43e législature | 2e session

Transcription

Point de presse de M. François Legault, chef du deuxième groupe d'opposition, et de M. Christian Dubé, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de travail

Version finale

Le dimanche 30 juin 2013, 12 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures trente-trois minutes)

M. Legault : Bien, bonjour, tout le monde. Écoutez, je pense que tout le monde souhaite qu'on mette fin à la grève, et donc je pense qu'il y a un consensus chez les trois partis pour adopter une loi spéciale pour que les travailleurs de la construction retournent au travail mardi et qu'on cesse de faire peser ce lourd fardeau sur l'économie du Québec.
Ce qui est important de dire, dans le conflit et puis dans la négociation qu'on a vus au cours des dernières semaines, c'est que les deux parties étaient en demande. Donc, d'un côté, le patronat était surtout en demande pour avoir plus de flexibilité. Il n'y a eu à peu près aucun changement depuis 20 ans dans la partie normative des conventions collectives et il y a des ajustements qui doivent être faits pour améliorer la productivité dans le secteur industriel. Maintenant, évidemment, les travailleurs, de leur côté, les syndicats ne souhaitaient pas ces changements-là et souhaitaient des augmentations de salaire. Or, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on...
D'abord, on ne peut pas accepter la proposition du Parti québécois comme elle est là. Pourquoi on ne pas l'accepter? Parce qu'on ne peut pas, comme le Parti québécois le fait, accepter les demandes syndicales et ne pas tenir compte des demandes du côté patronal. Ce qu'on dit, nous, depuis le début du conflit, donc depuis la première semaine - Christian Dubé le dit très clairement, puis on a consulté toutes les parties, puis on a continué de les consulter au cours des derniers jours - on a suggéré de reconduire les conditions de travail actuelles pour un an. Et je suis très content de voir que M. Couillard puis le Parti libéral soient ralliés à notre proposition. Maintenant, je pense que, si on allait du côté de la proposition du Parti québécois, ça enlèverait tout rapport de force au côté patronal.
Donc, on propose aussi, pour protéger le pouvoir d'achat, que cette année soit indexée à l'indice des prix à la consommation. Bon, est-ce que c'est 1,2 %, 1,6 %? Il faudrait voir, là, différentes institutions financières ont différents chiffres de prévus, mais on s'entend sur le principe qu'il faudrait que ce soit à l'IPC.
Maintenant, ce qui est important, c'est de laisser les parties négocier le normatif, parce que, sincèrement, je pense que le gouvernement puis l'Assemblée nationale seraient mal placés pour aller commencer à jouer dans le temps supplémentaire, la fin de semaine, après tant d'heures. Je pense, là, que ce qu'on souhaite, c'est que la négociation se poursuive et aussi, là, évidemment, qu'on soit capables de peut-être prendre une petite pause, là. On sait qu'en septembre, il y aura toute l'application de la référence de main-d'oeuvre, donc ça ne sera sûrement pas facile à mettre en place. Donc, disons qu'une reprise des négociations à la fin septembre, étant donné qu'on se donnerait un an, ça nous donnerait du temps, là, donc, pour laisser travailler les deux parties. Je pense, ce n'est pas au gouvernement de le faire.
Peut-être une dernière remarque. Mme Marois a beaucoup parlé des deux secteurs dans lesquels il y a eu des ententes. Il faut comprendre, là, qu'il y a toute une différence entre les trois secteurs, là, dans le fond. Du côté du génie civil, les clients sont des gouvernements, donc, que ça soit des municipalités ou gouvernement du Québec. On a vu que, même, dans certains cas, on pouvait souffler les prix de 20 % à 30 %, puis ça n'avait pas l'air de déranger beaucoup. Dans le résidentiel, bien, ce sont des plus petits entrepreneurs. Mais, dans l'industriel, ce qui est important, c'est que, si on construit une usine au Québec, bien, on va être en compétition avec une usine qui pourrait être construite en Ontario ou dans un autre pays. Là, il faut être compétitifs. Et c'est de là l'importance, là, de revoir les règles au niveau de la productivité puis de l'efficacité. Puis, dans ce sens-là, je pense, c'est à l'avantage de tout le monde de le faire. En même temps, ça évite le travail au noir, parce que, dans certains cas, les conditions étaient tellement irréalistes qu'à peu près tout le monde les contournait, et ce n'est pas souhaitable, évidemment. On veut combattre le travail au noir.
Donc, très content, là. Je veux féliciter mon collègue, Christian Dubé, qui a travaillé très fort avec tous les partis. Puis là, bien, ce que je comprends, c'est... étant donné qu'on est dans un gouvernement minoritaire, bien, il y a deux des trois partis qui sont sur la même longueur d'onde, et donc on devrait être capables, d'ici la fin de la journée, d'adopter une loi avec des amendements pour avoir, donc, une reconduction des conditions de travail pour un an et se donner la chance de pouvoir laisser les parties continuer la discussion puis faire les gains d'efficacité qui sont importants à faire.

