommes importantes qui vont venir combler les
nombreux millions de dollars qui ont été engouffrés dans
ce dossier, s'assurer du développement d'une entreprise dans la
région de Montréal, du déplacement de son siège
social de Toronto vers Montréal et s'assurer que cette entreprise
investira 25 000 000 $ au cours des prochaines années.
M. le Président, ce n'est pas de gaieté de coeur que j'ai
annoncé cette décision aux travailleurs et travailleuses et aussi
aux producteurs et productrices. Cependant, c'était agir dans le sens
des engagements électoraux qu'on a formulés, agir dans la
perspective d'une meilleure gestion des fonds publics, agir dans le cadre d'un
processus de rationalisation de nos interventions touchant les
sociétés d'État. D'ailleurs - et je suis fort surpris de
voir l'opposition systématique des députés du Parti
québécois - j'ai l'impression et plusieurs ont l'impression que
le PQ nage à contre-courant dans ce dossier. Est-ce que vous avez
entendu beaucoup de récriminations, de plaintes formulées,
d'inquiétude de la part des gens dans la région là-bas?
Est-ce que vous avez vu, par exemple, l'Union des producteurs agricoles du
Québec prendre une position claire, ferme, officielle? Non. De nombreux
producteurs agricoles m'ont dit - pas ceux qui étaient directement
touchés, cela va de soi: M. le ministre, le gouvernement a posé
le geste qu'il se devait de poser dans ce dossier. C'était impensable,
c'était "questionnable" de continuer à verser des millions et des
millions de dollars chaque année.
M. le Président, le débat se termine en deuxième
lecture. Nous aurons l'occasion d'étudier le projet de loi article par
article. L'Opposition pourra poser les questions appropriées et sera
à même de constater que le dossier a été
traité avec professionnalisme à l'égard de nos
travailleurs et travailleuses et aussi à l'égard des producteurs
et des productrices. Nous demandons l'adoption de ce projet de loi en
deuxième lecture. Merci.
Le Président: L'intervention du ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation met fin au débat sur l'adoption
du principe du projet 85, Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du
Québec. M. le leader...
M. Chevrette: Vote enregistré.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, dans ce cas, je pense qu'on
pourra remettre le vote à demain, à la fin des affaires
courantes.
Le Président: Alors, le vote sur le projet de loi 85 est
reporté à demain matin aux affaires courantes,
immédiatement après la période de questions. M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je vous prie maintenant
d'appeler l'article 2 du feuilleton.
Projet de loi 19 Adoption du principe
Le Président: Â l'article 2 du feuilleton, il s'agit
du débat proposant l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi
modifiant la Loi sur l'assurance automobile, présenté par M. le
ministre des Transports et responsable du Développement régional.
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Transports. Oui, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, simplement pour l'information
des membres de l'Assemblée, je voudrais indiquer que nous allons,
jusqu'à 13 heures, poursuivre le débat qu'entamera le ministre
des Transports sur le projet de loi 19, mais qu'entre 15 heures et 18 heures
nous suspendrons le débat sur ce projet de loi 19 pour aborder deux
projets de loi au nom du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
et ministre du Tourisme pour revenir en soirée, à la fin de
l'adoption des deux projets de loi du ministre du Tourisme, avec la poursuite
du débat sur le projet de loi 19.
Le Président: M. le ministre des Transports, vous avez
maintenant la parole.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
chers collègues de l'Assemblée, par votre appel, nous
étudions le projet de loi 19 qui, comme vous le savez, vise à
récupérer un certain nombre de coûts occasionnés par
les accidents d'automobile. Il s'agit d'un projet de loi qui propose que la
Régie de l'assurance automobile du Québec assume les frais des
services de santé liés aux accidents de la route. Ce projet de
loi est l'aboutissement de négociations entre la Régie de
l'assurance automobile du Québec, la Régie de l'assurance-maladie
du Québec et le ministère de la Santé et des Services
sociaux. (11 h 40)
Historiquement, vous me le permettrez très brièvement, la
Régie de l'assurance automobile apprenait, le 19 mars 1985, dans
l'énoncé des crédits budgétaires
dévoilés par le député et ministre responsable du
Conseil du trésor, le député de Drummond à
l'époque, sans aucune consultation préalable, que le gouvernement
voulait aller récupérer des coûts des accidents
d'automobile directement payables par la Régie de l'assurance automobile
du Québec. C'est donc le 19 mars 1985 que ces négociations entre
les trois intervenants - Régie de l'assurance automobile du
Québec, Régie de l'assurance-maladie et le ministère des
Affaires sociales - ont été entamées et aboutissent
aujourd'hui à la présentation de ce projet de loi.
Je vous dirai, M. le Président, presque sans rire, que je serai
assez bref car je crois que des deux côtés de la Chambre il y a
maintenant consensus sur ce projet de loi. Comme je l'ai dit tout à
l'heure, c'était dans l'énoncé budgétaire de
1985-1986 et cela a été repris dans l'énoncé
budgétaire de 1986-1987. Je dois même dire que j'anticipe le
plaisir d'entendre Mme la députée de Maisonneuve nous rappeler
les propos de mon collègue de Mont-Royal qui, à pareille
époque l'an dernier, se prononçait sur cette mesure avec tous les
commentaires qui s'ensuivirent. J'imagine déjà voir le
défilé devant nous, pendant la fin de la matinée et toute
la soirée, et peut-être même une partie de la nuit, d'une
partie de l'argumentation reprise par les membres de l'Opposition
démontrant que l'Opposition de l'époque s'était
prononcée contre. Il y a certaines vertus que l'on découvre au
pouvoir comme certaines vertus que l'on découvre dans l'Opposition
aussi, il faut bien le dire. Si je comprends bien, sur le principe, sur le
fond, il n'y a pas d'opposition. C'est la partie, c'est la "game" politique, si
je peux m'exprimer ainsi, qui se jouera ultérieurement, chacun voulant
prouver qu'il avait dit un certain nombre de choses.
L'objectif du projet de loi 19 est d'imputer aux usagers de la route,
par la Régie de l'assurance automobile du Québec, les coûts
des services de santé reliés aux accidents d'automobile. Ce qu'il
faut se rappeler, c'est que c'était un principe qui était
appliqué avant même que le gouvernement antérieur n'adopte
la Loi sur l'assurance automobile au cours des années 1977-1978. Nous
revenons donc à ce principe que les coûts reliés aux
accidents de la route seront finalement payés par les usagers.
Il a d'abord fallu s'assurer d'un certain nombre de choses:
premièrement, respecter le contexte général de la Loi sur
l'assurance automobile; deuxièmement, éviter d'ajouter de
nouvelles démarches aux réclamants et aux victimes d'accidents de
la route; troisièmement, éviter d'ouvrir de nouveaux dossiers et
de mettre en place des systèmes onéreux de contrôle;
quatrièmement,
développer une gestion souple et peu coûteuse qui respecte,
dans ses grandes lignes, le principe de la transparence des coûts.
Il faut quand même voir ce projet de loi 19 dans un contexte
global. Je vais vous livrer, avec votre permission, M. le Président, un
certain nombre de principes qui doivent être analysés avant
même de voir le fond du projet de loi. D'abord, une constatation, une
première. Le gouvernement, sur le plan financier, est rendu au bout du
fuseau. Il est maintenant devant une situation où il doit
récupérer des coûts afin d'équilibrer ses budgets en
termes de revenus et de dépenses. 28 000 000 000 $ de déficit
avant même que nous prenions la gouverne, les rênes du pouvoir,
c'est énorme et cela atteignait un niveau assez dangereux quant à
la capacité des Québécois de payer. Il faut le dire, cette
situation, sans être alarmiste, était une situation dangereuse et
aussi très finement analysée par les milieux financiers qui
avaient déjà, au cours des dernières années,
indiqué au gouvernement que cette situation ne pouvait perdurer et qu'il
fallait, en conséquence, vivre selon nos moyens.
Une autre constatation, on l'a vue dans le dernier budget
présenté par le député de Bonaventure, la taxation
a ses limites puisque certains produits surtaxés mettent en péril
finalement un certain nombre d'emplois. Je pense que sur le plan
économique des situations sont tolérables et d'autres sont
intolérables. Donc, sur le plan de nos dépenses nous sommes
rendus au maximum et, sur le plan de l'imposition, c'est la même
chose.
Nous avons beaucoup, comme société -il faut l'admettre et
en être conscient -cherché à conserver des services
nécessaires à une société saine. C'est un
équilibre qu'il faut trouver, s'assurer que les victimes d'accident
d'automobile puissent avoir tous les soins convenables dans la situation qu'ils
vivent. Donc, c'est un équilibre qu'il faut trouver et nous tentons de
le trouver. Ce n'est pas nécessairement à l'ensemble de la
population du Québec de payer pour des gens qui sont négligents
sur la route et qui provoquent des accidents. Il faut bien le comprendre, c'est
simple de dire au gouvernement: On demande un hôpital, une école,
une route, toute une série de choses, même l'assurance. Dans ce
sens-là, il faut comprendre que absolument rien n'est gratuit lorsqu'on
fait affaires avec le gouvernement. Il faut que, d'un côté, il y
ait de l'argent qui entre dans les coffres de l'État pour être
capable de payer ce que les citoyens demandent.
Vous pouvez, comme individu, utiliser à l'occasion une carte de
crédit mais inévitablement vous devez payer à un certain
moment donné. Il ne faut pas aller au-delà de ce que la carte de
crédit permet, sinon vous serez dans une situation extrêmement
dangereuse et vous devrez payer éventuellement de toute manière
des taux d'intérêt additionnels.
Le gouvernement, contrairement à une certaine croyance populaire
véhiculée à l'époque, n'imprime pas l'argent. S'il
s'agissait de cela, on pourrait dire oui à tout le monde et très
rapidement. Nos dépenses doivent, au chapitre du gouvernement dans sa
globalité, correspondre à ce qu'il y a comme entrées sur
le plan des deniers. Cette année, le ministre des Finances a
réussi à équilibrer un certain nombre de choses, cela
prenait du courage pour le faire et c'est maintenant chose faite.
Il faut l'admettre, il s'agit de voyager à l'extérieur
pour se rendre compte que nous nous sommes dotés au fil des ans de
services qui coûtent cher, de services qui coûtent même
parfois très cher. Nous avons une bonne qualité de services mais
ils nous coûtent très cher. Ce que nous devons donc faire à
ce moment-ci, c'est rechercher l'excellence. La population, et elle le croit de
plus en plus, doit être consciente que demander des services additionnels
au gouvernement coûte très cher et qu'en demandant,
forcément si le gouvernement le donne, il devra aller
récupérer l'argent quelque part, dans les poches des
contribuables du Québec qui devront, par des taxes et des impôts,
faire en sorte que ce qui entre d'un côté au niveau du
gouvernement puisse compenser ce qui sort de l'autre côté.
Ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, si les gens sont davantage
conscients de leur santé, que leur santé leur appartient, ils
feront attention davantage, ils apporteront aussi des comportements plus sains
en termes de comportement de conducteur sur le système autoroutier du
Québec. (11 h 50)
La majorité des maladies que l'on traite dans nos hôpitaux
sont des maladies de civilisation reliées à de mauvais
comportements: abus de la consommation d'alcool, abus de la vitesse sur les
routes. Ce qui fait en sorte qu'on a des accidents sur les routes alors
qu'antérieurement, dans nos hôpitaux, on traitait des maladies
qu'on peut classer dans la catégorie épidémique. Nous en
sommes maintenant rendus à des maladies de civilisation, des maladies de
consommation abusive qui font que, dans les hôpitaux, cela coûte
très cher. C'est clair, M. le Président, que ce que nous allons
récupérer - nous le verrons tantôt - en sommes, ce que nous
voulons récupérer est directement relié, dans la plupart
des cas, à des abus de comportement de citoyens sur les routes du
Québec.
Les gens doivent être sensibilisés à ce principe. Le
transfert de l'argent de la Régie de l'assurance automobile au fonds
consolidé du Québec vise à faire payer les frais de
santé liés aux accidents de la route par ceux qui
possèdent des automobiles et qui les utilisent. Il me semble que c'est
logique. Nous ne pouvons faire payer des accidents de la route à des
individus qui n'utilisent pas la route, non plus qu'à des individus qui
ont un comportement sain. Cette façon de faire a des conséquences
qu'il faut considérer. De façon directe, plus notre population va
faire preuve d'imprudence, d'irresponsabilité, plus il va en
coûter cher pour conduire un véhicule automobile. À
l'inverse, plus nous nous conduirons de façon responsable, plus nous
allégerons ces mêmes coûts et, par conséquent - c'est
très clair, action directe -les primes d'assurance, par exemple,
pourront éventuellement diminuer.
La Régie de l'assurance automobile va débourser les
coûts des services de santé liés aux accidents
d'automobile. Je l'ai dit tantôt, nous allons travailler de telle sorte
que les individus qui sont ceux que nous avons décriés dans
l'adoption d'une loi précédente, soit la loi 60 qui visait le
Code de la sécurité routière, nous allons voir à ce
que certaines modalités d'application fassent en sorte que ces
délinquants de la route puissent être touchés.
Afin de voir comment nous pourrions appliquer cette formule, il y a eu
des rencontres entre la Régie de l'assurance automobile du
Québec, la Régie de l'assurance-maladie du Québec de
même que le ministère de la Santé et des Services sociaux,
une série de rencontres, de réunions, d'évaluations afin
de s'entendre, d'abord, sur un montant annuel et, ensuite, de voir de quelle
manière nous pourrions le faire de la façon la plus
équitable possible et afin qu'il n'y ait pas de coûts
additionnels.
Trois formules ont été étudiées. La
première, remboursement sur facture transmise par chaque
établissement de santé, chaque service médical ou
paramédical ou par un professionnel de la santé des services de
santé rendus à chaque personne victime d'un accident
d'automobile. C'était la première formule. Il en coûtait,
M. le Président, pour l'appliquer, de 8 000 000 $ à 10 000 000 $.
Donc, c'est très dispendieux. Le principe d'ouverture d'un dossier par
bénéficiaire est une formule qui est peu souple et qui aurait
nécessairement entraîné des coûts que l'État
ne peut se permettre de payer à ce moment-ci.
La deuxième formule, remboursement sur facture transmise pour les
services reçus par des personnes plus grièvement blessées
et, deuxièmement, remboursement global pour les autres coûts
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Dans ce cas,
c'est un système assez coûteux aussi, à peu près du
même ordre et avec les mêmes désavantages que le
scénario précédent.
La troisième formule - c'est celle qui a été
retenue, M. le Président - consiste à verser au fonds
consolidé du revenu un montant global couvrant les coûts des
services de santé occasionnés par les accidents de la route. Ce
montant est fixé à partir des chiffres déjà
existants et établis par le ministère de la Santé et des
Services sociaux et la Régie de l'assurance automobile du Québec.
Il est indexé au cours des trois prochaines années. À la
fin de la troisième année, une analyse permettra de
réajuster le montant de 60 000 000 $ actuellement inscrit dans la loi,
soit à la hausse si le comportement des automobilistes fait en sorte que
les coûts reliés aux accidents de la route sont augmentés,
ou à la baisse, ce que nous souhaitons évidemment, si les
accidents de la route diminuent. Ainsi, un montant de l'ordre de 60 000 000 $ a
été défini. Ce montant sera le même pour les trois
prochaines années tout en étant indexé annuellement
à partir de l'indice des prix à la consommation, comme c'est le
cas dans d'autres domaines. Ce montant sera versé annuellement en deux
tranches égales, en mars et en septembre.
Pour l'année 1985-1986, donc, cette année, la Régie
de l'assurance automobile du Québec versera 30 000 000 $ en septembre au
fonds consolidé du Québec. Il faut le dire, M. le
Président, dès maintenant, dans le budget du ministre des
Finances du 1er mai dernier, il y avait une somme additionnelle de 40 000 000 $
qui a été ajoutée et qui sera aussi incluse par un
papillon lorsque nous étudierons le projet de loi article par article.
Je tiens à le dire dès maintenant pour que ce soit une discussion
très ouverte, sans cachette, cela tient compte d'un objectif de
récupération de 100 000 000 $, dont 60 000 000 $ pour
l'année en cours, 40 000 000 $ pour l'année
précédente. Ce montant de 40 000 000 $ n'est pas
récurrent, et le ministre des Finances l'a fort bien dit au moment de
son énoncé budgétaire.
Donc, M. le Président, c'est simple. C'est à la fois
dispendieux. C'est aussi simple: récupérer les montants d'argent,
soit 60 000 000 $, très nettement déterminés par le
ministère de la Santé et des Services sociaux et la Régie
de l'assurance automobile selon une méthode très
compliquée d'analyse, mais qui a déterminé qu'il en
coûterait approximativement 60 000 000 $ par année au cours des
trois prochaines années et cela, pour rétablir une situation qui
existait puisque les compagnies d'assurances payaient, avant la Loi sur
l'assurance automobile, les frais de santé reliés aux accidents
de la route.
C'est donc une mesure que le gouvernement précédent, de
par sa déclaration du 19 mars 1985, de la bouche même du
président du Conseil du trésor, le député de
Drummond, à l'époque, avait l'intention d'adopter et il avait
prévu dans ses
équilibres budgétaires des rentrées de fonds
à ce niveau. Nous l'avons très rapidement analysée
à notre prise du pouvoir et nous l'appliquons aujourd'hui, mesure du
gouvernement précédent, critiquée par l'Opposition de
l'époque, je tiens à le répéter, et que nous
déposons aujourd'hui, que nous voulons voir adoptée afin de
régler cette situation et aussi permettre aux finances du Québec
de souffler et d'être mieux équilibrées. Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci, M. le ministre. Nous allons entendre
maintenant Mme la députée de Maisonneuve sur le même projet
de loi, c'est-à-dire le projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur
l'assurance automobile. Mme la députée de Maisonneuve, vous avez
la parole.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je crois bien qu'avec
le projet de loi qui est devant nous pour étude présentement nous
pouvons certainement, avec raison, trouver matière à illustrer
les revirements auxquels la population doit s'habituer, du moins pour les
quatre prochaines années. Je dis s'habituer et non pas se
résigner, étant entendu que dans quatre ans elle pourra y
remédier. Mais ces revirements... C'est certainement intéressant
de voir côte à côte l'actuel ministre des Transports et le
député de Mont-Royal, qui était critique de l'Opposition
libérale en matière de transports. Avec raison, je pense, nous
avons constaté ce matin qu'actuellement le parti ministériel est
favorable à ce qu'il dénonçait de façon
véhémente il y a à peine un an. Ce n'est pas tant cette
situation que j'aimerais rappeler ce matin que sans doute le fait qu'elle
s'accompagnait, il y a un an... Lorsqu'il avait été
interrogé par le député de Mont-Royal, le président
du Conseil du trésor avait fait valoir l'opportunité de
considérer les coûts des services de santé
consécutifs aux accidents routiers comme devant dorénavant
être assumés par les assurés de la Régie de
l'assurance automobile plutôt que par les cotisants à la
Régie de l'assurance-maladie. (12 heures)
Le ministre des Transports, qui était interrogé par le
député de Mont-Royal, à l'époque critique de
l'Opposition libérale en matière de transports, répondait
par ailleurs clairement à la question qui lui était posée,
à savoir si ces coûts supplémentaires pour les
assurés de la Régie de l'assurance automobile allaient
résulter en augmentation des primes d'assurance ou en augmentation des
frais d'immatriculation et de permis. Je pense que c'est sur la transparence
des réponses sur ces questions que nous pouvons juger des intentions du
gouvernement. Je vous fais lecture de cette réponse qui avait
été faite à l'époque et qui était la
suivante. La question était donc adressée il y a un an au
ministre des Transports et M. Tardif, ministre des Transports, répondait
à cette question: Je ne peux pas donner cette réponse, non,
disait-il, je ne peux pas donner cette réponse au député
de Mont-Royal pour la simple raison que les primes d'assurance sont
calculées sur le volume et la gravité des accidents.
Le ministre des Transports ajoutait: II appartiendra à la
régie, en se basant sur les données actuarielles tant pour le
volume actuel d'accidents que pour les coûts qui portent parfois sur de
nombreuses années -comme on le sait, malheureusement, les coûts
qui dépendent de la gravité des accidents - d'établir les
réserves nécessaires et de faire les recommandations au
gouvernement. C'était il y a un an et cela donnait lieu à des
commentaires "vociférants", je dirais "vitupérants" du critique
libéral en matière de transports qui y voyait là une
entorse grave au principe de l'universalité des programmes sociaux. Il y
a encore vraiment de cela si peu de temps, moins d'un an presque, la Gazette
titrait les propos du critique de l'Opposition libérale, l'actuel
ministre de l'Énergie et des Ressources, qui, de façon
scandalisée, disait: Where will they stop? Quand cesseront-ils? Where
will they stop? C'était repris par un éditorial du journal La
Gazette du 25 mars 1985 qui, complètement scandalisé de cet
échange de questions-réponses - il n'était toujours pas
question d'une loi à cette époque, il était question d'une
étude qui était poursuivie pour amener les coûts des
services de santé consécutifs aux accidents routiers à
être assumés par les assurés de la Régie de
l'assurance automobile - s'autorisait de cet échange de
questions-réponses pour écrire dans son éditorial ceci:
How far would it go if reelected? Jusqu'où iront-ils s'ils sont
réélus?
C'est l'actuel gouvernement qui, fort de l'appui de ce journal lors de
la dernière campagne électorale de décembre,
procède en toute connaissance de cause maintenant à cette mesure
qu'il dénonçait avec la dernière des énergies, il y
a de cela à peine un an. Je ne sache pas que la même équipe
éditoriale de la Gazette se soit commise en un article pour
dénoncer à nouveau cette situation qui lui apparaissait telle que
cette équipe éditoriale pouvait considérer qu'il
était presque inquiétant de réélire un pareil
gouvernement qui apportait des mesures semblables. Le moins qu'on puisse dire,
c'est que ces dénonciations véhémentes font maintenant
place à des considérations de réalisme, nous dit-on, qui
non seulement peuvent s'expliquer, mais qui, d'une certaine façon, sont
trompeuses quant au financement que le gouvernement entend apporter pour
financer de telles mesures.
J'en veux à preuve l'espèce de confusion qui s'est
installée dans les médias à la suite de l'annonce qui a
été faite par l'actuel ministre des Transports qu'il y aurait
transfert à la Régie de l'assurance automobile du Québec
du paiement des coûts de services de santé reliés aux
accidents d'automobile. Une confusion qui pouvait permettre à deux
journaux différents de titrer de façon complètement
contraire, l'un disant: L'assurance automobile n'augmentera pas, faisant
référence évidemment à l'assurance automobile pour
les dommages corporels, et un autre journal qui titrait: L'assurance automobile
coûtera 60 000 000 $ de plus aux Québécois. Comment est-ce
qu'un contribuable peut se retrouver dans cette confusion qui, sans doute -
sans faire de procès d'intention - a été maintenue
à cause de contradictions dans les messages qui ont été
transmis à la population? D'abord, M. le Président, ce n'est pas
60 000 000 $ de plus que cela va coûter aux Québécois.
C'était 60 000 000 $ en date du 30 mars 1986. Le journal avait raison
d'utiliser ce titre. Mais en date du 10 juin 1986, c'est-à-dire en date
de cette étude du projet de loi aujourd'hui, on a un peu plus de 141 000
000 $ de hausse, au total, soit les hausses prévues dans le budget du
ministre des Finances en date du 1er mai, dont une hausse de 41 000 000 $ des
droits sur les permis de conduire et les certificats d'immatriculation, hausse
qui est évidemment très substantielle quand on pense qu'entre
1985 et 1986 on avait eu une hausse 5 700 000 $ qui faisait passer le total des
droits perçus sur les permis de conduire et l'immatriculation à
279 000 000 $. Cette augmentation avait été jugée normale,
compte tenu de l'augmentation du nombre de voitures, de l'augmentation du
nombre de permis et du nombre accru d'automobilistes. Donc, une augmentation de
5 700 000 $ entre 1985 et 1986.
Quelle sera la hausse maintenant entre 1986 et 1987, annoncée
dans le budget du ministre des Finances en date du 1er mai? Une hausse de 41
000 000 $. On passe de 5 700 000 $ à 41 000 000 $ au chapitre de
l'augmentation des permis de conduire et des droits d'immatriculation. C'est
une augmentation de plus de 14 %, augmentation qui s'ajoute à ces 60 000
000 $ qui seront perçus à même la caisse des assurés
de la Régie de l'assurance automobile pour compenser le coût des
accidents. Et encore faut-il ajouter les 40 000 000 $ annoncés dans le
budget du ministre des Finances mais cette fois rétroactifs pour
l'année 1985-1986. Rien de moins que rétroactifs pour
l'année où l'Opposition libérale considérait une
hausse comme étant totalement inacceptable, comme étant une
mesure totalement injustifiée et inappropriée.
Rétroactivement, le ministre des Finances entend récupérer
40 000 000 $ pour l'année 1985-1986. C'est donc un total de 141 000 000
$ que les automobilistes auront à se répartir.
Sachant qu'il y a un peu plus de 3 610 000 détenteurs de permis
de conduire en 1984 - ils doivent être un peu plus nombreux maintenant
évidemment - si on fait la répartition de ces 141 000 000 $ sur
l'ensemble des automobilistes au Québec ou des détenteurs tout au
moins de permis de conduire, cela équivaut à 39 $ par
automobiliste qui seront perçus pour remplir les coffres du Conseil du
trésor. Non seulement cela vient-il compenser, pour l'année
1986-1987, le coût des accidents routiers, le coût des services de
santé résultant des accidents routiers, mais plus encore il faut
voir que cette augmentation très considérable des droits sur les
permis de conduire et l'immatriculation n'a qu'une seule raison d'être,
soit d'augmenter les finances du président du Conseil du trésor.
C'est donc dire que le contribuable jusqu'à maintenant s'est fait
transmettre les informations les plus contradictoires. Comme je vous le
signalais, ceux parmi eux qui lisent les journaux pouvaient penser que
l'année 1986-1987 était totalement dispensée de toute
hausse, que l'assurance automobile n'augmenterait pas. (12 h 10)
Le ministre des Transports avait laissé entendre d'une
façon évidente, dans un communiqué de presse, qu'il n'y
aurait pas de hausse pour les dommages corporels. Évidemment, il n'avait
pas fait connaître aux automobilistes et à la population en
général qu'il y aurait ces hausses pour les coûts
d'immatriculation et de permis de conduire. Le ministre des Finances viendra,
un mois plus tard, les annoncer, comme il annoncera, un mois plus tard, les 40
000 000 $ rétroactifs pour l'année 1985-1986.
C'est donc dire, M. le Président, que c'est une sorte de
confusion qui a été entrenue, d'autant que le porte-parole de la
Régie de l'assurance automobile du Québec, lorsque
interviewé quant à savoir si cette taxe - de coûts de
santé pour les automobilistes, compte tenu des accidents routiers -
entraînera une hausse de primes d'assurance automobile, en plus de la
hausse du prix des plaques et des permis de conduire, le porte-parole de la
Régie de l'assurance automobile laissait entrevoir que les
automobilistes québécois pourraient être appelés
à couvrir les frais de cette taxe spéciale imposée
à la régie. On disait ceci, selon un porte-parole de la
régie: Cette taxe entraînera vraisemblablement une hausse des
primes d'assurance automobile, entraînant une augmentation du prix des
plaques d'immatriculation des véhicules.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que
cela manque énormément de transparence et de
clarté. Ce que l'on peut certainement constater, c'est que le
gouvernement précédent avait eu la franchise et le courage des
actions qu'il entendait mener. Je vous rappelle cette réponse du
ministre des Transports au critique de l'Opposition libérale de
l'époque, qui lui demandait s'il y aurait ou pas une augmentation des
primes. Il répondait: M. le Président, non, je ne peux pas donner
cette réponse au député de Mont-Royal. Tout cela
dépendra des coûts, des calculs qui seront faits et
dépendra des données actuarielles que la régie aura
à sa disposition pour lui permettre d'évaluer les
coûts.
On peut voir, M. le Président, que si le projet consistant
à faire en sorte que les coûts de services de santé
résultant des accidents routiers soient transférés aux
assurés de la Régie de l'assurance automobile, tout cela se
faisait lors du précédent gouvernement dans la clarté des
informations qui étaient, à ce moment, transmises à
l'opinion.
M. le Président, ce n'est pas seulement ce projet de loi 19 qui
permettra au ministre des Finances de venir percevoir des fonds pour combler
les besoins du gouvernement. Il y a également un autre projet qui est
déposé devant cette Chambre, le projet de loi 76, lequel projet
de loi ne vise qu'à hausser le montant des amendes. Alors, un autre
projet de loi pour un total, si nos calculs sont bons, de près de 20 000
000 $.
Ce projet de loi n'a comme rationnel que d'augmenter essentiellement les
revenus de l'État. Cela nous étonne que ce soit le ministre de la
Justice plutôt que le président du Conseil du trésor qui
présente un tel projet de loi devant cette Chambre, surtout qu'il n'y a
pas de doute, ce n'est d'aucune façon pour améliorer la
sécurité sur nos routes, ce n'est pas pour soutenir une campagne
vigoureuse de sécurité routière que ces amendes seront
perçues et augmentées, M. le Président.
Nous l'avons dit clairement lors de l'étude du projet de loi 60
et nous le répétons: Nous entendons apporter la collaboration la
plus totale et la plus entière à toute démarche
gouvernementale visant à soutenir une attitude de plus en plus
responsable des automobilistes. Nous entendons donner notre appui à
toute démarche qui sanctionne des comportements véritablement
déviants, entre autres, la conduite dangereuse en état d'ivresse.
Nous entendons, à ce chapitre, soutenir, tout principe de projet de loi
qui s'inscrit dans la foulée de démarches qui sont faites pour
augmenter, ce qui est extrêmement important, la responsabilité de
l'ensemble de la société québécoise en
matière de sécurité routière. Nous
considérons, nous l'avons dit, que le projet de loi 60 apportait des
élé- ments louables quant au principe de ce projet de loi
sanctionnant de façon très sévère et rigoureuse la
conduite en état d'ébriété qui, nous le savons,
cause près de la moitié des accidents graves sur les routes du
Québec.
Nous entendons maintenir une telle collaboration tout en ayant les
réserves que nous avons faites sur les modalités d'application.
Mais nous entendons certainement rappeler à l'actuel gouvernement qu'il
ne peut pas impunément se montrer maintenant favorable à ce qu'il
dénonçait sans vergogne il y a maintenant à peine un an et
que, nous, de ce côté de la Chambre entendons adopter et maintenir
de façon constante une attitude responsable dans l'étude de
chacun des projets de loi. Nous entendons adopter une attitude qui, au
mérite de chacun des projets de loi, nous permettra de maintenir les
principes que nous défendions il y a un an et que nous entendons
continuer à défendre maintenant. Merci.
Le Président: Merci, Mme la députée de
Maisonneuve. Sur le même projet de loi, nous allons entendre M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi, je
tiens à intervenir sur le projet de loi 19 qui, en soi, semble
très peu important; c'est un petit projet de loi d'à peine une
feuille et comportant quatre articles. On peut penser que quatre articles n'ont
pas beaucoup d'effet chez le contribuable québécois. Je pense que
ce n'est pas nécessairement la conclusion à laquelle on peut en
venir lorsqu'on prend connaissance des notes explicatives et de l'ensemble du
projet de loi 19.
En fait, qu'est-ce que le projet de loi 19? Est-ce que c'est un projet
de loi qui vient faire en sorte de sécuriser davantage nos
automobilistes? Fait-il en sorte de protéger les piétons, les
gens qui se promènent ou qui sont en voiture? Le projet de loi 19, ce
n'est absolument pas autre chose que l'application d'une décision
contenue dans le budget du ministre des Finances du 1er mai dernier. C'est tout
simplement cela. Ce n'est pas une décision en soi, ce n'est pas une
décision du ministre des Transports d'aller dans le sens de
l'amélioration de la sécurité ou de la protection des
automobilistes ou des citoyens. C'est tout simplement l'exécution d'un
mandat qui lui est transmis par le ministre des Finances, un mandat d'aller
chercher de l'argent dans les poches des contribuables
québécois.
Le projet de loi est très clair là-dessus. Je vais vous le
lire, parce que ce n'est pas long et que cela vaut la peine: "Ce projet de
loi prévoit que la Régie de l'assurance automobile du
Québec verse annuellement au fonds consolidé du revenu une somme
de 60 000 000 $ représentant le remboursement du coût des services
de santé occasionnés par les accidents d'automobile." C'est tout
simplement faire le sale job pour le ministre des Finances, aller chercher
l'argent... Vous avez vu que j'ai commencé en disant: Ce projet de loi
prévoit que la Régie de l'assurance automobile va verser au fonds
consolidé, au gouvernement, pour payer autre chose ou pour diminuer la
dette...
Je me souviens, il n'y a pas tellement longtemps, en 1977 - je
n'étais pas à cette Assemblée, mais je m'en souviens parce
que c'est un projet de loi qui avait fait couler beaucoup d'encre et discuter
beaucoup au Québec - de la loi créant la Régie de
l'assurance automobile du Québec. À ce moment-là, les
libéraux y étaient drôlement opposés; c'était
inacceptable que le gouvernement québécois se donne un outil
semblable de protection des automobilistes, la Régie de l'assurance
automobile. Ah! Ce qu'on a crié, ce qu'on s'est démené
pour empêcher ce projet de loi! On ne les entend pas parler contre cela
aujourd'hui parce que cela leur permet de garnir la caisse.
Donc, ce petit projet de loi de quatre articles et d'une feuille, comme
je le disais, permet au gouvernement de récupérer 60 000 000 $
dans ce fonds que s'étaient donné les Québécois par
une loi que le Parti québécois a fait adopter en 1977 sur la
Régie de l'assurance automobile, bien administrée, bien
gérée. Il y a eu très peu d'augmentation depuis sa
création, parce que c'était un bon projet, une bonne régie
bien administrée. On avait réussi à se faire des
réserves, ce qui pouvait avoir comme conséquence de donner plus
aux victimes ou de diminuer les primes. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Sur un
ordre du ministre des Finances, le ministre des Transports est obligé de
s'exécuter et de vider la caisse. (12 h 20)
Lors de la présentation du projet de loi en conférence de
presse, le ministre des Transports disait, dans le Journal de Québec du
22 mars 1986: L'assurance automobile n'augmentera pas. On peut vider la caisse
des régies comme si cela n'avait pas de conséquence, l'assurance
automobile n'augmentera pas. Quelques jours plus tard, le 30 mars,
c'était autre chose, un autre son de cloche. Un porte-parole de la
régie - des gens bien placés puisqu'ils l'administrent
-déclarait: Cette taxe entraînera vraisemblablement une hausse des
primes d'assurance automobile.
On peut donc s'attendre, de façon certaine, que ce petit projet
de loi qui a l'air de rien va résulter en une augmentation des primes
d'assurance automobile, non pas parce qu'il y a plus d'accidents, contrairement
à ce que l'on dit, non pas parce que cela coûte plus cher, mais
parce que le gouvernement a décidé de vider la caisse, parce que
ce gouvernement est gêné de venir taxer directement, il le fait
donc de façon indirecte. Au lieu d'annoncer des augmentations clairement
et définitivement, lors de la présentation du budget, le 1er mai,
le spécialiste de Bonaventure est venu nous dire qu'il y aurait des
augmentations dans le temps, pour 75 000 000 $ à la tarification, qu'on
viderait la caisse de Loto-Québec et la caisse de la Régie de
l'assurance automobile du Québec sans que les citoyens puissent en
évaluer toute la portée, toute l'étendue, toutes les
conséquences.
Et voilà, les conséquences commencent à sortir. Ce
petit projet de loi vient nous spécifier que les coffres de cette
fameuse régie que nous sommes fiers d'avoir mise sur pied étant
maintenant vides, le conducteur québécois devra faire face
à une augmentation des coûts. Le projet de loi est
l'exécution du mandat du ministre des Finances. Ce mandat va à
l'inverse totalement des engagements de ce parti lors des élections
alors qu'on parlait de diminutions de toutes sortes, en taxes et en
impôts, alors que c'est maintenant le contraire. On le fait un peu
n'importe quand dans l'année de façon détournée, de
façon sournoise, de façon hypocrite. Ce sont ces 60 000 000 $,
l'argent des Québécois, investis dans cette Régie de
l'assurance automobile soit pour avoir de meilleurs services, soit pour
diminuer nos primes, qui en mangent encore un coup puisque le gouvernement
vient se les approprier avec les conséquences que j'ai
déjà mentionnées. Les gens de la régie nous disent
qu'il faut s'attendre vraisemblablement à une augmentation des primes
d'assurance automobile.
