43e législature | 1re session

Transcription

Journal des débats de la Commission de la culture

Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 7 février 1985 - Vol. 28 N° 8

Consultation générale sur l'étude de l'impact des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte


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Table des matières

Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. French): La commission de la culture entreprend sa troisième journée de consultation générale sur l'impact culturel, social et économique des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte.

D'abord, les présences: M. Doyon (Louis-Hébert); M. French (Westmount); M. Hains (Saint-Henri) et M. Payne (Vachon).

Deuxièmement, à l'ordre du jour, aujourd'hui, il y a M. Calvin Veltman, de l'Université du Québec à Montréal, suivi de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Je n'entends pas de commentaires sur l'ordre du jour, je le déclare donc adopté.

Alors, M. Veltman, je vous invite à prendre place au centre. Nous pouvons commencer, je pense, soit par un résumé, soit par la lecture de votre mémoire; à vous de choisir. Par la suite, nous passerons aux commentaires, questions et réactions des députés. Est-ce que cela vous convient? J'ajouterai, bien sûr, que si vous voulez ajouter d'autres commentaires vous êtes plus que le bienvenu. Je dois également vous exprimer, de la part de la commission, nos excuses, encore une fois, pour l'inconvénient qui vous a été causé en novembre à cause des événements que nous ne pouvions contrôler à l'époque. Vous vous êtes déplacé ici et nous regrettons au plus haut point que cela se soit produit de cette façon.

M. Calvin Veltman

M. Veltman (Calvin): Merci, M. le Président. Je veux bien commencer. Ce serait plutôt un exposé verbal. Vous avez le mémoire, j'imagine que vous l'avez lu. Alors, je vais commencer en expliquant qu'il s'agit d'un plaidoyer plutôt en faveur d'une politique d'immigration que d'une politique nataliste. Je vais commencer en attaquant juste un peu le recensement du Canada et l'usage du recensement canadien qui est fait par ce qu'on peut appeler les pessimistes. Parmi les pessimistes, on retrouve, entre autres - il n'y a pas longtemps on y retrouvait M. Castonguay - l'utilisation des transferts linguistiques pour cerner l'évolution de la conjoncture linguistique dans la société.

J'ai lu, dans le Devoir d'hier, un extrait de l'avis du Conseil de la langue française au ministre responsable de l'application de la langue française, M. Godin, qui dit: "Enfin, le conseil a constaté, à partir des données du recensement de 1981 relatives aux transferts linguistiques, que la force d'attraction de l'anglais comme langue d'usage demeure supérieure à celle du français au Québec. Ce constat vient d'être confirmé par une étude de Statistique Canada qui démontre que l'anglais fait des gains chez les allophones du Québec et que le français recule partout au Canada. Ces données incontestables - que j'aimerais bien contester - nous permettent de réaffirmer une évidence: la survie et le développement de la langue française en Amérique du Nord demeureront toujours une entreprise difficile qui a besoin d'être fortement soutenue. "

Ce point de vue est non seulement contestable, il est en grande partie faux. Il ne fait pas de doute que le français est en difficulté partout au Canada, à l'extérieur du Québec, mais je ne pense pas qu'une analyse plus serrée nous révélera que le français est en difficulté au Québec. Sur le plan théorique, il faut dire qu'il est aberrant d'imaginer que la loi 101, adoptée en 1977, aurait produit dès 1981 des changements profonds dans les foyers de la nation. C'est bien cela l'objectif de la mesure des transferts linguistiques, de cerner la réalité linguistique à l'intérieur des familles. Du point de vue purement scientifique, la mesure des transferts linguistiques est tout à fait mésadaptée pour cerner l'évolution de la conjoncture.

Je vous donne les résultats de deux études que j'ai réalisées avec deux équipes différentes qui ont employé une méthodologie supérieure à celle employée dans le recensement, c'est-à-dire un sondage effectué par courrier. On a engagé des enquêteurs grecs et portugais. On a rédigé nos questionnaires en grec et en portugais et on a visité les gens chez eux. Cela nous permet d'étayer la thèse de M. Castonguay voulant que les déplacements linguistiques se fassent déjà à l'âge du cours primaire. Les enfants emploient le français ou l'anglais déjà à partir de la première année scolaire.

On a trouvé, par exemple, que 95% des enfants employaient le français ou l'anglais comme langue d'amitié. Les Grecs employaient plus l'anglais. Les Portugais étaient divisés selon l'école qu'ils fréquentaient. Même, de façon très

majoritaire, Ies gens parlaient le français ou l'anglais chez eux, avec leurs frères et soeurs, c'est-à-dire qu'ils parlaient le portugais ou le grec avec les parents, mais ils parlaient l'anglais ou le français en famille, avec les frères et soeurs, et ils n'employaient presque jamais le grec ou le portugais avec leurs amis. Donc, le transfert linguistique est engagé depuis beaucoup plus longtemps que le recensement ne nous le laisse croire. Là-dessus, j'ai fourni des statistiques dans le mémoire qui est déposé.

Or, les parents, en répondant à la question sur la langue d'usage au foyer - la même question qui a été posée dans le recensement canadien, on l'a posée, nous, aux parents - accordent aux enfants la langue de discours parents-enfants comme langue d'usage, c'est-à-dire la langue maternelle... Les parents disent: Les enfants emploient normalement le portugais ou le grec chez nous, ce qui est vrai pour les conversations parents-enfants, mais ce qui est faux pour les conversations entre frères et soeurs et avec des amis.

Il y a deux conclusions erronées qui se dégagent ou sont ainsi créées. La première, c'est que l'impression est créée, dans le recensement, qu'aucun transfert linguistique n'a été effectué par ces enfants.

De plus, ces transferts linguistiques ne seront effectués aussi longtemps que les enfants résident chez leurs parents, parce que les parents vont toujours déclarer que c'est le grec ou le portuguais qui prime. En réalité, le transfert linguistique a déjà été réalisé.

La deuxième impression qui est créée et qui est fausse, c'est que la minorité linguistique ne perd pas ses effectifs, ce qui donne lieu à la thèse qu'il y a des communautés culturelles qui sont très stables dans le temps, c'est-à-dire que les enfants de la deuxième et de la troisième génération, chez les Grecs, vont parler le grec et les enfants de la deuxième et de la troisième génération chez les Portugais et chez les Italiens vont maintenir la langue de la communauté pour une période indéterminée. Cela est également faux. Ces langues minoritaires sont abandonnées dès la première génération au Canada.

Vous trouverez ici la solution aux problèmes de quelques milliers de transferts linguistiques de plus, dont la communauté anglophone a pu bénéficier de 1971 à 1981. Des adolescents déjà anglicisés en 1971, c'est-à-dire dans les faits, mais non selon la méthode des transferts linguistiques, ont pu quitter le foyer paternel ou le foyer familial en étalant au grand jour ce qui était caché déjà en 1971. C'est maintenant révélé, le transfert linguistique est réalisé, parce qu'ils ont quitté le foyer familial. Us sont capables de remplir le recensement et ils donnent, à ce moment, l'anglais comme langue d'usage, ce qui était le cas en 1971, mais qui a été caché par la mesure de transfert linguistique. Là, je dis: II n'y a rien de plus naturel.