Journaliste : C'est l'amendement que vous allez demander, un an plutôt que jusqu'en 2017?

M. Legault : Bien, dans le fond, on va demander deux amendements. On va demander qu'effectivement ça soit pour un an au lieu de quatre ans et on va demander aussi que l'augmentation salariale qui est proposée reflète l'indice des prix à la consommation. Donc, ce seront les deux amendements.

Journaliste : On a pourtant un peu coupé en deux, là. Ça rejoint un peu...

M. Legault : Bien, écoutez, là, comme je vous disais, là, quand on dit... Parce que j'ai bien vu que vous avez écrit ça, là. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites ça. Parce que, d'un côté, il y avait le côté patronal qui insistait pour avoir des gains de flexibilité. Eux, ils étaient beaucoup plus sur le normatif que sur le salarial. Puis il y avait, de l'autre coté, les employés qui voulaient être seulement sur le salarial, donc le monétaire. Donc, ce qu'on a dans le projet de loi du PQ, là, c'est comme si on avait écouté juste un parti, là, donc juste le monétaire. Puis de l'autre côté, pour ce qui est des gains d'efficacité, aucun mot dans le projet de loi. Puis on ne peut pas, pendant quatre ans, vivre encore dans l'immobilisme d'un système qui n'est pas efficace.

Journaliste : M. Legault, vous avez dit : Il y a deux des trois partis qui sont sur la même longueur d'onde. Si le gouvernement acceptait de faire les amendements que les deux partis souhaitent, vous avez dit : D'ici la fin de la journée, on est bons pour l'adopter, ce qui veut dire que vous couperiez court à tous les débats de la nuit ou...
M. Legault : Écoutez, je pense que tout le monde souhaite, là, qu'il y ait un retour au travail. Donc, je pense qu'à partir du moment où il y a une majorité de députés qui sont d'accord avec une loi spéciale, que les règles du parlementarisme, là, sont telles que, lorsqu'on dépose un projet de loi spécial, s'il y a des amendements, bien, ils sont votés, puis à la majorité, donc on ne peut plus... le Parti québécois ne peut plus retirer la loi spéciale. Et puis je pense que c'est ce qui est de mieux pour les deux partis, là, qu'on ait un règlement temporaire sur un an, donc permettre aux travailleurs de retourner sur les chantiers dès mardi mais poursuivre les négociations, entre autres pour être capables de faire les gains d'efficacité qui sont nécessaires.

Journaliste : Alors, à partir de ce moment-ci, vous attendez un coup de téléphone ou vous vous en allez au bureau du leader, vous...

M. Legault : Ah! Bien là, on va...

Journaliste : Est-ce que tout ça peut se régler, là? C'est encore suspendu pour une heure. Est-ce que, là, c'est là qu'on pourrait voir...

M. Legault : Bien, écoutez, là, on va parler, là, puis on veut collaborer avec les deux partis, donc faire ça correctement. Mais je pense que... En tout cas, ce que je peux comprendre, là, c'est qu'on est deux partis sur la même longueur d'onde, et puis, bon... et, dans un Parlement minoritaire, ça devrait être suffisant.

Journaliste : Dans le fond, ce que vous dites aussi, là, c'est que ce projet de loi avantage beaucoup plus la partie syndicale?

