43e législature | 2e session

Transcription

Point de presse de M. Marc Tanguay, chef de l’opposition officielle, M. Monsef Derraji, leader parlementaire de l’opposition officielle, et M. André Fortin, porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé

Version finale

Le samedi 9 décembre 2023, 5 h 55

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Cinq heures cinquante-sept minutes)

M. Tanguay : Alors, aujourd'hui, samedi, nous avons devant nous un gouvernement caquiste qui aura imposé par le bâillon un bouleversement, un bouleversement dans la santé, qui est le projet de loi n° 15, qui aura donc été adopté dans les dernières minutes par bâillon. Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises de dire que c'était un mauvais projet de loi, une mauvaise réforme qui ne viendra pas régler les immenses problèmes d'accès au système de santé, d'accès aux soins. Les urgences débordent au Québec, partout, et on a pu voir, malheureusement, des personnes qui sont décédées, même, au sein des urgences, et il y avait un lien, bien évidemment, avec les délais. Et ça, on le condamne. La CAQ, dans sa sixième année, a été incapable de livrer les soins de service, les services publics.

Alors, projet de loi n° 15 adopté sous bâillon, grand bouleversement. Aucune preuve n'a été faite quant à la capacité de ce projet de loi là, de cette réforme mammouth là de faire en sorte de venir répondre aux besoins des gens, des Québécoises, des Québécois qui sont dans les urgences puis qui attendent des heures, qui sont sur les listes d'attente puis qui n'ont pas accès aux chirurgies. Plusieurs, plus d'un an d'attente sur la liste. Également, la CAQ... on aura vu, sous la CAQ, une diminution de plus de 300 000 Québécoises et Québécois qui n'ont pas de médecin de famille. Autant de belles promesses qui ont été rompues par François Legault et que ne viendra pas régler le projet de loi n° 15, qui a été adopté.

Également, vous nous permettrez de souligner que, pour nous, l'approche de Santé Québec, de faire en sorte d'isoler dans une entité indépendante de la responsabilité ministérielle du gouvernement caquiste, n'est pas une bonne idée. Santé Québec va gérer toutes les opérations, va octroyer les budgets et va décider des opérations au jour le jour sans qu'il y ait suffisamment de redditions de comptes. C'est une déresponsabilisation du gouvernement caquiste qui, lui, se réserve le droit de faire deux choses essentiellement : de dicter ou de donner les grandes orientations et de congédier au bon plaisir celles et ceux qui ne feraient pas l'affaire du gouvernement caquiste.

C'est un gouvernement, encore une fois, je termine là-dessus, qui se déresponsabilise et qui ne vient pas régler les enjeux majeurs, que l'on a vus grandir et grossir sous la CAQ depuis cinq ans. Pendant ce temps là, qu'est-ce qui arrive? Bien, les grévistes, ils sont dans la rue. Les grévistes, ce sont les travailleuses et travailleurs, mais ils sont perçus comme étant évidemment... faisant partie, pour le gouvernement caquiste, davantage du problème. Nous voulons que le gouvernement donne satisfaction aux travailleuses et travailleurs, notamment du système de santé, les professeurs également, qui tiennent nos réseaux à bout de bras, qui sont à bout, et, après un an, ce n'est toujours pas réglé.

Maintenant, vous allez me permettre de céder la parole à celui qui aura été, durant la commission parlementaire, à l'article par article, de tous les combats de tous les instants, le député de Pontiac, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, André Fortin.

M. Fortin :Il y a un enjeu en matière de soins de santé au Québec ces jours-ci, et c'est comment on attire de la main-d'oeuvre, comment on retient la main-d'oeuvre, comment on la mobilise cette main-d'oeuvre-là, comment on s'assure qu'elle est impliquée dans son milieu, puis le projet de loi n° 15, et ça a à peu près tous les représentants du personnel de la santé nous l'ont dit, c'est un projet de loi qui va démobiliser le réseau de la santé. Et ça, on ne peut pas se permettre ça ces jours-ci. Si on veut améliorer ce qui se passe dans nos urgences, si on veut améliorer ce qui se passe à la DPJ, si on veut améliorer ce qui se passe dans nos CHSLD, ça prend plus de personnel, ça prend plus de travailleurs. On a besoin de les mobiliser. La seule chose que le projet de loi n° 15 a réussi à faire à ce niveau-là, c'est de les mobiliser, mais les mobiliser contre le projet de loi. Si on va visiter une ligne de piquetage demain, là, il va y avoir des pancartes contre le projet de loi n° 15 parce qu'il inquiète les travailleurs de la santé.