Moi, je conclus que le recensement est en retard d'environ 15 à 20 ans sur la réalité linguistique et que le recensement ne peut servir à cerner l'évolution de la conjoncture. L'évaluation linguistique en cours restera ainsi cachée pour encore longtemps. Comment devra-t-on alors étudier le phénomène de l'évaluation de la conjoncture? La réponse à ça est assez simple: par des études ponctuelles. Je viens de vous dire que j'ai réalisé deux enquêtes chez les Grecs et les Portuguais. L'Institut québécois de recherche sur la culture est en train d'étudier, actuellement, le cas des Arabes et des Chinois. On m'a parlé d'une étude qui a été réalisée chez les Italiens qui aboutit à des conclusions identiques aux miennes. Alors, on peut examiner l'évolution en cours à partir de ces études. Là, je parle des études que j'ai réalisées moi-même. Je n'ai pas les données des études en cours.

Comme vous le savez, la loi 101 a bel et bien modifié l'orientation scolaire, c'est-à-dire que les enfants des groupes portugais et grecs fréquentent de plus en plus l'école française. Le changement est marqué. Par exemple, chez les Grecs, 92% des cégépiens et des universitaires fréquentent les institutions de langue anglaise; à l'école primaire, 67%, environ, fréquentent les écoles françaises. Là, effectivement, les élèves à l'école française ont une connaissance du français nettement supérieure aux élèves du réseau anglais. C'est un effet qui est assez important, c'est-à-dire que les gens sont mieux préparés à participer à la vie québécoise en français.

Au niveau des transferts linguistiques, la situation diffère selon les groupes. Comme vous le savez sans doute, les Grecs étaient parmi les moins portés à apprendre le français, parmi les groupes d'immigrants, et l'anglais est bien instauré comme langue seconde de la communauté. Les enfants grecs, à l'école primaire, même à l'école française, privilégient toujours l'anglais comme seconde langue de la communauté. Toutefois, ils parlent mieux le français que les enfants à l'école anglaise. Chez les Grecs, je pense qu'il faut attendre l'âge de l'inscription au collège pour cerner effectivement le niveau de mouvement vers le français. Quand les enfants décident de poursuivre leurs études en français, ils vont épouser des francophones, etc., et il y a un mouvement définitif, à ce moment. Mais, pour le moment, ii reste difficile de cerner le degré de mouvement vers le français chez les Grecs.

Chez les Portugais, les résultats sont très clairs. Les enfants à l'école française sont francisés, les enfants à l'école anglaise sont anglicisés. Dans la mesure où la loi agit

sur la fréquentation scolaire, les conséquences suivent assez naturellement. Les enfants des cours français sont aussi francisés que les élèves de l'école anglaise sont anglicisés. Le niveau de mobilité linguistique est identique. (10 h 30)

Remarquons que ces changements se sont produits dans un très court laps de temps: de 1977 à 1983, ou 1984 dans le cas des Portugais. C'est une période durant laquelle la loi a autorisé un grand nombre d'enfants d'immigrants à fréquenter les écoles anglaises. Cette période tire à sa fin. Les élèves seront dirigés de plus en plus, de par la loi, vers l'école française, avec les conséquences que l'on connaît maintenant. Alors, le plein effet de la loi 101 n'est pas encore en vue.

Qu'est-ce qu'on peut dire des transferts linguistiques maintenant, tels que mesurés par le recensement canadien? D'abord, les transferts linguistiques des enfants qui ont commencé l'école primaire en 1977 et qui sont maintenant au secondaire I ou au secondaire II commenceront à paraître à peine au recensement de 1981. Encore là, c'est seulement d'ici à sept ans; ils sont maintenant au secondaire II. S'ils sont aux études collégiales ou universitaires, ils vont toujours demeurer chez leurs parents et ceux-ci vont faire des déclarations comme quoi ils parlent le grec ou le portugais. Mais, dès l'année 2001, on verra pour la première fois, dans le recensement, des effets de l'évolution linguistique actuellement en cours. Alors, il ne faut pas être surpris si, en 1991, la communauté anglophone a pu bénéficier de quelques transferts linguistiques de plus. Ce serait encore assez naturel mais, vraiment, vers 2001, on commencera à voir les résultats de l'évolution actuellement en cours. Les enfants sont encore trop jeunes pour que les parents puissent admettre qu'un transfert linguistique a été effectué, si on suit la logique.

Je veux parler un peu de l'avenir de la société québécoise et, ensuite, apporter des commentaires sur les politiques possibles à adopter. Trois faits saillants marqueront, à mon avis, l'avenir de la société. Tout d'abord, le groupe anglophone diminuera rapidement au cours des prochaines 25 années. D'une part, selon une étude réalisée par Gary Caldwell, près de 50% des jeunes anglophones quitteront le Québec en raison de leur incapacité de travailler en français et en raison de leur refus de vivre en minorité. Ces deux choses-là semblent assez naturelles. D'autre part, la faible fécondité de la communauté anglophone la condamne déjà à vivre en régression très rapide. En conséquence, ce groupe deviendra sans plus une grosse minorité comme les autres, malgré son statut particulier sur le plan juridique. Les protections constitutionnelles n'affectent pas cette évolution en cours.

La rapidité et l'ampleur de la régression du groupe anglophone sont des phénomènes qui ne sont pas encore bien compris, à mon avis. Une prévision qui me paraît réaliste se trouve dans le récent livre de Georges Mathews. La communauté anglophone prévoit compter approximativement 300 000 personnes en l'an 2001; c'est-à-dire environ 700 000 ou 800 000 en 1981, la moitié en 2001. Il me paraît également illusoire d'imaginer que le législateur puisse infléchir ce mouvement. On ne peut pas offrir aux anglophones ce qu'ils recherchent. De plus, les immigrants s'orienteront de plus en plus vers les groupes francophones, privant ainsi le groupe anglophone des transferts linguistiques si nécessaires à son maintien. C'est ce qui a maintenu le groupe anglophone dans le passé.

Motivés par le choix scolaire imposé par la loi 101, par la nécessité de parler le français pour pouvoir travailler au Québec et par le poids sans cesse croissant du groupe francophone, les immigrants s'intègrent d'ores et déjà au groupe francophone. Ce processus d'intégration au groupe francophone s'accentuera à mesure que le groupe anglophone diminuera en importance.

Finalement, le groupe francophone montréalais devient déjà et deviendra davantage plus hétérogène sur le plan ethnique. Le chemin que suivra chacun des groupes minoritaires au sein du groupe d'accueil francophone pourrait varier, mais on peut entrevoir déjà la structure embryonnaire du groupe francophone. Il y aura de nouveaux noyaux, tout à fait semblables à ceux qui existent actuellement dans la communauté anglophone, c'est-à-dire un groupe noir francophone, en partie motivé à garder son identité par le racisme plus ou moins exprimé de la société d'accueil; un groupe juif issu de l'immigration séfarade, disposant lui aussi d'un réseau communautaire aussi complet que celui des Juifs anglophones; un groupe arabe dont l'identité s'appuie actuellement sur la pratique de la religion; un groupe asiatique dont l'existence à long terme dépendra du niveau de difficulté qu'éprouvent les différents groupes d'origine asiatique à se fondre dans le groupe d'accueil, alors qu'ils semblent privilégier actuellement cette option.