M. Legault : Bien, ce qu'on voit actuellement, c'est que la partie patronale était très en demande sur la flexibilité. Par exemple, quand il y a des journées de pluie, est-ce qu'on peut, la fin de semaine, travailler autrement qu'à temps double? Est-ce qu'on peut... Quand il commence à y avoir des heures supplémentaires, les cinq ou les huit premières heures, est-ce que ça pourrait être à temps et demi au lieu d'être à temps double? C'est le genre... Quand on se compare avec nos voisins puis nos compétiteurs dans le monde, on voit, là, qu'on a besoin de cette flexibilité-là. Donc, c'est ce qui était demandé par l'employeur. Donc, j'ai parlé tantôt avec M. Pouliot qui est assez fâché de voir... de dire : Bien, d'un côté, vous avez donné aux syndicats leurs augmentations de salaire mais vous n'avez pas considéré du tout, là... puis vous nous demandez, pendant quatre ans, de rester dans l'immobilisme. Ça n'a pas de bon sens, là.

Journaliste : Est-ce que, néanmoins, le fait qu'on aille sur une période de quatre ans n'a pas un effet stabilisant sur l'économie du Québec? Est-ce que l'économie du Québec peut se permettre de retomber en conflit dans un an?

M. Legault : Bon, d'abord, il y a des chances que, d'ici un an, il y ait un nouveau gouvernement qui soit à la tête de l'État. Deuxièmement, je pense, c'est important qu'on négocie des gains d'efficacité. Je pense que, pour le bien des travailleurs, le bien de l'économie du Québec, on ne peut avoir un secteur aussi important que l'industriel qui ne soit pas compétitif avec nos voisins. Qu'on le veuille ou non, là, on ne peut pas mettre des barrières autour du Québec. On est en compétition avec les autres États dans le monde, et il faut être compétitifs, et donc on ne peut pas, pendant quatre ans, dire : On reste non-compétitifs.

Journaliste : Souhaiteriez-vous que ces gains d'efficacité là se retrouvent dans une loi spéciale?

M. Legault : Non. Comme je l'ai dit tantôt, nous, ce qu'on préfère, c'est d'être capables de laisser les parties les discuter. Parce que, d'abord, c'est très compliqué. Donc, deux raisons : un, c'est très complexe et, deux, il en va du climat de travail. Quand on impose des conditions normatives à des travailleurs, bien, ce n'est jamais souhaitable pour le climat. Là, ce qu'on dit, c'est que, pendant un an, on va donner l'IPC, on ne changera pas les conditions, mais là on va se donner un an, par contre, pour faire ces changements-là puis d'avoir une négociation entre les deux parties pour essayer de trouver un compromis.

Journaliste : Mais, M. Legault, il y a eu pas loin d'une trentaine de séances, de rencontres, là, selon Mme Maltais, et les deux parties semblent en être venues au constat qu'il n'y a pas d'entente possible. Qu'est-ce qui changerait d'ici un an? Vous avez parlé tantôt de peut-être un nouveau gouvernement, mais ça ne change rien.

M. Legault : Bien, je pense que Mme Marois a mal joué ses cartes, a mal évalué la situation il y a deux semaines. D'abord, elle a donné un premier délai, qui était avant qu'elle quitte pour le Mexique, donc mardi de la semaine dernière, et ensuite elle a laissé entendre - je crois, là, si je me fie à ce que Mme Maltais a dit hier matin - qu'elle avait parlé aux syndicats pour leur dire, là : On va vous donner les augmentations de salaire puis on ne touchera pas aux conditions de travail. Je pense qu'elle n'a pas mis les conditions gagnantes en place pour forcer les deux parties à faire des compromis. Donc, je pense, là, que ce n'était pas très crédible, sa façon de mener les négociations.

Le Modérateur : Dernière question en français.

Journaliste : Pour bien comprendre votre position, vous dites qu'il faut donner un an à la négociation pour en parvenir à... pour arriver à des gains d'efficacité, plus de productivité, donc pour répondre aux demandes patronales, mais, dans votre scénario, les syndicats, eux, gagneraient quoi?

M. Legault : Bien, les syndicats, à ce que je comprends, c'est qu'ils veulent avoir 2 %, 3 % d'augmentation par année. Si on va à l'indice des prix à la consommation, ça va être à peu près la moitié de ça. Donc, ils vont avoir un incitatif à avoir une plus grosse augmentation de salaire. Mais là, si on dit : On donne les augmentations de salaire à plus de 2 % puis, de l'autre côté, on ne touche pas au normatif, là on vient d'enlever le rapport de force du côté patronal. Il faut être capable de garder le rapport de force des deux côtés.