Le Modérateur : Un petit mot en anglais...

M. Fortin :So, the number one issue in healthcare right now is how do we attract workers, how do we retain workers, how do we keep them happy, how do we make sure they love their job and they don't want to go do something else with their life. And bill 15, just about everybody who came to… told us this was a bill that would demobilize our health care workers, and that's something we can simply not afford to do right now. So, unfortunately, we spent the last eight months here studying this bill when we should have been looking for ways to attract more workers and keep them in our network, in our public health care network. So, it's really unfortunate that the bill got adopted, the bill got adopted by invoking closure, but it's mostly shameful that we spent the last eight months studying something that will not have a positive impact on the future of healthcare in Québec.

Journaliste : Comment vous l'avez trouvé M. Dubé cette nuit dans ses réponses à vos questions?

M. Fortin :Bien, il était tanné M. Dubé. Il nous l'a dit d'entrée de jeu qu'il était tanné. Il l'a dit ce matin aux journalistes qu'il était tanné, et ça paraissait lors du début de l'étude ce soir. On a quand même étudié le projet de loi pendant 5 heures, alors, au fil du temps, il s'est peut-être assoupi un peu, là, mais il n'est pas arrivé avec la bonne attitude pour avoir une étude productive ce soir.

Journaliste : Sur la clarté de ses explications, comment vous l'avez trouvé au cours de la nuit?

M. Fortin :Bien, j'ai trouvé que M. Dubé, disons, au cours des derniers mois d'étude parlementaire, il s'est beaucoup caché derrière ses légistes, il s'est beaucoup caché derrière ses sous-ministres et aujourd'hui il avait de la difficulté à faire ça. Ce qu'on a vu, c'est un ministre qui ne comprenait pas nécessairement toujours le fond de son projet de loi, et ça, ça a mené à des articles comme celui de la semaine dernière sur les services de langue anglaise, où le ministre a candidement avoué qu'il ne comprenait pas ce qu'il nous avait présenté. Mais aujourd'hui c'était clair que le ministre n'était pas assez préparé pour cette étude-là.

Journaliste : Québec solidaire disait un petit peu plus tôt que c'est à peu près une dizaine d'articles que vous êtes parvenus à étudier...

M. Fortin :Ah! je n'ai pas fait le compte. Ça se peut, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins.

Journaliste : Sachant qu'il y en a 650 à peu près qui n'étaient pas étudiés au début du bâillon, est-ce que vous regrettez de ne pas avoir pu faire les quatre jours qui étaient proposés la semaine prochaine parce que ça aurait permis d'en faire plus, c'est indéniable?

M. Fortin :Bien, c'est sûr. On a commencé la semaine... En fait, on a commencé la semaine en disant : Nous, on est prêts à en faire davantage, à siéger toute la semaine prochaine parce qu'on veut étudier un maximum d'articles de loi. Même aujourd'hui, dans les quelques articles qu'on a étudiés hier soir, bien, on a réussi à faire des amendements, à faire des avancées, à peaufiner le projet de loi. Si on a réussi, en 10 articles, à trouver des écueils, à trouver des modifications nécessaires pour la bonne gouvernance du réseau de la santé, bien, je suis convaincu qu'en quatre, cinq jours, on aurait pu en faire davantage. On a voté contre le projet parce que ce n'est pas un bon projet, ce n'est pas un projet qui est positif pour l'avenir du réseau de la santé, mais si on est capable de l'améliorer, c'est quand même ça notre travail, puis c'est ça qu'on a fait au cours des derniers mois, puis on aurait continué à le faire avec plaisir.

Journaliste : Donc, ce qui n'a pas été étudié, est ce que vous avez déjà repéré des problèmes qui vont se profiler à l'horizon?

M. Fortin :Bien, on n'a rien étudié du préhospitalier. En fait, je pense que sur 90 articles, là, on en a étudié deux. Et le préhospitalier, là, vous le savez, c'est un monde où il y a énormément d'enjeux ces jours-ci. On aurait aimé pouvoir l'approfondir davantage. Quand on regarde les dispositions que le ministre appelait des dispositions de concordance, il y avait tous les enjeux, il y avait plusieurs enjeux au niveau du Code civil qu'on aurait aimé pouvoir approfondir aussi. Alors, oui, il y a des choses qu'on aurait aimé pousser davantage, mais la grosse partie de ça, c'est le préhospitalier.

