(Onze heures huit minutes)
M. Khadir
: J'ai été
interrogé par mes collègues des autres partis, des libéraux, de la CAQ et du
PQ, pourquoi nous nous sommes abstenus dans le vote de blâme réclamé par le
rapport de M. Jacques Saint-Laurent, qui a été déposé et qui incriminait...
enfin, qui reprochait, qui blâmait le député de Claude Surprenant.
Manon, Gab et moi, nous nous sommes
abstenus parce qu'on avait des réserves importantes. Nous avons d'ailleurs
partagé nos préoccupations, un peu avant le vote, avec Martine Ouellet et M.
Lelièvre, deux autres députés indépendants, puis donc nous avons été finalement
cinq à nous abstenir.
Pourquoi? Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas
des choses à reprocher. On a lu le rapport. M. Surprenant a manqué de jugement
à plusieurs égards, a eu des comportements qui dérogent l'esprit et la lettre
du code de déontologie et des règles de fonctionnement de l'éthique. Cependant,
le coeur du rapport d'analyse de M. Saint-Laurent touche à un problème, c'est-à-dire
le travail partisan rémunéré à même le budget de fonctionnement des bureaux et
des députés de l'Assemblée nationale, qui relève de la décision des partis...
qui sont pratiqués depuis des années, c'est-à-dire cette dérogation aux règles
ou l'utilisation indue de l'argent de l'Assemblée nationale pour faire du
travail partisan est fait, et tout le monde le sait, par les libéraux, par le
PQ, par la CAQ.
D'ailleurs, les hostilités ont commencé comment?
La CAQ a voulu prendre à défaut le PQ, le PQ a fait des représailles, puis
ensuite tous les deux se sont aperçus : Oh! ça risque de les entraîner
dans un tourbillon qui peut nuire à leurs intérêts. Ils se sont entendus entre
eux au Bureau de l'Assemblée nationale puis là, devant le commissaire, ils ont
prétendu que les règles, ce n'était pas flou... étaient floues. Dorénavant, on
ne le fera plus, et puis là rien. Et je trouve déplorable malheureusement que
M. Saint-Laurent n'ait pas pu faire son travail adéquatement encore une fois,
aller au fond des choses, mordre le gros poisson plutôt que de vouer aux
gémonies un député indépendant, M. Claude St-Laurent. Nous, on ne jouera pas
dans ce jeu-là. On ne fera pas de Claude St-Laurent le bouc émissaire de tous
les problèmes...
Journaliste
: ...
M. Khadir
: J'ai
dit...
Journaliste
: Claude
Surprenant.
M. Khadir
:
Excusez-moi. On ne fera pas de Claude Surprenant, le député de Groulx, le bouc
émissaire d'un problème systémique dont la responsabilité relève de la CAQ, du
PQ et du Parti libéral.
M. Lacroix (Louis) : Mais en
même temps, pour une fois qu'il y a quelqu'un qui dénonce cette pratique-là,
c'est comme si vous refusiez, en fait, les conclusions du rapport.
M. Khadir
: Gros, gros
malaise. M. Surprenant a manqué de jugement, M. Surprenant a contrevenu
aux règles. Je suis d'accord, il y a un blâme à faire. Mais est-ce que, alors
qu'en six ans, en sept ans, je ne sais pas depuis combien de temps a oeuvré M.
Saint-Laurent, là, de l'existence de ce Commissaire à l'éthique et à la
déontologie, où on n'a pas pu... malgré tout ce qu'on sait des manquements à
l'éthique de plusieurs ministres, de plusieurs députés, on ne s'est jamais
levés pour condamner personne et là, tout d'un coup, on se lèverait à
l'unanimité pour condamner Claude Surprenant?
Il y a une démesure là-dedans qui traduit
une telle injustice, une telle inéquité que nous, on ne pouvait pas jouer
là-dedans. On s'est abstenus. On n'a pas voté contre parce que, justement, on
sait, on a lu le rapport, M. Surprenant a mal agi. Mais est-ce que ça méritait une
condamnation unanime de l'Assemblée nationale, une Assemblée qui, par ailleurs,
a été incapable, impuissante, n'a pas voulu jamais se questionner?
M. Lacroix (Louis) : Mais
alors pourquoi vous n'avez pas voté contre?
M. Khadir
: Bien,
justement, parce que nous ne voulions pas... mais on aurait pu voter contre,
justement, cette inéquité, mais on voulait que ça soit clair qu'on ne cautionne
pas, on n'approuve pas les agissements de M. Surprenant. On n'approuve pas
ni l'utilisation des fonds publics pour du travail partisan, ni le contrat
donné à son épouse, ni les tentatives de facturer des choses qui ne devaient
pas être facturées. D'accord? On n'approuve pas ça, on ne veut pas que ça se
reproduise.
Mais on sait pertinemment que le travail
partisan est systématiquement... était systématiquement pratiqué avant que tout
ça soit examiné et donc nous trouvions tout à fait injuste et déséquilibré et
un mauvais service rendu à l'éthique et à la déontologie de l'Assemblée
nationale de faire de Claude Surprenant le bouc émissaire des problèmes de tout
le monde.
M. Lacroix (Louis) : C'est
parce qu'il y a comme une espèce de dichotomie dans ce que vous dites, en ce
sens que vous reprochez, en fait, à l'Assemblée nationale de ne pas avoir donné
de sanction auparavant. Là, pour une fois qu'on donne une sanction, vous n'êtes
pas contre, mais, en même temps, vous la dénoncez.