Ces 60 000 000 $ dont je viens de parler viennent d'où et par
quels moyens? À la suite d'un ordre du ministre des Finances et sans
aucune évaluation. Les 60 000 000 $ ne sont pas explicables. On dit que
c'est pour le remboursement des coûts de services de santé
occasionnés par les accidents d'automobile. Oui, on dit cela, mais on ne
le justifie pas autrement que par un besoin de 60 000 000 $. Pourquoi 60 000
000 $, pourquoi pas 20 000 000 $, pourquoi pas 30 000 000 $, pourquoi pas 40
000 000 $? On ne le sait pas. Le ministre des Finances a décidé
de donner un mandat au ministre des Transports d'aller chercher 60 000 000 $.
60 000 000 $ indexés chaque année, cela veut dire que cela va
nous coûter de plus en plus cher; une' indexation, c'est ce que cela veut
dire, cela veut dire une augmentation.
Pourquoi ne pas avoir procédé comme
dans le cas de la CSST? La Régie de l'assurance-maladie du
Québec défraie les coûts et renvoie la note à la
CSST plus les frais. Si, à la CSST, on a trouvé une façon
d'aller chercher les montants nécessaires au paiement des frais encourus
par les lésions professionnelles, si on peut le faire à la CSST
d'une façon tout à fait normale, claire et précise, dans
le cas de la Régie de l'assurance automobile, pourquoi y aller d'une
façon aussi arbitraire, discrétionnaire, sans explication pour
les contribuables? C'est une façon incorrecte de taxer les
Québécois encore une fois.
Mais c'est pis que cela. Dans ce projet de loi, on retrouve
peut-être la récupération des 60 000 000 $, mais il ne
faudrait pas oublier que dans son budget du 1er mai, déjà, le
ministre des Finances est allé chercher 40 000 000 $. Il les explique
comment, ces 40 000 000 $? Ce n'est pas très compliqué. On dit
qu'on va chercher 40 000 000 $ pour récupérer les années
antérieures. On ne se contente pas de décider
unilatéralement 60 000 000 $ maintenant, indexés chaque
année, on va même chercher dans le budget 40 000 000 $ dans la
réserve de la Régie de l'assurance automobile du Québec
pour payer les années passées. Donc, 40 000 000 $ qui nous
appartenaient à nous, les conducteurs, via notre Régie de
l'assurance automobile du Québec, 40 000 000 $ qu'on est allé
chercher le 1er mai. Aujourd'hui, le 10 juin, on se prépare à
aller chercher encore 60 000 000 $, ce qui fait 100 000 000 $ qu'on va chercher
dans les coffres de la régie. On est en train de la dépouiller,
peut-être pour prouver ensuite qu'elle n'était pas rentable? Cela
peut être une façon élégante mais, à mon
avis, c'est inacceptable de s'en prendre à une société
d'État qui a fait ses preuves et qui est à l'avantage des
contribuables québécois, spécialement des
automobilistes.
On va plus loin que cela, on a même augmenté pour 41 000
000 $ les permis de conduire et d'immatriculation. Cela commence à faire
des chiffres importants, 41 000 000 $ d'augmentation sur les permis de conduire
et d'immatriculation. On peut bien dire que le Parti québécois
l'avait fait au moment où il était au pouvoir, oui. De 1984-1985
à 1985-1986, une année financière, on avait
augmenté de 5 700 000 $. Cela ne fait pas beaucoup sur des chiffres
aussi importants qu'un budget de 279 000 000 $. Le gouvernement qui
était censé enlever les taxes et les impôts va chercher 41
000 000 $ sur le présent budget, ce qui veut dire pour les contribuables
une augmentation en permis de conduire et en frais d'immatriculation de 14,7 %.
Et on nous fait croire qu'on détaxe et on nous fait croire que des
petits projets de loi comme cela n'ont aucun effet? Cela a des effets directs
sur les impôts qu'on paie, sur les taxes qu'on paie.
Donc, 60 000 000 $ qu'on va chercher dans ce petit projet de loi d'une
feuille, projet de loi 19; 40 000 000 $ qu'on est allé chercher dans la
même caisse de la Régie de l'assurance automobile le 1er mai dans
le discours sur le budget du ministre des Finances; 41 000 000 $ qu'on va
chercher en permis de conduire, en droits et en immatriculation, ce qui fait
exactement 141 000 000 $ qu'on va chercher chez les contribuables et dans notre
Régie de l'assurance automobile. Qu'est-ce que cela veut dire comme
augmentation pour chacun des automobilistes, pour l'année qu'on est en
train de vivre? Une augmentation de 39 $ par automobiliste. Cela a l'air de
rien, ce petit projet de loi qu'on adopte un mardi midi. Le projet de loi 19,
c'est un petit projet de quatre articles, mais si on prend ce projet de loi
plus les deux décisions dont je vous ai parlé, celle du 1er mai
et l'augmentation des permis de conduire, cela veut dire une augmentation de 39
$ par automobiliste cette année. C'est ce genre d'augmentation hypocrite
passée comme cela, dans de petits projets de loi, chacun
présenté par différents ministres, qui fait en sorte que
les contribuables québécois sont pénalisés et
voient leur charge financière en impôts et en taxes
augmentée considérablement depuis le 2 décembre.
Pourtant, c'est cela que cela veut dire: des augmentations de primes. Il
faudra s'attendre aussi, lorsqu'on aura à renouveler nos permis de
conduire auxquels on retrouve rattachées les primes d'assurance,
à des augmentations qui seront probablement justifiées par les
responsables de la Régie de l'assurance automobile du Québec en
disant: On n'a pas le choix, les coffres sont vides. Et on doit payer aussi la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Mais cette petite
décision relève de ce projet de loi de ce matin. Une augmentation
pour tous et chacun, qu'on soit bon conducteur ou pas. Est-ce que ce
gouvernement en a tellement contre les automobilistes québécois?
Sont-ils si mauvais, si méchants? Regardons depuis le 2 décembre
ce qui se passe face aux automobilistes. On nous annonce par ce projet de loi
que parce qu'on a vidé les coffres le 1er mai par une décision du
ministre des Finances, donc, deux décisions du ministre des Finances,
mais une dont le sale boulot est fait par le ministre des Transports. Cela veut
dire qu'il faut s'attendre et - ce sont les gens de la régie qui nous le
disent - vraisemblablement, à une augmentation des primes d'assurance,
plus, je vous l'ai dit, pour 41 000 000 $ d'augmentation de frais pour les
citoyens en permis et en frais d'immatriculation, donc, augmentation par-dessus
augmentation: les permis de conduire, l'assurance et, en plus,
l'essence.
On a dit de l'autre côté que c'était terrible que la
taxe sur l'essence soit à 30 %. Qu'est-ce qu'on a fait le 1er mai? On a
décidé de ramener cela à plus de 40 %. Comment aide-t-on
les automobilistes québécois? Cela n'a pas de bon sens. On a
d'autres projets de loi ici. Oui, je suis d'accord moi aussi pour qu'on soit de
plus en plus en sécurité sur nos routes et que les
Québécois respectent de plus en plus les lois, sauf qu'on
amène des pénalités dans les lois qui sont vraiment
fortes, où on se vante d'être à peu près ce qu'il y
a de meilleur, c'est-à-dire de plus dur au monde. Donc, depuis le 2
décembre, les automobilistes s'aperçoivent que ce gouvernement
est un gouvernement beaucoup moins tolérant que le gouvernement du Parti
québécois pouvait l'être. On était peut-être
trop tolérant mais il y a un juste milieu aussi et je pense qu'il faudra
penser à le respecter. (12 h 30)
Le projet de loi va beaucoup plus loin. Il vient faire en sorte
qu'à partir de 1989, les 60 000 000 $ de cette année,
indexés au cours des prochaines années, seront changés
à la discrétion du gouvernement. Quel va être le montant?
Comment va-t-il se justifier? Il va probablement se justifier juste par une
décision du ministre des Finances encore une fois. Donc, de façon
tout à fait discrétionnaire, on imposera le montant qu'on voudra
bien à la Régie de l'assurance automobile du Québec, et on
sait ce que cela a comme effet, parce que dès qu'il y a une
augmentation, c'est le contribuable, c'est le conducteur qui doit payer
davantage, soit en immatriculation, soit en permis de conduire, soit en
augmentation de taxes, soit directement, comme dans ce cas-ci, en primes sur
l'assurance automobile.
À partir de 1989 - c'est dans ce petit projet de loi - par une
modification à l'article 155.3, finalement, on donne au gouvernement un
pouvoir tout à fait arbitraire, tout à fait
discrétionnaire de décider d'un montant à sa convenance,
d'un montant qui ne dépendra absolument pas de la rentabilité, de
l'efficacité de la Régie de l'assurance automobile du
Québec. Cela ne dépendra absolument pas du nombre d'accidents et
de l'amélioration de la façon de conduire des
Québécois. Cela, on ne se bâdrera pas avec cela; on s'en
bâdrera si on veut. C'est tout simplement le gouvernement qui
décidera beaucoup plus en fonction de ses besoins financiers que de la
situation réelle des automobilistes au Québec. Ce sera bien plus
les besoins financiers du gouvernement à ce moment-là que la
rentabilité de la Régie de l'assurance automobile. La preuve,
c'est qu'aujourd'hui il y avait des fonds. Cela allait bien à la
Régie de l'assurance automobile du Québec puisque le gouvernement
est capable d'aller en soutirer 100 000 000 $. Imaginez-vous, 100 000 000 $
dans une année. Qu'est-ce que ce sera en 1989, quand le gouvernement
pourra, de façon tout à fait discrétionnaire, tout
à fait cachée, à la façon du gouvernement du Parti
libéral, aller chercher le montant qu'il voudra parce qu'il n'aura plus
besoin d'adopter de projet de loi 19 pour expliquer aux Québécois
qu'on est en train de dévaliser la caisse, la banque de la Régie
de l'assurance automobile?
Le pouvoir, il est en train de se le donner en ce 6 juin. C'est facile
ça, penser que, dans deux ou trois ans, on pourra aller chercher tout ce
qu'on voudra, parce qu'on n'aura même plus besoin pour taxer,
imaginez-vous, de passer devant l'Assemblée nationale. Dans les notes
explicatives, au troisième paragraphe, on lit: "II accorde
également au gouvernement le pouvoir de réviser cette somme
à compter du 1er janvier 1989 et à tous les trois ans par la
suite." Un pouvoir discrétionnaire, un pouvoir arbitraire. C'est
marqué: En tenant compte de l'évolution des coûts des
services de santé occasionnés par les accidents d'automobile.
Mais en tenant compte, M. le Président, de quoi? Des 60 000 000 $ qu'on
vient, de façon tout à fait arbitraire, de décider cette
année? En fonction de l'indexation qu'on voudrait bien y donner d'ici
à 1989?
M. le Président, je pense qu'on ne peut pas se permettre, comme
législateurs, comme représentants des conducteurs
québécois, de laisser au gouvernement un outil semblable, un
outil pour être capable de taxer, pour être capable de
répondre à une commande du ministre des Finances d'aller chercher
beaucoup plus de cents sur le dos des conducteurs, sur le dos des
automobilistes, sans que l'on puisse en discuter à cette
Assemblée à tout le moins. C'est, à mon avis, un minimum
qu'on doit respecter. C'est pour cela que ce projet de loi devrait être
beaucoup plus clair. Il devrait faire en sorte que si on décide, oui
politiquement, de s'en prendre à la Régie de l'assurance
automobile du Québec, si on décide politiquement, par
décision strictement politique, de vider la caisse, au moins que les
Québécois par l'intermédiaire de leurs
représentants ici à l'Assemblée nationale aient le loisir
d'en discuter. On n'a pas le droit, à mon avis, d'aller chercher des
taxes, des impôts dans les poches des contribuables, que ce soient des
automobilistes ou pas, parce que c'est un principe. C'est beaucoup plus un
principe que le montant présentement. C'est un strict minimum que, quand
on décide des augmentations, cela se fasse ouvertement, cela se fasse
clairement lors de la présentation du budget par le ministre des
Finances à chaque année. S'il décide qu'il fait comme
cette année et qu'il tranfère à chacun des ministres
sectoriels le sale boulot d'aller chercher cet argent, parce que cela
paraît moins quand c'est échelonné dans le temps,
quand c'est dans une petite loi d'une feuille et de quatre articles, comme je
vous le disais tantôt - si cela paraît moins - au moins on doit se
présenter à l'Assemblée nationale.
Dans un petit projet de loi semblable, qu'on ne puisse pas le faire en
laissant tout simplement le gouvernement décider, de façon
discrétionnaire et arbitraire, que, pour une année donnée,
cela va être tel montant non pas en fonction de la situation
financière, comme je le disais tantôt, de la Régie de
l'assurance automobile, non pas en fonction du nombre d'accidents, mais en
fonction des besoins du ministre des Finances. Je ne pense pas que ce soit la
façon de responsabiliser nos administrateurs publics. C'est un mot qu'on
entend beaucoup de l'autre côté et avec raison parce que, nous
aussi, on le croit et on y pense. Il faut augmenter la productivité. Il
faut faire en sorte que nos sociétés soient de plus en plus
rentables et efficaces. On dit qu'on veut donner l'imputation, la
responsabilité à ceux qui ont la charge de l'administration des
organismes gouvernementaux. Mais ce n'est pas en allant vider les coffres, ce
n'est pas en faisant en sorte que plus ils sont rentables, plus ils vont payer
cher et plus on va les pénaliser qu'on va faire en sorte que les gens
vont avoir le goût d'être de plus en plus efficaces.
En terminant, je vais en profiter pour féliciter justement les
gens à la tête de la Régie de l'assurance automobile qui
ont fait un boulot extraordinaire. À la régie, oui, il y a des
problèmes comme ailleurs. C'est sûr qu'il y a des gens qui ne sont
pas tout à fait satisfaits de tous les services, mais c'est dans une
proportion assez faible, que je sache. Globalement, généralement,
on peut être fier de la Régie de l'assurance automobile du
Québec. Et le gouvernement libéral actuel, qui était dans
l'Opposition à ce moment et qui ne voulait pas voir cette régie
mise sur pied par le gouvernement d'alors, aujourd'hui, il en est certainement
content. Cela lui permet d'aller chercher 100 000 000 $, même 141 000 000
$ parce que c'est la régie aussi qui fait en sorte que les permis
coûtent plus cher ou les frais d'immatriculation, ce n'est pas le
gouvernement qui y va directement. Il le fait faire par la Régie de
l'assurance automobile.
Donc, c'est sûr que le gouvernement est très content
maintenant de la Régie de l'assurance automobile. Cela lui permet de
remplir les coffres du gouvernement en vidant les poches ou des contribuables
ou de la Régie de l'assurance automobile du Québec. Ce n'est
certainement pas la façon dont on va inciter les gens de la régie
à être encore meilleurs puisque plus ils vont être bons,
plus ils vont rentabiliser finalement cette régie qui est là au
service des automobilistes québécois; c'était le but.
Parce qu'à ce moment, rappelez-vous, les primes d'assurance automobile
coûtaient tellement cher, surtout pour les jeunes, et on avait tellement
de difficultés à avoir compensation que le gouvernement a
décidé que les automobilistes québécois
étaient pour se donner une assurance collective pour avoir de meilleurs
services et de meilleurs taux, des coûts moindres pour s'assurer.
Comment la régie va-t-elle pouvoir maintenant être capable
de faire respecter les objectifs pour lesquels elle a été
créée? Puisque maintenant on s'en vient lui enlever sa caisse, on
s'en vient lui enlever les fonds qui font en sorte qu'elle est capable de nous
donner un meilleur service ou qu'elle pourrait, même si les années
avancent et même si le coût de la vie augmente, avec une
réserve semblable et avec des lois qui vont faire en sorte que les
automobilistes vont être plus prudents - sans exagérer, comme je
le disais tantôt - on pourrait peut-être s'attendre plutôt
à des diminutions de primes d'assurance. Ce serait normal quand on a une
bonne régie, de bons conducteurs, des administrateurs très
efficaces et une caisse de 100 000 000 $. On pourrait s'attendre à des
diminutions de prime. Mais non, par une décision du gouvernement
annoncée indirectement par le ministre des Finances le 1er mai dernier,
et ramenée ici par le ministre des Transports par le projet de loi 19,
on vient faire en sorte que l'efficacité financière de la
Régie de l'assurance automobile du Québec va se trouver
pénalisée.
Lorsque c'est une régie qui est là pour le bien commun de
l'ensemble des automobilistes, lorsqu'une régie se trouve
dévalisée de cette sorte, donc "dérentabilisée"
d'une certaine façon, qui va en payer la note? Ce sont effectivement les
automobilistes québécois. Alors, M. le Président, je
trouve que dans ce projet de loi on va chercher beaucup d'argent,
peut-être beaucoup trop, surtout qu'on n'a pas baissé la taxe sur
les assurances. Donc, il faudrait faire attention de ne pas surcharger en taxes
et en impôts de toutes sortes les automobilistes québécois
parce qu'on paie déjà assez d'impôts et de taxes, tout le
monde est d'accord là-dessus.
Mais surtout, ce qu'il y a d'inquiétant dans ce projet de loi 19,
c'est le troisième petit paragraphe - il y en a seulement trois - des
notes explicatives qui vient donner au gouvernement un pouvoir arbitraire lui
permettant à l'avenir, de façon tout à fait cachée,
tout à fait camouflée, de venir chercher des taxes et des
impôts dans les poches des contribuables par la Régie de
l'assurance automobile du Québec sans devoir en discuter ici, donc
ouvertement au vu et au su de toute la population québécoise.
Pour cela, je demanderais au ministre des Transports de parler au
ministre des
Finances et de faire en sorte que, s'il veut se donner un pouvoir pour
cette année pour le montant de 60 000 000 $, puisque le budget est
déjà adopté, il faudrait faire attention de ne pas donner
au ministre des Finances des pouvoirs de camouflage et de cachette pour les
années futures. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de
Shefford.
Sur le même projet de loi 19, c'est-à-dire la Loi modifiant
la Loi sur l'assurance automobile dont M. le ministre des Transports propose
l'adoption, nous allons maintenant entendre M. le député de
Verchères. M. le député de Verchères, vous avez la
parole. (12 h 40)
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, quand j'ai pris
connaissance du dossier concernant le projet de loi 19, il n'y a pas si
longtemps, je n'en revenais pas. Je me suis dit: Ce n'est pas vrai. Le ministre
des Transports ne vient pas de nous présenter un projet de loi en posant
un geste par ce projet de loi, geste que son parti dénonçait il y
a à peine quelques mois alors qu'il était de ce
côté-ci de la Chambre. Je me suis dit: Je dois avoir mal lu, je
dois avoir mal compris le projet de loi. J'ai pris la peine de relire, entre
autres, le Journal des débats, de me faire sortir des transcriptions de
presse, en fait, la revue de presse de l'époque, et, je suis
obligé de conclure que, oui, j'ai bien compris. Le ministre des
Transports vient de nous présenter un petit projet de loi, comme le
disait mon collègue de Shefford, pas beaucoup d'articles, mais un projet
de loi qui vient de coûter 60 000 000 $ aux contribuables du
Québec et, en particulier, aux gens qui sont assurés par la
Régie de l'assurance automobile du Québec.
Ce qui est choquant un peu dans cette attitude qui est une nouvelle
volte-face du Parti libéral, c'est qu'on essaie de poser ce geste, qu'on
condamnait il y a à peine quelques mois, en essayant de passer cela sous
le tapis, de ne pas rappeler aux gens ce qu'on disait il y a quelques mois et
de leur donner l'impression qu'il n'y a rien là et que cela n'a aucun
rapport avec ce qu'on dénonçait dans le temps. Quand on regarde,
entre autres, l'échange qu'il y a eu entre le ministre des Transports de
l'époque, le président du Conseil du trésor de
l'époque et le critique de l'Opposition libérale de
l'époque, le 20 mars 1985, on se rend compte qu'il s'agit du même
problème. Il s'agit des coûts des services de santé
consécutifs aux accidents d'automobile. À ce moment, le
député de Mont-Royal qui était le critique de l'Opposition
libérale en matière de transport, demandait au gouvernement:
Écoutez, vous avez inscrit dans le livre des crédits 40 000 000
$. On a des informations que c'est 80 000 000 $. Qu'en est-il?
Le président du Conseil du trésor très
honnêtement avait dit: Écoutez, c'est 40 000 000 $ parce que le
livre des crédits concerne la moitié d'une année
financière. C'est en fait 80 000 000 $, oui. Là, face à
cette réponse, on avait eu le droit à une autre série de
questions qui avaient donné lieu à des titres explosifs en
particulier dans la presse anglophone qui, à ce moment, profitait de la
vague d'impopularité qui affectait le gouvernement du Parti
québécois?, et on avait un titre comme celui-ci: "Transport
critic Raps car insurance plan." Là le critique du Parti libéral
disait: Where will they stop? Où vont-ils arrêter? Là, il
déchirait son linge, faisait une déclaration à
l'emporte-pièce à l'Assemblée nationale et aux
journalistes pour dénoncer ce que le gouvernement avait
décidé de faire, c'est-à-dire de faire en sorte que,
dorénavant, les coûts des services de santé
consécutifs aux accidents d'automobile soient imputables et
imputés aux assurés. C'était 80 000 000 $. Là,
qu'est-ce qu'on a eu? On a eu une décision en deux temps concernant le
même dossier. Premier temps à l'occasion du budget.
Le ministre des Finances qui veut avoir l'air bon prince par rapport
à l'ancien gouvernement annonce qu'il va faire la même chose que
l'ancien gouvernement pour l'année financière 1985-1986 et que
cela va coûter 40 000 000 $. Les gens auront compris, ceux qui ne suivent
pas l'actualité tous les jours, que le nouveau gouvernement
libéral était plus correct, moins dur à l'endroit des
citoyens, des personnes concernées et qu'il n'imposait que 40 000 000 $
plutôt que 80 000 000 $. M. le Président, arrive le projet de loi
19 et on ajoute aux 40 000 000 $ un montant additionnel de 60 000 000 $ pour
l'année 1986-1987. Ce n'est plus 80 000 000 $, comme le
précédent gouvernement l'avait décidé. C'est 100
000 000 $ qu'on décrète par une loi en deux temps, alors qu'on
dénonçait une mesure identique de 80 000 000 $, il y a à
peine un an.
Comment peut-on prendre au sérieux le ministre des Transports
aujourd'hui dans ses propos? Quelle amertume ne peut-on pas avoir quand on se
rend compte que cela, plus d'autres déclarations à
l'emporte-pièce, plus d'autres articles de journaux, entre autres, dans
la presse anglophone, ont quotidiennement, mensuellement, contribué
à miner la crédibilité du précédent
gouvernement? Cela a porté le Parti libéral au pouvoir et,
aujourd'hui, de façon machiavélique, ces gens-là font la
même chose et plus encore. Aujourd'hui, ils voudraient nous dire que
tout
cela est correct et qu'il n'y a pas de problème.
M. le Président, on n'est pas contre l'idée que,
dorénavant, les coûts d'accidents d'automobile soient
imputés et que les frais de santé relatifs aux accidents
d'automobile soient imputés, on avait pris une décision
semblable. Ce que nous disons à l'occasion de ce projet de loi, c'est
que le gouvernement se donne un pouvoir de taxation indirecte parce que avec ce
projet de loi on indique que dorénavant le gouvernement pourra refaire
la même chose par décret sans avoir besoin de revenir ici à
l'Assemblée nationale, sans avoir besoin de se confronter à
l'Opposition et sans avoir besoin d'endurer pendant un certain temps des
discours comme ceux que nous faisons aujourd'hui pour dénoncer ce que le
gouvernement fait ou pour mettre en lumière un certain nombre de choses
qui nous apparaissent inacceptables.
Le gouvernement libéral qui aimait tellement la critique quand il
était dans l'Opposition, maintenant, a décidé que la
critique ne l'intéressait pas une fois au pouvoir et qu'il
préférait gouverner par décret. Le gouvernement, qui
dénonçait des taxes déguisées, parce que
après avoir posé une première question sur le montant qui
était en cause au mois de mars 1985, le député de
Mont-Royal, aujourd'hui ministre de l'Énergie et des Ressources, posait
d'autres questions, alors qu'il était critique en matière de
transports... Là, les questions portaient sur les conséquences de
cette décision gouvernementale sur les primes d'assurance automobile et
sur le coût des permis et de l'immatriculation. Je vous cite les deux
questions que le député de Mont-Royal avait posées
à ce moment: "Ma question s'adresse au ministre des Transports. Est-ce
que le ministre des Transports peut nous dire si les coûts
supplémentaires prévus pourront être absorbés par la
régie, sans qu'il y ait augmentation des primes d'assurance automobile,
ni augmentation des frais d'immatriculation et d'émission de permis?
Vous voyez la préoccupation qu'avait l'Opposition libérale
à ce moment, M. le Président. Un peu plus loin, une
deuxième question de même nature. "Je pense que c'est le ministre
qui ne comprend pas", dit le député de Mont-Royal - et il
poursuit -"Le président du Conseil du trésor vient nous dire
qu'il va y avoir un montant de 80 000 000 $ qui sera assumé par la
Régie de l'assurance automobile".
Alors, vous avez le chiffre. Est-ce que vous pouvez nous dire maintenant
s'il va y avoir une augmentation, oui ou non, par la régie des frais
d'immatriculation et de délivrance de permis?
C'était la préoccupation, il y a un an, de l'Opposition
libérale. C'était légitime, mais on déchirait notre
linge. Je vois le ministre des Transports qui rit, parlementaire aguerri,
d'expérience, personnage rusé et efficace et jouteur redoutable.
Il sait très bien à quel jeu il jouait quand il était
assis exactement ici, M. le Président, dans cette Assemblée, et
qu'il rigolait en entendant son collègue de Mont-Royal poser ce genre de
question. (12 h 50)
Aujourd'hui, il rigole, M. le Président. Mais il rigole parce
qu'il sait très bien que ce projet de loi est dans le fond la suite de
ce que le précédent gouvernement a fait mais, qu'à
l'époque, il fallait en année préélectorale faire
un bon spectacle à propos de tout et de rien, rentrer le clou, renfoncer
le clou dans l'opinion publique pour montrer que le gouvernement du Parti
québécois était un gouvernement qui taxait encore et
encore et c'étaient des taxes déguisées.
Mais, aujourd'hui, qu'en est-il depuis que le ministre des Transports
est non plus de ce côté, mais de l'autre côté, qu'il
nous écoute faire nos discours de ce côté, du
côté de l'Opposition? Il en est qu'il fait partie d'un
gouvernement qui a décidé, il y a à peine quelques
semaines, dans son budget, de hausser de 41 000 000 $ le coût des permis
et des immatriculations.
Ces 41 000 000 $ s'ajoutent aux 100 000 000 $ que le gouvernement a
décidé d'imposer à l'égard des coûts de
santé par rapport aux accidents d'automobiles. Total: 141 000 000 $: 141
000 000 $ décrétés sans franchise,
décrétés sans courage politique. Pourquoi manquer de
courage quand on est à peine à cinq mois après une
élection et qu'on a remporté 99 sièges avec un suffrage
populaire relativement confortable?
Pourquoi ne pas avoir le courage de ses gestes? Pourquoi le ministre des
Finances n'a-t-il pas tout simplement dit dans son discours sur le budget:
Écoutez, au cours de la prochaine année et demie, c'est 141 000
000 $ que nous allons percevoir à la Régie de l'assurance
automobile en permis et immatriculations et 100 000 000 $ à
l'égard des frais de santé concernant les accidents
d'automobiles?
Pourquoi ne pas avoir simplement fait cette annonce à l'occasion
du budget? Pourquoi ne pas avoir voté cette augmentation à
l'occasion de la loi qu'on a adoptée concernant le budget? Le ministre
va peut-être nous dire que ce n'était pas possible juridiquement
ou techniquement et qu'il fallait une loi. Ce que je ne comprends pas, c'est
qu'il faut une loi pour 60 000 000 $ mais qu'il n'en faut pas pour 40 000 000 $
pour 1985-1986. Le discours sur le budget suffisait et la loi qu'on a
adoptée concernant le budget suffisait. Maintenant, pour les 60 000 000
$, cela prend une nouvelle loi. Je pense que la franchise
élémentaire aurait été de dire
simplement aux contribuables du Québec: Votre nouveau
gouvernement, qui vous avait promis de ne pas augmenter les taxes et les
impôts, qui vous avait promis de gouverner en toute transparence, qui
vous avait promis de vous dire toute la vérité, rien que la
vérité, on le jure, va faire une ponction de 141 000 000 $. Mais
non! On a un gouvernement, un ministre des Transports et un ministre des
Finances qui décident que la vérité, ce n'est pas
tellement important, que l'honnêteté envers les contribuables, ce
n'est pas tellement important et qu'on peut se permettre à peu
près n'importe quoi.
Ce qui est encore plus intéressant, c'est qu'avec ces 60 000 000
$ que le gouvernement décide de percevoir de la Régie de
l'assurance automobile du Québec, nous n'avons aucune garantie qu'il n'y
aura ni nouvelle hausse des primes d'assurance ni baisse des services. On vient
d'augmenter de 41 000 000 $ le coût des permis et de l'immatriculation.
Mais il y a le coût des primes d'assurance. Or, comment le ministre
peut-il faire une ponction de 100 000 000 $ et ne pas éventuellement
devoir toucher la prime de l'assurance automobile? De trois choses l'une: ou
les gens payaient trop auparavant et le ministre va uniquement chercher le
surplus, ou il y aura hausse des primes, ou encore, troisième
hypothèse, il y aura baisse de services. C'est l'une des trois
hypothèses. Mais laquelle, M. le ministre des Transports, est la vraie?
Quelle est celle que nous devons retenir? Quelle est celle que doivent
maintenant commencer à envisager les contribuables du Québec et
les gens qui sont des assurés de la Régie de l'assurance
automobile du Québec?
Je pense qu'à l'occasion de l'étude de ce projet de loi,
ce sont des questions importantes et, il me semble, élémentaires
auxquelles le ministre des Transports doit répondre. Après
s'être bidonné et avoir bien ri de son habileté politique,
avoir tenu un discours pendant qu'il était dans l'Opposition et fait
exactement le contraire depuis qu'il est au pouvoir... On peut toujours
déplorer ce genre d'attitude, la politique partisane a parfois de ces
exigences qui font que, maintenant que le scrutin est terminé, on va
encaisser le coup en pensant que les citoyens qui nous écoutent et nous
regardent sont uniquement un peu plus cyniques à l'égard de la
chose politique, un peu plus cyniques à l'égard des politiciens
et des politiciennes. Il n'est pas étonnant à cet égard -
je l'ai dit à plusieurs reprises et j'ai l'impression que je vais le
redire souvent au cours des années qui viennent - de voir dans les
sondages la cote de crédibilité des hommes et des femmes
politiques: avant ou après les journalistes, je ne sais trop, on est
à peu près sur le même pied. Ce sont des gens à qui
on n'accorde pas beaucoup de crédibilité, malheureusement.
Pourquoi? Pour des raisons comme celles-là, pour des raisons qui
font que, quand on est dans l'Opposition, en une année
pré-électorale, on peut dire à peu près n'importe
quoi aux gens; ce qui importe, c'est de marquer des points politiques, c'est de
faire en sorte que politiquement les gens détestent chaque jour un peu
plus le gouvernement. C'est encore plus vrai quand un parti politique attend
depuis huit ans et demi pour retrouver des sièges intéressants
-quand on regarde le comportement du ministre délégué aux
Services et Approvisionnements - des sièges peut-être aussi
intéressants pour des questions qui méritent qu'on y regarde de
plus près, pour faire plaisir à nos amis et peut-être en
faire profiter des amis qui attendent depuis si longtemps.
Ce que nous avons devant nous, c'est une taxe indirecte, et cela est
inacceptable en termes de principe. C'est une taxe... C'est en fait un projet
de loi qui va dorénavant permettre au gouvernement, comme je l'ai
indiqué un peu plus tôt, de revenir à la charge sans avoir
l'obligation de se présenter à l'Assemblée nationale.
C'est contraire à toute notre tradition, la tradition
démocratique et le gouvernement responsable dont on jouit aujourd'hui.
Les batailles politiques que nos ancêtres ont faites, ils les ont faites
pour avoir un gouvernement responsable, c'est-à-dire un gouvernement qui
doit répondre de ses gestes, de ses décisions, de ses
comportements devant l'Assemblée nationale. Il doit les justifier
publiquement, dans l'arène publique qu'est le Parlement, qu'est
l'Assemblée nationale.
Venant d'un gouvernement qui a, chaque fois qu'il en avait l'occasion,
quand il était dans l'Opposition, dénoncé des
décrets gouvernementaux qui n'avaient pas toujours l'importance des
décrets qui seront adoptés en vertu de cette loi, c'est encore
une fois une attitude cynique et une attitude à certains égards
inqualifiable en termes de morale publique et de morale politique.
Je pense que le ministre des Transports peut trouver de bonnes raisons
pour présenter un projet de cette nature. Nous lui disons deux choses:
Dites-le chaque année dans le discours sur le budget. Dites-le
clairement aux contribuables du Québec. Ne cachez pas les chiffres, ne
cachez pas l'impact de vos décisions et la signification qu'elles ont et
faites-le de telle sorte que l'Opposition et l'opinion publique puissent vous
interroger, prendre un certain temps pour contester, évaluer, soupeser
votre décision dans l'enceinte par excellence prévue à cet
effet, le Parlement, l'Assemblée nationale.
À quoi sert ce Parlement et quelle est la signification de toute
notre tradition politique et parlementaire si ce n'est que l'Assemblée
nationale a deux rôles: celui de légiférer pour adopter des
projets de loi
comme celui-ci et celui d'être le chien de garde des actions
gouvernementales, de surveiller le comportement du Conseil exécutif,
c'est-à-dire du Conseil des ministres du gouvernement? Ce sont tous des
mots différents pour parler de la même instance politique,
c'est-à-dire le gouvernement.
C'est ici que le gouvernement doit se présenter, c'est ici qu'il
doit discuter clairement, présenter ses décisions et c'est ici
qu'il doit accepter de débattre son comportement et ses choix
politiques.
M. le Président, c'est la raison pour laquelle j'ai parlé
dans ce sens et nous adoptons ce comportement à l'égard du projet
de loi 19. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de
Verchères. M. le député de Terrebonne.
M. Blais: M. le Président, je demanderais l'ajournement du
débat.
Le Président: Le débat sur l'adoption du principe
du projet de loi 19 est ajourné.
M. Brassard: Tout en rappelant l'entente intervenue, à
savoir qu'on reviendra à 20 heures.
Le Président: Également. Il y a entente à
savoir qu'on peut rappeler ledit projet de loi 19 ce soir, à 20
heures.
Pour le moment, les travaux de cette Assemblée sont suspendus
à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 5)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le leader du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: Je voudrais informer l'Assemblée d'une
modification à l'avis que j'ai donné ce matin quant aux travaux
des commissions à savoir qu'à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, de 20 heures à 24 heures, ce soit la
commission de l'aménagement et des équipements qui poursuive
l'étude du projet de loi 84, Loi sur la protection des non-fumeurs dans
certains lieux publics, plutôt que la commission du budget et de
l'administration qui devait étudier le projet de loi 68. L'Opposition
est déjà informée de ce changement d'avis, Mme la
Présidente.
Sur ce, je vous inviterais à appeler l'article 33 du feuilleton,
s'il vous plaît!
Projet de loi 66 Adoption du principe
La Vice-Présidente: Nous allons maintenant débattre
l'adoption du principe du projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la
sécurité dans les sports.
M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Mon intervention
vise à solliciter l'appui des membres de cette Assemblée aux
diverses modifications législatives proposées par le projet de
loi 66 intitulé Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans
les sports.