Pour les autres groupes, les Portugais, les Italiens, les Latino-Américains, il me semble plus probable qu'à long terme la jeunesse s'intégrera directement dans le groupe d'accueil, puisque la religion ne pourra servir de point d'appui pour la sauvegarde de l'ethnie. En somme, ces groupes sont les plus vulnérables à l'assimilation pure et simple.

Le portrait que nous avons tracé de l'avenir de la société québécoise correspond généralement à la description de la société

française ou de la société américaine sur le plan ethno-linguistique: assez homogène sur le plan linguistique, hétérogène sur le plan des ethnies.

Bref, malgré les échecs qu'a subis le Québec sur le plan constitutionnel, la société québécoise se comporte de plus en plus, sur le plan ethno-linguistique, comme une société nationale. Alors, comme société nationale, on peut peut-être explorer les options qui nous sont offertes. Il me semble que, vu les études ponctuelles qu'on commence à réaliser, l'option immigration suivie de la francisation n'est pas à rejeter. Les immigrants s'intégreront à la communauté francophone comme il se doit. Il faut alors évaluer nos objectifs et nos ressources. L'option immigration pourrait, à mon avis, coûter moins cher et pourrait donner des résultats plus sûrs que l'option nataliste. Je vous remercie.

Le Président (M. French): Merci beaucoup, M. Veltman. La première question, c'est: Avons-nous à choisir entre l'option nataliste et l'option immigration ou avons-nous à utiliser les deux politiques ou les deux avenues pour atteindre notre objectif? N'est-il pas possible que les deux options se rencontrent quelque part, au milieu?

M. Veltman: Oui, c'est possible. Cela est une question politique, finalement. Je ne suis pas ici en tant que politicien, je suis ici en tant que quelqu'un qui connaît un peu la situation linguistique des immigrants. Mais il me semble qu'à un moment donné il faut choisir parmi les moyens dont dispose la société pour réaliser ses objectifs...

Le Président (M. French): Vous aimeriez mieux voir les ressources sociales dirigées vers un meilleur accueil d'un plus grand nombre d'immigrants que de les voir investies dans une politique agressive à visée nataliste.

M. Veltman: Je pense qu'une politique nataliste, où on offre des sommes énormes... La volonté des femmes québécoises est assez bien exprimée par la situation actuelle. Je ne vois pas comment, dans la situation actuelle, on peut espérer faire remonter à 2, 2 le nombre d'enfants mis au monde par femme. Il n'y a pas une société occidentale qui vit maintenant cette situation.

Alors, à ce moment-là, l'immigration est un moyen sûr d'assurer le remplacement de la population. En plus, ils arrivent à un bas âge, c'est-à-dire que ce sont des gens qui arrivent à l'âge de 20 à 35 ans, avec leurs enfants ou bien ils donneront naissance à des enfants au pays. On peut peut-être réaliser les deux objectifs en même temps.

Le Président (M. French): L'essentiel de votre message, c'est que dans une telle hypothèse, votre dernière, la menace culturelle souvent perçue par les Franco-Québécois face à l'immigration, face aux immigrants, est moins aiguë que même les recherches de Statistique Canada pourraient nous le laisser comprendre.

M. Veltman: Je pense que les résultats de Statistique Canada ne nous renseignent, actuellement, sur rien. Les questions sur les connaissances linguistiques officielles, langue française, langue anglaise, c'est plus fiable, mais en ce qui a trait à des transferts linguistiques, c'est le résultat d'un passé éloigné. Les études conjoncturelles nous montrent à quel point le français a fait du chemin auprès des immigrants. Alors, il ne faut pas craindre l'immigration.

Le Président (M. French): Sur le plan culturel, il ne faut pas craindre l'immigration.

M. Veltman: Sur le plan linguistique.

Le Président (M. French): Sur le plan linguistique. Même dans la pensée de l'école des optimistes, dont vous êtes, on peut prévoir une société parlant français, mais avec plus de focus culturel, plus de noyau culturel - pour adopter votre mot - que ce qu'on pense avoir vu dans le passé.

M. Veltman: C'est ça. Dans le passé, la société francophone a surtout assimilé directement les gens, par exemple, les Irlandais, et c'est un bon exemple.

Le Président (M. French): Les Irlandais catholiques.

M. Veltman: II y a des Italiens, des Allemands, des Écossais, des Anglais qui ont été assimilés également par le groupe francophone, dans le passé. Or, aujourd'hui, on constate un éclatement du sens de l'appartenance ethnique. Il faut marcher un peu dans les couloirs de l'UQAM pour voir la société québécoise de demain. Il y a des groupes arabes, des groupes noirs, des groupes asiatiques, des groupes latino-américains, il y a un peu de tout, mais tous parlent français.

Le Président (M. French): Lorsqu'on parle du groupe arabe que vous avez mentionné à plusieurs reprises, est-ce qu'on parle des Maghrebiens?

M. Veltman: Pour la plupart, mais il y a également des Palestiniens, des Égyptiens...

Le Président (M. French): Oui, mais quantitativement, cela doit être des...

M. Veltman: Selon l'étude en cours de Gary Caldwell - on a des données en provenance du recensement de 1981 - il y en aurait environ 10 000.

Le Président (M. French): 10 000 Arabes.

M. Veltman: Oui. Selon l'étude en cours, il semble qu'il y en aurait peut-être plus que cela; les gens ne se sont pas déclarés Arabes lors du recensement, quant à leur nationalité, et l'étude en cours a tendance à montrer que le nombre d'Arabes pourrait s'approcher de 20 000.

Le Président (M. French): Encore une fois, le noyau de ce groupe-là, ce sont les Tunisiens, les Algériens et les Marocains.

M. Veltman: Oui, pour la moitié ou les deux tiers.

Le Président (M. French): Je voudrais revenir très brièvement sur la question de Statistique Canada. Ce que vous nous dites, ce n'est pas que les chiffres ne sont pas bons, c'est que les chiffres ne sont pas bons pour dire ce que les gens veulent leur faire dire. Compte tenu de la méthodologie qui est utilisée, c'est seulement dans l'an 2001, ou après les résultats du recensement de 2001, donc en 2003 ou 2005, que nous allons voir les vrais résultats de la loi 101 et de l'effort soutenu que la société québécoise a investi dans la francisation des nouveaux venus.

M. Veltman: C'est ça.

Le Président (M. French): Cependant, il n'y a pas autant d'incertitude que cela puisqu'on peut faire des études ponctuelles, telles celles que vous avez faites, et à partir de celles-ci nous pouvons déjà conclure que la francisation, la socialisation en français, l'incitation au français est beaucoup plus efficace et beaucoup plus soutenue parmi les nouveaux venus que les chiffres de Statistique Canada ne nous le laissent croire, encore une fois.

M. Veltman: Mais, selon Statistique Canada, il n'y a eu aucun changement de ce côté-là, alors que M. Castonguay, du Conseil de la langue française, dit que la force de l'attraction de l'anglais demeure supérieure; "demeure", cela veut dire que c'est conjoncturel. Statistique Canada ne nous renseigne absolument pas sur l'évolution en cours. Cela reflète actuellement ce qui est arrivé il y a quinze ans ou vingt ans. Alors, les études ponctuelles sont absolument nécessaires pour cerner cette évolution.

Le Président (M. French): M. Veltman, pourriez-vous nous fournir non seulement la liste, que nous avons déjà, de vos propres publications, qui est très valable, mais également la liste des quelques études présentées par d'autres personnes, même les études en cours, qui amènent aux mêmes conclusions, pour les fins du rapport de la commission?