Journaliste : Vous vous attendez à quoi dans les prochaines semaines, les prochains mois? Maintenant que le projet de loi est adopté puis que le ministre vous a dit que ça pressait de l'adopter, puis que c'est pour ça qu'on est allés en bâillon, qu'est ce qu'il doit livrer dans les prochaines semaines, M. Dubé, pour démontrer que vraiment il y avait empressement?

M. Fortin :Bien, il va falloir qu'il commence à mettre en place son réseau, là. La première chose que M. Dubé est supposé faire suite à l'adoption de son projet de loi, c'est d'embaucher son président, chef de la direction. En fait, il nous a dit qu'il préférait une femme, alors sa présidente, cheffe de la direction. Et à partir de là, tout découle. Alors, s'il y a un empressement, moi, j'ai hâte de voir cette nomination-là. Et c'est un peu le test, là, aussi pour voir si M. Dubé est sérieux dans la... la qualité des gens qu'il va rechercher pour un emploi comme celui-là, là. Qu'on soit pour ou contre le projet de loi no 15, et on était très clairement contre. Il va quand même avoir besoin de gens de qualité pour, maintenant, faire tout le travail qui est imparti à Santé Québec.

Le Modérateur : Voulez-vous rajouter quelque chose, M. Tanguay?

M. Tanguay : Bien, oui. Puis André a tout à fait raison. Et pendant ce temps-là, on ne règle absolument rien sur les listes d'attente en chirurgie, on ne règle absolument rien sur une diminution nette et marquée du nombre de Québécois qui ont une prise en charge par un médecin de famille. On n'agira pas non plus sur les urgences. Alors, pendant ce temps-là, il ne se passera pas plus de quoi pour régler les problèmes auxquels on fait face, qui ont grossi avec la CAQ depuis cinq ans, qu'ils regardent grossir. Et hier, j'entendais le ministre, au début du bâillon, nous avouer que ça ne sera pas... Oubliez ça. Ça ne sera pas avant la prochaine année que ça va être effectif. Ça va être encore plus tard que ça. Alors, c'est ce qu'a fait le gouvernement. Et il va... Ne sous-estimez pas l'énergie, le temps que ça va prendre pour nourrir cette bête-là qu'ils viennent de créer, qui est Santé Québec, puis qui, aujourd'hui, ne viendra pas régler les problèmes dans les urgences, l'accès aux soins de santé. Ne sous-estimez pas le grand bouleversement qu'il vient de créer.

Journaliste : ...disait hier, là, que c'est nécessaire pour améliorer les services, c'est nécessaire pour... Il y a... Vous dites l'exact contraire de ce que le ministre dit par rapport... projet de loi...

M. Tanguay : Tout à fait. Bien, tout à fait. Puis n'oubliez pas, il est dans sa sixième année. Le gouvernement caquiste est dans sa sixième année. En janvier 2021, il disait : Nous, on va respecter toutes nos promesses, indépendamment de la pandémie. Alors l'excuse de la pandémie, elle n'est plus là. Et là, on a pu voir qu'après trois plans, minimum, de plans de rattrapage des chirurgies, promesse sur promesse, c'est échec sur échec. Et rappelez-vous le 90 minutes d'il y a six ans, en 2018, lors de l'élection. Bien, le 90 minutes, la dernière fois que j'ai regardé, c'était 3 h 6 min, le délai d'attente à l'urgence avant de voir un médecin. Alors, c'est pire que pire. Et là on vient de nous lancer par bâillon, nous imposer un mammouth qui va siphonner énormément d'énergie. Puis pendant ce temps-là il ne réglera aucun des grands problèmes et surtout il ne réglera pas celles et ceux qui sont dans les rues, dans la rue présentement, qui sont nos travailleurs, travailleuses qui tiennent à bout de bras le système de santé puis qui ne sont plus capables. Ils sont à bout, là.

M. Fortin :Il y a deux choses là-dedans.

M. Tanguay : Je t'en prie, André.

M. Fortin :Il y a qu'est-ce que M. Dubé va faire et qu'est-ce qu'il devrait faire. Ce que M. Dubé va faire, c'est qu'il va se trouver un président-chef de la direction de Santé Québec. Il va se trouver un conseil d'administration. Il va trouver tous ses fameux Top Gun. Il va se concentrer là-dessus pour les prochaines semaines.

