(Cinq heures cinquante-sept minutes)
M. Tanguay : Alors, aujourd'hui,
samedi, nous avons devant nous un gouvernement caquiste qui aura imposé par le
bâillon un bouleversement, un bouleversement dans la santé, qui est le projet
de loi n° 15, qui aura donc été adopté dans les dernières minutes par
bâillon. Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises de dire que c'était un
mauvais projet de loi, une mauvaise réforme qui ne viendra pas régler les
immenses problèmes d'accès au système de santé, d'accès aux soins. Les urgences
débordent au Québec, partout, et on a pu voir, malheureusement, des personnes
qui sont décédées, même, au sein des urgences, et il y avait un lien, bien
évidemment, avec les délais. Et ça, on le condamne. La CAQ, dans sa sixième année,
a été incapable de livrer les soins de service, les services publics.
Alors, projet de loi n° 15 adopté
sous bâillon, grand bouleversement. Aucune preuve n'a été faite quant à la
capacité de ce projet de loi là, de cette réforme mammouth là de faire en sorte
de venir répondre aux besoins des gens, des Québécoises, des Québécois qui sont
dans les urgences puis qui attendent des heures, qui sont sur les listes d'attente
puis qui n'ont pas accès aux chirurgies. Plusieurs, plus d'un an d'attente sur
la liste. Également, la CAQ... on aura vu, sous la CAQ, une diminution de plus
de 300 000 Québécoises et Québécois qui n'ont pas de médecin de
famille. Autant de belles promesses qui ont été rompues par François Legault et
que ne viendra pas régler le projet de loi n° 15, qui a été adopté.
Également, vous nous permettrez de
souligner que, pour nous, l'approche de Santé Québec, de faire en sorte d'isoler
dans une entité indépendante de la responsabilité ministérielle du gouvernement
caquiste, n'est pas une bonne idée. Santé Québec va gérer toutes les
opérations, va octroyer les budgets et va décider des opérations au jour le
jour sans qu'il y ait suffisamment de redditions de comptes. C'est une
déresponsabilisation du gouvernement caquiste qui, lui, se réserve le droit de
faire deux choses essentiellement : de dicter ou de donner les grandes
orientations et de congédier au bon plaisir celles et ceux qui ne feraient pas
l'affaire du gouvernement caquiste.
C'est un gouvernement, encore une fois, je
termine là-dessus, qui se déresponsabilise et qui ne vient pas régler les
enjeux majeurs, que l'on a vus grandir et grossir sous la CAQ depuis cinq ans.
Pendant ce temps là, qu'est-ce qui arrive? Bien, les grévistes, ils sont dans
la rue. Les grévistes, ce sont les travailleuses et travailleurs, mais ils sont
perçus comme étant évidemment... faisant partie, pour le gouvernement caquiste,
davantage du problème. Nous voulons que le gouvernement donne satisfaction aux
travailleuses et travailleurs, notamment du système de santé, les professeurs
également, qui tiennent nos réseaux à bout de bras, qui sont à bout, et, après
un an, ce n'est toujours pas réglé.
Maintenant, vous allez me permettre de
céder la parole à celui qui aura été, durant la commission parlementaire, à l'article
par article, de tous les combats de tous les instants, le député de Pontiac,
porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, André Fortin.
M. Fortin :Il y a un enjeu en matière de soins de santé au Québec ces
jours-ci, et c'est comment on attire de la main-d'oeuvre, comment on retient la
main-d'oeuvre, comment on la mobilise cette main-d'oeuvre-là, comment on s'assure
qu'elle est impliquée dans son milieu, puis le projet de loi n° 15, et ça
a à peu près tous les représentants du personnel de la santé nous l'ont dit, c'est
un projet de loi qui va démobiliser le réseau de la santé. Et ça, on ne peut
pas se permettre ça ces jours-ci. Si on veut améliorer ce qui se passe dans nos
urgences, si on veut améliorer ce qui se passe à la DPJ, si on veut améliorer
ce qui se passe dans nos CHSLD, ça prend plus de personnel, ça prend plus de
travailleurs. On a besoin de les mobiliser. La seule chose que le projet de loi
n° 15 a réussi à faire à ce niveau-là, c'est de les mobiliser, mais les
mobiliser contre le projet de loi. Si on va visiter une ligne de piquetage
demain, là, il va y avoir des pancartes contre le projet de loi n° 15
parce qu'il inquiète les travailleurs de la santé.
Le Modérateur : Un petit mot
en anglais...