M. Veltman: Oui, oui.

(10 h 45)

Le Président (M. French): Nous apprécierions cela beaucoup. Un point final avant que je laisse la possibilité à d'autres députés d'intervenir. On peut dire, je pense, qu'il y a deux écoles de pensée. D'abord, je pense que tous les intervenants sont d'accord, ou à peu près, pour que cette commission - c'est, d'ailleurs, directement de la responsabilité de cette commission parlementaire par rapport à la commission des affaires sociales - se penche, dans le contexte de la problématique de la population, sur le problème émigration et sur le problème immigration.

Maintenant, parmi ceux qui insistent sur ce volet, il y a encore une fois deux écoles de pensée. Il y a une école de pensée qui dit: II vaudrait mieux essayer de conserver le plus de Québécois - forcément, cela revient à des Québécois de langue anglaise et de langues autres que le français - possible au Québec; qu'ils résident au Québec et continuent d'être au Québec, donc, qu'on essaie d'arrêter un peu la saignée, l'hémorragie de la population.

Il y a une autre école, dont vous et Gary Caldwell, qui dit ou semble dire, dans votre cas: Ce serait bon, ce serait intéressant, mais, dans le fond, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire pour changer cela. L'évolution de la société québécoise étant ce qu'elle est, il y a une perte de la population de langue anglaise et, à un moindre degré, de gens parlant d'autres langues que le français qui est plus ou moins inévitable. Donc, il vaut mieux se concentrer davantage sur la quête d'immigrants. Dans votre cas à vous et je pense que je puis dire également dans le cas de M. Caldwell, vous insistiez sur l'efficacité des moyens dont nous disposons déjà afin de socialiser ces nouveaux venus au fait français. Est-ce que j'ai bien résumé?

M. Veltman: Oui et non. Il y a deux phénomènes qui jouent dans l'immigration, à mon avis. Il y a d'abord le phénomène économique. Tant que d'autres régions du Canada anglais offrent aux gens des meilleures conditions de travail, par exemple, il y aura une immigration vers le reste du Canada, cela est sûr. Si on est capable de redresser la situation économique au Québec, cela va arrêter une certaine immigration. Pourtant, il y a aussi une immigration qui

est plutôt culturelle, c'est-à-dire que la communauté anglophone est rongée, depuis 100 ans, par l'immigration vers le Canada anglais. Mais ces gens ont été remplacés par l'assimilation des immigrants; donc, la communauté anglophone continuait à croître. Maintenant, c'est stoppé, ces déplacements linguistiques. Est-ce qu'on va arrêter les anglophones quand ils décident d'aller au Canada anglais, puisqu'ils ne parlent pas le français? Ils ne veulent pas vivre en minorité. Il me semble que non. C'est quand même un pays libre. On ne veut pas contraindre les gens, on ne veut pas ériger un mur de Berlin autour du Québec pour empêcher les anglophones de le quitter. On peut songer peut-être à leur fournir des instruments les incitant à rester au Québec, c'est-à-dire pour acquérir une meilleure connaissance du français.

Le Président (M. French): Qu'on a déjà, d'ailleurs.

M. Veltman: Or, pour ce faire, il faut songer à des mesures, probablement, draconiennes, c'est-à-dire de dicter qu'il y a un collège public de langue française et que tout le monde est contraint de le fréquenter. À ce moment-là, ils quitteront tôt plutôt que tard.

Le Président (M. French): Là, c'est sûr.

M. Veltman: C'est cela. Je ne pense pas qu'on puisse vraiment agir sur l'immigration des anglophones. Quant à l'immigration des gens qui sont motivés surtout par des raisons économiques, là, il y a peut-être une intervention à faire.

Le Président (M. French): Je ferai juste deux commentaires. Il y a d'abord un des phénomènes dans le passé qui, à mon sens -et je n'ai pas étudié les chiffres de façon étroite - continuait à renflouer et à maintenir à un certain niveau la communauté anglo-québécoise, c'était que, dès qu'il y avait beaucoup de départs, il y avait aussi des rentrées assez significatives. Je peux penser à ma famille et aux familles que je connais. Vivre à Montréal, Toronto, Vancouver, cela se faisait et on se déplaçait, on se rencontrait à d'autres places et on revenait à Montréal. C'est un facteur que vous n'avez pas mentionné, mais qui vaut la peine d'être...

M. Veltman: Ils sont contraints par les mêmes problèmes que les autres anglophones.

Le Président (M. French):... souligné.

M. Veltman: S'ils viennent au Québec, ils vont vivre en minorité, et voilà.

Le Président (M. French): C'est surtout l'accès à l'école qui fait en sorte qu'il y a moins de rentrées du Canada anglais...

M. Veltman: Peut-être.

Le Président (M. French): L'autre facteur que je soulignerai pour vous, c'est que vous avez insisté, à juste titre, je l'espère, sur l'efficacité de l'école française ou l'efficacité d'une atmosphère nouvelle qui règne depuis à peu près une dizaine ou une quinzaine d'années pour les enfants des immigrants. Peut-être vaudrait-il la peine de se demander si les mêmes forces s'effectuent dans les écoles anglaises envers la communauté anglophone et anglo-québécoise de vieille souche. Je ne connais pas les statistiques et plusieurs personnes ont insisté, y compris M. Castonguay, sur la volonté des Anglo-Canadiens, y compris les Anglo-Québécois, d'envoyer leurs enfants à l'école d'immersion pour avoir un enseignement de qualité du français afin de mieux se débrouiller dans une société qui va être majoritairement française.

M. Veltman: Moi, j'ai des graves réserves face à des programmes d'enseignement du français dans les écoles anglaises. Déjà, un de mes enfants a suivi un de ces programmes, dans une des meilleures écoles du PSBGM pour l'immersion, et il me semble, maintenant que M. Lambert a rendus publics les résultats du premier groupe d'élèves de Saint-Lambert, que les élèves qui ont fait l'immersion en français, du moins au niveau primaire, dans l'optique de mieux apprendre, sans accent et tout cela, sont aussi peu disposés à travailler en français qu'ils ne sont qualifiés à travailler en français, qu'ils n'ont le désir de travailler en français. La moitié prévoit quitter le Québec, tout comme les anglophones qui n'ont pas eu cette expérience.

Le Président (M. French): C'est l'étude de qui, M. Veltman?

M. Veltman: C'est Wally Lambert de l'Université McGill. Ils ont également des études en cours sur l'efficacité de l'apprentissage du français aux anglophones pour les enfants du niveau secondaire - je songe à Mme Connors du Département de linguistique de l'Université de Montréal - qui montrent que la vraie capacité de parler français est très limitée.

Le Président (M. French): On parle toujours des programmes d'immersion.

M. Veltman: Exactement, mais seulement au niveau secondaire et non pas primaire. À chacun son goût, mais j'avais personnellement opté pour les cours en

français et, même à cela, on constate qu'il y a des noyaux d'anglophones dans les écoles françaises de Montréal puisque les enfants sont traqués parce que l'horaire est déterminé du fait qu'ils suivent ou la catéchèse ou la morale et, ensuite, qu'ils sont inscrits dans les cours d'anglais avancés, c'est-à-dire de langue maternelle anglaise, ou les cours d'anglais ordinaire. Les enfants anglophones se retrouvent entre eux, alors ils développent des noyaux, des ghettos à l'intérieur des écoles francophones. Ce n'est pas grave, c'est normal, en effet, mais... Ils apprennent mieux le français, pourtant, que les élèves du réseau anglais, ceux qui suivent l'immersion ou pas.