Qu'est-ce qu'il devrait faire? Il devrait faire des offres de qualité aux travailleurs de la santé, parce que ces gens-là méritent des conditions de travail améliorées pour pouvoir continuer à donner des soins à la population. Qu'est-ce qu'il devrait faire? Il devrait remettre en place sa cellule de crise dans les urgences pour contribuer à diminuer l'achalandage monstre qu'on voit en ce moment. Il devrait se concentrer sur donner les services à la population, mais, pendant ce temps-là, ce qu'il va être en train de faire, c'est trouver ses fameux top gun. Entre vous et moi, il y a une des deux choses qui va avoir un impact sur les services à la population au cours des prochains mois, puis ce n'est pas ses embauches.

Journaliste : En 5 heures, sur quoi vous avez réussi à avancer?

M. Fortin :Dans le cinq heures? Bien, aujourd'hui, il y a quand même... Nous, ce qu'on voulait, c'était d'abord mettre sur la table les propositions qu'on avait pour le centre d'appels d'urgence de l'Est du Québec qui... malheureusement, là, ces demandes-là ont été refusées par le gouvernement. Mais le centre d'appels d'urgence de l'Est du Québec, là, il est à risque, parce que Santé Québec va venir en prendre le contrôle, alors que ce n'est pas leur centre d'appels d'urgence. Ça, c'est... pour nous, c'était nécessaire de faire ça.

Mais là où, de notre côté, on a eu un gain, c'est dans ce qu'on a réussi à négocier avec le gouvernement à l'extérieur du cinq heures, c'est-à-dire d'aller chercher des provisions pour faire en sorte que les gens qui étaient affectés par le projet de loi, les gens qui avaient... qui auraient eu de la difficulté à obtenir leurs médicaments pour les maladies rares, bien, ça va être un peu plus facile pour eux grâce aux amendements qu'on a négociés avec le gouvernement.

Journaliste : Comment?

M. Fortin :Bien, ce que...

Journaliste : Vous parlez des médicaments d'exception, là, c'est ça?

M. Fortin :Oui, exactement. Ce qu'on a négocié avec le gouvernement, c'est une définition très claire des gens qui peuvent obtenir ces médicaments-là. Ce qu'on a réussi à négocier avec le gouvernement, c'est de s'assurer que, si un professionnel de la santé à un bout du Québec réussit à obtenir pour son patient un tel médicament, bien, que sa façon de faire va être partagée avec un professionnel de la santé à l'autre bout du Québec. Alors, après avoir consulté les groupes en faveur ou les groupes qui militent pour les gens atteints de maladies rares, on pense que c'est un gain significatif, là, pour les patients.

Journaliste : Vous avez passé la nuit debout, peut-être juste une petite dernière, vous allez pouvoir aller vous coucher. Le danger à partir d'aujourd'hui avec Santé Québec?

M. Fortin :Bien, d'abord, le danger, c'est qu'on se concentre sur la structure à venir plutôt que d'améliorer les soins aux patients à court terme.

Journaliste : ...améliorés, les services aux patients, c'est pour ça qu'il l'a passé vite.

M. Fortin :Mais qu'est-ce qu'il va faire, M. Dubé, la semaine prochaine? Il va se chercher un président-chef de la direction, il va se trouver un conseil d'administration, il ne va pas être en train de remettre en place sa cellule de crise dans les urgences. Il ne va pas être en train de régler avec les travailleurs de la santé. Les énergies de M. Dubé vont être passées à la mauvaise place.

À plus long terme, qu'est-ce qui risque d'arriver? C'est qu'on va avoir une gestion extrêmement loin du terrain. Les travailleurs de la santé, que ce soient les médecins, les infirmières, les travailleurs sociaux, ils perdent leur pouvoir d'influence avec Santé Québec. On a un système qui va être extrêmement hiérarchisé. La ligne... quand M. Dubé nous dit : Bien, on a besoin des leviers. Ça, ça veut dire qu'on a besoin d'avoir le contrôle sur le président, sur les P.D.G. d'établissement, sur les directeurs médicaux pour qu'ils mettent tous en place la façon de penser du gouvernement. Ça laisse très peu de place pour que les travailleurs puissent mettre en place leurs idées, leurs initiatives, leurs préoccupations, leurs façons de voir les choses. Le risque, c'est ça, c'est la démobilisation. Merci.

M. Tanguay : Merci beaucoup.

(Fin à 6 h 13)