Ce projet de loi confère à la Régie de la
sécurité dans les sports du Québec le pouvoir de
régir les conditions d'exercice reliées aux sports de combat.
Rappelons que cet organisme, créé le 21 décembre 1979, a
pour but de rendre la pratique des sports la plus sécuritaire possible
pour les concurrents et les spectateurs. La régie ne cherche pas
à restreindre la pratique des sports. Elle cherche plutôt à
la faciliter en rendant les conditions plus sécuritaires. Elle veut
aider le monde du sport à diminuer les risques de blessures et
contribuer à réduire les coûts socio-économiques et
les inconvénients personnels, tant physiques que psychologiques qui en
découlent.
À cette fin, la régie favorise des modes d'intervention
axés sur l'information, la prévention, l'éducation, la
recherche et enfin la promotion de la sécurité.
En ce qui concerne le sport amateur, la régie travaille en
étroite collaboration avec les fédérations sportives, les
organismes sportifs et les personnes intéressées dans les divers
types d'activité physique. Cela est nécessaire, car la Loi sur la
sécurité dans les sports prévoit que le milieu sportif
doit s'autoréglementer et voir lui-même à l'application de
ses règlements de sécurité. Le rôle de la
régie en est un de soutien et de chien de garde. Il s'agit là
d'un processus original où l'intervention gouvernementale est grandement
limitée au profit de l'initiative et du respect de l'autonomie du milieu
sportif.
En ce qui concerne le sport professionnel, en particulier les sports de
combat, à savoir la boxe, le karaté contact (kick-boxing) et la
lutte, la loi constitutive de la régie prévoit que celle-ci peut,
dans le cadre d'une manifestation sportive, délivrer un permis à
une personne qui y participe. Ces dispositions, qui prévoient
également la dissolution des commissions athlétiques existantes
n'ont cependant pas encore été mises en vigueur; elles sont
apparues trop incomplètes.
Dès sa création, la régie a eu à
s'intéresser à la boxe. Au lendemain du décès du
boxeur Cleveland Denny, survenu quelques jours après le combat
présenté au Stade olympique, en juin 1980, la régie
lançait une vaste étude de la boxe professionnelle au
Québec. Le but de l'étude était de rendre meilleures les
conditions de la pratique de ce sport. Rendue publique le 14 avril 1981, cette
étude comportait la constatation suivante: "Au fil de toutes ces
rencontres et de cette cueillette d'informations, la régie a
réalisé que le monde de la boxe souffrait de complaisance, d'un
manque flagrant d'information au sujet des risques encourus par le boxeur ainsi
que d'une indifférence manifeste vis-à-vis les dangers de la
boxe. Étant donné que la victoire d'un boxeur passe souvent par
l'infliction de blessures graves à son adversaire, il peut arriver que
certaines personnes non encadrées de façon réglementaire
puissent abuser de certains moyens pour atteindre leurs buts."
Cette constatation amenait la régie à proposer aux
commissions athlétiques de Montréal et de Québec
d'apporter des modifications aux règlements et procédures
entourant les soirées de boxe qu'elles autorisaient. Ces modifications
visaient à mieux assurer la sécurité des concurrents, en
attendant la mise en vigueur de dispositions pertinentes de la loi constitutive
de la régie et l'adoption des règlements en découlant.
À la suite de cette étude, la régie entreprit de
préparer sa réglementation afin de devenir opérante dans
les meilleurs délais. Conformément à son mandat, elle
cherchait à assurer une plus grande sécurité aux boxeurs.
Elle réalisa à cet égard diverses études, notamment
sur le bandage des mains et sur les caractéristiques dynamiques des
gants de boxe. Ces études conduisirent à la publication, le 28
novembre 1984, à la Gazette officielle du Québec, d'un projet de
règlement gouvernemental sur les permis relatifs aux sports de combat et
d'un projet de règlement de la régie sur les sports de combat.
Ces projets ne furent jamais adoptés ni approuvés. Il y a
à cela plusieurs raisons dont la principale vient du fait qu'entre-temps
un comité d'étude sur la boxe et le kick-boxing avait
été constitué par le ministre de la Justice, à la
suite d'une demande de la Commission athlétique de Montréal
d'enquêter sur l'infiltration possible du crime organisé dans la
boxe professionnelle et d'évaluer l'application de la
réglementation de la régie en termes d'efficacité et aussi
de réponse aux besoins. Ce comité recommanda au gouvernement,
dès le printemps 1985, de retarder l'adoption ou l'approbation de ce
projet de règlement. Il était d'avis qu'une fois en vigueur, les
règlements proposés ne donneraient pas à la régie
les pouvoirs nécessaires pour assumer pleine- ment ses
responsabilités.
Le comité d'étude remit son rapport au ministre de la
Justice et Procureur général du Québec à
l'été 1985 et ses recommandations furent rendues publiques par
mon collègue, le ministre de la Justice, et par moi-même, au mois
de mars 1986.
Dans son rapport, le comité recommande que la Régie de la
sécurité dans les sports du Québec soit l'organisme
désigné pour accomplir un râle de surveillance et de
contrôle des sports de combat, comme cela est déjà
prévu dans la Loi sur la sécurité dans les sports. A cette
fin, le comité recommande toutefois que la régie soit investie
des pouvoirs d'enquête et d'inspection dont elle a besoin pour tenter
d'empêcher le monde interlope de poursuivre son activité dans la
promotion et le contrôle de la boxe et dans l'exploitation des
concurrents et des consommateurs.
Les recommandations du comité, auxquelles le gouvernement
désire donner suite, exigent que des modifications soient
apportées à la Loi sur la sécurité dans les sports.
Il paraît d'autant plus important de procéder rapidement que le
gouvernement décidait, au printemps de 1985, de maintenir la
régie inopérante en ce qui concerne le contrôle et la
surveillance des manifestations sportives dites de combat. Il ne pouvait
guère faire autrement, la régie ne disposant pas à ce jour
des pouvoirs requis pour exercer efficacement ce rôle.
La situation présente donc un caractère d'urgence. Le
Québec a connu, depuis 1980, une croissance appréciable des
activités reliées aux manifestations sportives de sports de
combat. Pourtant, dans l'état actuel des choses, un match de boxe ou de
kick-boxing présenté en dehors des villes de Montréal et
de Québec contrevient nécessairement aux dispositions du Code
criminel à ce sujet. En effet, ce code ne permet la tenue d'un match de
boxe professionnelle que si ce dernier se déroule avec la permission ou
sous l'autorité d'une commission athlétique. Or, au
Québec, de telles commissions existent actuellement que dans les seules
municipalités de Québec et de Montréal, et il est
impossible d'en créer de nouvelles, la loi pour ce faire ayant
été abrogée.
Cette situation favorise donc le maintien de deux catégories de
citoyens au Québec. Ceux qui peuvent se déplacer à
Montréal ou à Québec et ainsi assister à la tenue
légale de matches de boxe et de kick-boxing, et les autres. De plus, les
autres municipalités, ne pouvant autoriser des promoteurs à venir
présenter des combats sur leur territoire déplorent la situation,
car elles se voient ainsi privées des retombées
économiques qu'occasionnerait la tenue de ces représentations sur
leur territoire. Elles exercent donc beaucoup de pression pour que la
régie, dont la compétence s'étend à
l'ensemble du territoire du Québec, fonctionne à
brève échéance.
Nul ne peut nier les dangers associés à la pratique de la
boxe dont le but ultime est de mettre en péril l'intégrité
physique de son adversaire, c'est-à-dire de le mettre knockout. Les deux
études dont je vous ai rappelé les principales conclusions nous
forcent à conclure à la nécessité de
réglementer cette activité afin de réduire efficacement
les risques encourus par les participants et de contrôler tous les
aspects de ce sport professionnel. Combien de fois avons-nous entendu dire que
les promoteurs étaient trop laissés à eux-mêmes, que
l'aspect médical était négligé et qu'aucun
contrôle n'existait dans les gymnases? Une réforme sérieuse
s'impose et elle reçoit l'appui de tous les intervenants
impliqués. Une réforme qui a des dents, mais soucieuse des droits
des justiciables.
Si elle était mise en vigueur telle quelle, sans qu'on lui
apporte de modification, la loi actuelle ne permettrait pas à la
régie de jouer efficacement son râle car elle ne lui
confère aucun pouvoir d'enquête à caractère
coercitif relativement aux manifestations sportives. C'est pourquoi le projet
de loi 66 propose d'octroyer à la régie un pouvoir
d'enquête qui lui permettrait, en connaissance de cause et avec motifs
à l'appui, de refuser de délivrer un permis de boxe ou d'un autre
sport de combat, de le suspendre ou de l'annuler. Ce projet de loi sauvegarde
les droits des justiciables en prévoyant un mécanisme d'appel
approprié.
Par ailleurs, ce projet de loi étend aux partenaires
d'entraînement d'un concurrent l'obligation d'être titulaires d'un
permis. Ce permis permet à la régie de surveiller
l'entraînement afin d'assurer la sécurité physique des
concurrents, d'éliminer la présence du monde interlope dans les
gymnases et de vérifier si le partenaire d'entraînement est sous
le coup d'une suspension ou d'une annulation de permis. Soulignons que les
risques encourus par les concurrents et leurs partenaires dans les gymnases
sont parfois plus élevés que ceux qui sont encourus par les
concurrents dans le ring. Beaucoup de rondes sont alors disputées sans
supervision et sans contrôle médical.
Le projet de loi établit, également, un mécanisme
permettant d'assurer le respect de la loi et des règlements en accordant
à la régie un pouvoir d'inspection beaucoup plus large. En vertu
de la loi actuelle, ce pouvoir d'inspection est limité à celui
d'un centre sportif et de l'équipement qui y est utilisé. Il est
ici proposé de l'étendre aux gymnases et aux salles
d'entraînement. Ce pouvoir d'inspection permettra à une personne
autorisée par la régie d'entrer dans un établissement
où le titulaire d'un permis exerce son activité. La régie
pourra ainsi inspecter les gymnases pour s'assurer du respect de la loi et des
règlements. Le libellé de l'article est en tout point conforme
aux dispositions des chartes canadienne et québécoise des droits
et libertés.
Le projet de loi étend aussi à l'imprimeur ou au
responsable de la billetterie l'obligation de détenir un permis. Il
permet ainsi d'exercer un contrôle sur tout l'aspect de la billetterie
afin d'éviter les fraudes, tant à l'égard de l'État
que des concurrents, des gérants et des entraîneurs.
Le projet de loi prévoit le paiement de droits de 5 % des
recettes brutes d'une manifestation sportive par le titulaire d'un permis
d'organisateur valable pour une manifestation sportive, en plus des droits
minimums qui seront fixés par règlement pour obtenir ce permis.
Ces droits visent à défrayer une partie des coûts que la
régie doit assumer lors de la surveillance et du contrôle d'une
manifestation sportive. Les recettes brutes y sont définies comme
étant celles provenant de la vente des billets, des droits de
transmission et de retransmission, déduction faite des taxes municipales
d'amusement. Ainsi, les manifestations sportives, qui ont laissé le
Québec endetté, en même temps qu'elles permettaient
à des intérêts américains de retirer des profits
importants par le moyen des droits de retransmission, ne seront plus
susceptibles de se reproduire. Le projet de loi permet à la régie
d'interdire une partie seulement d'une manifestation sportive, comme un combat
lorsque l'infraction à la loi ou aux règlements justifie une
intervention immédiate. Cela évitera d'avoir à interdire
l'ensemble de la manifestation sportive, comme ce serait le cas sous la loi
actuelle.
Le projet de loi vise à permettre à la régie
d'établir, par règlement, des normes relatives à la teneur
des contrats conclus par des personnes appelées à participer
à une manifestation sportive de sports de combat. Il a pour but
d'éviter l'exploitation des concurrents et de contrôler les
clauses d'exclusivité. Les contrats principalement visés sont
ceux entre le promoteur et le concurrent, le gérant et le concurrent, et
l'entraîneur et le concurrent. (15 h 20)
Le projet de loi établit une distinction entre les permis
relatifs aux sports de combat et ceux relatifs aux autres catégories de
manifestation sportive prévues dans la loi quant aux motifs de refus de
délivrance, de suspension ou d'annulation de permis. Cette distinction
s'avère nécessaire compte tenu des conclusions et des
recommandations du comité d'étude sur la boxe professionnelle et
le kick-boxing qui concluait à l'infiltration du crime organisé
tant au niveau de la promotion que de la gérance. Rien ne permet de
tirer de pareilles conclusions concernant
les autres catégories de manifestation sportive prévues
à la loi et de justifier une réglementation semblable.
Le projet de loi prévoit quatre motifs pour lesquels la
régie peut refuser de délivrer un permis à un
requérant: premièrement, les condamnations criminelles ou
pénales antérieures ayant un lien avec une activité
visée au chapitre des manifestations sportives dites de combat, des
sports de combat; deuxièmement, l'impossibilité d'établir
sa compétence et sa capacité à exercer avec
intégrité l'activité pour laquelle il sollicite un permis,
compte tenu de son comportement antérieur; troisièmement, la
protection, dans l'intérêt du public, du bon renom des sports de
combat; enfin, le fait qu'on agisse comme prête-nom pour quelqu'un
visé par les trois premiers motifs.
L'exercice de la discrétion de la régie vise à
assurer un meilleur contrôle sur tous les aspects des sports de combat.
Le projet de loi prévoit des motifs de suspension ou d'annulation de
permis qui correspondent aux motifs de refus de délivrance de permis,
mais qui surviennent pendant la durée du permis. Les motifs de refus de
délivrance, de suspension ou d'annulation de permis sont rangés
dans un ordre croissant de façon que la régie n'ait à
exercer son pouvoir discrétionnaire d'apprécier
l'intérêt public qu'en dernier ressort seulement. Les
décisions de la régie en cette matière sont, rappelons-le,
sujettes à appel. Ces motifs ont tous été
rédigés avec la préoccupation de respecter les droits et
libertés fondamentales de la personne.
Dans une société démocratique, les droits, comme le
reconnaissent d'ailleurs les chartes, ne peuvent pas être absolus.
Certaines activités humaines doivent être circonscrites pour
protéger les droits d'autrui. Je crois que la boxe et les autres sports
de combat nécessitent l'intervention gouvernementale en ce qu'ils
constituent des sports violents et qu'à ce titre, ils se doivent
d'être réglementés de façon à ne pas
constituer un danger que la société juge inutile, tant pour
elle-même que pour la sécurité et l'intégrité
financière et physique des concurrents.
Il s'agit peut-être de donner une dernière chance à
ces types d'activités, et plus précisément à la
boxe, très sévèrement critiquée par tous en raison
du très grand laxisme qu'on y retrouve, dû à un manque de
discipline et d'information du milieu. Une réforme rigoureuse des sports
de combat s'impose donc dans le respect des droits des personnes en cause.
En gestation depuis plusieurs années, cette réforme
connaît aujourd'hui son aboutissement. C'est avec confiance et
fierté que je propose son adoption de principe. J'ose espérer que
les membres de cette Chambre verront le bien-fondé de cette loi qui,
j'en suis convaincu, viendra améliorer de beaucoup la situation des
sports de combat au Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, Mme la Présidente. C'est dans la
suite logigue du gouvernement du Parti québécois, que je me dois
d'aller dans le sens du projet de loi qui nous est présenté cet
après-midi.
L'historique du projet de loi remonte à 1979 alors qu'à
l'Assemblée nationale, on adoptait une Loi sur la sécurité
dans les sports instituant la Régie de la sécurité dans
les sports. À la suite d'une réunion du Conseil des ministres, le
siège social de la régie a été installé
à Trois-Rivières. Je pense que, pour tout le monde, il n'y avait
aucun doute sur la nécessité de créer une telle
Régie de la sécurité dans les sports. Au cours du
printemps 1984, plus exactement vers le mois de mars, le ministre de la
Justice, M. Pierre Marc Johnson, confia au juge Raymond Bernier le mandat
d'étudier la boxe et le kick-boxing. Le mandat visait à assurer
une plus grande coordination dans la cueillette de renseignements relatifs
à la boxe et au kick-boxing. Le juge Bernier devait tenir compte de tous
les renseignements détenus dans le monde du sport de combat,
étudier les modes de financement adoptés par les boxeurs, les
entraîneurs, les gérants, les promoteurs de boxe et de
kick-boxing, identifier les lacunes ou les mécanismes de fonctionnement
qui seraient de nature à favoriser l'infiltration de personnes
soi-disant associées au monde interlope dans la boxe et le kick-boxing,
évaluer l'application de la réglementation avec la Régie
de la sécurité dans les sports en termes d'efficacité et
de réponse aux besoins, proposer tous les moyens pratiques pour rendre
la boxe professionnelle et le kick-boxing exempts le plus possible de toute
influence ou participation de personnes soi-disant associées au monde
interlope de manière que ces sports de combat puissent, au
Québec, avoir lieu dans un climat qui soit le plus sain possible et,
finalement, mettre en place les mécanismes de suivi. Évidemment,
un tel mandat ne peut s'obtenir en peu de temps.
A la suite des recommandations du comité, il ne faisait aucun
doute qu'il fallait arriver à une réglementation pour permettre
justement d'assainir le milieu des sports de combat, notamment la boxe, plus
spécifiquement. C'est au mois de juin 1985 que le comité
d'étude présidé par le juge Bernier remet au ministre de
la Justice son rapport.
Une partie seulement de ce rapport a été rendue publique
jusqu'à maintenant, à savoir celle faisant des recommandations
visant à améliorer la loi actuelle et à bonifier le projet
de règlement soumis antérieurement au ministre de
l'époque, le ministre Brassard, par la Régie de la
sécurité dans les sports au Québec.
En juillet 1985, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, M. Jacques Brassard, confie le poste de président de la
Régie de la sécurité dans les sports du Québec,
anciennement occupé par M. Néron, au juge Raymond Bernier. Il ne
fait aucun doute que cette nomination fait l'unanimité dans tous les
milieux. Le projet de loi déposé ce printemps par l'actuel
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche s'inscrit donc dans cette
ligne de continuité. Ce projet de loi s'inspire des recommandations du
rapport Bernier. Toutefois, il ne va pas aussi loin.
Ce que nous pouvons constater, c'est l'effort déployé par
les membres de cette Assemblée pour assainir le monde des sports de
combat et permettre, comme le laissait entendre préalablement mon
collègue, une bonne renommée dans le monde du sport de combat.
(15 h 30)
D'où vient cette étude en profondeur, d'où vient ce
besoin de répondre à autant d'interrogations, à autant
d'informations que tout le monde se posait dans le milieu des sports de combat?
Dans le temps il faut remonter au combat de boxe Cléroux-Frazier qui
devait avoir lieu le 23 juin 1985 au parc Hébert, à
Saint-Léonard, qui a suscité une foule d'interrogations au sujet
de notre législation en matière de sports de combat. Ce combat
mettait en péril la santé et la sécurité des deux
pugilistes Joe Frazier, 41 ans, et Robert Cléroux, 47 ans. Ce combat a
été interdit en vertu de l'article 81 du Code criminel qui
prévoit qu'un combat professionnel doit être sanctionné par
une commission athlétique reconnue. Or, les deux seules commissions
athlétiques reconnues sur le territoire du Québec sont
situées à Montréal et à Québec, ce qui fait
que dans ce cas particulier l'arrêt du combat a été
possible.
Toutefois, s'il avait fallu que le combat ait lieu à
Montréal ou à Québec, personne en vertu de la loi ne
pouvait mettre un terme à ce combat fort dangereux. L'article 8 du
projet de loi 66 se lit comme suit: "Pour avoir le droit de participer à
une manifestation sportive visée dans le paragraphe 1 de l'article 40
à titre d'organisateur, de concurrent, de gérant,
d'entraîneur, de soigneur ou d'officiel ou pour avoir le droit d'agir,
à cette occasion, à titre de partenaire d'entraînement,
d'imprimeur ou de responsable de la billetterie, il faut être titulaire
d'un permis délivré à cette fin par la régie."
Cette amélioration dans la loi n'aurait pas permis un tel combat.
Maintenant, en vertu de l'article 8 du projet de loi 66, non seulement on rend
en vigueur l'article 41 de la Loi sur la sécurité des sports qui
prévoit un permis, qui se lit comme suit: "Une personne qui
désire participer à une manifestation sportive visée par
le paragraphe 1° de l'article 40 à titre d'organisateur, de
concurrent ou de promoteur, gérant, entraîneur ou soigneur d'un
concurrent ou agir à titre d'officiel doit être titulaire d'un
permis délivré par la régie." Mais on étend
également le pouvoir de délivrer des permis de la régie
aux partenaires d'entraînement à l'imprimeur et au responsable de
la billetterie.
Donc, en plus d'étendre quelque peu le pouvoir de la
régie, le projet de loi 66 vient mettre en vigueur l'article 41 de la
loi actuelle. Quant à l'article 9 du projet de loi 66, il ne fait que
rendre quasi intégralement en vigueur l'article 43 de l'actuelle
loi.
Le projet de loi 66, par le truchement de l'article 11, oblige le
titulaire d'un permis d'organisateur valable pour une manifestation sportive de
sports de combat à payer à la régie des droits
représentant 5 % de cette recette brute, vente des billets, droits de
transmission et de retransmission, déduction faite des taxes municipales
et d'amusement.
L'article 13 du projet de loi 66 donne à la régie des
pouvoirs importants en ce qui a trait à la vérification de
l'application du chapitre IV portant sur les manifestations sportives. Il
serait fort pertinent de demander au ministre s'il a pris la peine de consulter
à cet égard la Commission des droits de la personne du
Québec. Effectivement, le ministre nous assura dans son discours
préalablement que cet article de loi s'est fait tout en respectant les
droits et libertés fondamentales de la personne, tout en reconnaissant
que les droits ne sont pas toujours absolus.
Ainsi, la régie ou toute personne désignée par
celle-ci peut, en vertu de l'article 13, entrer à toute heure
raisonnable dans tout lieu où le titulaire d'un permis exigé par
l'article 41 exerce son activité, examiner et tirer copie des livres,
registres, comptes, dossiers et autres documents de ce titulaire, exiger tout
renseignement relatif à l'application de la présente loi, de
même que la production de tout document s'y rapportant. Par le biais de
l'article 15, un nouveau droit d'appel est institué cette fois-ci
auprès de la Cour provinciale, c'est-à-dire lorsque l'appel
auprès de la régie est jugé insatisfaisant.
Il serait intéressant de soulever certaines inquiétudes
quand l'article 20 donne à la régie la responsabilité de
veiller à ce que la sécurité et l'intégrité
des personnes dans les sports soient assurées. Cet article
prévoit également que la régie doit voir à
préserver le bon renom des sports de chacune des
catégories visées à l'article 40. Ainsi, en ce qui a trait
à la sécurité, qui est en soi une notion objective pouvant
être évaluée, mesurée en fonction de critères
objectifs, cela ne pose pas de problème. Là où cela pose
des problèmes, c'est lorsque l'on s'attaque à
l'intégrité des personnes, notion, à mon avis, fort
subjective et au bon renom des sports.
Il est fort difficile de définir objectivement ces deux notions
et d'en confier la surveillance à un organisme statutaire. Est-ce
vraiment là le mandat de la Régie de la sécurité
dans les sports au Québec? Là où on peut aussi se poser
certaines questions, c'est sur les pouvoirs d'enquête et de
vérification dévolus à la Régie de la
sécurité dans les sports au Québec, pouvoirs qui sont
immenses. En fait, on soupçonne que l'intention du législateur
par le projet de loi 66 est de réglementer la boxe et le kick-boxing,
sports aux prises avec le monde de la pègre internationale. Toutefois,
en étendant ce genre de pouvoir à l'ensemble des sports de
combat, ne vient-on pas mettre en péril des manifestations sportives de
karaté et de judo? La volonté du ministre d'accroître les
pouvoirs d'enquête et de vérification entraîne
automatiquement une augmentation considérable des ressources humaines et
financières.
Enfin, l'article 17 du projet de loi apporte des modifications majeures
à l'article 55 actuel de la loi. En effet, cet article prévoit
l'établissement de normes relatives à la teneur des contrats
conclus par les personnes visées dans l'article 41, sports de combat,
notamment quant à leur durée et aux prestations respectives des
parties, y compris celles relatives à la bourse et a la
rémunération. Par cet article, le législateur accorde
à un organisme public, en l'occurrence, la Régie de la
sécurité dans les sports du Québec, un droit de regard
trop grand dans la libre négociation privée et dans la
détermination des prix. On ne peut évidemment pas être
contre ce projet de loi. Toutefois, il faudrait mettre en garde le ministre
face au précédent qu'il occasionne. (15 h 40)
Le juge Bernier souhaitait que la régie ait des dents. Elle en
aura lorsque le gouvernement adoptera le projet de loi 66. Son pouvoir
d'enquête sera quasi judiciaire. Les quelques modifications
apportées à l'ancienne loi permettront à la régie
d'expulser les indésirables de ce milieu. Lorsque le gouvernement aura
adopté le projet de loi 66, aucun candidat ne pourra obtenir un permis
de promoteur, de gérant ou d'entraîneur si ses
antécédents peuvent porter atteinte au renom des sports de
combat.
La bonne dizaine de nouveaux amendements s'appliquant à ce sujet
précis permettra sans aucun doute de faire le ménage dans le
milieu de la boxe professionnelle. Il semble bien évident que la
régie ait la ferme intention de contrôler le milieu des sports de
combat. Ainsi, même les imprimeurs de billets et les responsables de la
billetterie devront être titulaires d'un permis de la régie pour
effectuer leur travail. On veut ainsi contrôler les recettes des
différents événements sportifs et éviter les
fraudes toujours possibles.
L'intention du juge Bernier était claire. Il fallait
procéder à un grand nettoyage dans le but de rendre plus sain le
milieu de la boxe professionnelle. Il faut croire que le projet de loi va dans
la ligne de pensée du juge Bernier et que le projet de loi
déposé ici en cette Chambre, on ose l'espérer, permettra
d'atteindre cet objectif louable qui est de permettre un ménage dans le
milieu de la boxe professionnelle. - Les deux grands points que nous pouvons
relever de ce projet de loi qui a été présenté cet
après-midi sont, à mon avis, les suivants:
l'élément nouveau et l'intégration de la personne. Le but
visé est de préserver le bon renom des sports de combat. Nous ne
pouvons que nous réjouir des mesures qui sont mises de l'avant et
surtout nous réjouir d'avoir, au tout début, pris des initiatives
lorsque les besoins se sont imposés, puis mandaté et mis en
branle un comité d'étude qui, aujourd'hui, nous permettra
d'adopter une loi qui favorisera l'ensemble du monde sportif, l'ensemble des
sports de combat. Mme la Présidente, merci.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. M. le député de Matapédia.
M. Henri Paradis
M. Paradis (Matapédia): Merci, Mme la Présidente.
Je suis fier de m'associer au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche pour la célérité qu'il a mise pour produire un
tel projet de loi. On sait que cette situation qui perdure dans le domaine des
sports, plus particulièrement la boxe, a assez duré.
J'apprécie fortement que, depuis seulement six mois en poste, le
ministre nous présente un projet de loi pour régir ces
différents sports, plus particulièrement la boxe.
L'importance de la régie est fort éloquente, compte tenu
de la violence qu'on retrouve dans les sports aujourd'hui. On n'a qu'à
regarder dans tous les journaux. Il ne s'écoule pas une semaine sans
qu'on ne rapporte de la violence dans les journaux. Ce qui est
inquiétant, c'est que cette violence est transposée au niveau des
jeunes. À cet égard, regardons le hockey. Dans le hockey, plus
particulièrement, à tous les hivers il y a des accidents
très importants qui se produisent et qui souvent sont dus à
la
violence qu'on entretient de plus en plus dans les sports. À cet
égard, je pense qu'il faut absolument que la régie intervienne et
qu'on lui donne des pouvoirs pour intervenir dans les différents sports,
compte tenu que les enfants, évidemment, en sont, et de plus en plus,
les principales victimes.
Le projet de loi vise à réglementer les sports de contact,
plus particulièrement la boxe, le kick-boxing et le karaté.
Évidemment, ce sont des sports d'une violence importante, disons-le, les
statistiques sont là pour le prouver. Depuis 1945, entre autres, 335
morts sont dues au sport de la boxe. Plus particulièrement, dans la
période de 1970-1979, on peut dénombrer 63 personnes qui ont
succombé à des blessures à la suite de combats de boxe. Je
pense que c'est d'une importance capitale de régir et de
réglementer ces sports. Au Québec, on a connu l'accident de Ralph
Racine. Il n'en est pas mort, mais cela a été quand même
important pour nous et cela a tiré une sonnette d'alarme. En 1980, il y
a M. Cleveland Denny qui est mort, qui a succombé à ses blessures
à la suite du championnat canadien. On peut relancer le débat
dans cette optique sur l'abolition ou la réglementation du sport. Les
tenants de l'abolition nous diront que c'est inacceptable l'affrontement entre
deux êtres humains dans le but de - passez-moi l'expression knockouter
l'autre, c'est-à-dire de le terrasser. On sait que l'Association
médicale canadienne a démontré clairement que le knock-out
provoquait une sorte de commotion cérébrale, une attaque au
cerveau et, du même coup, par conséquent, attaquait l'organe vital
qu'est le cerveau.
L'Association médicale canadienne, en 1983, condamnait la boxe
professionnelle tout comme l'Association médicale américaine en
1984, qui emboîtait le pas. Cependant, dans d'autres circonstances aussi,
dans une société possiblement plus évoluée, les
tenants de l'abolition nous amèneraient à penser que ce sport
pourrait entraîner des accusations d'actes criminels parce que, compte
tenu des blessures ou de la mortalité qui peut s'ensuivre, on pourrait
en déduire que cela pourrait être un acte criminel que de
pratiquer ce sport.
On pourrait aussi faire une analogie avec la Rome antique, ce qui nous
ramènerait au temps des gladiateurs. Je vois que cela fait plaisir
à mon collègue de Terrebonne, compte tenu de la langue latine
qu'il possède bien. J'en suis fort heureux. Comme je vous le disais,
cela pourrait aussi nous ramener à la Rome antique. Sauf que ce qui est
essentiellement important là-dedans, c'est qu'un sport violent,
évidemment, attire la violence et les gens qui aiment la violence, ce
qui nous ramène au monde interlope ou plus particulièrement,
comme on dit, à celui du crime organisé.
C'est là la faiblesse de l'abolition comme telle de ce sport
pratiqué dans le contexte canadien, québécois et
nord-américain car -nous n'avons pas à le démontrer, je
pense que cela a été clairement démontré - le monde
interlope a une mainmise sur le sport qu'est la boxe.
Si on abolissait carrément la boxe, je pense que ce serait une
abdication du gouvernement face au crime organisé ou face, plus
particulièrement, au monde interlope. En conséquence, nous
aurions possiblement à vivre un recul et on se retrouverait avec de la
boxe clandestine. On pourrait facilement organiser des combats de boxe
clandestins, évidemment, sans contrôle des personnes et sans
contrôle du corps médical. On retournerait de façon
très importante en arrière et cela amènerait les gens
à penser que nous abdiquons face à ce sport. (15 h 50)
On pourrait du même coup soulever, parce qu'on vit dans une
société particulièrement évoluée, les
questions de liberté de la personne, de ses gestes et de ses actes.
Alors, nous devons réglementer pour assainir ce sport; nous devons
donner des pouvoirs à la Régie de la sécurité dans
les sports. C'est ce que le projet de loi préconise. De la même
façon, en lui donnant des pouvoirs d'enquête, cela permettra, en
toute connaissance de cause et des motifs de ceux qui demandent les permis
concernant la tenue de ces sports, de délivrer un permis si les gens
sont trouvés en règle ou de le refuser ou de le suspendre, voire
même l'annuler.
La conséquence des pouvoirs accordés à la
régie, évidemment, cela va amener une protection importante pour
les concurrents contre les "match makers", les promoteurs, les gérants,
les entraîneurs ou tous les autres intervenants qui voudraient fausser
les règles du jeu de ce sport. Cela permettrait aussi le paiement des
indemnités, des ristournes, des pourcentages prévus aux
concurrents, tels les droits de télévision ou autres. Dans le
passé, on a trop vu des boxeurs ou des concurrents se faire
littéralement voler pour ce genre de sport spectacle. Cela va nous
permettre aussi, parce que ce sera un organisme gouvernemental qui aura une
emprise sur ce sport, avec des normes équitables et raisonnables, de
percevoir les taxes qui sont dues au gouvernement, ce qui est non
négligeable, évidemment.
On pourra voir, par les pouvoirs qui seront donnés à la
régie, que l'intérêt public passe au-dessus de tous les
intérêts commerciaux qui sont reliés à ce sport et
enfin et surtout - et surtout - enrayer l'infiltration du crime organisé
ou du monde interlope dans la pratique de ce sport.
Mme la Présidente, nous devons adhérer à ce projet
de loi, puisque le statu quo se
voudrait une caution au crime organisé qui s'est infiltré
et qui a une mainmise sur la pratique de ce sport, aussi bien au Québec
qu'au Canada. Pour toutes ces raisons, je me dois d'appuyer le projet de loi du
ministre et je voterai pour ce projet de loi.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Matapédia. M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de
l'Opposition.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Je pense que - le
ministre l'a d'ailleurs mentionné au cours de son allocution - ce n'est
pas le possible combat Frazier-Cléroux qui a incité la
Régie de la sécurité dans les sports à vouloir
réglementer les sports de combat. Elle avait avant cela amorcé
sérieusement un travail de réflexion sur toute cette question des
sports de combat, en particulier la boxe et le kick-boxing.
Il faut dire que la loi actuelle de la Régie de la
sécurité dans les sports octroyait le pouvoir à la
régie de réglementer les sports de combat, à condition,
bien sûr, qu'elle fasse adopter par le Conseil des ministres, par le
gouvernement, des règlements en ce sens. Donc, il y a en quelque sorte
deux opérations parallèles qui ont été
enclenchées à ce sujet; une première opération qui
a été conduite par la Régie de la sécurité
dans les sports, qui a fait une étude approfondie de toute la question
et qui a mis au point, par la suite, un projet de règlement pour
régir les sports de combat. Ensuite, ce projet de règlement a
été soumis au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche de l'époque - j'en sais quelque chose, puisque c'est moi qui
étais titulaire du ministère à ce moment-là.
Parallèlement à cette opération - on l'a également
évoqué tantôt - le ministre de la Justice a mis sur pied un
comité, présidé par le juge Raymond Bernier pour analyser
et étudier un aspect tout particulier de ces sports de combat, soit
toute la question de l'intrusion, de l'influence, de l'ingérence de ce
qu'on appelle le monde interlope particulièrement dans le milieu de la
boxe. Le comité Bernier a lui aussi amorcé toute une étude
sur le milieu de la boxe et sur toute la question des sports de combat. Il a
déposé un rapport contenant des propositions d'amendement
à la Loi sur la sécurité dans les sports.
Donc, ces deux mouvements parallèles aboutissaient aux
mêmes résultats. Si on voulait véritablement régir
efficacement les sports de combat, il fallait nécessairement des
amendements à la Loi sur la sécurité dans les sports.
C'est pourquoi, étant titulaire de ce ministère à
l'époque, j'avais décidé de ne pas acheminer au Conseil
des ministres le projet de règlement de la Régie de la
sécurité dans les sports parce qu'on m'avait convaincu que ce
règlement aurait été inefficace à certains
égards, s'il n'avait pas été accompagné
d'amendements à la loi elle-même pour rendre plus efficace la
réglementation de ces sports de combat.
Ces propositions d'amendement, on les retrouvait en très grande
partie dans le rapport du comité Bernier. Le comité Bernier
proposait un certain nombre d'amendements à la loi, qu'on retrouve
d'ailleurs dans le projet de loi 66 présenté par le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. C'est d'ailleurs à la suite
de tout cela qu'à l'époque j'avais recommandé au Conseil
des ministres de nommer le juge Raymond Bernier président de la
Régie de la sécurité dans les sports en remplacement de M.
Néron dont le mandat prenait fin.