Mais il faut admettre aussi que les données du ministère de l'Éducation au niveau des cégeps montrent que tous ces enfants retournent dans le réseau anglais après l'école secondaire. Ils vont faire leurs études collégiales et universitaires ailleurs. Je parle de 500 ou 600 élèves anglophones dans les institutions de langue française au niveau collégial pour l'ensemble du Québec, si je ne me trompe pas.

Le Président (M. French): C'est sûr qu'à un moment donné il y a un désir, chez les deux groupes linguistiques, d'aller chercher une éducation dans l'autre réseau. Les anglophones ont plus tendance à le faire à l'école primaire, les francophones ont plus tendance - ils n'ont pas le choix - à le faire au niveau collégial. J'en sais quelque chose puisque, à l'Université McGill, à la Faculté de l'administration, il y a au moins 35% de francophones.

M. le député de Vachon.

M. Payne: Je vous souhaite la bienvenue, M. Veltman, pour renouveler une connaissance que nous avons depuis plusieurs années. On a eu plusieurs discussions, hier, au sujet des transferts linguistiques. J'ai quelques questions à ce sujet et, par la suite, j'aimerais vous poser quelques questions sur une politique d'immigration radicalement différente que nous avons à l'heure actuelle, à laquelle vous faites allusion dans votre mémoire.

Ma première question porte sur les transferts linguistiques. On a eu une longue discussion, hier, et cela me faisait penser à l'étude de Robert Maheux du ministère de l'Éducation avec laquelle vous êtes, sans doute, très familier, une étude avec des conclusions un peu curieuses suggérant que, dans le cas des Italiens et des Grecs particulièrement, plus il y en avait dans les écoles françaises, plus la mobilité linguistique de ces jeunes allait vers l'anglais au lieu du français. C'était publié dans le Devoir. Dans vos études sur la communauté grecque, est-ce que vous avez observé la même chose?

M. Veltman: Un peu. D'abord, il faut distinguer l'école française chez les Grecs. Il y a deux types d'écoles françaises; non, il y en a trois. Il y a l'école grecque, à laquelle un tiers des enfants du primaire sont inscrits; il y a des écoles Socrate de la communauté grecque, qui sont trilingues, où l'enseignement se donne en français, en grec et en anglais. Il y a les écoles françaises du PSBGM que la plupart des Grecs fréquentent. Il y a des écoles françaises ordinaires, mais catholiques.

M. Payne: Je ne compte pas les cours de PELO, ce genre de cours secondaire où...

M. Veltman: Mais cela est important comme observation. Si les Grecs qui sont ici depuis longtemps ont décidé d'envoyer leurs enfants à l'école française commune, c'est-à-dire catholique, les enfants ont été noyés dans une situation d'accueil qui fait en sorte que, probablement, ils ont adopté le français comme comportement linguistique. Avec l'arrivée de la loi 101, ou bien des ententes sont intervenues entre le ministère et la communauté grecque, ou bien les Grecs ont opté directement pour le PSBGM, de sorte que les élèves déjà de langue anglaise se sont retrouvés dans les écoles françaises, ce qui a fait monter en flèche l'anglicisation des enfants éduqués à l'école française. Le même phénomène s'est produit chez les élèves grecs aux écoles grecques. C'est que les anglicisés ont été amenés à l'école française, plutôt que le contraire, qu'il y avait un comportement curieux des élèves grecs à l'école française. Je crois que c'est plutôt le premier. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Payne: Oui. C'est une question à plusieurs volets. M. Castonguay, sur le même sujet, a démontré tout de même que certains groupes ethniques se tournaient lentement vers le français - à signaler, en passant, les Espagnols, les Portugais, les Vietnamiens et les Arméniens - se penchant sur Statistique Canada de 1971 et de 1981. Cela est publié dans une étude du Conseil de la langue française. Voyez-vous une incompatibilité entre ce qu'il a trouvé et les recherches de M. Maheux? Je veux dire mes préjugés d'abord. Je comprends que M. Castonguay a voulu vraiment suggérer que c'est une orientation à plus long terme, quoique M. Maheux semblait mettre beaucoup plus d'emphase sur les influences immédiates en ce qui concerne l'influence de l'anglais.

M. Veltman: Je n'y vois pas d'incompatibilité en soi, mais je dirais que c'est plutôt un accident heureux de statistiques. L'évolution de 1971 à 1981, telle que reflétée dans les statistiques, nous indique que ces groupes sont plus

francophones. Je pense que ces groupes sont de loin plus francophones que le recensement ne l'indique. Si on réalise des enquêtes sur le terrain auprès des Latino-Américains ou auprès des Arabes, on va trouver effectivement que les enfants sont en train de se franciser. Pour ce qui est des Grecs et des Italiens, j'admets que c'est un cas qui est plus difficile, mais remarquons que les Grecs et les Italiens sont ici depuis plus longtemps. L'orientation vers l'anglais est instaurée dans ces communautés depuis plus longtemps et, donc, ils sont moins aptes, avec le comportement de leur communauté dans l'ensemble, à faire dévier leur comportement par l'application de la loi 101. Les Latino-Américains, les Vietnamiens, les Cambodgiens, les Arabes et les autres groupes sont arrivés surtout vers la fin des années soixante-dix et ils ont été plus affectés par l'application de la loi. Je n'y vois pas d'objection majeure. (11 heures)

M. Payne: La francisation des immigrants à l'école aidera-t-elle à retenir au Québec les allophones qui, dans le passé, quittaient pour le reste du Canada et des États-Unis? C'est une discussion qu'on a depuis deux jours.

M. Veltman: Oui. J'ai un avis là-dessus, mais je pense que le vrai expert, ce n'est pas moi, il se trouve au ministère des Communautés culturelles; il s'agit de Mme Baillargeon.

Les données démontrent effectivement que, dans l'ensemble, les Néo-Québécois, les nouveaux arrivants, sont moins propices à quitter le Québec que les anglophones, mais plus que les francophones. J'imagine qu'à mesure que les immigrants s'intégreront de plus en plus à la communauté francophone ils vont adopter un comportement de plus en plus semblable à celui des francophones et, donc, le taux d'émigration diminuera. C'est logique, il me semble.

Le Président (M. French): Là-dessus, M. le député, me permettriez-vous de souligner quelque chose? Il y a effectivement, dans le témoignage que nous avons reçu, une certaine divergence d'opinions là-dessus. Je parle du taux de rétention des immigrants. Il y a sans doute des données disponibles là-dessus, mais le Groupe de recherche sur la démographie québécoise a dit effectivement que c'était très difficile de le savoir, si vous vous rappelez. Il nous a dit que ce n'était pas certain, qu'il n'y avait pas de registre du genre, etc. Je pense que c'est M. Henripin qui a dit que le tiers des immigrants partent du Québec, tôt au tard. Je fais la remarque, je sais bien...

M. Veltman: Je ne suis pas l'expert, l'expert se trouve ici.

Le Président (M. French): Cela, je le sais, je le mentionne "for the record", puisque ce serait valable, pour les fins de la cause, d'éclairer les profanes autour de la table.