M. Fortin :So, the number one issue in healthcare
right now is how do we attract workers, how do we retain workers, how do we
keep them happy, how do we make sure they love their job and they don't want to
go do something else with their life. And bill 15, just about everybody
who came to… told us this was a bill that would demobilize our health care
workers, and that's something we can simply not afford to do right now. So,
unfortunately, we spent the last eight months here studying this bill when we
should have been looking for ways to attract more workers and keep them in our
network, in our public health care network. So, it's really unfortunate that
the bill got adopted, the bill got adopted by invoking closure, but it's mostly
shameful that we spent the last eight months studying something that will not
have a positive impact on the future of healthcare in Québec.
Journaliste : Comment vous l'avez
trouvé M. Dubé cette nuit dans ses réponses à vos questions?
M. Fortin :Bien, il était tanné M. Dubé. Il nous l'a dit d'entrée
de jeu qu'il était tanné. Il l'a dit ce matin aux journalistes qu'il était
tanné, et ça paraissait lors du début de l'étude ce soir. On a quand même
étudié le projet de loi pendant 5 heures, alors, au fil du temps, il s'est
peut-être assoupi un peu, là, mais il n'est pas arrivé avec la bonne attitude
pour avoir une étude productive ce soir.
Journaliste : Sur la clarté
de ses explications, comment vous l'avez trouvé au cours de la nuit?
M. Fortin :Bien, j'ai trouvé que M. Dubé, disons, au cours des
derniers mois d'étude parlementaire, il s'est beaucoup caché derrière ses
légistes, il s'est beaucoup caché derrière ses sous-ministres et aujourd'hui il
avait de la difficulté à faire ça. Ce qu'on a vu, c'est un ministre qui ne comprenait
pas nécessairement toujours le fond de son projet de loi, et ça, ça a mené à
des articles comme celui de la semaine dernière sur les services de langue
anglaise, où le ministre a candidement avoué qu'il ne comprenait pas ce qu'il
nous avait présenté. Mais aujourd'hui c'était clair que le ministre n'était pas
assez préparé pour cette étude-là.
Journaliste : Québec
solidaire disait un petit peu plus tôt que c'est à peu près une dizaine d'articles
que vous êtes parvenus à étudier...
M. Fortin :Ah! je n'ai pas fait le compte. Ça se peut, peut-être un
peu plus, peut-être un peu moins.
Journaliste : Sachant qu'il y
en a 650 à peu près qui n'étaient pas étudiés au début du bâillon, est-ce que
vous regrettez de ne pas avoir pu faire les quatre jours qui étaient proposés
la semaine prochaine parce que ça aurait permis d'en faire plus, c'est
indéniable?
M. Fortin :Bien, c'est sûr. On a commencé la semaine... En fait, on a
commencé la semaine en disant : Nous, on est prêts à en faire davantage, à
siéger toute la semaine prochaine parce qu'on veut étudier un maximum
d'articles de loi. Même aujourd'hui, dans les quelques articles qu'on a étudiés
hier soir, bien, on a réussi à faire des amendements, à faire des avancées, à
peaufiner le projet de loi. Si on a réussi, en 10 articles, à trouver des
écueils, à trouver des modifications nécessaires pour la bonne gouvernance du
réseau de la santé, bien, je suis convaincu qu'en quatre, cinq jours, on aurait
pu en faire davantage. On a voté contre le projet parce que ce n'est pas un bon
projet, ce n'est pas un projet qui est positif pour l'avenir du réseau de la
santé, mais si on est capable de l'améliorer, c'est quand même ça notre
travail, puis c'est ça qu'on a fait au cours des derniers mois, puis on aurait
continué à le faire avec plaisir.
Journaliste : Donc, ce qui
n'a pas été étudié, est ce que vous avez déjà repéré des problèmes qui vont se
profiler à l'horizon?
M. Fortin :Bien, on n'a rien étudié du préhospitalier. En fait, je pense
que sur 90 articles, là, on en a étudié deux. Et le préhospitalier, là,
vous le savez, c'est un monde où il y a énormément d'enjeux ces jours-ci. On
aurait aimé pouvoir l'approfondir davantage. Quand on regarde les dispositions
que le ministre appelait des dispositions de concordance, il y avait tous les
enjeux, il y avait plusieurs enjeux au niveau du Code civil qu'on aurait aimé
pouvoir approfondir aussi. Alors, oui, il y a des choses qu'on aurait aimé
pousser davantage, mais la grosse partie de ça, c'est le préhospitalier.