L'une des raisons de cette nomination, je pense, était
évidente. C'est que le juge Bernier avait acquis une solide connaissance
des sports de combat, une solide connaissance du fonctionnement des sports de
combat, et du milieu de la boxe en particulier. Comme il y avait beaucoup
à faire de ce côté-là, en particulier toute la
réglementation, j'avais cru bon et souhaitable de recommander sa
nomination à la tête de la Régie de la
sécurité dans les sports. Quelque temps après - cela n'a
rien à voir avec le projet de loi, mais il n'est peut-être pas
inutile de le mentionner - j'avais également recommandé la
nomination de M. Duquette comme vice-président, qui complétait
admirablement M. Bernier puisque M. Duquette avait, de son côté,
une solide connaissance et une bonne expérience du sport amateur. Il
connaissait fort bien le milieu des fédérations, le monde
associatif. Alors, je trouvais que cela faisait, comme on dit, une très
bonne combinaison.
Ceci étant dit, ce qu'on constatait à l'époque et
ce que l'actuel ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a lui
aussi constaté, c'est qu'il apparaissait essentiel, d'abord, que la
Régie de la sécurité dans les sports ait un pouvoir de
contrôle et de surveillance des sports de combat partout au
Québec, sur l'ensemble du territoire, et se substitue, par
conséquent, aux deux commissions athlétiques qui fonctionnaient
et qui fonctionnent encore, celle de Montréal et celle de Québec.
C'est donc dire qu'actuellement les sports de combat au Québec ne sont
véritablement régis et réglementés qu'à deux
endroits, à Québec et à Montréal. Partout ailleurs
au Québec, les sports de combat ne sont en aucune façon
réglementés ou régis, particulièrement en
matière de sécurité.
C'est un élément important: la régie aura
maintenant un pouvoir de contrôle et de surveillance sur tout le
territoire du Québec en matière de sports de combat. Cela
m'apparaît un élément essentiel. Sur ce point, il est
évident que nous sommes pleine-
ment d'accord. (16 heures)
Un deuxième point essentiel, c'est en matière de
contrôle et de surveillance des sports de combat et des manifestations
sportives. La question importante qui se pose à ce sujet, c'est comment
en arriver à contrôler et à mieux surveiller les
manifestations sportives dans le domaine des sports de combat? La
réponse, à l'époque, la réponse, maintenant - on
peut le voir par le projet de loi 66 - c'est par la délivrance de permis
tel que stipulé à l'article 8 du projet de loi 66: Pour avoir le
droit de participer à une manifestation sportive dans le secteur des
sports de combat, soit à titre d'organisateur, de concurrent, de
gérant, d'entraîneur, de soigneur, d'officiel, il faut être
titulaire d'un permis qui est délivré par la Régie de la
sécurité dans les sports. Donc, la façon d'exercer un
contrôle, une surveillance sur l'organisation et la tenue de
manifestations sportives, c'est par la délivrance d'un permis. Cela me
paraît le moyen souhaitable et probablement le seul efficace dans les
circonstances. Là-dessus aussi, je suis pleinement d'accord avec la voie
choisie.
Le problème qui se posait relativement à la
délivrance des permis, c'était d'ailleurs l'une des faiblesses du
projet de règlement soumis par la Régie de la
sécurité dans les sports à l'époque, c'est qu'il
est parfait, délivrer des permis mais comment en arriver en même
temps à empêcher l'infiltration, l'intrusion du monde interlope
dans le milieu des sports de combat? C'était là le
problème majeur soulevé par le comité Bernier, et l'une de
ses recommandations fondamentales, c'est justement d'en arriver à
empêcher, à stopper cette intrusion, cette ingérence du
monde interlope dans les sports de combat.
Je me permets de citer le rapport Bernier qui dit qu"'il faut
éviter l'intrusion et le contrôle des gens du monde interlope et
l'exploitation des concurrents et des consommateurs. Nos auditions, dit le
rapport Bernier, nous ont appris que ces gens se font une gloire de
contrôler la carrière de jeunes vedettes et qu'ils utilisent des
gens sur lesquels ils ont de l'influence afin d'agir comme gérant des
compétiteurs. La Commission athlétique de Montréal
essayait tant bien que mal d'empêcher cette pratique en consultant les
policiers avant de délivrer des permis. Il est temps, croyons-nous, de
permettre à la régie de connaître à qui elle a
affaire avant de délivrer un permis de promoteur ou de gérant.
Cela ne peut se faire qu'au moyen d'une enquête sérieuse et
approfondie. Nous suggérons que cela puisse se faire à
l'intérieur d'une procédure quasijudiciaire dans le but de
s'assurer de la véracité des renseignements ainsi colligés
et du bien-fondé de la décision relative à l'octroi, au
refus, à la suspension ou à la révocation du permis."
Donc, empêcher, par le biais de la délivrance des permis,
l'intrusion, l'ingérence, l'intervention du monde interlope. Comment, de
quelle façon? Le rapport Bernier est clair là-dessus. Un premier
moyen, c'est la possibilité, le pouvoir pour la régie de faire
enquête, de faire une enquête approfondie. C'est ce qu'on retrouve
comme amendement proposé par le ministre. À l'article 11, on
ajoute à 44.2, la régie peut, après enquête, refuser
de délivrer un permis exigé par l'article 41. Possibilité,
pouvoir pour la régie de faire enquête.
Un deuxième moyen, la possibilité pour la régie de
refuser, dans certains cas, dans certaines circonstances, la délivrance
d'un permis. Ces conditions, on les retrouve dans le projet de loi. Je les
reprends, l'une après l'autre. Il pourrait y avoir refus après
enquête, lorsque le requérant a été reconnu coupable
ou s'est avoué coupable d'une infraction pénale ou criminelle
ayant un lien avec une activité visée à l'article 41,
c'est-à-dire tout ce qui concerne l'organisation d'une manifestation
sportive dans le secteur des sports de combat. Cela va. Deuxièmement,
lorsque le requérant est incapable d'établir sa capacité
d'exercer avec compétence et intégrité l'activité
pour laquelle il sollicite ce permis, compte tenu de son comportement
antérieur dans l'exercice d'une activité visée à
l'article 41. Là, je vous avoue que cela va un peu plus loin, parce
qu'il n'y a pas de condamnation, il n'y a pas d'infraction. La régie
refuse, compte tenu du comportement antérieur de la personne qui demande
un permis. Le paragraphe 3 va encore plus loin: "lorsque la régie a des
motifs raisonnables de croire que ce refus est nécessaire pour assurer,
dans l'intérêt public, l'exercice compétent et
intègre des sports de combat et le maintien de leur bon renom." Des
motifs raisonnables. Évidemment, là, on va pas mal plus loin.
L'alinéa 3 permet à la régie de refuser un permis à
une personne qui n'a pas commis d'infraction pénale ou criminelle, qui
n'a pas connu de condamnation de la part d'un tribunal. Cela va pas mal loin.
Je me souviens qu'à l'époque, quand on en discutait, plusieurs
affirmaient que cela pouvait aller à l'encontre de la Charte des droits
et libertés de la personne. Même au sein du ministère de la
justice, il y avait des avis juridiques démontrant qu'accorder un tel
pouvoir à la régie, cela allait à l'encontre de la Charte
des droits et libertés de la personne.
Je le dis parce que je pense que c'est important de le mentionner.
J'aimerais que le ministre, à ce sujet, apporte certains
éléments de réponse. Est-ce qu'il a vraiment
complètement clarifié toute cette question relativement aux
pouvoirs accordés à la régie pour ce qui est de refuser un
permis à une personne pour des motifs raisonnables? Sur le
plan juridique, est-il solidement assuré que cela ne va pas
à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la
personne?
Cependant, il faut dire que - c'est le troisième point qui est
quand même important - le projet de loi prévoit, et cela me
paraît un élément plus que souhaitable, nécessaire,
un droit d'appel. Donc, si une personne se voit refuser ou suspendre son permis
pour les raisons que j'évoquais tantôt et si elle n'est pas
satisfaite, si elle juge qu'elle est lésée dans ses droits, elle
peut loger un appel devant la Cour provinciale. Cela me paraît un
élément essentiel qu'on doit retrouver dans un projet de loi de
cette nature. C'est au moins une garantie contre lès abus possibles,
contre l'arbitraire et peut-être un certain parti pris de la part de la
régie dans son travail de délivrance de permis.
Le dernier point que je voudrais toucher est relatif aux droits
exigés. Le ministre a choisi d'exiger des droits qui représentent
5 % des recettes brutes. Je me souviens, à l'époque, qu'il y
avait la possibilité d'imposer un montant fixe par manifestation
sportive ou un pourcentage des recettes brutes. Je vois que le ministre a
choisi le pourcentage des recettes brutes, soit 5 % en l'occurrence. Est-ce
suffisant pour couvrir les coûts entraînés par l'exercice
des nouvelles responsabilités de la régie en cette
matière? Peut-être que dans sa réplique le ministre pourra
nous donner quelques indications à ce sujet parce qu'il est
évident qu'il va falloir des ressources humaines additionnelles pour que
la régie puisse exercer dans tout le Québec ses nouvelles
responsabilités en matière de sports de combat. (16 h 10)
Cela implique sans doute un accroissement de ses ressources humaines,
donc un accroissement des coûts aussi. Est-ce que les droits de 5 %
recueillis à l'occasion des manifestations sportives seront suffisants?
Est-ce que cela rapportera suffisamment pour permettre l'autofinancement en
quelque sorte, puisque je pense que c'est sans doute un des objectifs
poursuivis d'en arriver à une certaine forme d'autofinancement, que les
droits perçus puissent être suffisants pour pouvoir financer ces
nouvelles responsabilités et payer le personnel requis pour
contrôler, surveiller les manifestations sportives et les sports de
combat.
Voilà les quelques remarques que j'entendais faire. Quant
à moi, sur le principe, je suis pleinement d'accord avec ce projet de
loi. Il est probable que si nous étions restés plus longtemps au
pouvoir, nous en aurions déposé un similaire ou semblable parce
qu'il apparaissait évident, à l'analyse des données, que
la Régie de la sécurité dans les sports n'avait pas
suffisamment de pouvoirs en vertu de la loi actuelle pour exercer efficacement
un contrôle et une surveillance des manifestations sportives dans le
secteur des sports de combat. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. le député de Mille-Îles.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais
déclarer au début de mon intervention que je voterai pour ce
projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les
sports, qui m'apparaît d'une importance vitale pour notre
société.
En premier lieu, j'aimerais vous représenter que le gouvernement
du Québec, par le biais de la Régie de la sécurité
dans les sports du Québec - je fais référence au rapport
annuel de 1984 - consacrait à la sécurité dans les sports
au Québec une somme de 2 745 000 $, soit 0,01 % du budget global de
l'État. Il m'apparaît que cette somme est très infime
compte tenu des besoins et qu'elle a été très bien
utilisée. La preuve en est que le projet de loi est déposé
devant nous aujourd'hui en cette Chambre et que nous en discutons en
première lecture.
J'aimerais reconnaître, comme l'a fait le député de
Lac-Saint-Jean, que le parti gouvernemental antérieur au 2
décembre 1985 avait procédé à élaborer ou
à mettre dans le grenier, si on peut dire, les semences pour que la
terre soit ensemencée. J'aimerais également souligner que depuis
1964 - cela a été reconnu par des gens de la Presse -l'actuel
gouvernement du Parti libéral du Québec a le courage politique de
faire ce que d'autres n'ont pas fait jusqu'à maintenant.
J'aimerais souligner à cet égard dans le journal La Presse
du mercredi 16 avril 1986, je cite Jacques Bouchard, page B-8: "Un fait
demeure. Les gouvernements qui se succèdent à Québec
depuis 1964 n'ont pas eu la volonté d'intervenir fermement pour nettoyer
un secteur d'activité qui demeure tout de même très
marginal ici. Et ce, malgré de multiples engagements. Pour mettre fin
à la loi de la jungle qui définit depuis trop longtemps les
règles qui prévalent dans cet univers un peu particulier, il faut
bien l'admettre, il n'y a qu'une seule solution, donner au plus tôt des
pouvoirs étendus à la Régie de la sécurité
dans les sports." C'est ce que l'actuel gouvernement du Parti libéral a
le courage de faire.
Cela étant dit, bien sûr le débat sur la violence
comme phénomène social de notre société est un
débat qui ne se terminera pas avec l'actuel projet de loi. C'est un
débat très vaste qui nous implique tous et chacun dans chacun de
nos milieux sociaux,
familiaux, dans les milieux sportifs et, également, dans nos
milieux de travail, parce que la violence, que ce soit dans les loisirs ou dans
le sport, se manifeste sous différentes formes. Plusieurs personnes ont
demandé à certains. États, entre autres, une commission de
1986, au New Jersey, a réclamé l'abolition du sport de combat
qu'était la boxe; mais le choix de l'actuel gouvernement du Parti
libéral du Québec n'est pas de procéder à
l'abolition de ce sport de combat. C'est plutôt, Mme la
Présidente, de réglementer le déroulement de
l'activité physique et de protéger au maximum
l'intégrité physique et la sécurité physique des
pugilistes et des intervenants, de ceux qui pratiquent les sports de
combat.
Faisons un petit historique sans remonter trop loin. En 1977, bien
entendu, nous nous souvenons du comité d'étude sur la violence au
hockey amateur au Québec sous la signature de l'ex-président de
la Régie de la sécurité dans les sports, Gilles
Néron, qui avait fait un excellent boulot et qui a été, en
fin de compte, le précurseur des mesures qui sont contenues dans le
projet de loi d'aujourd'hui.
Venons-en au coeur de mon intervention. Quand on discute en
deuxième lecture du principe d'un projet de loi, il y a deux aspects: il
y a les mots, les articles, les dispositions du projet de loi 66 tel
qu'édictés et contenus pararaphe par paragraphe dans le feuillet
que je tiens dans mes mains. Il y a également les principes
sous-jacents, les principes qui sont véhiculés par les
dispositions du projet de loi; ces principes reposent sur des valeurs de
société, sur une façon commune, sur un consensus social
que la société détermine par voie de discussions, de
compromis ou d'arbitrages. Si on remonte jusqu'à l'antiquité, Mme
la Présidente, comme le disait le député de
Matapédia tantôt, le sport ou les sports de combat étaient
des dérivés de ce qu'on appelait une institution et une
utilité, soit la guerre. Par la suite, au fur et à mesure des
années, les sports de combat sont devenus une activité physique
et ont exigé de ceux qui pratiquent ces sports un dépassement de
leurs propres capacités personnelles pour atteindre des sommets de
condition physique et d'exploit que nous acclamons tous.
Depuis ces temps anciens, la violence est présente dans notre
société sous diverses formes et j'oserais dire que la violence,
c'est non seulement un phénomène social, mais c'est une
institution, car, au cours des années, au cours des décennies
passées et même des siècles passés, nous avons
créé avec la violence une institution. Remontons à
quelques faits que j'aimerais citer au hasard des événements, en
faisant une brève rétrospective. Le célèbre combat
qui est devenu une classique, le 20 juin 1960, à New York, entre deux
magnifiques athlètes, Ingemar Johansson et Floyd Patterson. Ces deux
athlètes s'étaient donné des coups d'une façon
extraordinaire et ni l'un ni l'autre n'avait à se blâmer d'avoir
perdu le match. Ils ont démontré et laissé à tous
ceux qui ont visionné ce match une sorte de sentiment face à la
violence. Vingt ans après, jour pour jour, le 20 juin 1980, Cleveland
Denny, à Montréal, décède - étrange que ce
soit 20 ans après, jour pour jour - pour une maigre bourse de 18 000 $
moins les dépenses. Dans un autre domaine et non dans un sport de
combat, à Bruxelles, le 29 mai 1985, l'hécatombe du stade, un
match de soccer, 91 morts. À Pékin, trois semaines plus tard, en
1985, 747 blessés dont 126 policiers. Match de soccer. Un autre match de
soccer, L'Inter de Milan rencontrait l'équipe de Cologne en mars 1984.
Il y a eu tellement de violence que des amendes totalisant 75 000 $ ont
été infligées à l'équipe de Milan. (16 h
20)
On a simplement à regarder ce que la violence est devenue dans
notre société, dans les films qu'on nous présente, dans
les films qui sont reliés au sport. Vous n'avez tout simplement
qu'à fermer les yeux et à penser au films "Roller Derby" ou "Slap
shot", et vous voyez jusqu'où on en est rendu à placer
très haut dans notre société le phénomène de
la violence.
On est même allé, lors d'un match de hockey entre le Canada
et l'URSS à Toronto, en plein milieu d'un match de hockey, à
passer un message sur l'avion sud-coréen qui s'était fait abattre
par un avion de chasse soviétique. C'est quoi le rapport? Rapport
politique ou rapport d'animation de la violence qui fait un peu partie de tous
et chacun de nous.
Il y a également les vidéos, les vidéocassettes qui
infiltrent nos foyers, et où, constamment, Mme la Présidente, ce
n'est que violence. Trouver un film pour un de nos enfants qui ne contient pas
une minute de violence, c'est déjà un exploit pour un père
de famille. Je dois vous le dire, quelquefois j'ai des problèmes
à trouver des films qui n'ont pas cette tendance.
Ce que j'essaie de prouver, c'est ceci. C'est que notre
société a légitimé la violence au cours des
siècles, au cours des décennies. Ce n'est pas étonnant
qu'un sport comme le football ait détrôné en
intérêt public un sport comme le baseball, parce qu'il y a une
dose réglementée de violence.
J'aimerais vous citer le journaliste André Rocque dans le journal
Le Devoir du 15 juin 1985 qui déclarait: "En légitimant la
violence: mises en échec, placages, le sport de contact se
présente comme le substitut idéal à la violence sociale et
à la guerre. Cependant, ce substitut ne suffit pas longtemps. Le sport
de contact de notre époque exerce son attrait précisément
par la violence sur le terrain, laquelle gagne vite
les gradins." Un peu plus loin dans le même article: "II faut voir
le sport comme une institution tout comme la guerre. Une institution existe,
non pas tant pour encadrer une activité ou une transaction sociale, mais
pour assurer le respect et l'application d'une ou de plusieurs valeurs
jugées essentielles par le groupe social."
C'est comme l'inflation. L'inflation, c'est une institution pour
éviter que les groupes de travailleurs, les employeurs, sur les prix et
les salaires, ne se battent littéralement pour obtenir une part plus
importante soit de revenus ou soit d'augmentations sur les prix. Or, c'est une
mécanique, une mécanique de compromis, d'arbitrage.
Mme la Présidente, il me semble que le projet de loi vient
justement rendre un énorme service à la société.
C'est qu'il vient réglementer cette violence, et il faut
reconnaître qu'elle existe et qu'il y a nécessité qu'elle
soit réglementée de façon détaillée pour
assurer, dans les sports de combat, l'intégrité physique et la
sécurité physique des pugilistes et, également, pour
permettre à ceux qui travaillent dans ce milieu de pouvoir gagner leur
vie honorablement sans être toujours contraints par des gens non
désirables.
Sur le projet de loi lui-même, les députés qui m'ont
précédé en cette Chambre ont souligné, comme l'a
fait le député de Lac-Saint-Jean tantôt et comme l'a fait
le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et du Tourisme, qu'il
y a nécessité maintenant d'obtenir des permis pour participer
à une manifestation sportive -l'article 8 du projet de loi - à
titre d'organisateur, de concurrent, de gérant, d'entraîneur, de
soigneur ou d'officiel et également pour avoir le droit d'agir à
titre de partenaire d'entraînement. On pousse dans ce projet de loi la
sécurité physique de la personne jusqu'à
l'entraînement, car il n'y avait aucun contrôle sur le type de
violence exercé lors de l'entraînement. C'est bien évident
que lorsqu'un boxeur est en ronde d'entraînement, en séance
d'entraînement, il essaie de se pousser aux limites presque
extrêmes de sa capacité physique. De ce fait, peut-être que
quelquefois il y a exagération. Il y aura, en vertu du projet de loi, un
médecin désigné par la régie qui surveillera les
rondes d'entraînement et les périodes d'entraînement de nos
pugilistes.
Également, l'article 9 exige un permis pour permettre à un
organisateur ou à un officiel de participer à une manifestation
sportive. On veut bien réglementer, peut-être également
donner des cours, informer les arbitres, ceux qui imposent les règles du
jeu, avoir en tête que la manifestation sportive doit avant tout
protéger le pugiliste, la personne humaine qui est le boxeur ou le
kick-boxeur, selon les circonstances.
J'aimerais souligner l'article 11 du projet de loi amendant l'article
44.2 de la loi qui permet à la régie, après enquête
- et les pouvoirs sont quand même assez étendus - de refuser les
permis, mais le tout dans la perspective de permettre l'exercice
compétent et intègre des sports de combat et le maintien de leur
bon renom. Il s'agit du troisième paragraphe de l'article 44.2.
Il ne faudrait pas penser que parce que la régie détient
des pouvoirs d'enquête et qu'elle émettra des permis, les
accordera ou les refusera, on limitera ou brimera les libertés
individuelles de ceux qui demanderont des permis. Il y aura toujours
possibilité d'aller en appel de cette décision auprès de
la Cour provinciale. Relativement aux sports de combat, boxe, kick-boxing, ce
ne sont pas les seuls sports au Québec où déjà des
fédérations sportives ont accepté de suivre des
règlements relativement à la sécurité.
Permettez-moi de vous nommer une liste de fédérations sportives
qui ont toutes des règlements spécifiques quant à la
sécurité pour l'exercice de leur sport: la
Fédération québécoise des sports aériens, le
parachutisme, la Fédération québécoise de ski, la
Fédération de plongeon amateur du Québec, la
Fédération de tir à l'arc du Québec, la
Fédération québécoise de crosse, la
Fédération Auto-Québec, la Fédération
québécoise de soccer, la Fédération de gymnastique
du Québec, la Fédération équestre du Québec,
la Fédération de patinage à roulettes du Québec, la
Fédération de patinage de vitesse du Québec, la
Fédération de judo kodokan, la Fédération de sauts
en barils du Québec. C'est un prolongement de l'initiative
gouvernementale dans ce domaine qui nous amène présentement
à entériner en première lecture ce projet de loi.
Je termine mon intervention en vous soulignant que le projet de loi 66
n'a qu'un seul but: préserver et protéger
l'intégrité physique et la sécurité physique de la
personne humaine, qu'elle soit dans le ring, qu'elle soit dans les estrades ou
qu'elle soit également à la maison. La personne qui regarde et
qui voit un sport de combat est toujours influencée par les
règles et le comportement de ceux qu'elle voit au petit écran. Le
Parti libéral du Québec reconnaît l'importance de
légiférer et d'entériner ces principes de loi. Je suis
assuré qu'avec ce projet de loi, nous saurons relever le défi des
sports de combat, de la boxe, du kick-boxing et également des autres
sports. Pas seulement des sports de combat, mais des sports qui affectent la
masse, qui affectent la population. Nous veillerons à améliorer
l'intérêt des Québécois pour les sports et,
également, nous entérinerons concrètement les principes
contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec et dans la Charte canadienne des droits et
libertés, c'est-à-dire qu'il faut respecter en tout temps
la personne humaine, quel que soit le domaine d'activité ou elle exerce
une expérience humaine dans notre société. Je vous
remercie, Mme la Présidente. (16 h 30)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Mille-Îles. M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que je peux
poser une question au député de Mille-Îles? Est-ce qu'il
accepterait de répondre à une question?
La Vice-Présidente: En vertu du règlement...
M. Filion: Tantôt, dans votre discours, vous avez dit que
le gouvernement précédent n'avait pas eu le courage politique de
mettre en oeuvre la réforme qui est contenue dans le projet de loi. Ma
question est la suivante: Qui a mis sur pied le comité Bernier qui est
à la source du présent projet de loi?
M. Bélisle: Si les parlementaires en cette salle ont bien
écouté ce que j'ai dit dans mon discours, j'ai avoué que
le précédent gouvernement avait mis au grenier les semences. Je
pense que vous pouvez comprendre aisément que j'entendais
reconnaître une part de crédibilité à l'ancien
gouvernement dans la démarche qui a été faite, sauf que -
ce que j'ai dit, M. le député de Taillon, il faut le
reconnaître -l'acte législatif, le projet de loi, la confirmation
de la volonté politique, c'est le gouvernement du Parti libéral
du Québec qui l'a posé.
La Vice-Présidente: Cela étant dit, M. le
député de Taillon, vous pouvez continuer votre intervention.
M. Filion: Mme la Présidente, dès le départ,
je ferais remarquer au député de Mille-Îles ce qui suit:
D'abord, en 1979, l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur la
sécurité dans les sports; deuxièmement, c'est au printemps
1984, en mars, que le ministre de la Justice du gouvernement du Parti
québécois a confié - l'actuel chef de l'Opposition,
d'ailleurs - au juge Raymond Bernier le mandat d'étudier la boxe et le
kick-boxing. C'est au mois de juin 1985 que le rapport du juge Bernier a
été remis au ministre de la Justice. Nous sommes en juin 1986, le
gouvernement actuel a pris six mois pour étudier les recommandations du
rapport Bernier. Je ferai remarquer au député de Mille-Îles
que le gouvernement précédent n'a eu en ses mains les
recommandations du juge Bernier que pour une période d'environ quatre
mois.
Je voulais simplement faire remarquer ce point, car, dans un domaine
comme celui-là, il est important de comprendre le principe de la
continuité. En soi, dans beaucoup de pays, la boxe n'est pas une
matière sujette à une réglementation ou à une
législation. C'est parce que, au Québec, nous avons
éprouvé - comme cela existe ailleurs - certains problèmes
particuliers vis-à-vis des sports de combat que les gouvernements, peu
importe leur étiquette, et les législateurs, dans certains cas,
se sont intéressés au problème de la boxe.
Dans ce cas-ci, tout simplement pour rectifier les propos du
député de Mille-Iles, je pense qu'il est important de noter que
ce dossier a été l'objet d'une attention continue par les
différents gouvernements depuis, grosso modo, 1979.
Maintenant, qu'est-ce qui nous amène, cet après-midi,
à nous pencher sur ce projet de loi? Le rapport Bernier, dont je parlais
tantôt, a fait état d'une présence du monde interlope, du
milieu hautement criminalisé ou de la pègre, si on aime mieux,
à l'intérieur du sport de la boxe professionnelle. Le rapport
Bernier, on s'en souviendra, était divisé en deux parties, une
première partie qui contenait le résumé d'une longue
enquête qui avait été tenue par le juge Bernier et une
deuxième partie qui contenait des recommandations.
La partie qui contenait les recommandations a été rendue
publique par le ministre de la Justice au printemps dernier, tandis que la
partie du rapport Bernier qui concernait l'ensemble des faits qui ont
été amenés à la connaissance du juge Bernier lors
de ses travaux a été dévoilée lors de la
publication dans un journal du Québec d'une bonne partie de ce rapport.
Effectivement, la conclusion du rapport Bernier était que,
malheureusement, le milieu de la boxe professionnelle avait été
l'objet d'ingérence, d'une présence marquée par certains
individus reliés au monde interlope, individus qui, par leurs
intérêts souvent divergents, mais rarement athlétiques,
faisaient en sorte que ce sport était en partie contrôlé,
encore une fois, d'une façon nettement inadmissible dans une
société civilisée.
Comme le choix s'était posé au gouvernement
précédent, le choix s'est alors posé au gouvernement
actuel et celui-ci y a répondu de la même façon que le
gouvernement du Parti québécois. Quand on est en face d'une
situation telle que celle qui prévalait dans le monde de la boxe, on
peut choisir parmi les trois solutions suivantes: d'abord, on peut abolir
purement et simplement la boxe; on peut la tolérer, ne poser aucun geste
visant à modifier la situation actuelle et on peut, comme le
gouvernement précédent a choisi de le faire et comme le
gouvernement actuel a choisi de poursuivre,
tenter de légiférer, réglementer un peu mieux cette
activité sportive.
Dans ce sens, il me fait grandement plaisir, cet après-midi, de
concourir avec le choix exprimé par le ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche qui a fait le meilleur choix en pareille circonstance.
Abolir la boxe, solution totalitaire, autoritaire, qui n'aurait absolument rien
réglé. Peut-être même qu'à ce moment-là
on serait retourné à une certaine époque où la boxe
se pratiquait dans des garages avec des prix d'entrée...
Une voix: Des granges.
M. Filion: ...des granges, etc. Je pense que l'abolition pure et
simple de ce sport... Il s'agit quand même là d'un sport; c'est un
sport de combat, c'est un sport violent, mais c'est un sport qui remonte
à l'antiquité, comme l'ont souligné quelques-uns de mes
collègues avant moi. Ce n'est pas un sport qui date de quelques
décennies ou qui doit être raccroché nécessairement
au phénomène de la violence, comme l'a dit le
député de Mille-Îles. Je pense que le sport de la boxe doit
être dissocié des problèmes que notre société
connaît en termes de violence. Il s'agit là d'un sport que les
Grecs, entre autres, pratiquaient avec beaucoup d'art.
On aurait pu également - c'était le deuxième choix
- tolérer la situation actuelle, c'est-à-dire ne rien faire. Je
pense que le gouvernement précédent avait un peu indiqué
la voie par la création de la Régie de la sécurité
dans les sports et, également, par la mise sur pied du comité
Bernier qui, à l'époque, était juge à la Cour des
sessions de la paix, donc un personnage habilité à comprendre les
ramifications d'un milieu qui était infesté d'une mauvaise
façon. Le gouvernement actuel a choisi de couler son ancre à
l'endroit précis de la continuité, c'est-à-dire en faisant
en sorte qu'une meilleure réglementation, qu'un meilleur contrôle
de cette activité soit exercé.
Évidemment, on entend souvent, on a entendu pendant la campagne
électorale et on entend encore dans cette Chambre: Écoutez, le
gouvernement du Parti libéral n'a pas l'intention de réglementer,
le gouvernement du Parti libéral veut abolir les contrôles. Il y a
trop de règlements, trop de régies, trop de mécanismes de
contrôle, ces gens ont trop de pouvoirs. Je suis heureux de voir que
cette propagande politique, ce cliché politique véhiculé
par le Parti libéral lors de la dernière campagne
électorale n'a pas aveuglé le ministre qui a su reconnaître
que voilà un domaine où il faut agir. Cela aurait peut-être
été facile dans certains cas de donner suite à ce penchant
qu'a véhiculé le Parti libéral, mais, dans certains cas,
il faut intervenir. Nous en avons vu quelques-uns depuis six mois. C'est pour
cela que, lorsque les libéraux disent à la population: Nous
allons déréglementer, nous allons abolir les contrôles,
nous allons tenter de réduire la taille des régies, des offices
ou des conseils, des organismes chargés de contrôler la vie en
société de façon générale, il faut faire
attention quand on dit une chose semblable. Il y a plein d'exemples où
la société doit, par la voie du législateur, intervenir.
En voilà un, il y en aura d'autres. (16 h 40)
Cette intervention est utile aujourd'hui. Peut-être que, j'ose
l'espérer, dans dix ans, cette régie ne sera pas
nécessaire dans le secteur de la boxe. Peut-être que les pouvoirs
- nous allons le voir tout à l'heure - quand même énormes
confiés à la régie ne seront plus nécessaires dans
cinq, dix ou vingt ans. À ce moment-là, on réduira les
pouvoirs. Si la régie a accompli son mandat, on pourra l'abolir. C'est
cela, avoir une attitude ouverte, à la fois vis-à-vis des
organismes et des sociétés d'État, ne pas en faire des
Veaux d'or, des commandements de Dieu ni des Tables de Moïse, mais
examiner chaque situation d'une façon pratique, d'une façon
pragmatique, dans le meilleur intérêt de la population.
Certains auraient pu dire - il y a d'ailleurs des collègues qui
me l'ont mentionné - que, s'il y a un problème d'infiltration du
milieu hautement criminalisé dans le sport de la boxe, qu'on demande aux
policiers de faire leur travail. Je vois ici le Solliciteur
général. Je ne sais pas s'il interviendra sur le projet de loi.
Mais s'il le fait, je suis convaincu qu'il dirait: Écoutez, les
policiers font ce qu'ils peuvent, ils font tout ce qu'ils peuvent. Mais, dans
certains cas, il peut arriver, comme c'est l'espèce ici, que les forces
policières ne réussissent pas à déraciner tout ce
qu'il y a de mauvais dans un champ, comme cela peut être le cas
actuellement. Malgré les escouades spécialisées,
malgré l'excellent travail que fait la Sûreté du
Québec, en collaboration avec le juge Bernier dans ce dossier, force est
de constater que ce n'est peut-être pas suffisant pour redorer le blason
de ce sport.
Mme la Présidente, j'ai mentionné tout à l'heure
que les pouvoirs qui étaient accordés à la régie
étaient quand même énormes, pouvoir d'enquête,
pouvoir en ce qui concerne la délivrance ou non d'un permis, pouvoir de
confiscation, etc., et le champ d'application est très large. J'attire
simplement à ce stade-ci l'attention du ministre - il en disposera en
commission parlementaire - sur l'article 11 modifiant l'article 44.2. Cela a
été souligné par ma collègue, la
députée de Marie-Victorin, en ce qui concerne le paragraphe 3. On
dit que la régie peut refuser de délivrer un permis ou peut
même le confisquer ou l'annuler lorsque la régie a des motifs
raisonnables de croire que ce refus est nécessaire pour assurer,
dans l'intérêt public, l'exercice compétent et
intègre des sports de combat et le maintien de leur bon renom. Ces
critères contenus au troisième alinéa de l'article 44.2,
modifié par le projet de loi, ne seront pas faciles à
définir objectivement, en particulier l'exercice intègre des
sports et le maintien de leur bon renom. Les mots "maintien de leur bon renom"
me font sourire un peu quand on connaît le mauvais renom de ce sport.
Ici, on parle du maintien de leur bon renom. Il me semble que des concepts
comme l'exercice intègre des sports de combat et le maintien de leur bon
renom sont des concepts qui sont très larges et qu'on aura
peut-être de la difficulté à faire appliquer
concrètement par les personnes qui auront à décider
à la régie.
Je voudrais souligner également que ce projet de loi, on peut en
être sûr, on parle de boxe, je pense, est un projet de loi qui a du
muscle, qui a une bonne droite et une bonne gauche: des pouvoirs, comme je l'ai
dit, au niveau de la délivrance et de la confiscation des permis et,
également, des pouvoirs qui s'étendent dans le champ
d'application, non seulement à l'enceinte où a lieu le combat,
mais également aux intermédiaires, à ceux qui concluent
les contrats, aux partenaires d'entraînement, aux soigneurs, etc. Il y a
également une bonne droite, un solide jab de gauche et aussi un bon
uppercut. Je veux parler ici du financement. Le financement de la régie.
D'ailleurs, pour ma part, je félicite le ministre d'avoir cherché
l'autofinancement en partie, d'avoir cherché à
générer des revenus à la régie en faisant en sorte
que 5 % des recettes brutes des événements lui soient
versés. Évidemment, je ne sais pas quelles seront les
conséquences de ce mode de financement sur le budget annuel de la
régie, mais on peut supposer que ces 5 % vont varier
considérablement. Je me souviens d'un combat de boxe auquel j'ai
assisté au Stade olympique et où les recettes brutes
étaient énormes. Par contre, il y a des années, non
seulement pour la boxe, mais pour tous les sports de combat, qui sont plus
maigres en termes d'événements qui intéressent les
amateurs.
Dans ce sens, il y a une variation dans les revenus de la régie
qui, je l'espère, n'affectera pas son budget annuel. Ce n'est pas tout
d'avoir une loi qui a des muscles, qui a une bonne droite, une bonne gauche et
un bon uppercut. C'est important d'avoir les ressources humaines afin que les
inspections, les contrôles et les enquêtes qui sont
nécessités par la loi puissent être accomplis; cela prend
du monde pour faire cela.
J'entendais tantôt un député mentionner qu'on va
envoyer vérifier les partenaires d'entraînement, etc. Oui, mais
ça prend du monde pour faire cela. Quand on parle des contrats avec les
promoteurs ou les gérants, cela prend des gens qui vont se pencher sur
ces documents. Quand on parle de faire enquête pour vérifier si,
dans ce champ d'activité, un promoteur est apte, selon les
critères mentionnés dans la loi, à l'obtention d'un
permis, cela prend des gens pour faire les vérifications qui s'imposent.