M. Veltman: Excusez-moi, M. le député.

M. Payne: Là-dessus, effectivement, il y a quelques études sur le taux de présence au Québec, à travers plusieurs générations. On a la génération de 1945 jusqu'à 1954, de 1955 jusqu'à 1969, de 1970 à 1977, 1978 à 1981. Ce qu'on y trouve, c'est assez intéressant.

Au Québec, par exemple - je vous donne le début de chaque période de cinq ans - en 1945, c'était 33%; là, par exemple, je fais le taux des entrées internationales et des personnes recensées. De celles recensées en 1981, qui sont venues en 1945, c'était 33%; cela demeure le taux de présence, c'est-à-dire ceux qui restent par rapport à ceux qui sont venus, 33%. Évidemment, il faut le comparer avec le reste du Canada. Le reste du Canada, moins le Québec, cette année, c'était 65%, 1945 par rapport à 1981.

On va revenir, un peu plus près, à la réalité d'aujourd'hui, parce que c'est beaucoup plus révélateur. De 1978 à 1981, au Québec, pour calculer le taux de présence, on compare le nombre de personnes recensées, disons vingt ans plus tard par rapport au nombre de gens qui sont venus et on obtient, pour le Québec, 84%; c'est le taux de rétention, si vous voulez. Pour le Canada, avec le Québec, c'était 87%, donc très comparable et le Canada moins le Québec, qui révèle le tout, c'était 88%. Le taux de rétention, par rapport aux autres provinces...

Le Président (M. French): II est respectable.

M. Payne:... ou le reste du Canada. C'est assez intéressant.

M. Veltman: Mais ça doit augmenter à mesure que les gens deviennent francophones. Il me semble que cela ne fait pas de doute.

M. Payne: Absolument pas.

Le Président (M. French): Je ne veux pas retenir trop la discussion, mais je ne peux m'empêcher de revenir sur une discussion qu'on a eue, hier soir, sur la politique d'immigration. Le problème d'hier soir, c'est qu'on ne pouvait pas dans un si court laps de temps encadrer la discussion, mais Gary Caldwell a ouvert la grande boîte de discussions sur - comment peut-on l'appeler - une politique d'accueil ultra libérale, c'est très utile, une politique de porte ouverte. Vous-même, vous faites

plusieurs fois allusion à cela.

M. Veltman: Je ne sais pas pourquoi on me talonne avec cette idée. Ce n'est pas moi qui l'ai avancée. J'ai dit tout simplement...

M. Payne: Non, j'ai dit que vous le mentionniez dans votre mémoire.

M. Veltman: Moi, j'ai dit tout simplement qu'elle me semble plus efficace qu'une politique nataliste à conséquences inconnues. L'ampleur et tout le phénomène de combien d'immigrants il faut admettre par année et tout, je ne me suis pas adressé à cette question. C'est hors de mes compétences. Mais, en ce qui a trait à notre capacité d'assimiler ces immigrants pour moi, ça ne fait pas de doute. Je suis convaincu qu'on peut assimiler rapidement les immigrants, mais pas suffisamment rapidement pour infléchir les gens qui se rabattent toujours sur le recensement. Là, s'il faut se fier uniquement au recensement canadien pour adopter une politique en ce qui a trait à l'immigration, on n'y arrivera pas avant l'année 2001.

On ne va pas voir avant ça que la politique d'aujourd'hui fonctionne. Mais que les nouveaux arrivants se francisent, il n'y a aucun problème avec ça et c'est ça qui va se produire. Même si l'immigration est massive, on se comporte de plus en plus comme une société normale nationale. Mais l'ampleur, c'est à vous d'en juger.

M. Payne: C'est toute une question! Si nous avons comme taux d'accueil ou chiffre absolu d'accueil aux alentours de 20 000 par année d'immigration internationale, pour ajuster ça, disons, à 25 000 par année, comme Gary Caldwell l'avait proposé, à toutes fins utiles, je n'ai pas du tout des préjugés contre cela. Au contraire, cela nous donne 45 000 ou 50 000 par année ce qui n'aurait pas comme résultat d'infléchir dramatiquement la crise de la natalité ou la crise démographique au Québec, pour ne pas considérer les contraintes d'ordre socio-politique posées par une politique d'accueil qui différerait radicalement de celle de l'ensemble de l'Amérique du Nord et, particulièrement, du Canada où nous n'avons pas l'autonomie ou la souveraineté nécessaire pour adopter une telle politique.

À l'heure actuelle, selon M. Couture, toute responsabilité appartient au gouvernement du Québec en matière d'accueil, sauf la sécurité et la santé. Même avec ça, selon nos expériences, depuis les derniers cinq ans, nous avons une certaine autonomie accrue en matière même de sécurité et, particulièrement, de santé. Mais ça toucherait également les politiques d'aide sociale, les politiques sous forme de transfert, de paiements en matière d'éducation, l'enseignement des langues secondes, tous les programmes des Affaires sociales. C'est une grande discussion.

M. Veltman: Moi, j'ai plutôt l'impression que, si on tentait de prévoir l'avenir, on tenterait peut-être d'agir sur la natalité. Dans l'année 2001, quand la population commencera à décroître pour le vrai, on va adopter une politique d'immigration très libérale. C'est plutôt le scénario prévisible avec, je pense, la lenteur des institutions publiques à prévoir la réalité, mais je ne sais pas.

M. Payne: Merci.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: À la page 3 de votre document, vous dites ceci: "L'ouverture généreuse envers les communautés culturelles relève néanmoins d'une certaine myopie intellectuelle. Les auteurs n'ont pas su distinguer une minorité linguistique d'une minorité ethnique. "

Au dernier paragraphe, vous dites: "Cette définition des communautés culturelles souffre d'inexactitudes que nous ne pouvons passer sous silence. "

J'aimerais que vous nous disiez brièvement les distinctions véritables que vous faites par rapport aux communautés culturelles.

M. Veltman: D'accord. J'ai plutôt l'impression, en lisant le document gouvernemental, qu'on veut limiter la communauté anglophone à des gens de souche anglo-britannique. À mon avis, c'est faux. Il faut reconnaître qu'au Québec il y a deux groupes linguistiques en forte concurrence. Donc, il est à prévoir que l'un serait vainqueur et l'autre vaincu.

À l'intérieur de ces deux grands groupes linguistiques auxquels les orientations vers le Québec, l'attachement au pays, le taux d'immigration, la fréquentation scolaire et un grand nombre de facteurs culturels sont rattachés, il y a des noyaux qui ne sont pas séparables de ces groupes. Les Juifs anglophones, puisqu'ils sont juifs, constituent en effet une minorité ethnique avec une grande cohésion avec les institutions communautaires et un amour-propre même, un sens d'identité de peuple, mais on ne peut pas les scinder par la force et la volonté du groupe anglophone, en disant: Ce sont des Juifs; on va faire quelque chose de gentil pour les Juifs et ils vont devenir soudainement différents du groupe anglophone. C'est une myopie culturelle que je relève dans ce document.