M. Khadir
: Mais
attendez, cette sanction, c'est parce que le commissaire, comme je vous ai dit,
malheureusement, n'a pas fait bien sa job, et je le... Et on proteste
aujourd'hui pour que la commissaire, la nouvelle commissaire entende bien notre
protestation. Il y a eu une enquête sur M. Donald Martel. Donald Martel est
cité là-dedans. Il y a une enquête sur Mme Poirier. Le PQ faisait la même chose
que la CAQ, d'accord? D'ailleurs, le premier groupe à être incriminé, c'était
le PQ. Le commissaire Saint-Laurent, comme toujours, incapable de mordre, au
lieu de venir nous dire : Écoutez, on m'empêche de faire mon travail, les
groupes parlementaires organisés ne m'ont pas permis d'aller au fond des choses
en ne me fournissant pas l'information, bien, il s'en prend au seul qui était
vulnérable.
Comme je vous dis, avec l'idée qu'il faut
qu'il y ait des sanctions, je suis tout à fait d'accord, mais avec une
mascarade comme on vient d'assister, hypocrite, dans laquelle l'ensemble des
députés, de partis qui, par ailleurs, ont organisé ça, se lèvent pour condamner
un député indépendant qui a oui certes mal agi, mais condamné à l'unanimité,
alors qu'on ne l'a jamais fait pour personne d'autre, c'est tellement
profondément inéquitable que ça relève de l'injustice, et on ne voulait pas
participer à ça.
Journaliste
: Vous
attendiez-vous à ce que, par exemple, que le Parti québécois ait reçu un blâme
lui aussi dans son rapport?
M. Khadir
: Oui, bien
que ce soient les partis qui soient blâmés. Là, on se serait levés unanimement pour
applaudir, j'espère, des partis qui... Là, c'est clair, on reproche à M.
Surprenant... laissez-moi le reprendre, là. On reproche à M.
Surprenant l'usage de fonds à des fins partisanes, d'accord, conformément à des
directives provenant directement du bureau de M. Martel de la CAQ.
Bon, alors, qu'est-ce que ça nous prenait
de plus? Les mêmes pratiques ont lieu au Parti québécois et au Parti libéral. Qu'est-ce
que ça nous prenait de plus? On a failli, M. Saint-Laurent a failli... Je
m'excuse, je l'aime, le monsieur, mais ça... vous m'avez entendu. Si vous ne
m'avez pas entendu 10 fois, vous ne m'avez jamais entendu. J'ai toujours
critiqué son incapacité à mordre là où ça compte, puis il vient de prouver...
M. Robitaille (Antoine) : Donnez-nous
un exemple.
M. Khadir
: Dans
le cas de M. Hamad, dans le cas du conflit d'intérêts et du trafic
d'influence au sommet, lorsque M. Charest s'en va visiter les Desmarais au
château de Sagard. On est absolument incapables, incapables de faire des enquêtes
utiles en quoi que ce soit.
Le Modérateur : D'autres
questions?
M. Chouinard (Tommy) : ...Jj
suis arrivé un peu tardivement. Donc, vous estimez que... Claude Surprenant
est-il une victime dans cette histoire-là?
M. Khadir
:
Claude Surprenant a mal agi, Claude Surprenant a failli à l'esprit et à la
lettre du code d'éthique et de déontologie. Nous n'approuvons aucun des gestes
qui lui sont reprochés. Mais de là à en faire le seul bouc émissaire de
pratiques qui relèvent des organisations qui pratiquent, du Parti québécois, de
la CAQ et du Parti libéral, puis qu'on participe, nous, à une mascarade qui
consisterait à en faire le bouc émissaire de tous ces problèmes-là, non.
M. Chouinard (Tommy) :
Donc, il y a double standard.
M. Khadir
: Il y
a un double... Bien, c'est-à-dire, c'est surtout une hypocrisie à laquelle on
ne veut pas prendre part. Quand je vois le premier ministre Couillard se lever,
alors qu'il sait très bien que, dans son parti, ils ont fait ça pendant des
années, s'ils ne continuent pas à le faire encore, je ne peux pas accepter que,
la seule fois où nous nous sommes levés pour condamner ces gestes-là, ça soit
pour condamner un député indépendant plutôt que de condamner des organisations
qui l'ont entraîné là.
M. Lecavalier (Charles) :
M. Saint-Laurent, dans son rapport, a indiqué que M. Surprenant avait
tenté de l'induire en erreur, de fausses informations. Dans le rapport
précédent sur le Parti québécois, avec Carole Poirier, le Parti québécois, bon,
avait dit : Oui, oui, nos attachés politiques ont des adresses assnat. Finalement,
le commissaire s'est rendu compte qu'ils ont créé les adresses pendant son enquête.
Est-ce que vous croyez que le Parti québécois a voulu, lui aussi, induire en
erreur?
M. Khadir
: Écoutez,
merci de m'avoir... Ça m'avait échappé. Vous venez d'accréditer ma thèse. Voilà
une démonstration flagrante que ce qui est reproché à M. Surprenant aurait
pu être reproché au Parti québécois, à la CAQ et sans doute au Parti libéral,
si on fait enquête.
Pourquoi, alors, est-ce que le commissaire
ne recommande que de blâmer M. Surprenant? On ne peut pas accepter une
telle injustice et une telle inéquité. Si on doit appliquer des sanctions, il
faut que ces sanctions soient justes. Les sanctions qui ne s'appliquent qu'aux
plus vulnérables, aux moins puissants, ce n'est plus de la justice. Et on ne
peut pas participer à cette mascarade. Merci de votre attention.
(Fin à 11 h 18)