Dans ce sens, cela prend donc des ressources humaines pour, j'allais dire,
inciter ces muscles qui sont contenus dans la loi à fonctionner. Il est
donc inévitable que la présente loi occasionne des coûts
supplémentaires, qui seront probablement surtout des coûts
reliés à l'engagement de nouveaux personnels. En commission
parlementaire, nous apprécierions, nous, de l'Opposition, de
connaître les prévisions du ministre de ce côté. Il
ne sert à rien d'avoir une belle loi, cela prend un peu plus. Cela prend
aussi des moyens pour la mettre en pratique, cette loi, afin qu'elle fonctionne
autant en hiver qu'en été.
Donc, en terminant mon intervention là-dessus, j'aimerais revenir
sur un aspect du dossier qui a été mentionné en cette
Chambre plus tôt lorsque le député de Mille-Îles a
confondu, d'une part, la violence et la boxe et, d'autre part, le soccer et la
boxe. Dans mon esprit, il existe une grande différence entre les sports
de combat et les autres sports. Les sports de combat ont pour objectif de
réduire la capacité physique des adversaires, c'est le but
même du sport. On donnait l'exemple tantôt du hockey ou du soccer.
L'objectif principal des autres sports, ce n'est pas d'affaiblir physiquement
l'adversaire. Dans la boxe, ce qui est considéré comme
étant, si on veut, le côté le plus spectaculaire de la
boxe, ce qu'on appelle le knock-out, c'est précisément
d'affaiblir l'adversaire au point où il ne se tient même plus sur
ses jambes.
Il y a une bonne partie, une certaine partie de la société
au Québec qui croit que ce genre de sport, où on cherche à
affaiblir la capacité physique de son adversaire au point où il
doive tomber, n'a pas sa place dans une société. Comme je l'ai
dit en ce qui concerne la boxe, il s'agit là d'un sport qui remonte
loin. Deuxièmement, à ce sujet, je ne voudrais pas que l'adoption
du présent projet de loi constitue un frein à cette
réflexion qui a été amorcée sur la place de ce
sport dans notre société. Pour ma part, encore une fois, je crois
que ce sport a sa place s'il est bien pratiqué, dans des conditions
humaines, décentes et sécuritaires mais, Mme la
Présidente, je sais qu'il y a une partie des gens qui nous
écoutent aujourd'hui à la télévision qui pensent
peut-être le contraire. (16 h 50)
Je dis ceci: Que la réflexion continue à ce
sujet-là. Il ne s'agit pas d'y mettre un frein, il ne s'agit pas
d'empêcher les gens qui ont une opinion contraire qui croient que
la boxe doit être abolie de cesser de s'exprimer, au contraire.
Qu'on alimente ce débat et si un jour notre société
atteint un consensus en ce qui concerne l'existence ou non de la boxe comme
sport, à ce moment-là, on pourra agir. Mais manifestement
aujourd'hui, au moment où on se parle, cette réflexion n'a pas
débouché de façon satisfaisante. On peut avoir une opinion
dans un sens ou dans l'autre, on peut aimer ou ne pas aimer ce sport-là
et, dans ce sens-là, je crois que le geste posé par le ministre
doit être félicité.
Je pense qu'il aura compris de mes propos que la commission
parlementaire qui suivra pourra aider peut-être à examiner
certains concepts contenus dans le projet de loi pour les resserrer, ce qui en
rendra l'application plus facile, ce qui résistera aussi peut-être
à l'examen des tribunaux, parce que certains pouvoirs de
réglementation ont été, par des jugements,
écartés lorsque la base réglementaire était plus ou
moins solide ou lorsque les concepts qu'on voulait appliquer, qu'on voulait
concrétiser en règlements n'étaient pas suffisamment
précis pour permettre aux utilisateurs de savoir où ils s'en
vont. Dans ce sens-là, avec cette réserve, Mme la
Présidente, je suis convaincu d'ailleurs que le ministre profitera des
travaux en commission parlementaire pour examiner avec Mme la
députée de Marie-Victorin, critique de l'Opposition en cette
matière, pour faire les examens qui s'imposent. Il nous fait plaisir,
quant à nous de l'Opposition, d'adopter à ce stade-ci le principe
du projet de loi 66. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taillon.
M. le député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux
d'intervenir brièvement sur le projet de loi 66, Loi modifiant la Loi
sur la sécurité dans les sports. Ce n'est un secret pour personne
qu'il existe depuis plusieurs années un problème sur tout ce qui
entoure la boxe et le kick-boxing tant et si bien que le
précédent gouvernement avait jugé opportun de mettre sur
pied un comité d'étude sur la question. Ce comité
d'étude a tenu 46 jours d'audiences privées au cours desquelles
il a entendu 105 témoins. Le comité a donc pu faire une
étude exhaustive du problème. Son rapport a été
transmis au ministre de la Justice et Procureur général à
l'été 1985 et ses recommandations furent rendues publiques par
notre gouvernement en mars 1986.
Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui découle
donc de ce comité. Le gouvernement n'a donc pas improvisé sur la
question. Tous les intervenants du milieu de la boxe et du kick-boxing ont
été consultés, boxeurs, entraîneurs, soigneurs,
gérants, promoteurs, journalistes, officiels et amateurs de boxe.
Essentiellement, voici ce que nous propose le projet de loi. Au-delà des
exigences actuelles de la loi, ce projet de loi exigera qu'à l'avenir
les partenaires d'entraînement, les imprimeurs ou responsables de la
billetterie soient titulaires d'un permis. Il ajoute aussi de nouveaux motifs
pour refuser la délivrance de permis ou pour le suspendre ou
l'annuler.
Il accorde à la Régie de la sécurité dans
les sports du Québec un pouvoir d'enquête ainsi qu'un pouvoir
d'inspection. Il propose aussi qu'un pouvoir réglementaire additionnel
soit accordé à la régie afin d'établir des normes
relatives à la teneur des contrats conclus par les personnes
appelées à participer de près ou de loin à une
manifestation de sport de combat.
Enfin, ce projet de loi établit en toute équité,
pour ceux qui sont visés par la loi, un droit d'appel devant la Cour
provinciale des décisions prises par la régie, notamment dans le
cadre de l'application de ces nouvelles mesures.
Je voudrais revenir quelques instants sur l'article 44.2 du projet de
loi qui définit les motifs que peut invoquer la régie pour
refuser un permis car c'est là où la loi a des dents, c'est
là que le législateur intervient avec le plus d'autorité.
Pour le bénéfice de la population, je crois qu'il faut expliquer
ces motifs, ces raisons qui nous justifient comme législateurs à
intervenir dans le processus par le biais de l'émission de permis.
La première raison qui peut nous permettre de ne pas donner un
permis, c'est lorsque le requérant a été reconnu coupable
ou s'est avoué coupable d'une infraction pénale ou criminelle
ayant un lien avec les sports de combat. La deuxième raison, c'est
lorsque le requérant est incapable d'établir sa capacité
d'exercer avec compétence et intégrité l'activité
pour laquelle il postule un permis. Si le requérant a fait faillite
trois fois dans ce genre de promotion, il est bien clair qu'il n'aura pas de
permis. La troisième raison, c'est lorsque la régie a des motifs
raisonnables de croire que ce refus est nécessaire pour assurer dans
l'intérêt public l'exercice compétent et intègre des
sports de combat et le maintien de leur bon renom. La quatrième raison,
c'est lorsque la régie a des motifs raisonnables de croire que la
demande est faite au bénéfice d'une autre personne; en d'autres
mots, lorqu'une personne demande un permis en lieu et place d'une autre,
sachant que cette dernière se le verrait refuser.
Le gouvernement a traité ce dossier de façon
éclairée. Certains observateurs auraient voulu que nous
intervenions avec beaucoup
plus de sévérité. Certains même ont
parlé d'abolir la boxe. La Presse, Montréal, le mercredi 16
avril: "Abolir la boxe?" La Presse, Montréal, le 15 avril: "Fuite sur le
rapport Bernier, un débat sur l'abolition de la boxe est à
prévoir". Vous me permettrez de citer Liliane Lacroix: "Les
révélations de l'ex-triple champion mondial, Wilfredo Benitez,
selon qui son combat récent contre Matthew Hilton avait
été truqué, n'est pas non plus de nature à arranger
les choses ou à redorer le blason déjà passablement terni
de la boxe. Il est certain que le débat refera surface, admet-il, mais
il s'agit là d'un choix de la société. Il appartient au
gouvernement choisi par les citoyens de prendre les décisions qui
s'imposent." Mme la Présidente, c'est ce que nous faisons en cette
Assemblée aujourd'hui.
Nous avons agi avec circonspection dans ce dossier. Nous avons
respecté le gagne-pain des intervenants du monde des sports de combat,
mais non sans les régir davantage. Nous leur disons: Vous pourrez
continuer à exercer votre métier, mais nous avons le devoir comme
gouvernement de réglementer votre activité pour vous
protéger d'abord vous-mêmes et pour protéger les amateurs
de sports de combat.
Mme la Présidente, compte tenu des accidents qui sont survenus
ces dernières années dans le monde de la boxe et des sports de
combat, compte tenu de la mauvaise réputation qui, malheureusement,
entoure certaines organisations sportives - les journaux en ont fait
abondamment état - le gouvernement, notre gouvernement devait agir et
cela, dans le meilleur intérêt des athlètes
eux-mêmes, de ceux qui travaillent dans l'industrie du sport de combat et
des amateurs de sports de combat eux-mêmes.
Mme la Présidente, ce projet de loi était attendu depuis
longtemps par le monde de la boxe et par les amateurs, et je suis heureux qu'il
soit à l'étude devant cette Assemblée. Je vous
remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taschereau. M. le député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. C'est la
première fois, depuis que je suis député de l'Opposition,
que j'interviens en faveur d'un projet de loi.
Des voix: Bravo!
Une voix: Remarquez la date.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, si on a un projet de
loi devant nous, c'est entre autres parce qu'un de mes anciens collègues
a fait son devoir et je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte ici
pour lui rendre hommage. Cet ancien collègue, c'est un journaliste du
Journal de Montréal, Michel Auger, qui a été l'auteur
d'une série d'articles qui a amené finalement le gouvernement
précédent et maintenant le gouvernement actuel à
légiférer. Prenant des risques, Mme la Présidente, ce
journaliste a mis au jour toute une série de liens qui impliquaient un
certain nombre de personnes mêlées ou intéressées au
sport de la boxe professionnelle et des personnages du monde interlope, de la
pègre montréalaise. (17 heures)
Je sais, pour avoir pratiqué ce métier de journaliste dans
ce secteur particulier, que cela comporte un certain nombre de risques et que,
néanmoins, il faut que des journalistes, à des moments
donnés, prennent des risques pour que certaines situations
éclatent au grand jour et qu'enfin on puisse trouver les justifications
pour intervenir et mettre fin aux contrôles et aux abus qui affectent,
non seulement des athlètes, non seulement des entraîneurs, mais
également le public en général. Je crois qu'à cet
égard, et le ministre sera sans doute d'accord avec moi,
l'Assemblée nationale doit reconnaître que, si aujourd'hui elle
légifère, c'est parce qu'il y a des gens dans le monde de
l'information qui ont fait leur travail et qui l'ont fait efficacement,
correctement et avec brio également.
Je pense qu'à cet égard, quand on lit et qu'on a pris
connaissance des révélations qui ont été faites par
Michel Auger et, par la suite, grâce à Michel Auger, quand on
prend connaissance du rapport de la commission Bernier, parce que, Mme la
Présidente, il a fallu aussi des fuites journalistiques, technique que
je connais bien quand j'étais journaliste, pour que la population prenne
conscience de la gravité de la situation...
J'ai beaucoup de respect pour le travail des commissaires
enquêteurs, les gens qui ont travaillé avec le juge Bernier, mais
je dois reconnaître et je l'ai même dit à des gens de mon
côté que, à mon avis, des commissions comme
celle-là, même s'il faut prendre des précautions pour
protéger l'identité des témoins et des gens qui donnent
l'information, que l'un des effets les plus importants qu'elle peut avoir,
effet positif, c'est que les révélations puissent être
diffusées, puissent être connues du grand public. Je suis
convaincu que, dans les milieux sportifs et dans l'opinion publique en
général, on n'aurait pas compris et on n'aurait pas
accepté avec autant de facilité le projet de loi qui est
présenté aujourd'hui si on n'avait pas pris connaissance des
dessous de cette enquête du juge Bernier.
Je veux comprendre que le juge était frustré et
peut-être même choqué, ainsi que ses collègues, de
voir s'étaler, alors qu'ils avaient décidé qu'il n'en
serait pas ainsi, des
informations dans le grand public, mais je suis convaincu, Mme la
Présidente, qu'il était d'intérêt public que ces
informations soient connues et publiées.
Je pense que, quand on regarde ce qui s'est passé pendant ces
années où on a vu des bandits, disons les choses comme elles
sont, des criminels professionnels contrôler l'activité sportive
de certains athlètes et l'organisation de manifestations sportives, il
nous faut permettre qu'on ait les moyens de stopper ce genre d'infiltration, ce
genre de contrôle des gens de la pègre et qu'on ait des outils
efficaces.
Par expérience, je peux vous dire que ce n'est pas vrai qu'on
peut lutter efficacement contre ce genre d'emprise avec des moyens ordinaires.
Il faut, et on doit le reconnaître, se donner les moyens efficaces pour
empêcher des comportements et des prises de contrôle du monde
interlope comme on en a connu au cours des dernières années. Il
en va de la réputation d'athlètes, il en va de la
sécurité d'athlètes, il en va de la réputation des
sportifs en général et il en va de la réputation du
Québec entier. Le Québec ne doit pas être connu en
Amérique du Nord et dans le monde comme un endroit où certains
sports professionnels de combat sont des manifestations qui sont sous la coupe,
l'emprise et le contrôle plus ou moins total d'éléments
plus ou moins influents et importants dans le monde criminel professionnel. Par
ailleurs, autant je suis d'accord avec les mesures qui visent à
empêcher que les événements qu'on a dénoncés
et mis à jour se reproduisent, autant, comme un amateur moi aussi de
sports de combat, comme un adepte d'ailleurs de certaines disciplines de combat
plus asiatiques dans leurs origines, j'aimerais bien voir le ministre nous
préciser si les mesures qu'il introduit dans le projet de loi, si les
pouvoirs réglementaires qu'il introduit, qu'il donne à la
Régie de la sécurité dans les sports vont affecter les
disciplines de combat que sont, par exemple, les arts martiaux asiatiques. Je
sais que ces disciplines sportives dans plusieurs cas sont régies par
des fédérations sportives, mais pas toutes.
Je sais par ailleurs que les pratiquants et les adeptes de ces
disciplines de combat organisent parfois des manifestations publiques. Ce ne
sont pas des manifestations comme on peut en voir dans la boxe professionnelle
ou le kick-boxing que l'on confond souvent, malheureusement, avec le
karaté, alors qu'il y a tout un monde entre ces deux sports, ces deux
disciplines. Il y a des manifestations, il y a des compétitions, il y a
aussi des démonstrations qui se font en public. Est-ce à dire que
le projet de loi va introduire des mesures de contrôle qui pourraient
dénaturer la pratique de certaines disciplines sportives? Je vous donne
simple- ment un exemple pour ceux qui connaissent un peu comment cela se
déroule. Vous savez, quand on est un adepte du karaté, du
TaeKwon-Do ou des disciplines chinoises, de boxe chinoise comme les styles de
Kung-Fu, on pratique généralement ces arts martiaux à main
nue et sans protecteur souvent. On fait des combats contrôlés,
mais sans gant alors qu'en boxe professionnelle ou en boxe amateur, on a des
gants.
Est-ce que, par exemple, l'introduction des pouvoirs
réglementaires donnés à la régie vont faire en
sorte qu'on obligera maintenant les adeptes de ces disciplines sportives
à pratiquer leur discipline avec des artifices qui vont dénaturer
complètement la nature même de ces arts martiaux? Je peux vous
dire sincèrement que si on obligeait les pratiquants de karaté
à continuellement avoir recours à des gants, y compris dans les
salles d'entraînement, ce qu'on appelle les dojo, beaucoup d'entre nous
qui pratiquons ces arts martiaux perdraient une partie de leur
intérêt et trouveraient qu'on dénature complètement
les disciplines qu'ils pratiquent. Le nombre de personnes qui sont
intéressées par ces disciplines mériterait que le ministre
nous indique exactement ce qu'il en est dans sa réplique. Je lui en ai
parlé un peu tantôt. Je pense qu'il serait intéressant que
par la bouche des chroniqueurs sportifs, peut-être, qui suivent sans
doute les débats autour de cette loi, on puisse rassurer les gens qui
s'intéressent aux disciplines de combat qui ne sont pas des disciplines
de combat qui donnent lieu, généralement, à des
manifestations sportives de type professionnel comme on en retrouve dans la
boxe ou dans le kick-boxing.
Voilà les commentaires que je voulais formuler autour de ce
projet de loi qui modifie la Loi sur la sécurité dans les sports.
Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour inviter le ministre
du Loisir, de la Chasse, de la Pêche et ministre du Tourisme, qui est
responsable de la Régie de la sécurité dans les sports,
à s'intéresser encore plus qu'il ne l'a fait - je l'ai
sensibilisé à quelques reprises - aux disciplines dont je lui ai
parlé, que je viens de mentionner. Je crois qu'au sein des
fédérations sportives qui s'intéressent aux arts martiaux
orientaux et asiatiques, il existe un certain nombre de problèmes et
qu'il serait peut-être temps que le ministère ainsi que la
Régie de la sécurité dans les sports interviennent pour
que, par exemple, on puisse avoir des fédérations sportives dans
ces disciplines qui se dotent de règlements de sécurité
qui vont garantir dans leur cas également leur réputation. Je
peux vous dire qu'il suffit souvent dans les sports de combat professionnels ou
amateurs, d'un incident ou de quelques incidents isolés pour, par la
suite, ternir toute la réputation, rendre plus difficile la pratique de
ces disciplines et leur
donner une image qui ne doit pas être véhiculée.
(17 h 10)
À cet égard, je crois que le ministre pourrait profiter de
la présentation de ce projet de loi afin de passer des commandes dans
son ministère et d'aller plus loin, Je crois qu'on en est rendu
là au Québec. Il y a des pays, par exemple comme la France, qui,
sans aller dans la réglementation à outrance ou dans
l'ingérence de l'État, vont faire en sorte que, finalement, il y
ait certains standards de qualité d'enseignement et de reconnaissance
qui assurent au public en général, aux personnes qui
décident d'envoyer leurs enfants dans des salles d'entraînement ou
aux adultes qui s'entraînent dans ces disciplines, un enseignement de
qualité, sécuritaire et non dénaturé par des
exigences outrancières des enseignements qui vont faire en sorte qu'on
aura non seulement des gens qui se livreront à un passe-temps, à
une discipline sportive ou à une passion, mais également qui
pourront profiter d'un enseignement adéquat et se voir ouvrir des
circuits des compétitions internationaux, lesquels leur sont
actuellement interdits. Je donne juste un exemple pour illustrer mon propos. Le
ministre sait que, dans le domaine du karaté, à cause des
problèmes qui existent actuellement, il y a une minorité de
pratiquants qui, au Québec, ont accès au circuit de
compétition qui mène à la composition de l'équipe
du Québec. Je l'ai dit à plusieurs reprises au ministre et
à ses prédécesseurs, à mon avis, c'est une
situation inacceptable. Il doit y avoir moyen de régler les
problèmes, les conflits internes et les chicanes de chapelle qu'il y a
parfois entre les différentes organisations afin qu'à
l'égard de ces disciplines, quand vient le temps de composer des
équipes du Québec, le maximum de personnes puissent avoir
accès au circuit de compétition qui mène à la
formation de l'équipe du Québec dans ces diverses disciplines
pour qu'on soit assuré d'avoir, comme représentants, les
meilleurs éléments.
Par ailleurs, ces disciplines ne sont pas uniquement conçues pour
l'élite sportive, donc pas uniquement conçues en fonction des
compétitions de grande envergure et à la formation de
l'équipe du Québec. Voilà pourquoi il y a moyen
d'introduire des dispositions pour faire en sorte que la grande majorité
des pratiquants et des adeptes de ces disciplines puissent être
assurés que, de plus en plus au Québec, par la volonté
même des instructeurs et des pratiquants, nous aurons dans les
disciplines de combat, qu'elles soient d'origine orientale, asiatique et
occidentale, comme la boxe, des enseignements qui vont faire en sorte qu'on
aura une pratique de qualité.
Tant qu'à investir du temps, beaucoup de temps pour un jeune ou
pour un moins jeune de pratiquer ces disciplines, aussi bien que nous ayons au
Québec de la qualité qui se donne un peu partout. Je crois
qu'à cet égard, tout en évitant le piège de
l'intervention outrancière de l'État, il doit y avoir moyen que
le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche joue un
rôle qui peut être utile.
Ce sont les propos que je voulais tenir à l'occasion de la
présentation de ce projet de loi. Encore une fois, je crois que ce
projet de loi doit nous permettre d'intervenir afin que les incidents qu'on a
déplorés et qui ont été portés à
l'attention du grand public ne se reproduisent plus et qu'ils soient
impossibles dans l'avenir. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Verchères. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche,
en réplique.
M. Yvon Picotte (réplique)
M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez,
au tout début, de remercier ma collègue, la députée
de Marie-Victorin, la critique officielle en cette matière pour
l'Opposition, de même que chacun des parlementaires de cette Chambre qui
ont pris part au débat, pour la qualité de leurs interventions et
pour le sérieux avec lequel ils concourent à l'adoption, en
deuxième lecture, de ce projet de loi.
Force nous est de constater, M. le Président - c'est
agréable de le faire - qu'il y aura unanimité sur l'adoption du
principe du projet de loi, mais je pense que, dans un projet semblable, il faut
que nous prenions tous les mesures nécessaires pour contrôler
davantage ces sports de combat qui nécessitent, je pense, un regard
très attentif de la part de l'État.
Vous me permettrez de répondre le plus brièvement possible
à certaines interrogations soulevées par mes collègues
tout au long du débat sur l'adoption du principe. D'abord, concernant
les droits d'inspection, je dirai aux membres de cette Assemblée que le
Bureau des lois du ministère de la Justice a été
consulté et tout est conforme à la Charte des droits et
libertés de la personne. Nous avons pris la peine de vérifier et
de consulter. La même chose en ce qui concerne la délivrance d'un
permis, de même que la suspension et l'annulation. Le Bureau des lois du
ministère de la Justice a fait toutes les vérifications
nécessaires et je pense que cela ne contrevient en aucune façon
aux chartes des droits et libertés de la personne et nous avons pris
bien soin de faire ces vérifications pour nous assurer que notre loi
serait opérante et n'allait pas subir d'anicroche par la suite en appel
ou quoi que ce soit.
Pour répondre au député de Lac-Saint-Jean et au
député de Taillon qui
s'inquiétaient du refus d'accorder un permis, je dois mentionner
qu'un tel refus nécessite obligatoirement que la régie motive sa
décision. Chaque fois que la régie refusera un permis, elle devra
forcément motiver sa décision. C'est évident qu'il faut
qu'elle le fasse si on veut permettre à la partie adverse de faire appel
devant le tribunal. S'il n'y avait pas motivation de la décision, la
partie qui se voit refuser ce permis ne pourrait se présenter devant le
tribunal pour invoquer des faits autres que ceux que la régie a
établis au moment du refus. Il va de soi que la régie devra
motiver sa décision en cas de refus d'accorder un permis pour ces sports
de combat.
Mme la députée de Marie-Victorin s'est interrogée
sur le droit de regard de la régie qui semblait trop grand concernant la
libre négociation privée. Je lui dirai que ce droit de regard est
essentiel à la régie pour empêcher l'exploitation indue
d'une catégorie d'individus qui en ont besoin. Je n'ai qu'à
prendre l'exemple des concurrents. Je pense qu'ils ont besoin que nous ayons ce
droit de regard pour être bien sûr qu'un ou l'autre des concurrents
ne soit pas exploité. On m'a donné des exemples de certains
boxeurs qui sont liés à certains gérants par des contrats
de dix ans pour livrer certains combats. Vous savez ce que c'est, être
lié par un contrat de dix ans: dans ce domaine, on dit que la
carrière moyenne d'un boxeur est de huit ans. Cela veut dire que,
pendant toute sa carrière, un boxeur peut être lié à
un gérant et qu'il n'a plus un mot à dire. S'il s'est fait
exploiter au début, il doit continuer de se faire exploiter. Dix ans
après, il sera trop tard puisqu'il ne pourra plus boxer, sa
carrière étant terminée. À ce moment-là, la
régie doit avoir un droit de regard hors de tout doute pour être
bien sûre qu'il n'y a pas d'exploitation de ce
côté-là.
Le pouvoir d'enquête est immense, c'est vrai, mais combien
nécessaire pour contrer l'infiltration du monde interlope dans ce
domaine. Je pense que tout le monde en conviendra et on le savait depuis fort
longtemps. Le député de Taillon a dit au cours de son
intervention: Évidemment, le gouvernement légifère
présentement, mais nous n'avons pas eu le temps de le faire avant. On a
eu besoin de la commission Bernier, etc. Entre nous, on doit se le dire, tout
le monde savait bien avant la commission qu'il se passait des choses douteuses
dans ce domaine. Tout le monde le savait. Évidemment, la commission est
venue préciser un certain nombre de choses, est venue démontrer
un certain nombre de choses. À partir de là, si on veut
réellement que la commission puisse intervenir pour faire en sorte
d'éviter l'infiltration du monde interlope, elle doit avoir un pouvoir
d'enquête qui est immense. Mais il ne faut jamais oublier qu'en
contrepartie, nous offrons la possibilité... L'individu qui se voit
refuser un permis a toujours cette possibilité, à la suite d'une
décision de la régie de s'adresser à la cour provinciale.
Il a un droit d'appel. (17 h 20)
Le député de Lac-Saint-Jean s'est aussi interrogé
sur le choix des droits exigibles de l'ordre de 5 %. À titre d'exemple,
je lui dirai que la Commission athlétique de Montréal exige
présentement 5 %, ce qui lui rapporte environ 100 000 $ annuellement, ce
qui est amplement suffisant pour permettre son autofinancement. C'est la raison
pour laquelle nous avons choisi 5 %, parce qu'il nous semblait... Dans un
premier temps, lorsqu'on a parlé d'un montant minimum de 5000 $, il y a
eu beaucoup de critiques à ce sujet. Cela aurait peut-être encore
donné la possibilité uniquement à des gens fortunés
-on sait de quel milieu parfois - si on avait exigé 5000 $ au point de
départ, un droit fixe d'organiser ce genre de sports de combat. Nous
avons préféré les 5 % à cause de cela, et je dois
dire que, dans la réglementation, nous exigerons sans doute un minimum
de 1000 $ pour l'organisation de sports de combat. Le minimum sera de 1000 $,
ou 5 %, évidemment, s'il est supérieur, pour permettre à
la régie de faire ses frais et de procéder à un certain
autofinancement.
J'aimerais aussi mentionner que, finalement, à la régie,
il y avait déjà, l'an dernier, un montant de 275 000 $
prévu dans le budget de fonctionnement de la régie pour les
programmes de sports de combat. L'an passé, cela n'a pas
été utilisé ou à peu près pas. Cette
année, il y a déjà une partie de l'année
d'écoulée et cela n'a pas encore été
utilisé. Nous croyons qu'avec les 275 000 $ prévus pour ce
programme à la régie, de même qu'avec les droits et
redevances exigibles de 5 %, nous allons amplement faire en sorte qu'il y aura
autofinancement. Je dirai aussi à mes collègues que la
Régie de la sécurité dans les sports devait établir
des règlements de sécurité, en conformité avec les
différentes fédérations. Au moment où on se parle,
il y a déjà 47 règlements acceptés sur une
possibilité de 60. Il y a aussi des gens qui travaillaient plus
particulièrement dans ce domaine, qui seront disponibles pour travailler
au programme des sports de combat. Il y a, à la régie, une
quarantaine de personnes qui sont disponibles pour assurer le contrôle
que nous espérons pouvoir exercer après l'adoption de cette loi.
Ce qui veut dire que, finalement, cela ne fait aucun doute, il y aura
possibilité d'autofinancement. C'est probablement d'ici à deux
ans que nous pourrons évaluer si les 5 % sont suffisants ou si on ne
devrait pas modifier le pourcentage en cours de route, mais cela nous semble
raisonnable au moment où nous étudions ce projet de loi.
Je terminerai en rassurant le député de Verchères
qui a parlé plus précisément tout à l'heure du
karaté ou des arts martiaux. Cette loi va s'occuper uniquement du monde
professionnel. Tout ce qui est régi et qui fait partie des
activités supervisées par une fédération sportive
ne relèvera d'aucune façon de cette loi. À titre
d'exemple, le karaté contact... Vous savez sans doute - je ne pense pas
l'apprendre au député de Verchères, entre autres - que le
karaté contact est un sport où on utilise les pieds et les
poings. Ce qu'on appelle communément le "kick boxing", c'est le
karaté "full contact". Ce type de sport est régi par la
présente loi mais le karaté, dont faisait mention tantôt
mon honorable collègue, le député de Verchères, de
même que tout sport régi par une fédération sont
complètement exclus. Ce n'est pas du domaine professionnel, c'est ce que
l'on appelle le domaine amateur. Ce n'est pas notre intention et la loi ne
permettra pas à la régie, dans le secteur amateur, d'aller
vérifier quoi que ce soit. À partir de ce moment-là, des
ententes sont déjà conclues via la régie au point de vue
sécuritaire sur ce que l'on nous a suggéré quant aux
règlements de sécurité. Ce sont ces règlements de
sécurité qui ont été acceptés par les
fédérations et par la régie qui superviseront les sports
dits amateurs.
Un seul mot pour mentionner finalement que s'il n'y a pas eu publication
du rapport Bernier, ce n'est pas dû à la décision des
commissaires ou du juge Bernier; le juge Bernier et les commissaires ont
produit un rapport. Ce n'est pas à cette commission de décider si
elle doit rendre public ou non un rapport comme tel. Ce sont les politiciens
qui l'ont décidé, en commençant par le
prédécesseur du ministre actuel de la Justice, qui est chef de
l'Opposition, qui a décidé de ne pas rendre public ce rapport. Le
ministre de la Justice actuel a décidé, lui aussi, de ne pas le
rendre public. Par contre, la réponse que nous donnons aujourd'hui comme
gouvernement, c'est la présentation d'une loi régissant justement
ce domaine bien précis. J'ose espérer, Mme la Présidente,
que cette unanimité que nous avons constatée cet
après-midi en deuxième lecture va se refléter aussi lors
de l'étude article par article afin que nous passions à la
troisième lecture dans les meilleurs délais, permettant ainsi
à la régie de commencer à travailler dans le domaine des
sports de combat. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche. Le débat étant clos sur le projet de
loi 66, est-ce que le principe du projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la
sécurité dans les sports, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, Mme la Présidente,
je fais motion pour que le projet de loi soit déféré
à la commission de l'aménagement et des équipements pour
étude détaillée.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Mme la Présidente, je
vous demanderais d'appeler l'article 24 de notre feuilleton.
Projet de loi 56 Adoption du principe
La Vice-Présidente: Nous allons donc débattre de
l'adoption du principe du projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur
l'hôtellerie. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
M. Picotte: Du Tourisme, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Excusez-moi, du Tourisme.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, Mme la Présidente, je dois changer de
chapeau pour parler d'une autre loi qui relève du domaine du tourisme.
Je n'ai pas mentionné tout à l'heure, avant la discussion sur le
dernier projet de loi - je ne sais pas si c'était nécessaire de
le faire -que le lieutenant-gouverneur avait pris connaissance de ce projet de
loi et en recommandait l'adoption. En tout cas, s'il fallait le faire, je viens
de le faire et je le fais pour les deux projets de loi.
Mme la Présidente, chers collègues de l'Assemblée
nationale, je désire attirer votre attention sur le projet de loi 56,
projet de loi qui vise à modifier la Loi sur l'hôtellerie. Ce
projet de loi est nécessaire pour rendre applicables aux bureaux
d'information touristique les dispositions auxquelles sont soumis les
établissements hôteliers, les restaurants, les terrains de camping
et de caravaning. Ce projet de loi précise aussi qui aura le droit
d'obtenir un permis d'exploitation d'un bureau d'information touristique.
Enfin, il est prévu à ce projet de loi de hausser les
amendes imposées aux
contrevenants à la Loi sur l'hôtellerie ou à l'un de
ses règlements. La Loi sur l'hôtellerie est la seule loi qui
régit les bureaux d'information touristique. Cependant, cette loi ne
contient pas les pouvoirs habilitants nécessaires pour adopter un
règlement permettant de régir efficacement les bureaux
d'information touristique. Les organismes qui dirigent les bureaux
d'information touristique ne sont donc pas soumis à des normes minimales
d'obtention de permis ni à des conditions minimales de fonctionnement.
Il s'ensuit une situation anarchique qui favorise une prolifération
injustifiée du nombre de ces bureaux qui, souvent, fonctionnent sans
permis, ce qui engendre un mode de fonctionnement incohérent. (17 h
30)
II est certain que la qualité des services offerts par les
bureaux d'information touristique se trouve affectée par l'absence
d'encadrement juridique efficace. La faiblesse de cette loi est la source d'un
problème épineux pour l'industrie touristique, celui des bureaux
d'information illégaux, ce qu'on appelle plus précisément
les bureaux d'information touristique pirates.
Depuis 1978, le ministère du Tourisme a entrepris de mettre un
terme à l'exploitation des touristes par les bureaux d'information
illégaux. À la suite de nombreuses plaintes provenant de
touristes, d'hôteliers ou des ATR, le ministère a d'abord
informé les contrevenants de leur situation illégale. Cette
approche n'ayant donné aucun résultat, le ministère a
entrepris des poursuites légales contre les récalcitrants.
Cependant, les dispositions de la loi n'ont pas permis à la magistrature
de contrer efficacement ces profiteurs. Consignant l'existence de ces bureaux,
non seulement dans la région immédiate de Québec mais
aussi dans la région de la Mauricie et sur le territoire de l'ATR du
pays de l'érable, à maintes reprises le ministère du
Tourisme a enquêté sur l'opération des faux bureaux.
Les enquêteurs ont pu constater que les tenanciers de bureaux
donnaient volontairement de faux renseignements pour conclure finalement une
transaction qui était, on doit le mentionner, au détriment du
touriste qui venait nous visiter et, par le fait même, une très
mauvaise publicité pour non seulement l'endroit qu'on visitait mais la
province tout entière. Au moment où on veut faire de notre
industrie touristique une industrie de force majeure on veut avoir encore plus
d'implications et je pense qu'on ne doit pas tolérer plus longtemps ce
genre de faux renseignements qui incitent les touristes à avoir des
transactions douteuses avec ceux avec qui ils les font.
Voici quelques exemples des ruses utilisées par les
opérateurs de bureaux illégaux. On leur dit, par exemple:
N'essayez pas de louer une chambre dans le Vieux-Québec il n'y en a
plus. C'est trop cher. Il ne reste que celles que j'ai à vous offrir.
N'allez pas dans le Vieux-Québec en voiture, les rues sont trop
étroites, la circulation est trop difficile. Prenez plutôt le tour
de ville ou acceptez un tour de calèche. Louez une chambre sur le
boulevard Hamel, c'est au centre des activités. Alors qu'on sait
très bien que le centre des activités n'est pas
nécessairement dans tel ou tel coin donné. Prenez un tour de
ville dès maintenant car vous ne pouvez l'acheter en ville et les
concurrents demandent plus cher. Alors que c'est faux dans la majorité
des cas. Il n'y a pas de service Gray Lines à Québec car les rues
sont trop étroites pour les autobus. Il ne faut pas cependant oublier
que si les compagnies qui tiennent de tels bureaux réussissent à
tromper les touristes, c'est avant tout parce qu'ils utilisent le terme "bureau
d'information touristique" pour attirer le client et le placer dans une
situation de confiance.
Je veux aussi vous faire prendre conscience que l'attitude des
opérateurs de bureaux illégaux minimise l'effet de nos campagnes
de promotion touristique. Tous les millions investis par le gouvernement du
Québec pour améliorer l'image touristique du Québec et
attirer les touristes chez nous seront inutiles si le touriste retourne chez
lui déçu et amer d'avoir été sciemment
trompé.