D'autres groupes, les vraies

communautés culturelles, sont constitués de groupes d'immigrants. Alors, ils parlent une langue différente et ils ont une culture propre. Il s'agit des Grecs, des Portugais, des Italiens et des Asiatiques, les gens nouvellement arrivés. Leurs enfants rejettent carrément cela; ils veulent devenir francophones et anglophones comme les autres. Il y a un seul cas d'exception qui est très frappant, ce sont les Juifs Hassidim d'Outremont. Là, il y a une continuité "intergénérationnelle" qui ne fait pas de doute. Pour le reste, les gens sont attachés à la fois à leur groupe linguistique et au groupe ethnique. On ne peut pas mêler les deux dans un seul camp de communauté culturelle. Il faut distinguer un peu.

Alors, il y a des limites d'action gouvernementale en ce qui concerne les communautés culturelles. On peut agir sur l'avenir des groupes grecs, italiens, portugais, asiatiques, les nouveaux arrivés, en dirigeant les enfants à l'école française et en agissant sur le marché du travail, si nécessaire, mais on ne peut pas détacher un groupe qui fait partie intégrante d'une communauté linguistique. On ne peut pas l'arracher de son groupe. Cela me semble logique. Là, il faut admettre que les Juifs anglophones sont des anglophones à part entière. Les Irlandais anglophones sont des anglophones à part entière, catholiques ou pas. A ce moment-là il faut voir la réalité en pleine face. On ne peut pas dire que ces gens-là ne sont pas anglophones. On peut les détacher avec des politiques de gentillesse; on peut peut-être le faire pour les Grecs, les Italiens, etc.

Alors, il y a une distinction nette à faire à ce moment-là et je relève également qu'on ne considère pas comme communauté culturelle les Irlandais. C'est bizarre. Il y a beaucoup d'Irlandais au Québec, il y en a 100 000, mais la moitié est anglophone et anglo-catholique. Ils ne sont pas pour autant plus proches des anglo-protestants qui sont protégés par la constitution, mais ils sont anglophones. L'autre moitié est carrément assimilée au groupe francophone. Il y a pas mal de députés à l'Assemblée nationale qui ont des patronymes irlandais et qui se considèrent comme des Canadiens français. C'est cela, ils ont été assimilés, mais il y en a 100 000, c'est beaucoup plus que les Grecs. Ce sont seulement les Italiens et les Juifs. Les Juifs ont à peu près le même nombre au Québec. C'est un groupe très important, finalement, mais ils ont été assimilés des deux côtés plus ou moins. Alors, c'est dans ce sens-là qu'il faut distinguer une minorité linguistique d'une communauté ethnique qui se maintient, comme les Juifs, des groupes qui ont été carrément assimilés. Est-ce que cela vous satisfait? Je l'espère.

M. Hains: Merci.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci, M. le Président. Mes ancêtres viennent de Normandie. Je suis très fier...

Le Président (M. French): Et leurs ancêtres viennent de Champagne.

M. Champagne: Je m'excuse, si je suis en retard ce matin, j'ai eu une panne d'essence.

Le Président (M. French): C'est à cause de la surtaxe sur l'essence.

M. Champagne: J'ai entendu parler de certains commentaires. Par exemple, j'ai entendu le commentaire de M. Veltman vers la fin d'une question. Malgré les efforts que l'on fait face aux classes d'accueil, malgré les classes d'immersion - vous avez parlé de l'expérience de Saint-Lambert, entre autres -malgré des efforts pour l'enseignement de la langue française dans le milieu anglophone, il arrive, comme vous l'avez dit - vous me corrigerez si je suis fautif - qu'en fin de compte ces enfants qui ont connu l'immersion française, qui sont allés dans des institutions primaires françaises même, lorsqu'ils vont dans les écoles - j'étais pour dire l'université ou le cégep - reviennent au secteur anglais. Lorsqu'ils s'en vont en milieu de travail, leur langue de travail redevient l'anglais. C'est bien cela que vous avez dit tout à l'heure. (11 h 15)

M. Veltman: Je n'ai pas dit cela, mais probablement qu'ils vont quitter le Québec faute de ne pouvoir trouver un poste en anglais.

M. Champagne: Malgré tous les efforts...

M. Veltman: Oui, oui.

M. Champagne:... pour essayer de franciser ces gens. Trouvez-vous cela quand même inquiétant? Est-ce que nos politiques linguistiques sont fautives? Est-ce qu'on n'a pas raison de croire, lorsqu'on dit que la force d'attraction de la langue, de la culture anglaise est excessivement forte? Malgré tous les efforts qu'on fait avec la loi 101, malgré tous les efforts qu'on fait pour avoir des classes d'immersion, des classes d'accueil, en fin de compte, les gens parlent autant anglais au travail et nos francophones se retrouvent, comme M. le Président le disait, à 25% ou 30% dans les universités anglophones et l'inverse n'existe pas. Vous avez parlé de 500 personnes, 500 étudiants...

M. Veltman: Oui.

M. Champagne:... anglophones dans les universités françaises.

Le Président (M. French): Dans les collèges français si j'ai bien compris.

M. Veltman: Oui, les collèges.

M. Champagne: Aux cégeps français?

M. Veltman: Oui, oui.

M. Champagne: D'accord. Considérez-vous que l'effort fait par le gouvernement, en fin de compte, n'a pas le résultat escompté?

M. Veltman: Non. Je trouve que l'effort du gouvernement a eu des effets peut-être plus impressionnants qu'on ne l'aurait imaginé. Effectivement, vous soulignez certaines choses qui me semblent évidentes, c'est-à-dire que la capacité des anglophones à s'exprimer en français n'est pas le 53% qui est vanté par Alliance Québec, c'est-à-dire le recensement du Canada. Je ne peux pas vous avancer un chiffre. D'après le peu de connaissances personnelles que j'ai, je dirais de 15% à 20% peut-être de bilingues réels. Moi, je ne sais pas.

Il faut que le Québec respecte la constitution canadienne. Là, la loi 101 n'intervient pas pour abroger la constitution canadienne, c'est-à-dire qu'elle ne supprime pas les écoles anglaises. Il est tout à fait naturel que les enfants de langue anglaise fréquentent les institutions de langue anglaise. C'est naturel en soi. Qu'on songe, qu'on imagine qu'en laissant les enfants de langue anglaise fréquenter les écoles anglaises, ils vont arriver un jour à pouvoir s'exprimer en français comme des francophones, c'est de la pure rêverie.

Ils font des efforts. Ce n'est pas le gouvernement du Québec, en soi, qui fait des efforts. C'est la communauté anglophone qui a mis sur pied des programmes d'immersion, en tentant de tout faire puisqu'ils ne voulaient pas le faire eux-mêmes de passer le fardeau aux enfants, au moins de rendre les enfants bilingues. Ils parlent l'anglais chaque fois que l'enseignant tourne le dos. Ils parlent l'anglais entre eux dans la cour d'école; tous les amis sont anglophones. Ils résident dans des quartiers... Si les quartiers sont mixtes, les francophones fréquentent les francophones et les anglophones fréquentent les anglophones, autrement, ils habitent Beaconsfield où il n'y a pas beaucoup de francophones. Une langue se maintient en la pratiquant et le français se perd, à ce moment, en cessant de le pratiquer. Quand on cesse de pratiquer le français comme langue principale en troisième année, évidemment, il y a recul.