Journaliste : Vous vous
attendez à quoi dans les prochaines semaines, les prochains mois? Maintenant
que le projet de loi est adopté puis que le ministre vous a dit que ça pressait
de l'adopter, puis que c'est pour ça qu'on est allés en bâillon, qu'est ce
qu'il doit livrer dans les prochaines semaines, M. Dubé, pour démontrer
que vraiment il y avait empressement?
M. Fortin :Bien, il va falloir qu'il commence à mettre en place son
réseau, là. La première chose que M. Dubé est supposé faire suite à
l'adoption de son projet de loi, c'est d'embaucher son président, chef de la
direction. En fait, il nous a dit qu'il préférait une femme, alors sa
présidente, cheffe de la direction. Et à partir de là, tout découle. Alors,
s'il y a un empressement, moi, j'ai hâte de voir cette nomination-là. Et c'est
un peu le test, là, aussi pour voir si M. Dubé est sérieux dans la... la
qualité des gens qu'il va rechercher pour un emploi comme celui-là, là. Qu'on
soit pour ou contre le projet de loi no 15, et on était très clairement contre.
Il va quand même avoir besoin de gens de qualité pour, maintenant, faire tout
le travail qui est imparti à Santé Québec.
Le Modérateur : Voulez-vous
rajouter quelque chose, M. Tanguay?
M. Tanguay : Bien, oui.
Puis André a tout à fait raison. Et pendant ce temps-là, on ne règle absolument
rien sur les listes d'attente en chirurgie, on ne règle absolument rien sur une
diminution nette et marquée du nombre de Québécois qui ont une prise en charge
par un médecin de famille. On n'agira pas non plus sur les urgences. Alors,
pendant ce temps-là, il ne se passera pas plus de quoi pour régler les
problèmes auxquels on fait face, qui ont grossi avec la CAQ depuis cinq ans,
qu'ils regardent grossir. Et hier, j'entendais le ministre, au début du
bâillon, nous avouer que ça ne sera pas... Oubliez ça. Ça ne sera pas avant la
prochaine année que ça va être effectif. Ça va être encore plus tard que ça.
Alors, c'est ce qu'a fait le gouvernement. Et il va... Ne sous-estimez pas
l'énergie, le temps que ça va prendre pour nourrir cette bête-là qu'ils
viennent de créer, qui est Santé Québec, puis qui, aujourd'hui, ne viendra pas
régler les problèmes dans les urgences, l'accès aux soins de santé. Ne
sous-estimez pas le grand bouleversement qu'il vient de créer.
Journaliste : ...disait hier,
là, que c'est nécessaire pour améliorer les services, c'est nécessaire pour...
Il y a... Vous dites l'exact contraire de ce que le ministre dit par rapport...
projet de loi...
M. Tanguay : Tout à
fait. Bien, tout à fait. Puis n'oubliez pas, il est dans sa sixième année. Le
gouvernement caquiste est dans sa sixième année. En janvier 2021, il
disait : Nous, on va respecter toutes nos promesses, indépendamment de la
pandémie. Alors l'excuse de la pandémie, elle n'est plus là. Et là, on a pu
voir qu'après trois plans, minimum, de plans de rattrapage des chirurgies,
promesse sur promesse, c'est échec sur échec. Et rappelez-vous le
90 minutes d'il y a six ans, en 2018, lors de l'élection. Bien, le
90 minutes, la dernière fois que j'ai regardé, c'était
3 h 6 min, le délai d'attente à l'urgence avant de voir un
médecin. Alors, c'est pire que pire. Et là on vient de nous lancer par bâillon,
nous imposer un mammouth qui va siphonner énormément d'énergie. Puis pendant ce
temps-là il ne réglera aucun des grands problèmes et surtout il ne réglera pas
celles et ceux qui sont dans les rues, dans la rue présentement, qui sont nos
travailleurs, travailleuses qui tiennent à bout de bras le système de santé puis
qui ne sont plus capables. Ils sont à bout, là.
M. Fortin :Il y a deux choses là-dedans.
M. Tanguay : Je t'en prie,
André.
M. Fortin :Il y a qu'est-ce que M. Dubé va faire et qu'est-ce qu'il
devrait faire. Ce que M. Dubé va faire, c'est qu'il va se trouver un
président-chef de la direction de Santé Québec. Il va se trouver un conseil
d'administration. Il va trouver tous ses fameux Top Gun. Il va se concentrer
là-dessus pour les prochaines semaines.