Au cours des dernières années, le ministère du
Tourisme et celui de la Justice ont vainement tenté d'éliminer
ces faux bureaux d'information. Leurs efforts ont coûté cher au
trésor québécois et s'ils n'ont pas réussi à
annihiler cette pratique, c'est tout simplement parce que la loi actuelle ne
leur fournissait pas un support adéquat.
En tant que législateurs, nous avons le devoir de corriger la
situation actuelle et d'assurer le public qu'il trouvera au Québec un
réseau de bureaux d'information touristique fonctionnels dispensant des
renseignements de qualité.
J'estime que la solution que je vous propose, celle de modifier la Loi
sur l'hôtellerie, est la meilleure. La modification de la Loi sur
l'hôtellerie permet d'agir dès la saison 1986, c'est-à-dire
dès la fin de juin. Cet aspect est à considérer lorsque
l'on connaît la situation touristique nord-américaine. Elle permet
également d'établir des normes uniformes d'opération. Elle
dissuade et élimine les faux bureaux d'information touristique qui
utilisaient à dessein cette appellation à des fins commerciales.
Elle assure enfin au public un service qui répond mieux à ses
attentes. De plus, cette loi permettra aux associations touristiques
régionales de mieux gérer le développement de leur
réseau d'accueil
respectif. D'ailleurs, lors de ma première rencontre avec les ATR
à titre de ministre du Tourisme, leurs représentants n'ont pas
manqué de me sensibiliser au problème des bureaux d'information
illégaux, et je les remercie de leur collaboration puisque le
présent projet de loi et le règlement qui s'y greffera ont fait
l'objet de consultations auprès des ATR.
Mme la Présidente, je pense qu'il va de soi que nous devons, dans
les meilleurs délais, adopter ce projet de loi pour nous permettre le
plus tôt possible d'accueillir les touristes comme il se doit au
Québec et de nous créer une image vraiment de gens accueillants
qui n'exploitent pas les gens qui viennent nous visiter. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Tourisme. M.
le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Sur le projet de
loi 56, j'ai quelques remarques et quelques questions aussi au ministre du
Tourisme. Il est bien évident que, lorsqu'on veut établir une
politique globale de développement et de promotion touristique, il n'est
pas suffisant d'avoir un réseau d'attraits touristiques, d'avoir de
bonnes infrastructures en matière d'hébergement ou des
manifestations touristiques. Je pense qu'il faut aussi que tous ces
événements, ces manifestations, ces attraits, ces
équipements soient connus. De là, comme élément
majeur d'une véritable politique complète et cohérente en
matière touristique, l'importance d'avoir également une politique
de promotion, de publicité, mais aussi de faire en sorte que le touriste
soit bien accueilli lorsqu'il visite le Québec et qu'il puisse
également obtenir tous les renseignements pertinents à cet
effet.
Il y a donc, je pense, un consensus très large parmi les
intervenants touristiques pour mettre en place un bon réseau, bien
intégré, de bureaux d'accueil et d'information, de
renseignements, de même, d'ailleurs, que, dans chacune des régions
touristiques du Québec, l'établissement et la mise en place de ce
qu'on appelle une maison régionale d'accueil et d'information. Il y a
d'ailleurs déjà un programme qui a été mis en place
par le gouvernement précédent qui continue de s'appliquer et qui
permet à chacune des régions de se doter d'une maison
régionale d'accueil et d'information touristique.
Je pense aussi, comme le ministre, que l'agent ou l'intervenant le plus
qualifié pour, je dirais, mettre en place ce réseau de bureaux
d'accueil, ce sont sans aucun doute les associations touristiques
régionales. Je pense que c'est d'abord, dès le départ,
dans chacune des régions, l'interlocuteur privilégié du
ministère du Tourisme et, déjà, cela fait partie de leur
mandat, de leur vocation que de voir à mettre en place, dans leurs
régions respectives, un réseau de bureaux ou de kiosques
d'accueil et d'information touristique. Je suis fort heureux de voir que le
ministre a bien l'intention de continuer de confier aux ATR le soin et la
responsabilité d'organiser et aussi d'assurer, dans chacune de leurs
régions, la gestion de ce réseau de bureaux d'information ou de
renseignements touristiques.
Le projet de loi qui est actuellement devant nous prévoit un
certain nombre de dispositions. D'abord, il prévoit un autre type
d'établissement pour lequel on devra détenir un permis pour
fonctionner. Ce sont les bureaux d'information. Déjà, dans la Loi
sur l'hôtellerie, les établissements hôteliers devaient
détenir un permis, les restaurants également, les campings, les
caravanings, les sites de camping. Maintenant les bureaux d'information devront
également détenir un permis. Je signale que c'est sans doute pour
légaliser le fonctionnement actuel du ministère du Tourisme qu'on
présente ce projet de loi puisque, déjà, le
ministère du Tourisme accordait des permis d'exploitation de kiosques de
renseignements. J'ai ici le rapport de 1984-1985 du ministère du
Tourisme où l'on signale qu'il y a eu 255 permis d'exploitation de
kiosques de renseignements qui ont été accordés à
des organismes régionaux et locaux sans but lucratif. J'imagine qu'on a
dû se rendre compte que, juridiquement parlant, les pouvoirs du
ministère du Tourisme de délivrer des permis aux bureaux de
renseignements et d'informations touristiques n'étaient pas suffisamment
solides pour qu'on arrive ici avec des modifications à la Loi sur
l'hôtellerie de façon à établir clairement le
pouvoir juridique du ministère d'accorder et de délivrer des
permis aux bureaux d'information. (17 h 40)
Je suppose que c'est cela, parce que le ministère accordait
déjà des permis. Il y a sans doute eu une analyse juridique de la
situation, et on s'est peut-être rendu compte que le règlement en
question était plus ou moins ultra vires. Peut-être que le
ministre pourra me fournir l'information pertinente à ce sujet.
On prévoit également un nouveau pouvoir
réglementaire qu'on accorde au gouvernement pour établir des
catégories d'établissements en ce qui concerne les bureaux
d'information. On prévoit également d'accorder un pouvoir au
gouvernement de réglementer les bureaux d'information.
Je signale juste en passant au ministre que, si j'étais
démagogue, si je voulais faire de la démagogie, je pourrais jeter
les hauts cris en disant: Encore des règlements qui
vont s'abattre sur le pauvre citoyen! Voilà encore le fardeau
réglementaire qui s'alourdit et qui va continuer d'écraser le
pauvre citoyen québécoisl Je pourrais bien dire également:
Voilà encore l'État qui accouche d'un nouveau règlement.
Si j'étais démagogue, si je faisais preuve de démagogie,
je pourrais évidemment m'écrier qu'on se voit encore en face d'un
gouvernement tatillon, tentaculaire, envahissant, qui étouffe le citoyen
sous le poids de l'appareil réglementaire. Mais je ne le suis pas, Mme
la Présidente. Je ne suis pas démagogue. Je ne veux pas faire
preuve de démagogie sur cette question parce que je suis...
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Excusez-moi. À l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez
continuer.
M. Brassard: ...d'accord avec le projet de loi mais je veux juste
signaler en passant, faire la remarque suivante. C'est tellement facile
d'adopter, je dirais, une position théorique en matière de
réglementation. C'est tellement facile de proclamer sa volonté de
déréglementer, mais on se rend compte, dans la pratique, sur le
terrain, que ce n'est pas si simple que cela et que, quand on exerce le
pouvoir, quand on est placé en situation d'exercice du pouvoir, on se
rend compte souvent que cela entraîne la production, parfois même
nécessaire, de règlements.
Le ministre vient d'exposer les motifs qui l'incitent à apporter
ces amendements et je suis pleinement d'accord avec lui. D'ailleurs, il m'a un
peu renseigné, informé, c'est le cas de le dire puisqu'on traite
de bureaux d'information, en parlant de bureaux illégaux. J'aimerais
savoir, d'ailleurs, dans sa réplique, si c'est devenu un
véritable fléau, s'il y a beaucoup de ces bureaux illégaux
qui ont vu le jour au cours des dernières années? Il a
parlé également de poursuites. Il serait peut-être
intéressant de savoir combien de poursuites ont été
intentées contre ces bureaux illégaux qui fonctionnent dans
certaines régions du Québec. Donc, les motifs sont excellents
pour introduire un nouveau pouvoir réglementaire.
On signale également, dans le projet de loi, que seule une
corporation sans but lucratif pourra détenir un permis de bureau
d'information et de renseignements touristiques. Je pense que c'est
compréhensible. Il faut s'assurer que l'information soit la plus
objective possible. Il faut s'assurer aussi en quelque sorte de la
neutralité de l'informateur. Cette neutralité, évidemment,
disparaîtrait si c'était une entreprise touristique, si
c'était un intervenant touristique qui exploitait en même temps un
kiosque d'information, un bureau d'information. Je pense comprendre que par
l'amendement en question on fait en sorte que ce soient des corporations sans
but lucratif qui assurent le fonctionnement des bureaux d'information, que ce
soient les seuls organismes qui puissent obtenir un permis en ce sens.
Cependant, je me pose quelques questions. On en discutera sans doute en
commission parlementaire. Il ne faudrait pas non plus être trop tatillon.
Je comprends les objectifs du ministre de faire en sorte que ces bureaux
illégaux, ces faux bureaux de renseignements touristiques disparaissent
du paysage. Je suis pleinement d'accord avec cela. Il ne faudrait pas non plus
être trop tatillon, trop sévère puisqu'on indique dans le
projet de loi que seuls les détenteurs d'un permis pourront utiliser une
enseigne, une affiche portant les expressions "information touristique" ou
"renseignements touristiques" ou toute autre expression indiquant ou
suggérant que l'on tient un bureau d'information touristique.
Je veux dire par là, en disant qu'il ne faut pas être trop
tatillon, qu'il peut quand même arriver - cela arrive déjà
actuellement - que des établissements sérieux, je pense à
de grands établissements hôteliers, mettent en place chez eux des
kiosques d'information pour leur clientèle. Est-ce que cela deviendra
interdit avec le projet de loi actuel? La question mérite d'être
posée. Je pense que oui, moi, comme je le comprends. Est-ce que ce n'est
pas trop tatillon, à ce moment, que d'aller jusque là?
Pour ce qui est des amendes également, je m'interroge sur les
amendements qu'on apporte à ce chapitre. On introduit la notion de
minimum, ce qui n'existait pas auparavant dans la loi. Est-ce que c'est une
directive reçue du ministre des Finances pour faire en sorte que
l'objectif des rentrées de fonds supplémentaires prévues
dans son budget concernant l'article amende et confiscation soit atteint? On
peut évidemment se poser la question. J'ai l'impression que c'est cela.
C'est pour cette raison qu'on fixe un minimum dans un cas à 500 $, dans
l'autre cas à 2000 $, alors qu'auparavant il n'y avait pas de minimum.
On pourra sans doute en discuter. Si le ministre est intéressé
à fournir une explication à ce sujet, je serais très
heureux de l'entendre.
Voilà, nous sommes pleinement d'accord avec ces amendements
apportés à la Loi sur l'hôtellerie et nous allons voter
pour ce projet de loi.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lac-Saint-Jean. M. le député de Chauveau.
M. Rémy Poulin
M. Poulin: Merci. C'est avec plaisir que j'ai accepté
d'intervenir sur le projet de loi 56. Mon expérience dans ce domaine
se
révèle très utile, expérience que
j'expliquerai un peu plus loin. Je voudrais vous souligner un fait qui est de
plus en plus déplorable, soit l'augmentation des bureaux d'information
touristique illégaux, comme le disait tantôt le ministre. En
effet, l'accueil des touristes et aussi le réseau d'accueil ont beaucoup
évolué ces dernières années. De 121 permis
émis en 1983, on est passé à 254 en 1985. À ces
bureaux s'ajoutent un certain nombre de bureaux illégaux qui
fonctionnent au détriment des touristes. Cette augmentation s'est faite
dans l'anarchie, compte tenu du manque de précision à
l'intérieur de la loi qui les régit. C'est ce qui fait qu'on se
retrouve avec plusieurs bureaux illégaux qui sont situés dans la
région de Québec; plusieurs touristes se plaignent d'avoir obtenu
de faux renseignements ou des services inadéquats à leurs
besoins.
Ici, je ne veux pas blâmer l'Opposition, mais je crois qu'il y a
eu un certain laisser-aller et que, lors des poursuites, les amendes
imposées ne favorisaient pas le respect de la loi. La situation
présente est que, dans plusieurs cas, on se retrouve avec des gens qui
vendent des services et des biens et que ce n'est pas là la meilleure
façon d'orienter notre tourisme.
Pour y avoir vécu dans les cinq dernières années et
avoir travaillé dans le monde de la restauration et de
l'hôtellerie, j'ai souvent eu des occasions de m'entretenir avec
différentes associations, même avec certains propriétaires
d'hôtellerie qui se plaignaient de ces bureaux d'information
illégaux. Selon eux, ces bureaux n'orientaient pas la clientèle
équitablement dans les régions données et même
à la grandeur de la province. Ces gens ont souvent fait des
représentations, mais la loi n'étant pas assez dure et les
amendes trop faibles, au risque de me répéter, il en
coûtait plus cher de les poursuivre.
Donc, la seule loi qui régit les bureaux d'information
touristique, c'est la Loi sur l'hôtellerie; celle-ci ne contient pas les
pouvoirs nécessaires pour réagir adéquatement et
équitablement vis-à-vis des bureaux d'information touristique.
(17 h 50)
Les organismes qui exploitent ces bureaux ne sont pas contraints de se
soumettre à des conditions minimales ou à des normes de
fonctionnement. Donc, il en découle une situation presque anarchique
où plusieurs bureaux illégaux fonctionnent sans permis. Ils sont
illégaux et ce de plusieurs façons: En effet, plusieurs
fonctionnent sans permis et ne respectent pas les normes d'exploitation et, qui
plus est, ils profitent des installations du bureau d'information touristique
pour vendre leurs produits ou leurs services ou encore pour percevoir certaines
sommes d'argent sur les recettes que peuvent faire les propriétaires
d'établissements d'hôtellerie.
Donc, il est temps de réagir et de se doter d'une loi
d'encadrement pour l'ensemble des régions du Québec. Il faut,
premièrement, contrer l'action néfaste des bureaux d'information
touristique illégaux; deuxièmement, doter le réseau
d'accueil d'une loi-cadre favorisant une meilleure
homogénéité des bureaux; il faudrait, de plus, uniformiser
les opérations de bureaux d'information touristique, améliorer la
qualité de l'information, dispenser et accroître leur
efficacité.
C'est dans cet ordre d'idées qu'il faut concentrer nos efforts,
c'est-à-dire donner plus de mordant ou encore plus de balises à
cette loi qui, à mon avis, ne répond plus aux besoins actuels,
car ce n'est pas juste le tourisme d'aujourd'hui qui en souffre, mais celui de
demain. Je lisais justement ce matin que l'accroissement du tourisme au Canada
s'accentue et celui du Québec, par le fait même. Donc, il ne
faudrait pas laisser aller cette occasion de donner aux visiteurs le meilleur
service possible, service d'ailleurs auquel ils s'attendent. C'est pourquoi le
projet de loi 56 assurera aux visiteurs un meilleur séjour et
sécurisera les gens qui vivent du tourisme.
C'est pourquoi je voterai pour ce projet de loi et j'invite l'Opposition
à faire de même, car les gens de toutes les régions en
profiteront au maximum. Merci.
La Vice-Présidente: Merci M. le député de
Chauveau. M. le député de Charlevoix.
M. Daniel Bradet
M. Bradet: Merci, Mme la Présidente. Je suis très
heureux d'intervenir aujourd'hui en cette Chambre sur le projet de loi 56, Loi
modifiant la Loi sur l'hôtellerie, étant dans cette
Assemblée le représentant d'un des comtés à
vocation touristique dont la renommée dans l'hôtellerie et la
restauration n'est plus à faire. En effet, Charlevoix, pays du Temps
d'une paix, oasis des grands peintres, riche de ses traditions, peut
s'enorgueillir d'être l'un des chefs de file quand on parle de tourisme
au Québec.
Vous comprendrez donc que le sang charlevoisien qui coule dans mes
veines est sensible au plus haut point à tout ce qui touche à
l'essence même, à la raison de vivre première de bien des
régions du Québec, le tourisme. D'autant plus que ce projet de
loi aura des répercussions directes sur un des éléments
clés du développement touristique, l'information touristique.
Lorsqu'on regarde de près les objectifs premiers de ce projet de loi, on
se rend compte qu'il vise à légiférer uniquement sur les
bureaux d'information touristique afin de les mettre au même diapason que
les autres établissements hôteliers, autant pour
l'obtention d'un permis que pour l'augmentation des amendes en cas de
contravention à la loi.
Si on fait un bref historique de la situation, il faut voir que, depuis
une quinzaine d'années, l'accueil des touristes et, par
conséquent, tout le réseau gravitant autour de ce pôle
majeur qu'est l'information touristique a évolué à grands
pas. Le nombre de permis a doublé et cela s'est fait souvent dans une
certaine incohérence puisque beaucoup pensaient qu'il suffisait de
quelques dépliants et d'un comptoir de ventes général pour
s'improviser maîtres en la matière. Dans plusieurs cas, on ne
parlait même pas de formation du personnel pour guider avec le plus
d'exactitude possible ces touristes, seuls générateurs d'emploi
dans bien des milieux. Ceci explique que bien des gens partant de Québec
et voulant se rendre à Baie-Saint-Paul se sont retrouvés,
à cause d'une information mal faite, à La Baie, dans le beau
comté de Dubuc. Combien d'autres exemples mes collègues
pourraient-ils citer illustrant la problématique d'une information qui
manque d'uniformité et de cohérence?
Si on ajoute à tout cela ces bureaux d'information dits pirates
ou illégaux qui fonctionnent sans permis et profitent d'une pseudo
information touristique pour vendre tout, sauf de l'information, on comprend
mieux l'urgence de l'opération. Le ministre a cité tout à
l'heure quelques-unes des ventes que font ces bureaux illégaux. On voit
même souvent, dans les régions, circuler des affirmations
totalement fausses: il fait trop froid en Abitibi, il y a trop de moustiques
sur la Côte-Nord, la terre tremble dans Charlevoix. Combien d'autres
aberrations de la sorte nous sont offertes dans ces kiosques qui, en plus
d'être illégaux, biaisent l'information touristique.
La présente loi ne couvre pas adéquatement les bureaux
d'information touristique, permet les bureaux pirates et ne fixe aucune norme
minimale de fonctionnement. Or, dans le but de donner l'information la plus
complète, la plus cohérente et la plus diversifiée, il
faut réévaluer la loi de façon à conserver la
clientèle touristique le plus longtemps possible en lui offrant
l'éventail le plus complet des ressources physiques, culturelles et
récréotouristiques, des possibilités que chacune de nos
régions peut offrir. Tous, nous savons qu'un touriste qui demeure plus
longtemps parce que mieux informé, c'est plus d'argent d'injecté
dans notre économie. On ne peut donc qu'être en faveur de telles
réformes puisque celles-ci feront en sorte de donner un service
d'excellence à ceux et celles qui séjournent sur notre
territoire.
L'adage bien connu qui dit que le client est roi doit se traduire dans
les faits. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui trace les lignes
directrices vers l'accomplissement d'un tel objectif. Il faut rapidement
corriger une situation qui brime notre clientèle touristique et
uniformiser au plus tôt les activités des bureaux d'information
touristique dans le but de standardiser la qualité de l'information et
d'en accroître l'efficacité. Il est donc temps de mettre fin aux
activités peu orthodoxes des illégaux de l'information
touristique et d'agir au plus tôt dès la saison touristique
1986.
Pour conclure, Mme la Présidente, quand on regarde les
énergies de toutes sortes que les gens impliqués dans le milieu
de l'hôtellerie, de la restauration, de l'hébergement et dans les
activités de camping, que ces gens-là mettent pour obtenir un
produit de qualité, des services dignes de la proverbiale
hospitalité du Québec, il faut, en contrepartie, s'assurer
qu'à titre de gouvernement, les lois et règlements
régissant l'information touristique soient proportionnellement
équitables, uniformes et d'une qualité impeccable. Je serai donc
fier de voter prochainement avec l'ensemble de mes collègues de cette
Assemblée pour le projet de loi 56 et cela, afin de pouvoir rendre
à l'information touristique ses lettres de noblesse. Je vous remercie,
Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre du Tourisme, en
réplique.
M. Yvon Picotte (réplique)
M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'on pourra
m'accorder le consentement de dépasser 18 heures de quelques
minutes?
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement?
Une voix: Consentement.
La Vice-Présidente: Vous pouvez continuer.
M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer
d'être le plus bref possible. Je voudrais remercier mes collègues
qui ont participé à la discussion concernant ce projet de loi
qui, à mon avis, est très important et devra faire l'objet d'une
adoption dans les plus brefs délais.
J'ai un peu moins compris, bien que je connaisse mon collègue de
Lac-Saint-Jean, certaines questions qu'il m'a posées. Évidemment,
il est vrai qu'il était titulaire du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, donc, peut-être est-il un peu moins
versé du côté des problèmes touristiques. Je me
permettrai cependant d'apporter certaines réponses à ses
inquiétudes.
Le député de Lac-Saint-Jean nous
faisait part tantôt qu'il s'agissait d'un règlement
additionnel ou d'un autre règlement que le gouvernement voulait adopter.
Je vais devoir le sécuriser immédiatement. Il ne s'agit pas d'un
nouveau règlement, il s'agit tout simplement de faire en sorte que le
règlement existant soit vraiment performant. On va utiliser le
même règlement parce qu'il existe des permis. Le problème
du ministère du Tourisme touchait le respect de ce règlement.
Quand les gens contrevenaient à la loi, quand on commençait une
enquête et qu'on finissait par poursuivre l'individu qui contrevenait au
règlement et à la loi, le règlement ne nous permettait que
d'imposer une amende de 25 $. Cela coûtait au ministère quatre
fois, six fois et parfois même un peu plus que cela pour acheminer la
plainte, pour aller devant les tribunaux. Finalement, cela coûtait
beaucoup plus cher au ministère du Tourisme que l'amende qu'avait
à verser celui qui était dans l'illégalité. On ne
pouvait plus continuer de cette façon parce que notre règlement,
à toutes fins utiles, était ridiculisé par ceux qui
contrevenaient au règlement et a la loi.
C'est la raison pour laquelle nous avons imposé des amendes qui
vont nous permettre de dissuader les contrevenants de continuer dans ce sens.
Ce n'est commandé ni par le ministre des Finances, ni par le
président du Conseil du trésor et ce n'est pas non plus une
fantaisie du gouvernement. C'est dire que si cela coûte uniquement 25 $
chaque fois qu'on est dans l'illégalité dans le domaine de
l'information touristique, c'est ridicule. Les gens vont se permettre dix fois
une amende durant la saison, cela va leur coûter 250 $, 300 $ ou un
maximum de 500 $ pour avoir exploité le tourisme et cela va coûter
au-delà de 1000 $ et 1500 $ au ministère pour les poursuivre. Il
n'y a pas de logique là-dedans. C'est ce qu'il faut faire, donner au
règlement existant - et non pas créer un nouveau règlement
- la possibilité d'être performant quand il y a
illégalité.
Le député de Lac-Saint-Jean s'informait du nombre de
bureaux d'information touristique illégaux et légaux. Il y a dans
la région de Québec cinq bureaux d'information touristique
vraiment dans la légalité. En contrepartie, dans la seule
région de Québec, il y a seize bureaux illégaux. Le
problème est dû au fait qu'il y a trois fois plus de bureaux
illégaux qui s'identifient comme bureaux d'information touristique
comparativement aux bureaux qui se conforment à la loi. Les gens qui
arrivent ne savent pas s'ils ont affaires à un vrai bureau d'information
touristique ou à un illégal. Il faut éliminer ces
gens-là. Cela ne veut pas dire qu'ils ne devront pas et qu'ils ne
pourront pas continuer de vendre des tours de ville ou quoi que ce soit, de
l'artisanat s'ils le désirent. Cela veut tout simplement dire que s'ils
veulent vendre quelque chose, ils devront s'afficher comme bureaux de tours de
ville, des bureaux pour vendre des tours de calèche ou quoi que ce soit.
De sorte que, quand les touristes viendront au Québec et qu'ils verront
"information touristique", ils seront certains que c'est de l'information qu'on
leur donne pour venir s'amuser dans la région de Québec, comme
dans d'autres régions du Québec, comme partout au Québec
et ils ne seront d'aucune façon dupés par des gens qui prennent
tout simplement l'affiche "information touristique" mais qui font autre chose
que cela.
J'imagine qu'à la ville de Québec, des permis seront
dispensés à ces gens-là. Ils s'afficheront tels qu'ils
doivent être affichés pour vendre de l'artisanat, des tours de
ville, des tours de calèche, etc. Ils feront ce qu'ils voudront à
ce niveau-là et ils corrigeront la situation de sorte que les touristes
qui veulent à la fois avoir une information et à la fois faire un
tour de ville s'adresseront au bureau voisin qui ne sera plus un bureau pirate,
un bureau illégal. Ils consommeront donc ce qu'ils voudront, ce qu'on
lui offrira à l'intérieur du bureau. Je pense que c'est la
réalité.
En ce qui concerne l'information à l'intérieur d'un
hôtel quant à l'hébergement, le ministère
prévoit qu'en n'importe quel temps il peut y avoir à
l'intérieur d'un établissement hôtelier de l'information.
La seule différence c'est que ces gens ne s'afficheront pas comme
"information touristique", ils diront simplement "information". Ils donneront
de l'information.
Quand on parlera d'information touristique, on parlera uniquement de
kiosques qui feront en sorte que, finalement, la personne qui s'adresse
là, le visiteur qui vient nous voir, le touriste qui vient chez nous et
qui s'attend d'être bien reçu aura les informations pertinentes
sans pour autant être incité à trouver hébergement
à telle place plutôt que telle autre, à aller dans tel
restaurant plutôt que tel autre. On lui donnera l'éventail des
possibilités. Il choisira et il sera bien reçu. Des
catégories lui seront proposées qui feront en sorte, finalement,
que cette personne retournera dans son milieu et pourra inciter les gens
à y venir, parce qu'elle n'aura pas été dupée et on
ne lui aura pas vendu des choses auxquelles elle ne s'attendait pas du
tout.
En terminant, effectivement, la loi nous permet d'offrir ce genre de
permis. Oui, cela existe, mais la raison pour laquelle nous la modifions, M. le
député de Lac-Saint-Jean, c'est que, si notre règlement et
cette partie de la loi avaient été contestés devant les
tribunaux, notre règlement était illégal. Cela veut dire
qu'on ne pouvait même pas, en supposant qu'on amenait quelqu'un pour une
infraction devant les tribunaux, si quelqu'un nous contestait, non seulement on
ne pouvait pas le mettre à l'amende, mais le juge nous
aurait déclarés illégaux dans notre
réglementation et, à partir de ce moment-là, à quoi
cela sert d'avoir des permis, à quoi cela sert d'avoir un
règlement si, effectivement, on ne peut pas s'en prévaloir? La
seule façon, Mme la Présidente, d'avoir ce qu'il faut et que ce
soit bien fait à l'intérieur de cette Loi sur l'hôtellerie,
c'est de faire en sorte que notre règlement et les permis que nous
délivrons soient valides, que ce règlement soit valide et
inattaquable vis-à-vis de la loi, et que les contrevenants, s'ils
veulent continuer d'être dans l'illégalité, soient
sévèrement punis de sorte que la semaine d'après ils
s'afficheront vraiment comme ils doivent s'afficher, comme des vendeurs et non
comme des gens qui donnent de l'information touristique. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Tourisme. Le
débat étant clos sur le projet de loi 56, est-ce que le principe
du projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur l'hôtellerie, est
adopté?
M. Brassard: Mme la Présidente, on est pleinement d'accord
tout en constatant que, cette fois-ci, le gouvernement n'amnistiera pas les
"illégaux".
La Vice-Présidente: Donc, c'est adopté?
M. Picotte: On les a assez tolérés.
La Vice-Présidente: Adopté, monsieur?
Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, Mme la Présidente.
Je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré
à la commission de l'économie et du travail pour son étude
détaillée.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Mme la Présidente, avant
que vous ne suspendiez nos travaux, j'aimerais aviser cette Chambre qu'à
la reprise qui, je présume, sera convoquée pour 20 heures, nous
appellerons l'article 2, soit la reprise du débat sur l'adoption du
principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile,
inscrite au nom du ministre des Transports.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du
gouvernement. Nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures
ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
(Reprise à 20 h 5)
La Vice-Présidente: A l'ordre! Nous allons reprendre les
travaux de cette séance. M. le leader du gouvernement, s'il vous
plaît!
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Si vous me permettez,
je vous prierais d'appeler l'article 2 du feuilleton, s'il vous
plaît.
Projet de loi 19
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
La Vice-Présidente: Nous allons donc reprendre le
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant la
Loi sur l'assurance automobile. Je cède la parole au
député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci
beaucoup.
Des voix: Bravo!
M. Blais: Merci. Mme la Présidente, cette manifestation
extérieure était pour dire aux téléspectateurs et
à ceux qui nous écoutent que, malgré que nous ne sommes
que 23 et les libéraux 99, nous sommes trois fois plus nombreux, les
péquistes, en Chambre ce soir que de l'autre Côté. C'est de
cette façon que les gens l'ont manifesté. Je vous sais
gré, Mme la Présidente, de me donner la parole au début de
cette soirée.
Je suis là pour aider ma formation politique à exprimer
ses idées sur le projet de loi 19. Je tiens à dire que nous avons
assisté il n'y a pas tellement longtemps à un budget qui
était pusillanime. Ce budget comportait des taxes
déguisées pour l'ensemble de la population du Québec, pour
les citoyens et les citoyennes. Dans les taxes de ce budget, il y avait un
montant de 40 000 000 $ que le ministre allait chercher dans les fonds de
l'assurance automobile.
Beaucoup de personnes à l'extérieur de cette Chambre, tout
comme vous-même j'en suis persuadé, se sont interrogées sur
ce montant de 40 000 000 $ qu'on allait chercher sans raison valable, a priori,
dans ce fonds de l'assurance automobile. Vous vous êtes certainement
demandée pourquoi ce gouvernement posait ce geste. On s'est dit: Par ce
montant de 40 000 000 $ qu'on va chercher dans l'assurance automobile
indirec-
tement, on va augmenter les frais d'assurance de l'ensemble de la
population et des automobilistes qui sont déjà surchargés
par une taxe sur l'essence qui est rendue à près de 40 %, un vrai
scandale, Mme la Présidente.
Cependant, dans ce budget qui, je le répète, est
pusillanime, pourquoi allions-nous chercher, par l'intermédiaire du
ministre des Finances, ce montant de 40 000 000 $? C'était pour essayer
de renforcer les coffres de ce gouvernement. C'est une taxe indirecte. Nous
nous disions tous tant que nous sommes: C'est incroyable d'aller piger, dans
une assurance que les gens se donnent, un montant de 40 000 000 $ plutôt
que d'imposer de façon franche une taxe directe ou parfois indirecte,
mais non une taxe déguisée comme celle-là. On va chercher
un montant de 40 000 000 $.
Mme la Présidente, je vois que vous êtes en train de lire
la loi et j'en suis très heureux parce que, dans cette loi, il y a
beaucoup plus que cela. C'est que, en plus, par le budget, d'aller chercher un
montant de 40 000 000 $ dans...
M. Perron: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Duplessis, question de règlement?
M. Perron: Question de règlement. Je m'excuse
auprès du député de Terrebonne. Est-ce que vous pourriez
vérifier le quorum, s'il vous plaît?
La Vice-Présidente: Je vais vérifier s'il y a
quorum. Effectivement, il n'y a pas quorum. Qu'on appelle les
députés.
Le quorum étant, je demande au député de Terrebonne
de poursuivre son intervention.
M. Blais: Je vous remercie beaucoup. Je vais recommencer. Il y a
quelques semaines, le ministre des Finances présentait un budget
où on allait chercher à la Régie de l'assurance automobile
40 000 000 $. Tout le monde était un peu estomaqué de voir qu'on
allait piger dans le fonds d'une assurance collective 40 000 000 $ pour
consolider le fonds de la province. Comme je vous disais il y a quelques
minutes Mme la Présidente - vous êtes à lire la loi et j'en
suis fort aise - vous voyez que le gouvernement va chercher un montant de 60
000 000 $ par l'intermédiaire de la loi 19 dans le fonds ramassé
par la collectivité québécoise pour l'assurance
automobile. Cette deuxième taxe déguisée, nous nous devons
de ce côté-ci, au moins, d'en aviser la population pour qu'elle
voie que 40 000 000 $ il y a quelques semaines, plus 60 000 000 $ aujourd'hui,
cela veut donc dire 100 000 000 $, Mme la Présidente, qu'on va chercher
par un petit projet de loi de quatre articles tout bénin qui a l'air
inoffensif, il est pusillanime lui aussi comme le budget. Cependant, on sent
que c'est inspiré par un groupe de rouges purpurin. Ce sont des
façons d'aller chercher de l'argent caractérisées par une
philosophie de prendre en sourdine, de prendre tout en faisant voir qu'on ne
prend pas. On voit que de l'autre côté, le ministre du Revenu a
vraiment le geste qui convient. C'est pusillanime, c'est libéral, c'est
rouge, c'est purpurin. Ce sont vraiment les caractéristiques de cette
façon couarde d'aller chercher de l'argent dans les coffres de la
collectivité.
Personnellement, je ne peux tolérer, au nom de ma formation
politique, que de façon déguisée, on aille chercher dans
la poche des concitoyens et des concitoyennes du Québec de l'argent
auquel on n'a pas droit. Je soupçonne pire que cela, parce qu'en plus le
ministre des Transports ajoute 40 000 000 $ en frais d'immatriculation dans le
budget, 60 000 000 $ par ce petit projet de loi anodin et un autre montant de
41 000 000 $ par un autre petit article caché juste dans le bas, ce qui
fait 141 000 000 $.
Je me rappelle - je n'étais pas là -lorsque Mme Payette
est arrivée avec l'assurance automobile, le Parti libéral
était contre. Je soupçonne le ministre des Finances aujourd'hui
de revenir avec cette philosophie d'être contre et la façon que la
population cette fois-ci soit avec le Parti libéral, c'est que nous
allons chercher l'argent de la collectivité dans le fonds de l'assurance
automobile, nous l'amenons graduellement dans le fonds consolidé de la
province. Les gens vont se révolter, parce que le Parti libéral
au pouvoir veut augmenter les frais de l'assurance et dans son élan de
conservatisme et de privatisation va dire - c'est ce que je vois venir - c'est
ce que je vois venir - que l'assurance automobile est trop coûteuse au
Québec et retourneront l'assurance automobile à l'entreprise
privée. J'aurais peur. Peut-être n'est-ce pas là
l'intention du gouvernement, mais on peut, de ce côté-ci, se poser
des questions parce qu'on est dans une ère de privatisation. On
privatise, virgule, pour privatiser. Alors, je soupçonnerais, je
n'accuse pas le gouvernement de vouloir le faire, je dis que les observateurs,
et les gens de l'Opposition sont des observateurs... Nous observons le
gouvernement. Je vois le nombre de députés de ma formation
politique ici ce soir. Nous avons l'oeil. Nous avons l'oeil sur vous et sur vos
intentions déguisées dans ce projet de loi. Alors, je vois venir
la philosophie primaire du Parti libéral de remettre l'assurance
automobile entre les mains de l'entreprise privée, ô
béatitude que la privatisation! On n'a de foi que dans ce socle, on n'a
de foi que dans ce socle.
Mme la Présidente, je tiens à vous dire que je ne saurais
tolérer cette taxe déguisée
que le ministre des Transports nous apporte par cette loi. Je dois la
dénoncer, mais je tiens à vous dire que, nous, l'an passé,
nous avions dit que les frais étaient peut-être d'environ 80 000
000 $. Il faut qu'on soit franc. Ici, nous sommes toujours transparents. Quand
nous étions de l'autre côté, nous l'étions aussi.