Journaliste : ...vous savez, les salaires qui ont été fixés dans une entente de principe au génie civil et voirie, c'est exactement les mêmes taux qui sont dans la loi spéciale. Donc, vous dites : Moi, j'aimerais voir la perspective de gain du syndicat à vouloir faire à nouveau le tango durant la prochaine...

M. Legault : Bien, je vous le disais tantôt, là, ce n'est pas la même chose, le génie civil puis l'industriel.
Le génie civil, les clients sont des gouvernements, O.K.? L'industriel, ce sont des compagnies privées, en compétition avec d'autres compagnies privées ailleurs dans le monde, donc ce n'est pas la même perspective. Et d'ailleurs ce qu'on me dit, c'est qu'habituellement les augmentations de salaire ne sont pas les mêmes.

Le Modérateur : Questions en anglais.

Journaliste : Can you explain why it is that you feel that this contract would be unfavorable to the employers?

M. Legault : OK. I think that, right now, what is proposed, the... First, we need to say or repeat that both parties were in demand. The employers were asking for more flexibility, more efficiency gains, and unions were asking for salary increases. So, in this proposal from the Parti québécois, we only have one side. If we're gonna open the collective agreement, we have to look at both sides, because, if not, it's unfair. And right now there would be no incentive for the unions to do any compromise for four years, and we know that we need to do some efficiency gains during the next few years, so it would be unresponsible to sign something for four years.

Journaliste : Can you... Your position sounds very similar to the position that the Liberals are presenting right now...

M. Legault : Or the opposite, I would say.

Journaliste : ...to the Liberals right now?

M. Legault : Right.

Journaliste : The Liberals and what you're asking for are...

M. Legault : Because we... Mr. Dubé said, since June 19th, that we were proposing a collective agreement for one year with the actual conditions. It's the first time I hear Mr. Couillard saying that, today.

Journaliste : So, are you of the opinion that the Parti québécois has no choice but to accept what you and the Liberals are asking for?

M. Legault : I think so.

Journaliste : What would happen at the end of one year? So, they talk, and what happens if they can't agree?

M. Legault : OK. I think that, first, like I said, Mrs. Marois didn't put the conditions, the right conditions for a good negotiation. First, she said that she would give one week, after that, two weeks, and, in the last few days, Mrs. Maltais let understand to unions that they would accept to increase salaries without asking any concession on flexibility and overtime. So, I think that the conditions, the wining conditions were not in place.
I think that, also, right now, we know that, for next September, it won't be easy to change the way we place workers, hein, you know, the Bill 33. So it's part of the game. So, we think that, starting at the end of September, it will be easier for both parties to find a compromise. And we'll have to make sure that we keep pressure on both of them. If we give salary increases to unions, they don't have anymore pressure on them. So, we have to keep pressure on both of the parties.

Journaliste : So, the pressure is, after a year, if they don't agree, there could be a new walkout or lockout situation?

M. Legault : I think that, then, we can see many changes, including a Government change. But I think that right now it's important to tell both parties that they have to come to an agreement for the benefit of workers and of the Québec economy.

Journaliste : Why do think that the PQ has no choice but to accept what you and the Liberals are asking? Could you just spell out...

M. Legault : Because there is a minority Government and two of the three parties agree on a position, so they have no choice but to accept the position of the majority.

Journaliste : Could you just explain here the estimate of the cost of the strike? You said 1.2 billion, you gave some numbers. Could you say where you got that?

M. Legault : OK. First, we know that all investments in construction are at a level of about $50 billion a year, so it means over 1 billion per week. And we know that, during summer, we have more than the average of the work done. But right now we only have industrial sector who is in strike, still in strike. For this sector, we talk at about $200 million a week. So, right now, if it continues... and this second week cost us a lot of money. So, we think that it's unacceptable. We cannot afford that. The Québec economy cannot afford this kind of loss. So, we have no choice but to find a solution, but not a solution for four years that wouldn't solve anything. OK?

Le Modérateur : The last question.

Journaliste : This may sound like a silly procedural question, but how likely do you think it would be, at the end of this night, if you and the Liberals push through your amendments, the Government doesn't like them, we move to the process for the Government to just simply blow up it's own bill at the end of the evening...

M. Legault : I think, from what they told me, they cannot blow up their own bill. So, I think that right now we have a majority of the MNAs on the same side, it should be voted before the end of the day. Thank you.

(Fin à 12 h 51)