Qu'est-ce qu'il devrait faire? Il devrait
faire des offres de qualité aux travailleurs de la santé, parce que ces gens-là
méritent des conditions de travail améliorées pour pouvoir continuer à donner
des soins à la population. Qu'est-ce qu'il devrait faire? Il devrait remettre
en place sa cellule de crise dans les urgences pour contribuer à diminuer
l'achalandage monstre qu'on voit en ce moment. Il devrait se concentrer sur
donner les services à la population, mais, pendant ce temps-là, ce qu'il va
être en train de faire, c'est trouver ses fameux top gun. Entre vous et moi, il
y a une des deux choses qui va avoir un impact sur les services à la population
au cours des prochains mois, puis ce n'est pas ses embauches.
Journaliste : En 5 heures,
sur quoi vous avez réussi à avancer?
M. Fortin :Dans le cinq heures? Bien, aujourd'hui, il y a quand
même... Nous, ce qu'on voulait, c'était d'abord mettre sur la table les
propositions qu'on avait pour le centre d'appels d'urgence de l'Est du Québec
qui... malheureusement, là, ces demandes-là ont été refusées par le
gouvernement. Mais le centre d'appels d'urgence de l'Est du Québec, là, il est
à risque, parce que Santé Québec va venir en prendre le contrôle, alors que ce
n'est pas leur centre d'appels d'urgence. Ça, c'est... pour nous, c'était
nécessaire de faire ça.
Mais là où, de notre côté, on a eu un
gain, c'est dans ce qu'on a réussi à négocier avec le gouvernement à
l'extérieur du cinq heures, c'est-à-dire d'aller chercher des provisions pour
faire en sorte que les gens qui étaient affectés par le projet de loi, les gens
qui avaient... qui auraient eu de la difficulté à obtenir leurs médicaments
pour les maladies rares, bien, ça va être un peu plus facile pour eux grâce aux
amendements qu'on a négociés avec le gouvernement.
Journaliste : Comment?
M. Fortin :Bien, ce que...
Journaliste : Vous parlez des
médicaments d'exception, là, c'est ça?
M. Fortin :Oui, exactement. Ce qu'on a négocié avec le gouvernement,
c'est une définition très claire des gens qui peuvent obtenir ces
médicaments-là. Ce qu'on a réussi à négocier avec le gouvernement, c'est de
s'assurer que, si un professionnel de la santé à un bout du Québec réussit à
obtenir pour son patient un tel médicament, bien, que sa façon de faire va être
partagée avec un professionnel de la santé à l'autre bout du Québec. Alors,
après avoir consulté les groupes en faveur ou les groupes qui militent pour les
gens atteints de maladies rares, on pense que c'est un gain significatif, là,
pour les patients.
Journaliste : Vous avez passé
la nuit debout, peut-être juste une petite dernière, vous allez pouvoir aller
vous coucher. Le danger à partir d'aujourd'hui avec Santé Québec?
M. Fortin :Bien, d'abord, le danger, c'est qu'on se concentre sur la
structure à venir plutôt que d'améliorer les soins aux patients à court terme.
Journaliste : ...améliorés,
les services aux patients, c'est pour ça qu'il l'a passé vite.
M. Fortin :Mais qu'est-ce qu'il va faire, M. Dubé, la semaine
prochaine? Il va se chercher un président-chef de la direction, il va se
trouver un conseil d'administration, il ne va pas être en train de remettre en
place sa cellule de crise dans les urgences. Il ne va pas être en train de
régler avec les travailleurs de la santé. Les énergies de M. Dubé vont être
passées à la mauvaise place.
À plus long terme, qu'est-ce qui risque
d'arriver? C'est qu'on va avoir une gestion extrêmement loin du terrain. Les
travailleurs de la santé, que ce soient les médecins, les infirmières, les travailleurs
sociaux, ils perdent leur pouvoir d'influence avec Santé Québec. On a un
système qui va être extrêmement hiérarchisé. La ligne... quand M. Dubé nous
dit : Bien, on a besoin des leviers. Ça, ça veut dire qu'on a besoin
d'avoir le contrôle sur le président, sur les P.D.G. d'établissement, sur les
directeurs médicaux pour qu'ils mettent tous en place la façon de penser du
gouvernement. Ça laisse très peu de place pour que les travailleurs puissent
mettre en place leurs idées, leurs initiatives, leurs préoccupations, leurs
façons de voir les choses. Le risque, c'est ça, c'est la démobilisation. Merci.
M. Tanguay : Merci beaucoup.
(Fin à 6 h 13)