Mais il y a une différence entre 40 plus 60 plus 41 qui fait 141 000 000
$. Je vois ici que mes confrères ne veulent pas que j'oublie le chef, on
m'envoie le Petit Robert. J'en suis fort aise, Mme la Présidente, parce
qu'on ne voudrait pas que les gens qui écoutent ce soir échappent
un mot parce que cette taxe indirecte doit être comprise par les
Québécois. Cette taxe indirecte n'est pas digne d'un gouvernement
qui se dit transparent.
Mme la Présidente, je dois blâmer le gouvernement de nous
amener cette taxe indirecte. L'esprit de cette loi, nous en convenons, nous
pensions un peu de la même façon. Mais la façon dont on se
sert de l'argent de la collectivité qui appartient à l'assurance
automobile pour le mettre dans le fonds consolidé, je ne peux pas
accepter cela, Mme la Présidente. Et sur ce, je vous remercie.
La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le
député de Terrebonne.
Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. N'ayant pas
le vocabulaire aussi important que celui de mon collègue, le
député de Terrebonne, je me contenterai d'un texte beaucoup plus
humble que celui qu'on vient d'entendre. Mais je tiens beaucoup à
intervenir sur ce projet de loi.
Mme la Présidente, le projet de loi 19 qui modifie la Loi sur
l'assurance automobile est un projet de loi en soi de quatre articles, mais un
projet de loi qui en dit pas mal long. Si je reprends les notes explicatives,
ce projet de loi prévoit que la Régie de l'assurance automobile
du Québec verse annuellement au fonds consolidé du revenu une
somme de 60 000 000 $ représentant le remboursement des coûts des
services de santé occasionnés par les accidents d'automobile. Il
prévoit, en outre, le mode d'indexation de cette somme et les
modalités de son versement. Il accorde également au gouvernement
le pouvoir -c'est très important, Mme la Présidente, et j'attire
votre attention là-dessus - de réviser cette somme, à
compter du 1er janvier 1989 et à tous les trois ans par la suite, en
tenant compte de l'évolution du coût des services de santé
occasionnés par les accidents d'automobile. Je vais y revenir tout
à l'heure pour vous expliquer pourquoi cet article est à ce point
important et qu'on doit en tenir compte de façon très claire et
l'expliquer pour que les gens comprennent ce que cela veut dire. (20 h 20)
Je voudrais aussi revenir, Mme la Présidente, sur la fin de
l'article 155.1 qui dit: "...Pour les années subséquentes, le
premier montant est versé au plus tard le 31 mars et le second au plus
tard le 30 septembre de chaque année." L'autre article dit: "La somme
versée par la régie... est incluse dans les revenus du
gouvernement pour l'année financière se terminant le 31 mars
1986." Le 31 mars 1986, Mme la Présidente, cela veut dire la fin de
l'année financière du gouvernement. Le gouvernement que nous
avons en face était là depuis quelques mois à peine,
étant donné que l'élection avait eu lieu, comme tout le
monde le sait, comme les gens d'en face se plaisent à le
répéter chaque fois qu'ils se lèvent pour faire un
discours. Tout le monde s'en souvient bien. De décembre au 31 mars,
donc, cela ne fait pas longtemps. Déjà, au 31 mars 1986, le
gouvernement libéral avait inclus dans le budget du 1er mai du ministre
des Finances actuel une ponction de 40 000 000 $ à la Régie de
l'assurance automobile.
Il faut se poser toutes sortes de questions concernant le projet de loi
19 et concernant aussi les 40 000 000 $ qui ont déjà
été versés à la fin de l'année
financière, au 31 mars 1986. Il faut regarder ce qu'on a fait avec ces
40 000 000 $. Je pense qu'on a certainement dû régler ou payer
certains engagements que le Parti libéral avait pris au cours de la
campagne électorale.
Je pense surtout à Radio-Québec étant donné
qu'on a beaucoup travaillé sur ce dossier récemment. Je sais que,
pour Radio-Québec, on est allé chercher 8 000 000 $ dans un
humble budget de 61 000 000 $. Il y a bien d'autres choses. Il y a la
privatisation de la raffinerie de sucre dont on a parlé tout
dernièrement. II y a aussi SOQUEM et Quebecair qui sont en voie
d'être privatisées et qui vont rapporter des fonds au
gouvernement. Donc, pourquoi, encore une fois, faire à la Régie
de l'assurance automobile des ponctions aussi importantes? C'est à se
demander ce que le Parti libéral, le gouvernement libéral va
faire avec cet argent.
Lors de la campagne électorale, beaucoup de choses ont
été dites par les gens d'en face et beaucoup de promesses ont
été faites par le premier ministre actuel. Entre autres, on a dit
qu'il y aurait une diminution de la taxe de vente de 9 % à 8 %. Cela ne
coûte pas quelque chose pour le moment, parce que la promesse n'a pas
été tenue. Le premier ministre actuel a aussi dit: Nous allons
diminuer de 30 % à 20 % le
taux de la taxe sur l'essence. Ce qui est arrivé, c'est qu'ils
ont gelé l'ascenseur au plafond. Il n'est donc pas question de parler de
cela après l'élection. Il y a aussi la parité de l'aide
sociale aux moins de 30 ans. Cela non plus n'a rien coûté au
gouvernement pour le moment, parce que la promesse n'a pas encore
été tenue. Je me demande toujours, au sujet des 40 000 000 $ qui
ont été versés à la fin de l'année
financière du gouvernement, à quoi cela va servir.
Le premier ministre actuel avait aussi promis l'indexation des
exemptions qui devait coûter de l'argent mais qui n'en coûte pas
parce qu'on ne l'a pas réalisée. Les engagements divers, dans les
Affaires sociales, pour un montant de 200 000 000 $, ce n'est pas fait encore.
Un paquet d'engagements, un paquet de promesses électorales ont
été faites par le parti en face qui n'a pas réalisé
ses engagements. À quoi sert donc cette première ponction de 40
000 000 $ qui ont déjà été versés à
la fin de l'année financière du gouvernement? J'aimerais bien que
les gens d'en face, soit le ministre des Finances, soit le ministre des
Transports, soit le président du Conseil du trésor
répondent à ces questions, informent le peuple du Québec
sur la façon dont ils vont utiliser tout cet argent qu'ils vont chercher
à gauche et à droite.
Les ponctions. On pourrait peut-être qualifier ce gouvernement de
"ponctionnaires" au lieu de fonctionnaires parce qu'ils font des ponctions un
peu partout. En tout cas, pour moi, ce sont des "ponctionnaires". Ils ont fait
une ponction de 70 000 000 $ à la Commission des normes du travail qui
auraient pu servir aux travailleurs, particulièrement ceux sans
protection syndicale. Ils ont fait une ponction de 425 000 000 $ d'actifs dans
nos sociétés d'État afin d'obtenir un gain de capital
espéré de 175 000 000 $. Ils ont fait une ponction dans les
coffres de Loto-Québec. Le surplus accumulé diminuera et pourrait
même fondre. Il était de 41 430 000 $ au 31 mars 1985. Donc,
à quoi va servir tout cet argent que l'on récupère
à gauche et à droite et qu'on verse au fonds
consolidé?
Je me méfie de ce qui va se passer dans les jours qui vont
suivre. Si ce n'est pas dans les jours qui vont suivre, ce sera dans les mois
qui vont suivre, mais on va certainement entendre parler de ce que le Parti
libéral va faire avec toutes ces ponctions qu'il fait soit à
l'intérieur des sociétés d'Etat, des régies, tout
ce qui est dirigé par le gouvernement d'en face.
Comment se fait-il que, par le biais du projet de loi 19, on viendra
annuellement, à la Régie de l'assurance automobile, chercher une
somme aussi importante que 60 000 000 $? Vous savez, les 40 000 000 $ dont je
vous ai parlé tout à l'heure, ils ont déjà
été versés à la fin de l'année
financière de 1986. Le projet de loi, comme je vous l'ai dit tout
à l'heure, dans les notes explicatives et dans les articles qui suivent,
il y aura une ponction annuelle de 60 000 000 $ que le gouvernement viendra
chercher de par son projet de loi 19.
Pour le peuple du Québec, je voudrais bien, Mme la
Présidente - je sais que je suis obligée de m'adresser à
vous - que le ministre des Transports puisse nous expliquer pourquoi
précisément il a choisi d'aller chercher 60 000 000 $
annuellement à la Régie de l'assurance automobile. Je voudrais
aussi qu'il le dise au peuple du Québec -peut-être qu'après
mon intervention il pourra, dans la sienne, répondre à toutes ces
questions - j'aimerais bien, pour mon bénéfice personnel et pour
le bénéfice de tous les contribuables du Québec, qu'il
nous dise pourquoi il va aller chercher annuellement, indexés, 60 000
000 $ à la Régie de l'assurance automobile. Où a-t-il pris
ce montant de 60 000 000 $? Comment en est-il arrivé à dire:
C'est 60 000 000 $ qu'on va aller chercher à la Régie de
l'assurance automobile?
Je voudrais qu'il nous dise aussi quel comité de sages cette
fois-ci a trouvé ce chiffre magique de 60 000 000 $. Est-ce que c'est un
comité de sages dont on a entendu parler dernièrement ici lors de
la période de questions? J'aimerais bien que le ministre nous explique
comment il en est arrivé, par quel truchement de quel comité et
quels sont les membres qui faisaient partie de ce comité pour en arriver
à un montant aussi important que 60 000 000 $.
J'aimerais bien aussi qu'il nous dise si c'est le président du
Conseil du trésor qui lui a commandé cette somme de 60 000 000 $.
Je voudrais bien que le ministre des Transports nous dise que, s'il va chercher
60 000 000 $, c'est pour remplir les promesses des candidats lors de
l'élection. Je me souviens que mon voisin ici, le député
de Rimouski, avait promis une autoroute. C'est peut-être pour cela qu'il
vient chercher 60 000 000 $ à la Régie de l'assurance automobile.
Je me le demande, Mme la Présidente. On n'a aucune indication de ce
qu'il va faire de ces 60 000 000 $. On ne le sait pas. Ce n'est pas
écrit dans le projet de loi. Il y a quatre articles dans le projet de
loi et on ne le dit pas. Peut-être que le ministre des Transports, dans
une intervention, à la fin des discussions, va nous informer sur toutes
les questions qui m'inquiètent. Je souhaiterais bien, en tout cas, en
apprendre plus, parce que cela me fatigue de voir qu'on va chercher un montant
comme celui-là sans savoir pourquoi, sans connaître son
utilisation, comment il en est arrivé à cela. J'aimerais avoir
réponse à toutes ces questions et je serais très
reconnaissante au ministre de bien vouloir informer cette Chambre et informer
les
contribuables, les utilisateurs de voitures, qui sont aussi des
contribuables, de ce qu'il va faire.
Est-ce que ce serait simplement parce que le ministre des Finances
aurait dit: II faut garder le déficit du Québec à 2 000
895 000 $, donc, coupez, coupez, coupez n'importe où, mais coupez? On ne
sait pas comment. On ne sait pas comment on va s'y prendre, ce que va
être le montant, etc., mais coupez. Il faut qu'on coupe. Il ne faut pas
que le ministre des Finances ait trompé la Chambre en disant qu'il faut
qu'on reste à 2 000 895 000 $. Cela peut être pour cela. Vraiment,
si le règlement le permet, puis-je demander au ministre responsable de
répondre à toutes ces questions dans son intervention? En tout
cas, je souhaiterais que vous m'aidiez à trouver une façon de
trouver des réponses à ces questions. (20 h 30)
Le projet de loi 19 dit que 60 000 000 $ représentent le
remboursement du coût des services de santé occasionnés par
les accidents d'automobile. Mme la Présidente, quand on doit payer des
frais pour des services de santé, je pense qu'on attend de recevoir un
compte, on attend de voir ce qu'on a utilisé en ce qui concerne les
frais, les médicaments, les services. Ils ne viennent pas dire: Tu va me
donner 60 000 000 $ comme cela, puis tu sauras après quelle utilisation
on va en faire. Il faut qu'on sache où cela va aller, comment on va
l'utiliser. J'aimerais le savoir. Je suis sûre que les gens dans cette
Chambre souhaiteraient comprendre pourquoi on va faire une chose comme
celle-là.
Si je vous donne un exemple de régie qui rend des services
à une autre commission, je vous parlerai de la CSST par rapport à
la RAMQ. La Commission de la santé et de la sécurité du
travail paie à la Régie de l'assurance-maladie du Québec
des frais d'utilisation pour les personnes qui sont accidentées sur leur
lieu de travail. Si je vous donnais un exemple pour avoir un chiffre
approximatif de ce que cela peut valoir, c'est que, dans une année, il y
a environ - attendez un petit peu, il ne faut pas que je me trompe - 1 000 000
de demandes à la RAMQ concernant des services aux accidentés du
travail. Donc, les frais d'administration pour ces demandes équivalent
à 0,94 $ par demande. Les prévisions pour 1986-1987 des
coûts totaux chargés à la RAMQ par la CSST
s'élèvent à 24 132 000 $. Donc, pourquoi 60 000 000 $ dans
la Régie de l'assurance automobile quand on dit qu'ils traitent 1 000
000 de cas à la RAMQ pour la CSST et que cela coûte 24 132 000 $?
J'aimerais que le ministre nous dise comment il va nous facturer pour en
arriver à un montant de 60 000 000 $. Cela m'intéresse de le
savoir et je suis sûre que cela intéresse tous les contribuables
du Québec.
En plus de cela, une chose que je voudrais vous faire remarquer qui,
à mon point de vue, est très importante, parce que ce montant de
60 000 000 $, on le dit d'ailleurs dans un article, je vous l'ai
mentionné tout à l'heure, il est indexé annuellement. Si
les accidents diminuent, si le port de la ceinture de sécurité
augmente et donc les frais de santé occasionnés par les accidents
de la route diminuent, les sommes payables par la Régie de l'assurance
automobile au gouvernement vont continuer d'augmenter parce que c'est
indexé annuellement. C'est comme si une chatte perdait ses petits chats
dans tout cela. C'est mêlant, ce n'est pas possible. En tout cas, je ne
comprends pas et j'aimerais que le ministre nous explique comment il va
élaborer sa facture pour me dire à moi, contribuable, utilisateur
de services de la Régie de l'assurance automobile, qu'est-ce qu'il va
faire avec les 60 000 000 $ de tous les Québécois, qu'est-ce
qu'il va faire avec? J'aimerais qu'il me présente une facture pour que
je sache quelle utilisation il va faire de ce montant de 60 000 000 $.
Cette façon d'agir, à mon point de vue, est arbitraire.
C'est inacceptable. Je pense que cela va tout simplement contre les droits et
les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Je pense que le gouvernement n'a
pas le pouvoir de lever des taxes sans passer devant l'Assemblée
nationale. C'est très important que chaque année ou que tous les
trois ans, parce que le projet de loi dit jusqu'en 1989, ce n'est pas de nature
usuelle que chaque fois qu'on veut augmenter des taxes qu'on ne revienne pas
ici, devant les membres de l'Assemblée nationale, pour leur dire comment
on va faire et ce qu'on va faire avec les ponctions qu'on fera dans les
régies existantes.
Je pense que tout parlementaires que nous sommes, nous sommes là
pour apprendre et connaître ce que le gouvernement fait quand il fait des
ponctions dans les régies où le peuple est impliqué par
ses deniers. Si les "ponctionnaires" que nous avons en face de nous nous
informent à chaque année des ponctions qu'ils veulent faire, je
pense qu'à ce moment on sera en mesure d'informer nos populations dans
nos comtés respectifs de ce que les gens du gouvernement libéral
veulent faire avec l'argent des contribuables. Je souhaite que le ministre
revienne au moins sur cet article du projet de loi 19 qui dit qu'il n'aura pas
besoin de revenir ici pour nous demander si oui ou non on est d'accord avec une
indexation ou avec une autre ponction. Je voudrais aussi que le ministre nous
explique, au moins, nous présente une facture pour qu'on sache
exactement qu'est-ce qu'il va faire avec la ponction à la Régie
de l'assurance automobile. Je vous remercie
beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Johnson. M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): II me fait plaisir, ce soir, d'intervenir
sur le projet de loi 19 qui essentiellement est une loi, comme l'a
mentionné ma collègue de Johnson, qui en soi semble inoffensive
puisqu'elle comporte une page ou deux avec quatre articles. On a un peu
l'impression que c'est une loi qui ne changera pas grand- chose, sauf
qu'à l'étude exhaustive de cette loi, on se rend compte
qu'effectivement elle permet au gouvernement actuel et au parrain de cette loi,
le ministre des Transports, de venir chercher dans les poches des contribuables
d'importantes sommes d'argent. On se souviendra rapidement de ce qui s'est
passé depuis l'arrivée de ce nouveau gouvernement et,
particulièrement, depuis le discours sur le budget du 1er mai 1986.
À ce moment, le ministre des Finances a prononcé un
discours sur le budget qui, à première vue, nous semblait tout
à fait inoffensif, c'est-à-dire que l'ensemble des
Québécois et Québécoises n'ont pas vu tellement
à l'intérieur de ce budget les différentes
stratégies qui s'y cachaient. On pourra au cours des prochaines minutes
le démontrer fort bien, le projet de loi 19 est un projet de loi qui
illustre bien à quel point on est capable, par de petites lois dans les
différents ministères, d'aller chercher de l'argent, de faire des
levées de taxes sur les contribuables sans que cela paraisse trop en un
seul coup lors du discours sur le budget annuel qui a été
présenté cette année le 1er mai dernier.
Ce projet de loi qui a été déposé le 27 mars
dernier vise essentiellement à aller chercher auprès de la
Régie de l'assurance automobile du Québec une somme de 60 000 000
$. Effectivement 60 000 000 $, et ce montant, cette somme va être
indexée annuellement, représentant ainsi le remboursement du
coût des services de santé occasionnés par les accidents
d'automobile. Ce qu'il faut aussi se rappeler, c'est qu'en plus de ce projet de
loi, cette future loi, qui va venir soutirer un nouveau montant de 60 000 000
$, dans le discours sur le budget que je mentionnais tantôt,
prononcé par le ministre des Finances le 1er mai, le ministre des
Finances est allé chercher sans tambour ni trompette 40 000 000 $ qui
correspondaient à une partie du coût des services de santé
occasionnés par les automobilistes pour les années
antérieures. Je reviendrai tantôt sur ces 40 000 000 $ parce que
c'est une somme qui était accumulée, qui faisait partie des
réserves de la Régie de l'assurance automobile. (20 h 40)
De plus, Mme la Présidente, on doit se rappeler que le ministre
des Transports, par le discours sur le budget, s'est vu donner un nouveau
moyen, soit celui de lever des nouvelles taxes sur les véhicules
automobiles qui veut se transformer en une augmentation lors de
l'émission des permis de conduire. Encore là, c'est une somme
très importante. Il faut que les Québécois et les
Québécoises s'en rendent compte puisqu'il s'agit de 41 000 000 $.
Vous me direz, Mme la Présidente, que c'est beaucoup de millions de
dollars autour d'un si petit projet de loi. Effectivement, si on additionne les
40 000 000 $ qu'on est allé chercher dans les réserves et dans
les coffres de la Régie de l'assurance automobile, les 60 000 000 $ par
le projet de loi 19 qu'on étudie ce soir, ce qui fait déjà
100 000 000 $, et les 41 000 000 $ qui sont mis de l'avant par le ministre des
Transports pour pouvoir lever une nouvelle taxe sur les permis de conduire.
Cela n'a pas été aussi clair dans le discours sur le budget. Cela
a pris une période de questions en cette Chambre et cela a pris des
questions de la part de l'Opposition pour essayer de savoir et pour
démasquer un peu les intentions du gouvernement.
Je dois dire que je trouve un peu dommage qu'on n'agisse pas avec autant
de transparence parce qu'à la suite des questions qui ont
été posées par - de mémoire - ma collègue de
Maisonneuve, il y a environ un mois. Le ministre a dit que oui effectivement il
y aurait 41 000 000 $ qui seraient perçus et que cela se traduirait
sûrement - mais là on a été très vague -par
des augmentations lors de l'émission des permis de conduire. Il y a un
nombre assez impressionnant de Québécois et de
Québécoises qui vont se chercher un permis puisque les
statistiques de 1984 nous donnaient environ 3 610 000 détenteurs de
permis. Ce sont eux qui vont faire les frais de ces millions de dollars qu'on
va chercher actuellement dans les poches des contribuables. Effectivement, cela
paraît bien, pas trop d'augmentations de taxes lors du discours sur le
budget, mais un petit projet de loi 19 dans lequel on nous refile
immédiatement 60 000 000 $ et on va chercher dans les coffres du
gouvernement un montant de 41 000 000 $ et un montant de 40 000 000 $, ce que
je trouve dommage. Je pense que c'est l'occasion rêvée ce soir
d'en informer la population du Québec et aussi les membres de cette
Assemblée, puisque je crois que c'est important. Le gouvernement actuel,
le gouvernement du Parti libéral nous dit et nous répète
depuis des mois l'état catastrophique dans lequel ils ont trouvé
les dépenses, la situation financière de l'État.
Lorsqu'ils ont pris le pouvoir le 2 décembre,
apparemment, ils se sont ramassés dans une situation tellement
épouvantable. Il y avait des trous et ils ont tout additionné
cela et après quelques mois, ils en étaient rendus à 1 000
000 000 $ et aujourd'hui ils sont rendus à 1 600 000 000 $, à un
1 700 000 000 $ parce que cela continue à augmenter. Je vous remercie,
M. le ministre des Transports, de me mettre sur la bonne route.
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Vous pouvez continuer.
M. Parent (Bertrand): Effectivement, Mme la Présidente, si
on prend comme simple exemple les 40 000 000 $ qu'on va chercher à
l'intérieur comme tel de la Régie de l'assurance automobile,
c'était un fonds qui était là en réserve. Le
précédent gouvernement n'a pas fait que de mauvaises choses comme
on a bien voulu le laisser sentir ou le laisser paraître à ce
jour, comme le présent gouvernement ne fait pas que de mauvaises choses
et lorsqu'il fait des bonnes choses je me permets de le souligner. Lorsqu'il
fait des choses qui ne sont pas tout à fait transparentes ni tout
à fait claires, je crois que c'est notre devoir dans l'Opposition
d'essayer de faire les choses de la façon la plus constructive possible
mais aussi de mettre le doigt là où c'est en train de se passer.
C'est cela finalement aussi le rôle de l'Opposition.
Concernant les dépenses de l'État, Mme la
Présidente, concernant cette situation financière, on se rend
compte qu'il y a plusieurs millions de dollars qu'on avait en réserve,
dont les 40 000 000 $. Le précédent gouvernement aurait
effectivement pu utiliser et prendre ces 40 000 000 $ qui étaient
là en réserve. On est allé aussi chercher, et on ne s'en
est pas vanté, 70 000 000 $ qui étaient accumulés à
la Commission des normes du travail. Ce fonds aurait pu servir aux
travailleurs, particulièrement ceux qui sont sans protection
collective.
Ce sont des exemples par lesquels on peut démontrer facilement
qu'à deux occasions... Les 70 000 000 $ dont je viens de vous parler
étaient accumulés dans un fonds à la Commission des normes
du travail et les 40 000 000 $ à la Régie de l'assurance
automobile. Voilà deux exemples où on peut voir que ce n'est pas
de l'argent nouveau qui est arrivé. Ce ne sont pas des opérations
miracles qu'a faites le gouvernement, il a eu l'idée d'aller chercher
partout ce qui traînait dans les fonds de tiroir. C'est ce qui a fait la
grande opération charme du redressement des finances publiques.
Que dire maintenant de ce qui va se passer et ce qui est envisagé
dans la présente année concernant la privatisation et concernant
les 425 000 000 $ qu'on entend aller chercher en vendant des
sociétés d'État? Je pense, Mme la Présidente, que
ce projet de loi 19 nous démontre à quel point ce gouvernement
n'agit pas avec transparence, mais il agit avec beaucoup d'habileté, je
dois le reconnaître, parce qu'on nous amène cela à la
pièce, par petits morceaux. Mais, à la fin de l'année, les
contribuables québécois vont se rendre compte, lorsqu'ils vont
additionner les nouvelles taxes indirectes qu'ils se sont vu imposer, à
quel point ils se sont fait leurrer par ce gouvernement qui, à toutes
fins utiles, avait annoncé et avait promis plusieurs choses, entre
autres, de ne pas augmenter les taxes et les impôts.
Bien sûr que personne ne peut faire de miracles. Il faut continuer
à faire fonctionner la machine et on a besoin de faire des levées
de fonds. Mais au moins qu'on dise, qu'on ait la franchise... Là-dessus,
je trouve inconcevable qu'on agisse un peu par la bande parce que cela
paraît beaucoup mieux, c'est beaucoup mieux dissimulé. Je pense
que ce travail du présent gouvernement est fait en catimini. C'est un
travail qui est fait parce qu'on a décidé d'agir ainsi; c'est un
peu la marque de commerce et je trouve cela dommage. Je trouve cela dommage que
le ministre des Transports s'y prête aussi par son projet de loi 19. Le
ministre des Transports a reçu une commande. Le président du
Conseil du trésor, par l'intermédiaire du groupe de travail ou du
groupe de sages, peu importe, le ministre des Transports a reçu la
commande d'aller chercher des fonds parce qu'il fallait que lui aussi fasse sa
part. En plus des coupures, on a dit: Trouve tout ce qui reste dans les
tiroirs. J'ai bien hâte de voir ce qui va se passer lors de l'exercice
financier 1987-1988 et des suivants. Ces réserves étaient
là pour donner une certaine marge de manoeuvre. Mais là, on les a
toutes utilisées dans la même année et on va les chercher.
Ce projet de loi, et c'est encore plus grave, va permettre au cours des
prochaines années d'aller chercher une somme de 60 000 000 $ par
année et qui va être indexée.
Mme la Présidente, il y a un volet qui, à mon avis, ne
peut être passé sous silence puisqu'il comporte un principe qu'on
se doit de protéger, un principe pour lequel tous les membres de
l'Assemblée nationale, de quelque côté de la Chambre qu'ils
soient, devraient se lever et dire au gouvernement, même s'il est de leur
parti: Écoutez, ce n'est pas acceptable. Il s'agit en effet du
paragraphe 155.3. Au paragraphe 155.3 du projet de loi 19, le gouvernement, le
ministre tuteur, le parrain de ce projet de loi, se donne le droit de modifier
ce montant et, tout cela, sans être obligé de repasser ici devant
l'Assemblée nationale. Ce gouverne-
ment et ce ministre se donnent par ce projet de loi un pouvoir de taxer
et le pouvoir de taxer ne doit pas être inclus dans une loi en se donnant
des outils pour que, par la suite, et ce, dès 1989, on se trouve dans
une situation où l'Assemblée nationale, où les 122
députés représentant des comtés partout au
Québec n'auront plus un mot à dire. (20 h 50)
Esentiellement si ce principe n'est pas protégé, Mme la
Présidente, je me demande où on s'en va et qu'est-ce qui va
arriver d'ici à quelques années si on commence à agir et
à créer des précédents semblables parce que le fait
de décréter des taxes, le fait d'annoncer aux citoyens qu'on
prend de nouvelles mesures et qu'on va lever... en soi, c'est dur
politiquement, mais cela fait partie des bons et des mauvais
côtés. Mais ce qu'on est en train de faire actuellement -
j'insiste parce que c'est pour moi la partie la plus importante, la plus grave
qui est en train de se passer - c'est qu'on est en train de bannir ce principe
et on est en train tout doucement de se voter des articles qui vont donner par
voie de règlement, et ce, dès 1989, à l'intérieur
de la Régie de l'assurance automobile, le droit d'aller chercher de
nouvelles sommes d'argent, donc de décréter tout doucement, sans
qu'on s'en rende trop compte, pour les contribuables québécois,
de nouvelles taxes qui se transmettront dans les droits de permis ou autrement.
C'est inacceptable pour l'Opposition, c'est inacceptable pour le
député de Bertrand, mais plus important que cela, je pense que ce
principe est inacceptable pour tous les députés de cette
Assemblée.
Je pense, Mme la Présidente, qu'il devrait y avoir d'importantes
représentations de la part du caucus ministériel parce qu'on
risque de se retrouver dans une situation qui soit tout à fait
déplorable où, une fois que le projet de loi sera accepté,
que le projet de loi sera voté, que le projet de loi sera en
règle, on n'aura plus de moyens d'intervenir. Si cette Assemblée,
quels que soient les partis qu'on représente, si nous avons un mandat de
représenter, de surveiller les intérêts des
Québécois, on ne peut pas laisser passer le fait que, dans les
lois qui vont exister dorénavant, on se donne les pouvoirs et qu'on
n'aura plus besoin de revenir devant cette Assemblée et donc, cela
devient... Je ne pense pas que je fais de démagogie quand je dis: On va
passer outre aux pouvoirs que nous avons parce que nous en avons, soit celui de
légiférer, d'accepter, de refuser, de discuter comme cela se
passe. Je pense que cela est sain en démocratie. Mais ce qui est
inacceptable, c'est qu'on trouve maintenant des mécaniques, des moyens
pour qu'on n'ait plus à revenir devant cette Assemblée.
Mme la Présidente, je termine parce que le temps qui m'est
dévolu tire déjà à sa fin et pour dire que le
travail de l'Opposition n'est pas facile. Le travail de l'Opposition est
d'essayer de voir ce qui se passe à l'intérieur de toutes les
lois, à l'intérieur de tous les gestes que pose le gouvernement.
À prime abord, on a souvent l'impression que le projet de loi qui nous
est présenté, et c'était le cas du projet de loi 19, est
un projet de loi inoffensif. Lorsqu'on scrute un peu et lorsqu'on va un peu
plus loin, on se rend compte que c'est beaucoup plus grave que cela. Notre
rôle est effectivement d'aviser -j'espère que le ministre des
Transports va en prendre bonne note - et de sensibiliser cette Chambre, de
sensibiliser les Québécois et les Québécoises sur
ce qui est en train de se passer parce que ce sont des gestes les uns
après les autres... et on aura, d'ici à la fin de cette session,
Mme la Présidente, soit d'ici le 20 juin en principe, la chance de
passer à travers plusieurs projets de loi parce qu'en fin de session,
c'est là qu'on doit sortir plusieurs projets de loi. Le gouvernement a
pris des engagements, il doit livrer ces lois, et notre travail est
d'éclairer la population du Québec et de lui faire la
lumière sur ce qui est train de se passer.
Bien sûr, à 23 contre 99, on ne pourra rien bloquer si le
gouvernement décide autrement. Sauf qu'on lui dit: Attention, vous
pouvez agir parce que vous êtes plus forts démocratiquement. Mais
c'est une arme à deux tranchants. Je peux dire que le travail de
l'Opposition sur ce projet de loi 19, c'est de dire à la population du
Québec: Voici de nouvelles taxes déguisées, voici une
nouvelle somme de 60 000 000 $ qu'on vient chercher dans vos poches. Pensez aux
40 000 000 $ qu'on est allé chercher sans bruit, qui étaient
là en réserve à la Régie de l'assurance automobile
et pensez aux nouveaux 41 000 000 $, soit 141 000 000 $ pour un gouvernement
qui se voulait tellement pur et tellement bon. Je vous remercie beaucoup, Mme
la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Bertrand. M. le député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je pense
que, tout comme vous, nous suivons avec beaucoup d'intérêt ce
débat autour du projet de loi 19. J'ai même dû, je dois le
dire, insister auprès de mon collègue, le whip de notre formation
politique, pour prendre la parole sur ce projet de loi puisqu'il me paraissait
important, à ce stade-ci, qu'on puisse au moins expliquer aux citoyens
du Québec, ceux qui nous écoutent et ceux qui, dans le fond...
Nous faisons cet exercice hautement démocratique qui est de
présenter et de critiquer des lois selon le côté de la
Chambre où on est. Nous devons dans ce
travail identifier un certain nombre de choses qu'il convient de
rappeler ici.
Ce projet de loi vient d'où exactement? Première question
qu'on est en droit de se poser. La semaine dernière, nous
étudiions en cette Chambre le projet de loi 60, si ma mémoire est
exacte, et le ministre des Transports parrainait également ce projet de
loi. On pouvait au moins dire au cours de ce débat: Le ministre des
Transports a fait ses devoirs. Personne ne lui a dicté le contenu du
projet de loi 60. C'est un projet de loi qui tenait compte de la
sécurité routière, qui était animé par des
principes que doit défendre, à mon point de vue, le ministre des
Transports. Nous avons eu l'occasion de le critiquer, de le bonifier, de faire
en sorte que ce projet de loi traverse une autre étape du processus
législatif et nous avons tous fait ensemble notre devoir. Les
journalistes, pour leur part, ont rapporté à la population du
Québec le contenu du projet de loi.
Puisque c'est le ministre des Transports qui présente celui-ci,
puisque c'est notre collègue, la députée de Maisonneuve,
porte-parole officiel en matière de transports qui assume le leadership
du débat autour de cette question aux fins de bonifier ce projet de loi,
les gens peuvent penser qu'il s'agit d'un projet de loi de même nature
que celui qui nous a été présenté la semaine
passée. Hélas, ce n'est pas exact, parce que ce projet de loi
origine non pas du ministre des Transports, mais bien du ministre des
Finances.
En effet, le ministre des Transports n'a pas eu à faire un effort
d'imagination très grand pour mettre en place cette mesure
législative, puisqu'elle nous a été annoncée en
quelque sorte le 1er mai dernier. On se souviendra tous du "magnifique" budget
du ministre des Finances qui, après avoir dramatisé la situation
financière du Québec, après nous avoir montré que
la situation du Québec était, semble-t-il, absolument
désastreuse, après avoir brandi des épouvantails pour
faire peur à tout le monde, nous a présenté un budget qui,
curieusement, ne constituait pas au départ un budget comportant beaucoup
d'augmentations de taxes. En apparence, il faut bien le dire. En apparence,
puisqu'il nous annonçait dans ce même budget du 1er mai qu'il y
aurait une hausse substantielle des permis de conduire et de l'immatriculation
des véhicules. (21 heures)
Le ministre des Finances était en train de nous dire que le
ministre des Transports nous apporterait de mauvaises nouvelles au cours de
l'année. Cela va de soi que le soir de la présentation de
l'énoncé budgétaire les citoyens ne se sentaient pas
touchés aussi directement que par une augmentation de taxes sur les
cigarettes ou par une augmentation d'impôt personnel ou par quelque chose
de semblable qui touche directement le contribuable. Ils ont vu passer ces
hausses prévues au ministère des Transports avec un grain de sel,
il faut bien le dire, mais aussi avec un certain
désintéressement, devrais-je dire. Le ministre des Finances nous
a annoncé le 1er mai, à la place de son collègue le
ministre des Transports, que les permis et les immatriculations seraient
haussés de 41 000 000 $. Il nous a annoncé aussi et surtout que
le projet de loi 19 était prêt à être
présenté à l'Assemblée nationale, que le ministre
des Transports se ferait l'exécuteur des basses oeuvres du ministre des
Finances et viendrait chercher, dans les goussets des contribuables du
Québec, dans les goussets de ceux qui détiennent des permis de
conduire...
Mme Juneau: De ceux et de celles...
M. Gauthier: ...de ceux et celles, bien sûr, qui conduisent
des véhicules automobiles, 60 000 000 $. Ce n'est pas peu annoncer
à la population du Québec - d'ailleurs, l'exercice a
été qualifié, si ma mémoire est exacte, de haute
voltige politique - par l'entremise de l'exécuteur des basses oeuvres,
le ministre des Transports, 60 000 000 $ de plus qu'ils devront payer à
la Régie de l'assurance automobile du Québec afin de compenser le
fonds de la Régie de l'assurance-maladie. Le ministre des Transports
s'est prêté à ce jeu et, aujourd'hui, il nous arrive avec
cette mesure législative.
Mais, plus triste encore, le ministre des Finances aura poussé
l'odieux budgétaire au Québec en inscrivant 40 000 000 $
supplémentaires pour revenir en arrière chercher dans les
goussets des contribuables propriétaires de véhicule, ceux qui
utilisent nos routes, ceux qui sont porteurs d'un permis de conduire 40 000 000
$ de plus, rétroactivement, 40 000 000 $. Tout cela, 41 000 000 $, 60
000 000 $, 40 000 000 $, cela a passé un peu comme une phrase
déplaisante du budget.
Mais, aujourd'hui, le ministre des Transports vient devant
l'Assemblée nationale nous demander l'autorisation de passer à la
caisse. Aujourd'hui, si ce projet de loi est adopté, les contribuables
du Québec qui nous écoutent sauront, réaliseront qu'au
total, pour conduire au Québec, pour utiliser les routes du
Québec, cela coûte 141 000 000 $ de plus. C'est énorme,
c'est beaucoup, c'est trop peut-être, surtout si on pense que le ministre
des Transports n'arrête pas là l'ascenseur. En fait, c'est une
taxe ascenseur qui nous est imposée ici par le ministre des Transports.
Lui qui, à l'époque de l'Opposition, a tant critiqué les
taxes ascenseurs, aujourd'hui, nous présente un projet de loi qui, de
façon automatique ou presque, par une décision du Conseil des
ministres, sans revenir devant l'Assemblée nationale du
Québec - ce qui est odieux d'une certaine façon et ce qui
donne le caractère ascenseur de la mesure - autorise le ministre des
Transports à s'arroger le droit de façon immorale, après
avoir tenu les discours les plus véhéments contre les taxes
ascenseurs, d'imposer aux Québécoises et aux
Québécois une taxe ascenseur.
À compter de 1989, et de façon régulière par
la suite, les citoyens réaliseront que ces sommes perçues
à même les droits qu'ils paieront pour les permis de conduire,
pour les plaques d'immatriculation et tout ce qui entoure le droit de circuler
sur les routes - l'assurance automobile - sont une taxe ascenseur. Le ministre
des Transports, de façon automatique, je le rappelle, viendra chercher,
sans l'assentiment de l'Assemblée nationale, des sommes d'argent
supplémentaires qui seront payées par les citoyens afin de
couvrir le coût de certaines transactions. Le projet de loi
prévoit une hausse indexée jusqu'en 1989 et prévoit
qu'à partir de 1989 c'est le ministre des Transports, avec l'utilisation
des données qu'il aura à ce moment-là, qui fera une
recommandation au Conseil des ministres et qui déterminera le prix que
doivent payer les Québécoises et les Québécois
à cause du projet de loi 19. Je le rappelle, le projet de loi 19 a
été préparé, annoncé, non pas par le
ministre des Transports, mais bien par le ministre des Finances. Voilà
que le ministre des Transports se fait l'exécuteur des basses oeuvres du
ministre des Finances. Voilà que le ministre des Transports impose, en
quelque sorte, une taxe ascenseur aux citoyens du Québec, une mesure
ascenseur qui connaîtra une hausse automatique au fur et à mesure
que les années passeront et que les événements se
dérouleront. Comme on connaît la propension du Parti
libéral du Québec et de ce gouvernement à stopper les
ascenseurs au moment où ils sont deux étages en haut du plafond,
on peut s'inquiéter qu'une mesure comme celle-là soit
présentée par le ministre des Transports. Je m'inquiète
pour la carrière même du ministre des Transports, qu'il devienne
celui qui aura commencé ce style de taxation au nom de son gouvernement,
lui qui avait tellement décrié les mesures de ce type
auparavant.
Que le discours change Mme la Présidente, vous en conviendrez, je
suis sûr que vous le reconnaissez! Que le discours change pour ces
gens-là avant la période électorale et après la
période électorale: Me sera-t-il fait le devoir de vous rappeler
encore ce soir combien de promesses ont été foulées au
pied par ce gouvernement libéral? Me sera-t-il obligé de vous
rappeler ce soir, Mme la Présidente, combien ces ministres ont tenu un
discours différent avant le 2 décembre et après le 2
décembre? Et c'est chacun son tour, Mme la Présidente. Je les
vois qui, d'une certaine façon, s'amusent de ces propos de l'autre
côté.
Des voix: Oh! Oh!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gauthier: Mme la Présidente, s'il vous plaît!
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Je voudrais qu'on respecte l'intervention du député
de Roberval.
M. Théorêt: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
député de Vimont.
M. Théorêt: Le député de Roberval vous
demande de rappeler à l'ordre les députés
ministériels, alors que vous vous êtes très bien
aperçue, Mme la Présidente, que ce sont ses propres
collègues qui rient à la folie...
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le
député de Vimont, je pense que je n'ai pas désigné
qui que ce soit. J'ai rappelé tout simplement la Chambre à
l'ordre et cet appel à l'ordre, c'est pour les deux partis. M. le
député de Roberval, vous pouvez continuer.
M. Gauthier: Mme la Présidente, j'espère que. le
temps que ces gens-là m'enlèvent... Ah! Ah! Ah!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gauthier: Je m'excuse, Mme la Présidente, mais vous
savez qu'en cette salle, à 21 h 10 le soir, les gens de l'autre
côté ne sont pas tellement sérieux.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gauthier: Ah! Ah! Ah!
Une voix: II n'est plus capable.
M. Gauthier: Mme la Présidente, je m'excuse, mais je suis
incapable de continuer mon intervention dans ce cadre-là. Il faudrait
faire un rappel à l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gauthier: Exécutez-vous.
La Vice-Présidente: Écoutez, M. le
député de Roberval, je veux bien, mais il faudrait bien que les
deux partis de la Chambre soient corrects. Est-ce que vous
êtes correct, M. le député de Roberval?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gauthier: Mme la Présidente, vous avez un sens de
l'humour particulièrement développé, on le
reconnaîtra, mais on reconnaîtra également que tous ces
propos que je suis obligé de tenir à l'endroit du gouvernement
sont des propos qui ont déjà été, dans le
passé, largement reconnus ici à l'Assemblée nationale. Le
discours a changé avant et après le 2 décembre, ce
discours de promesses qui laissait croire aux Québécoises et aux
Québécois combien intéressante serait une administration
libérale. Ce discours a tellement changé et, aujourd'hui, le
projet de loi 19 s'inscrit parfaitement bien dans le cadre de ce qui nous a
été présenté jusqu'à présent, et
jusqu'à la fin de cette session: des taxes déguisées, des
gestes, il faut bien le dire, plus ou moins corrects. (21 h 10)
Même l'actuel ministre de l'Énergie et des Ressources,
à l'époque où il était critique au ministère
des Transports, à l'époque où il était de ce
côté-ci de la Chambre, disait, parce qu'une telle mesure avait
été envisagée, une telle hypothèse avait
été soulevée par l'ancien ministre des Transports: Mais,
avouez que c'est une taxe déguisée. Bien, je pense, Mme la
Présidente, qu'il n'a pas dû changer, j'imagine. Il est reconnu
comme un homme sérieux, un homme qui a une pensée politique, je
l'espère, qui ne change pas tous les trois mois. Or, l'actuel ministre
de l'Énergie et des Ressources reconnaîtra que son collègue
des Transports fait exactement ce que j'ai démontré depuis le
début, c'est-à-dire se fait l'exécuteur des basses oeuvres
du ministre des Finances. Il impose une taxe, et, si c'est une taxe, elle a le
caractère de l'ascenceur, c'est-à-dire qu'elle va monter toute
seule, sur simple décret du Conseil des ministres. Le ministre des
Transports nous impose une taxe ascenceur et le ministre de l'Énergie et
des Ressources, malheureusement, aujourd'hui, est d'accord avec cela. C'est ce
qui est étonnant.
Mme la Présidente, on nous disait même... Ma
collègue de Maisonneuve, à un certain moment, m'a fait parcourir
certains articles de journaux. À certains endroits on relatait des
propos qui avaient été tenus par, je le disais tantôt,
l'actuel ministre de l'Énergie et des Ressources. Lui aussi, parlant de
cette mesure, disait: Mais où arrêteront-ils? C'était
scandaleux, c'était odieux, d'après lui, que d'envisager
seulement une telle mesure. Je trouve malheureux que, le soir du discours sur
le budget ou le lendemain, l'actuel ministre de l'Énergie et des
Ressources n'ait pas dit: Mais où notre ministre des Finances
arrêtera-t-il? Parce qu'il s'agissait essentiellement de la même
mesure qu'il avait critiquée quelques mois auparavant parce qu'on avait
osé penser que cela pourrait peut-être être une avenue.
Mme la Présidente, je me demande jusqu'à quel point ces
gens pourront tenir un double discours, soit avant le 2 décembre et
après le 2 décembre. Je rappellerai également que, dans le
journal The Gazette du 25 mars 1985, l'éditorialiste disait, et je me
permets la traduction: Si les péquistes font cela avant les
élections, jusqu'où pourront-ils aller après les
élections? Bien, il y a une différence fondamentale que
l'éditorialiste de la Gazette n'avait pas saisie. Il n'avait pas saisi
que les péquistes ont toujours le même discours, avant les
élections et après les élections. C'est pour cela que cela
ne nous inquiète pas d'annoncer - c'est ce qu'on a fait - avant, pendant
la campagne électorale. Qu'on se souvienne du débat sur les
promesses et sur la marge de manoeuvre du gouvernement. Avant, pendant et
après, un discours péquiste cela reste le même. Mais il
n'avait pas prévu, parce que, probablement, il a des tendances à
penser comme on le fait du côté libéral... Normalement, le
discours qu'on tient avant, c'est en général le meilleur discours
et le discours qu'on tient après, c'est en général bien
pire, deux fois ou dix fois pire.
Les péquistes n'ont jamais eu peur, au moment où ils
formaient le gouvernement, d'annoncer et de dire clairement quelles
étaient leurs intentions, mais, du côté de ceux qui forment
le gouvernement, qui étaient dans l'Opposition à ce moment, ils
ont critiqué. Combien de fois me suis-je levé de l'autre
côté de la Chambre en demandant aux critiques de ce
côté-ci: Mais pouvez-vous nous suggérer quelque chose?
Avez-vous une petite idée de ce que vous feriez, vous qui aspirez
à diriger le Québec? Qu'est-ce que vous feriez? Pouvez-vous nous
donner une piste, une indication, quelques données nous permettant
seulement d'imaginer ce que ce sera? Jamais, ils ne l'ont fait. Ils ont tenu
à ce moment le discours de la critique absolue, le discours de la
critique pure. Jamais ils n'ont osé parler franchement à la
population du Québec. Jamais ils n'ont été capables de
tenir ce discours de la franchise et de l'honnêteté comme on l'a
tenu. Même des éditorialistes de leur bord, il faut bien le dire,
s'étonnaient, s'inquiétaient du fait qu'on parlait de cela avant
les élections. Quand on parlait de taxe ascenseur, quand on parlait de
réajuster des éléments de fiscalité, on l'a
toujours fait au moment où cela se présentait, pas quelques mois
ou quelques jours après les élections.
Je dirai simplement, en terminant, puisque vous m'indiquez que mon temps
achève, Mme la Présidente, que le ministre des Transports,
député de Charlesbourg, est en bien mauvaise posture.
Après nous avoir présenté le projet de loi 60, qui, je
l'admets,
comporte beaucoup de choses intéressantes -incomplet cependant,
j'ai eu l'occasion de le démontrer - son deuxième projet de loi,
malheureusement, manque totalement de logique par rapport à son propre
discours. On se demande aujourd'hui, avec une ponction de 141 000 000 $
édictée par le ministre des Finances et exécutée
par le ministre des Transports, si, finalement, le ministre des Transports a
été nommé par son chef, par le premier ministre à
ce ministère pour faire payer aux conducteurs et aux conductrices du
Québec toutes les folies de dépenses qui peuvent passer par la
tête, à un moment donné, d'un ministre des Finances ou d'un
président du Conseil du trésor. Qu'est-ce que ce ministre des
Transports nous réserve pour l'avenir? C'est la question qu'on est en
droit de se poser en lisant les positions du ministre avant, les positions du
ministre après l'élection. Je vous remercie beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Roberval. M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Je vois par les figures de mes collègues de
l'autre côté un certain étonnement à voir le
porte-parole officiel de la culture intervenir sur un dossier comme
celui-là, qui est celui d'une loi des Transports. Cette intervention
s'explique très bien puisque, de toute évidence, nous avons
devant nous un gouvernement de tartufes, quand on regarde tout ce qui s'est
dit, tout ce qui a été promis et, finalement, tout ce qui a
été dédit et tout ce qui a été repris. Quand
ce débat a commencé, et on ne le cache pas, on le sait, il a
commencé l'an dernier, il y a eu des interventions - c'est cela qui m'a
amené à parler d'un gouvernement de tartufes - de la part du
critique des Transports de l'époque, l'honorable ministre de
l'Énergie et des Ressources, et des titres comme: "Transport critic
wraps car insurance plan." Il a déchiré sa chemise en commission
parlementaire. Je vais vous en donner lecture tantôt. Oh le cri! Attitude
presque de vierge offensée devant l'ignominie d'un gouvernement qui
voulait remettre en question l'universalité des programmes de
santé. Le critique disait: "But Ciaccia said that logic could lead to
other steps that would undermined the principle of universality".
Le critique disait que dans cette logique le Parti
québécois va nous amener à renier d'autres principes
d'universalité. C'était un peu dans le style: Le PQ nous a
amenés au bord du précipice, élisez-nous, libéraux,
nous vous ferons faire un pas en avant. C'est exactement ce qui est
arrivé quand on regarde la loi qui est présentée devant
nous, sur les permis de conduire. Pour la majorité des
Québécois, permis de conduire cela s'inscrit dans un grand
générique qui s'appelle assurance automobile. Première
tartuferie, Journal de Québec, 22 mars 1986: L'assurance automobile
n'augmentera pas. Pour les Québécois, cela signifie tout ce qui
se relie au fait de posséder une voiture, de conduire une voiture,
d'avoir une assurance. Pour eux c'était: Tiens, il n'y aura pas
d'augmentation. L'assurance automobile n'augmentera pas en 1986, mais il n'est
pas dit que les coûts de l'immatriculation et du permis de conduire ne
seront pas haussés. (21 h 20)
C'est ce qui s'est passé. Augmentation pour 1986-1987 de 41 000
000 $ pour les permis et les plaques. Si on additionne 41 000 000 $ aux 60 000
000 $ dans le projet de loi 19 que nous présente le ministre des
Transports et qu'on ajoute cela aux 40 000 000 $ rétroactifs au budget
qu'a présenté le ministre des Finances, qui, Dieu seul sait, sait
bien siphonner je suis en train de me dire qu'avoir nommé M. le
député de Bonaventure ministre des Finances, c'est un peu comme
si on avait nommé Dracula président de la Croix-Rouge, parce que
je vous garantis que les honnêtes contribuables, ceux des classes
moyennes - je ne parle pas des gros, des riches - ceux-là commencent
à écoper. Cela fait en tout 141 000 000 $ qui vont être
imposés aux Québécois. On revient à la vieille
tradition du Parti libéral quand on accusait le premier ministre de
l'époque en l'appellant Ti-Jean la taxe. On devra bientôt dire:
Robert la taxe, parce que son gouvernement est devenu spécialiste des
taxes déguisées, des taxes par la porte d'à
côté. On l'a vu sur l'essence, certaines taxes illégales,
certaines taxes qui n'étaient même pas autorisées par des
lois du Parlement. 141 000 000 $.
En 1984, il y avait quoi? Il y avait environ 3 600 000 automobilistes
détenteurs de permis de conduire. 141 000 000 $, si on regarde cela, Mme
la Présidente, cela fait 39 $ supplémentaires. Ces 39 $, les
Québécois vont les prendre où? Les petits -non pas les
gros, non pas les compatriotes du ministre des Communications, du ministre des
Relations internationales où il y a ces belles mansardes près des
grands boulevards - je parle des citoyens ordinaires, ceux qui habitent sur la
rue Logan, ceux qui habitent sur la rue Adam, dans Maisonneuve, ceux qui
habitent sur Panet, dans Saint-Jacques, ceux qui habitent sur Mont-Royal, dans
Mercier, ces gens ordinaires, ces gens qui ne gagnent que 20 000 $ par
année. Ces gens se sont vu consentir par la
générosité du ministre des Finances une réduction
d'impôt de 100 $ par année. On vient déjà de leur en
enlever 39 $ en leur faisant payer des frais supplémentaires pour
l'immatriculation et le permis de conduire et les autres frais reliés
à cela. Donc, on vient déjà de les
déposséder de
plus du tiers de ce qu'on leur avait accordé
"généreusement" - entre guillemets - d'une main les premiers
temps.
C'est la même rengaine depuis le début de cette session,
depuis le 3 décembre. Ce sont des revirements continuels sur ce qui a
été dit et sur ce qui a été écrit avant la
période électorale, durant le temps qu'ils étaient dans
l'Opposition. Je vous parlais tantôt de la commission parlementaire
où M. le député de Mont-Royal intervenait à
l'époque où il était critique. Il disait: M. le
Président, le président du Conseil du trésor
annonçait que les coûts des services de santé
consécutifs aux accidents routiers devront dorénavant être
assumés par la Régie de l'assurance automobile plutôt que
par la Régie de l'assurance-maladie et les établissements du
réseau des affaires sociales. Il évalue à 40 000 000 $ les
coûts découlant des accidents routiers. Nous avons des
informations provenant du Conseil du trésor à savoir que la
Régie de l'assurance automobile défrayerait actuellement une
partie des coûts. Est-ce exact? Est-ce que le ministre peut nous dire
quels sont les coûts réels annuels? Est-ce que le montant de 40
000 000 $ est un montant total? Est-ce qu'un montant de 80 000 000 $, comme le
prétendent certains, serait plus exact? Peut-il nous dire quel est le
montant exact par année?
Nous - nos prédécesseurs - avions répondu à
cette époque que les coûts seraient en fonction d'études
actuarielles faites par la Régie de l'assurance automobile du
Québec qui, en fonction de toutes les données dont on se sert
pour faire des études actuarielles, permettraient de déterminer
quelle est l'augmentation normale et prévisible à ce chapitre.
Aujourd'hui, c'est une décision tout è fait contraire, une
décision arbitraire où on essaie d'aller chercher le maximum sans
aucune étude sérieuse. On a tout simplement l'ambition d'aller
chercher de l'argent mais pour le mettre où après? On ne le sait
pas. Où vont aller les 141 000 000 $? Où vont-ils aller? Dans les
coûts de santé? Quels coûts de santé? Les accidents
routiers? La question se pose, M, le ministre des Transports.
Ceci pour vous dire, Mme la Présidente, qu'il y a eu deux
discours. Il y a eu un discours préalable au 2 décembre. On en a
eu des exemples incroyables depuis le début de la session: un discours
sur Radio-Québec, un discours sur l'aide aux étudiants, un
discours sur la santé, un discours sur la culture, un discours sur les
finances, un discours sur pratiquement tous les sujets. Résultat, le 3
décembre au matin, discours, promesses et engagements du Parti
libéral, Mme la Présidente. Cela s'est résumé
à cela et cela a été surtout: Oubliez ce qu'on vous a dit,
regardez plutôt ce qu'on va faire. C'est cela qui est arrivé du
programme du
Parti libéral. À un point tel, Mme la Présidente,
qu'aux prochaines élections je suggère à tous les
électeurs et électrices, dans toutes les circonscriptions du
Québec, d'administrer un sérum de vérité aux
candidats libéraux de façon qu'on ne soit pas obligés de
vivre, si le malheur nous tombait encore sur la tête, un autre avant 2
décembre et après 2 décembre où tout ce qui aura
été dit en campagne électorale n'aura été,
en définitive, qu'une gigantesque fraude intellectuelle, fraude
électorale, puisque cela est perpétuellement renié dans
toutes les lois qui nous sont amenées.
Donc, le projet de loi 19 que le ministre nous convie à adopter
est tout simplement, à mon point de vue, un détournement de
fonds. Détournement de fonds et surtout détournement de
philosophie qui est l'universalité des programmes de soins de
santé au Québec. C'est là une question fondamentale,
question, d'ailleurs, sur laquelle, le 2 décembre et les mois
précédents, on ne s'était permis aucun commentaire. En
commission parlementaire, on les voit défendre de façon virulente
ce principe, mais, rendu de l'autre côté, Mme la
Présidente, ce principe est facilement attaquable, facilement rejetable,
facilement contestable. D'ailleurs, privatisation,
déréglementation, tout ce qui dans la vie d'une
société s'inscrit à l'intérieur de principes, on le
voit bien, peut être facilement remis en question par une directive d'un
président du Conseil du trésor ou par un chef de parti qui, dans
l'anonymat du "bunker" de l'autre côté, donne des ordres
très précis quant à l'orientation générale
de la société québécoise.
Donc, pour conclure, c'est, encore une fois, sur un dossier important,
la même attitude à laquelle on a assisté sur l'ensemble des
autres dossiers. On le voit en commission parlementaire sur l'éducation,
le projet de loi 58. On l'a vu, je vous l'ai dit tantôt, sur
Radio-Québec, on va le voir très bientôt sur Quebecair, on
va le voir sur un paquet d'autres sujets qui nous seront amenés d'ici
à la fin de la session. C'est encore, Mme la Présidente, une
gigantesque tartuferie, c'est-à-dire... La raffinerie de sucre, tenez,
j'allais oublier, ce plus bel exemple, l'exemple le plus éloquent de
l'attitude du gouvernement actuel, là où il y a eu une orgie de
publicité, de promesses et d'engagements dans les comtés de la
rive sud de Montréal. Regardez à quoi nous avons assisté,
à un revirement complet de situation et à un revirement aussi
où on n'a absolument pas pensé aux conséquences que cela
entraînait chez ceux et celles qui, dans notre société,
sont considérés comme des petits, c'est-à-dire des
gagne-petit. Ces travailleurs et ces travailleuses qui ne font que 15 000 $ ou
20 000 $ péniblement, à 40 ou 45 heures par semaine, on ne s'en
est pas
préoccupé. C'est encore ces mêmes petits, Mme la
Présidente, qui, avec le projet de loi 19 sur l'assurance automobile,
vont se voir enlever 39 $ annuellement quand la seule concession que ce
gouvernement, tellement généreux avec les autres,
c'est-à-dire les plus importants et les plus riches, ne leur avait
consenti qu'un maigre retour d'impôt de 100 $ par année,
c'est-à-dire 0,25 $ par semaine. Donc, encore une fois, une autre
philosophie que ce parti avait développée durant sa campagne
électorale et, ciel, que mon comté en avait été
placardé! On avait porté aux nues l'expression au nom de
l'équité. L'équité de qui, Mme la
Présidente? (21 h 30)
Une voix: L'équité du budget.
M. Boulerice: L'équité du budget,
l'équité du gros parce que le gros a eu, je vous le
répète, 2000 $ de réduction d'impôt parce qu'il
avait la chance d'en faire 80 000 $ par année. Ces 39 $, Mme la
Présidente, cela ne l'inquiétera pas de payer cela. Mais ceux et
celles qui font ces 15 000 $ ou 20 000 $ par année, ces 39 $ dans leur
budget, c'est un morceau qui commence à être important surtout
qu'ils ont maintenant d'autres frais qui vont s'ajouter puisqu'ils ont, pour la
plupart, des enfants. 75 % de ceux qui gagnent 20 000 $ et moins ne sont pas
des "ceux", mais des "celles", ce sont des femmes, Mme la Présidente.
C'est pour cela que je me réjouis, d'ailleurs, de l'intérêt
que vous portez à mon propos quand je parle de cela. Je vous sais
solidaire de la cause des femmes au Québec, Mme la Présidente.
Ces gens-là, ces femmes-là se verront obligées
également à d'autres coûts. On a vu les mesures qu'a
adoptées la ministre de la Santé et des Services sociaux quant au
programme de soins dentaires au Québec. C'est exactement ce que je
disais lorsque j'ai eu le plaisir et l'honneur de m'adresser la première
fois à cette Assemblée, bien avant le dépôt du
budget. Déjà, dans une espèce de prémonition, je
disais: Le budget s'en vient. On en a fait un genre d"'Apocalypse Now" en
annonçant les pires choses. Finalement, le petit se retrouvera un petit
peu soulagé en se disant: On ne m'a pas tout enlevé. Le moyen va
se dire: On ne m'a pas tout taxé. Et le gros surtout va dire: On ne m'a
surtout rien enlevé.
Mme la Présidente, le projet de loi 19 sur l'assurance automobile
n'est pas une loi de l'équité et elle transgresse, en plus de
cela, un principe fondamental qui existe dans notre société
depuis de nombreuses années, depuis d'ailleurs un gouvernement
libéral, mais à l'époque où le mot libéral
avait un sens, le principe de l'universalité des programmes de
santé.
Mme la Présidente, c'est encore une fois un reniement des
promesses, c'est encore un déchirement des engagements, c'est une encore
une mise à la poubelle d'un programme électoral et d'engagements
partisans pour l'élection du 2 décembre, c'est en
définitive une autre tromperie.
Que va-t-il arriver de ces 141 000 000 $? C'est vrai que cela va aller
dans les programmes de santé. De cela, je ne me plaindrai quand
même pas. Cela aurait pu être pire. Cela aurait pu aboutir à
la construction d'autoroutes, une belle grande autoroute qui serait partie de
Québec et qui se serait rendue un peu vers le nord, ce qui aurait
peut-être permis au ministre des Transports de se déplacer plus
rapidement pour venir au Parlement. Mais non, il semble qu'on n'investira pas,
heureusement, ces 141 000 000 $ dans le béton. Je me réjouis
quand même de voir que le gouvernement libéral n'est plus
cimenteur.
Une voix: Du ciment.
M. Boulerice: Pardon? C-i-m-e-n-t-e-u-r, qui fait du ciment, du
béton. Vous avez bien compris. Ce sont les subtilités de la
langue, M. le député.
Je conclus en disant que ce projet de loi ne s'inscrit pas dans ce
qu'ils ont prêché, c'est-à-dire l'équité, le
respect des programmes d'universalité des soins. Quant à nous,
notre formation politique votera contre, de toute évidence. Je vous
remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Je vous remercie, Mme la Présidente.
Ordinairement, il y a deux formules qu'on emploie. Quand on est du
côté du gouvernement, on dit toujours: Mme la Présidente,
je suis heureux de me lever sur un projet de loi de mon collègue Untel
en vue de l'appuyer. Du côté de l'Opposition, on dit toujours:
C'est avec déplaisir ou avec malheur que je suis porté à
voter contre ce projet de loi. Peut-être que je terminerai avec cette
formule à la fin des quinze minutes qui me sont allouées pour
participer à ce débat. Mais il reste quand même que je suis
"en balance". On dit souvent: Mon coeur balance entre deux positions. C'est un
peu ce qui se passe, parce que la proposition qui nous est faite par le projet
de loi 19, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile, implique des
principes de base sur lesquels je voudrais argumenter pendant les instants qui
me sont accordés.
Je voudrais savoir quel est le montant qu'on va chercher à la
Régie de l'assurance automobile par ce projet de loi. C'est un montant
de 60 000 000 $, mais il faut se demander si c'est un petit montant de
60 000 000 $ tout seul dans son coin ou si on doit l'additionner
à d'autres montants. On doit effectivement faire mention à
l'ensemble des gens qui nous écoutent, les gens de l'Assemblée et
ceux qui nous écoutent à la télévision, que le
discours sur le budget du 1er mai annonçait une augmentation d'un autre
montant de 40 000 000 $ que le ministre des Finances va aller chercher, faisant
en sorte qu'en fin de compte on va combler une partie du coût des
services de santé occasionnés par les accidents d'automobile des
années antérieures. On fait le total et on doit ajouter à
ce montant, si on fait l'addition de 60 000 000 $ et de 40 000 000 $, de 100
000 000 $ un autre montant provenant des permis de conduire et de
l'immatriculation des véhicules automobiles qui augmenteront dans
l'année qui vient de 41 000 000 $ additionnels.
On doit regarder en même temps quels sont les montants que
l'État - il ne faut pas regarder tout simplement cette loi sans voir
l'ensemble des autres mesures adoptées par ce gouvernement - va
siphonner. Il y en a qui appellent cela siphonner; cela adonne bien lorsqu'on
parle de carburant dans une automobile. On siphonne donc de l'argent dans des
sociétés d'État et dans le budget lui-même. On est
frappé par les montants d'argent qui sont perçus par ce
gouvernement de la Commission des normes du travail, montants qui auraient pu,
d'une façon ou d'une autre, servir aux travailleurs qui sont, on s'en
souviendra, assujettis aux normes minimales du travail, qui sont sans
protection de convention collective et qui ont donc besoin du projet de loi que
l'État propose et qui est, en pratique, appliqué par un ministre
responsable. Ces employés peuvent être lésés par des
employeurs qui ne les indemnisent pas. C'est un autre montant de 70 000 000 $
qu'on va chercher et qui s'ajoute aux 60 000 000 $, aux 40 000 000 $ et aux 41
000 000 $ dont je faisais mention tout à l'heure. (21 h 40)
On parle de vendre certaines sociétés d'État. On
dit qu'on est prêt à vendre pour au moins 425 000 000 $ d'actifs
de certaines sociétés d'État pour obtenir quoi en retour?
Un montant de 175 000 000 $ comme gain de capital, pour permettre quoi, dans le
fond? Qu'est-ce qu'on va chercher et quelles sont les raisons pour lesquelles
le gouvernement vient chercher de tels montants?
C'est quoi, les 60 000 000 $ dont on fait mention? Je pourrais parler
d'autres montants d'argent avant d'y arriver. Je pourrais parler des 97 000 000
$ qu'on va chercher par le budget du 1er mai dernier à titre de taxe sur
l'huile à chauffage, sur le gaz naturel. Encore une fois, des mesures
qui frappent les petits, les gens qui sont les plus démunis, ceux qui
ont décidé, à un moment donné, de ne pas se
convertir à l'usage de l'électricité. Est-ce que ces
sommes d'argent qu'on va chercher sont pour financer une partie de certains
travaux dont on entend parler dans cette Assemblée aujourd'hui et depuis
fort longtemps, la phase II de la Baie James? C'est quoi? Pourquoi va-t-on
chercher l'ensemble de ces sommes?
Souvenez-vous de l'autre, celle du gain produit par les
intérêts. On enlève l'exemption de 1000 $ et on la remplace
par 500 $. Mais en même temps que cette coupure que l'on fait à
ceux qui ont la chance de placer un peu d'argent et d'en retirer des
intérêts, de faire certains gains en intérêts
grâce à l'exemption de 1000 $ on va, sur les gains en capital,
passer une exemption à vie à 500 000 $. Quelles sont les
personnes - Mme la Présidente, vous allez l'admettre avec moi - qui
peuvent placer de l'argent et faire des gains en capital de 500 000 $ sinon
celles qui ont des fortunes, de l'argent, une capacité que n'ont pas les
moins fortunés, les petits de la société? C'est donc un
montant de 82 000 000 $ de taxes de plus cette année par la diminution
de cette déduction qui était de 1000 $ et qui passe à 500
$ sur les gains en intérêt.
On va, dans certains ministères de ce gouvernement, retrouver une
nouvelle tarification sur les biens et services. On annonce déjà
qu'on va aller chercher 75 000 000 $ dans des services différents les
uns des autres, que ce soient les soins dentaires ou d'autres. Donc, quand on
regarde cela, on se dit que c'est encore aller chercher de l'argent par de
nouvelles tarifications. Dans cette perspective, il faut se demander de quelle
façon a-t-on fixé la somme de 60 000 000 $ dont parle le projet
de loi qui est devant nous, le projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur
l'assurance automobile.
Si on regarde les renseignements supplémentaires qui ont
été fournis sur les crédits en date du 19 mars 1985, on
prévoyait à ce moment-là l'imputation à la
Régie de l'assurance automobile des frais de services de santé
découlant des accidents d'automobile. Toutefois, à ce
moment-là, aucun montant n'était défini, ni comment il
serait calculé. Aucun de ces montants n'était connu. Le ministre
impose 60 000 000 $, mais pourquoi 60 000 000 $? D'où vient ce chiffre
de 60 000 000 $? Sur quelle étude s'est basé le ministre pour
demander 60 000 000 $? Est-ce un chiffre en l'air, tout simplement pour aider
à diminuer le déficit prévisible que le ministre des
Finances, dans les prochains états financiers du gouvernement, voudrait
ramener à moins de 3 000 000 000 $? C'est fort probablement la
réponse, c'est effectivement dans le but de maintenir à un niveau
qu'il a désigné
d'avance le déficit gouvernemental afin de répondre
à l'engagement du président du Conseil du trésor et du
premier ministre fait pendant la campagne électorale, soit de maintenir
le déficit à moins de 3 000 000 000 $. Vous vous souviendrez, Mme
la Présidente, des débats que nous avons eus ici, en cette
Assemblée et dans d'autres commissions parlementaires, où on a
fait mention de la "balloune" que l'on avait soufflée avant la
présentation du budget du ministre des Finances pour arriver au grand
soir du ouf! La "balloune" a été dégonflée et on a
démontré que l'on était de grands administrateurs. Voyons
donc! Voyons donc!
Contrairement à ce que l'on pense, les 60 000 000 $ ne sont
basés sur rien d'autre que ceci: J'ai besoin d'un montant d'argent. On
demande à un ministre, pour que cela ne fasse pas trop mal, un montant
de 60 000 000 $ et c'est ce que le projet de loi prévoit ici, comme on a
demandé, par exemple, concernant les soins dentaires, un autre montant
d'argent, comme on va demander des tarifications concernant le ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, et d'autres montants. On va donc
aller chercher l'argent un peu partout pour faire un montant global dont font
partie les 60 000 000 $ qui sont devant nous.
Mais il y a encore pis et cela m'inquiète un peu. Qu'est-ce que
le ministre propose dans ce projet de loi? En fait, c'est une façon
déguisée d'adopter un règlement, alors que ce
gouvernement, quand il était dans l'Opposition, et maintenant qu'il
forme le gouvernement actuel, nous a dit, nous a répété et
il l'a, semblerait-il, prouvé en mettant en place un ministre de la
déréglementation. C'est beau, Mme la Présidente, un
ministre de la déréglementation! Mais ce qui est plus
drôle, c'est qu'on présente un projet de loi dans lequel on dit:
II n'y aura pas de réglementation, on va le mettre dans le projet de loi
et on va, de façon plus cachée, faire les augmentations, parce
que c'est un décret gouvernemental qui, dans trois ans, va
déterminer le niveau d'augmentation. C'est une façon qui est,
à mon avis, la plus drôle de présenter un tel dossier. Je
pense qu'on devrait vraiment le dire de façon très précise
à ce gouvernement.
Je termine, Mme la Présidente, parce que d'autres veulent parler,
en disant que je trouve déplorable qu'un gouvernement qui s'est fait
élire en disant qu'il était pour déréglementer
fasse une réglementation secrète par un projet de loi et donne au
ministre le pouvoir, par le Conseil des ministres, de déterminer sans
autre avis public les prochaines augmentations. Dans ce cas, Mme la
Présidente, je voterai contre le projet de loi.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laviolette. M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. À ce
moment-ci, je voudrais vous faire part d'une entente qui est intervenue entre
le ministre des Transports, le leader du gouvernement et moi-même,
à savoir que je demanderais à ce stade-ci l'ajournement du
débat. Le ministre des Transports va, par la suite, demander
l'ajournement des travaux et nous vous ferons part de l'entente qui est
intervenue pour demain afin que vous puissiez en faire un ordre de la Chambre.
Je demande donc, en ce qui me concerne, l'ajournement du débat.
La Vice-Présidente: Si je comprends bien, M. le leader de
l'Opposition, vous demandez l'ajournement du débat concernant le
principe du projet de loi 19. Est-ce que cette motion est adoptée?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais, comme il y avait
entente, demain, un intervenant du côté du gouvernement et, ce que
tout le monde attend maintenant, la réplique.
Des voix: Ah! Ah!
La Vice-Présidente: Donc, on va faire un ordre de la
Chambre qu'il y ait un intervenant de chaque côté, plus la
réplique?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, Mme la
Présidente.
M. Chevrette: Un intervenant.
La Vice-Présidente: Plus une réplique?
M. Chevrette: Non, non.
La Vice-Présidente: Incluant la réplique.
M. Chevrette: Incluant la réplique.
La Vice-Présidente: Je demande qu'on en fasse un ordre de
la Chambre. M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Je demande l'ajournement
à demain, 10 heures.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement pour que
les travaux de cette Chambre soient ajournés à demain, 10
heures?
Des voix: Oui.
La Vice-Présidente: Consentement. Les travaux sont
ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 48)