Je trouve cela tout à fait naturel sur le plan sociologique et je trouve que l'action du gouvernement est tout à fait correcte, c'est même plus que correct. On aurait pu aller plus loin. Ce ne sont pas les cégeps et les universités qui sont protégés par la constitution, mais ils sont protégés par tradition et consensus. C'est adéquat. Je trouve qu'on fait très bien de respecter cet aspect. Je ne pense pas non plus qu'on puisse, effectivement, agir de façon importante sur les connaissances du français des anglophones. Je pense qu'on agit correctement, à l'heure actuelle, et cela n'impose pas de menace. C'est naturel que les anglophones parlent anglais. Ce serait bizarre qu'en fréquentant une école anglaise, où on enseigne le français, ils deviennent francophones, je trouve.

Le Président (M. French): C'est cependant un peu une exagération.

M. Veltman: Oui, oui.

Le Président (M. French): Vous travaillez en français aussi bien que moi, mais ni l'un ni l'autre de nous ne parlons français comme un francophone.

M. Veltman: C'est cela.

Le Président (M. French): Si l'objectif visé est une efficacité fonctionnelle dans nos plans... Je ne suis pas plus optimiste que vous sur le vrai taux de bilinguisme efficace...

M. Veltman: Oui, oui.

Le Président (M. French):... parmi la population anglophone. Mais ce n'est pas en disant qu'une école anglaise ne fera pas un francophone qu'on va réussir à éclairer quelqu'un.

M. Veltman: Non, c'est cela. Mais je dis tout simplement que ce n'est pas surprenant que les élèves des écoles anglophones soient surtout anglophones. Ce n'est pas une faiblesse du français face aux anglophones. C'est tout simplement un constat naturel, quoi.

M. Champagne: II y a déjà eu des constats aussi. Je me souviens des exemples qu'on donnait, d'écoles françaises qui étaient en Ontario; c'est bien sûr que l'enseignement se donnait en français, mais dans les cours de récréation, c'était l'anglais...

M. Veltman: Oui, oui.

M. Champagne:... chez les francophones.

M. Veltman: Oui, oui. Mais on n'a pas ce problème à Montréal chez les

francophones.

M. Champagne: Maintenant, vous avez parlé... Est-ce que vous avez fait une enquête pour savoir quelle est l'incitation ou quel est le résultat au point de vue des enfants qui ont eu des classes d'immersion ou qui ont eu des cours en français? Lorsqu'ils arrivent dans le milieu du travail, quelle est la proportion de ces enfants qui vont travailler en français? Vous n'avez quand même pas d'étude là-dessus...

M. Veltman: Non.

M. Champagne:... ou de résultat d'enquête.

M. Veltman: Je ne pense pas qu'il existe même une étude qui puisse nous renseigner de façon satisfaisante sur le nombre des anglophones, comme lui et moi, qui travaillent en français.

M' Champagne: D'accord.

M. Veltman: II doit y avoir un certain pourcentage. J'en connais pas mal à l'UQAM, il y en a à l'Université de Montréal aussi. Mais le milieu universitaire est spécial. Je ne sais pas à quel point cela existe à l'extérieur des universités. La seule étude qui touche ce sujet, c'est l'étude de M. Lambert, sur les enfants de l'école Saint-Lambert. Mais ils ont vécu l'immersion il y a maintenant quinze ans ou dix-huit ans; il y a longtemps. Alors, vraiment, il n'y a pas d'étude ponctuelle qui peut nous renseigner là-dessus.

M. Champagne: Alors, je suis intéressé...

Le Président (M. French): Je suis désolé.

M. Champagne:... MM. les membres de la commission, à avoir cette étude au sujet du résultat.

Le Président (M. French): Oui, on a demandé à l'expert-conseil de nous la procurer, M. le député.

M. Champagne: J'aimerais avoir cette copie, s'il vous plaît.

Le Président (M. French): Oui. M. Champagne: Merci, monsieur. M. Veltman: Merci.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Moi aussi, comme le vice-président de la commission, j'aimerais m'excuser d'avoir été en retard pour entendre votre mémoire si intéressant.

On a lu, il y a environ deux semaines, les dernières statistiques de Statistique Canada en rapport avec la situation du français au Québec, en rapport également avec un énoncé qui m'a un peu surpris, à savoir que c'est au Québec que les communautés culturelles, notamment que la communauté italienne conserve le plus sa langue ou parle le plus italien à la maison, comparativement, si vous me permettez, à l'Ontario.

M. Veltman: Oui.

M. Dauphin: On sait qu'à Toronto, il y a, je pense, 500 000 Italiens; et puis que c'est au Québec que les communautés culturelles parlent le plus leur langue à la maison. On peut faire la comparaison également avec New-York, où il y a énormément d'Italiens.

M. Veltman: Effectivement.

M. Dauphin: Ils conservent moins leur langue et leur culture propres qu'à Montréal. Auriez-vous une explication à cela? Est-ce que c'est...

M. Veltman: Oui, un peu. J'ai été très frappé par ces données, au départ. En effet, on trouve chez les Italiens, chez les Grecs, chez les Portuguais que le taux de transfert linguistique, qui a été établi par le recensement... Le taux de conservation a été plus fort au Québec, ensuite au Canada anglais et, finalement, aux États-Unis. Ce sont des données d'une enquête, "Survey of income and education" aux États-Unis, 1976. On peut comparer des données.

Je pense que l'explication, ce n'est pas vraiment qu'il y a un changement dans le comportement des enfants, c'est-à-dire que les enfants parlent tous anglais ou français. Ce ne sont pas les enfants qui conservent vraiment la langue un peu plus longtemps, ce sont les immigrants eux-mêmes. Alors, étant donné que les immigrants parlent le grec ou le portuguais à la maison, le nombre d'enfants qui sont déclarés pouvoir parler ou qui parlent toujours le portugais, ou le grec, ou l'italien à la maison est plus élevé parce que la langue de discours parents-enfants prime, lors des déclarations en réponse à des questions au cours du recensement canadien.

À ce moment-là, il faut s'interroger un peu sur ce qui est unique au Québec, sur ce qui nous est particulier. Là, il me semble qu'il y a deux phénomènes. D'abord, on trouve plus souvent que les groupes se regroupent ici au Québec, à Montréal, tandis

qu'ils se dispersent à Toronto. L'enquête, qu'on a réalisée sur les Grecs, par exemple, on a pris l'unique quartier de Park Extension; là-dedans habitaient 33% de tous les Grecs de Montréal. Cette unité est en effritement aussi, en dispersion, en 1981. Mais on ne peut pas faire une étude comme celle-là à Toronto, les Grecs sont trop répartis sur le territoire de Toronto, ce qui devrait effectivement faire monter le taux de transfert linguistique. Ils se retrouvent parmi d'autres anglophones qui parlent anglais.

Les Portugais avaient un phénomène de concentration très élevée aussi, surtout en 1971, moins maintenant. On retrouve des Portugais à Pointe-aux-Trembles, à Châ-teauguay, à Laval-des-Rapides, à Pierrefonds, un peu partout dans la région de Montréal.

Mais à l'époque, c'était plus concentré. Alors, cela incite une certaine conservation de la langue. Il y a peut-être aussi un phénomène psychologique, c'est-à-dire que dans les pays carrément unilingues, comme le Canada anglais ou les États-Unis, on sait vers quoi il faut se diriger rapidement. On sait très bien aussi - qu'est-ce que je voulais dire? On sait vers quoi il faut se diriger... Alors, j'ai oublié.

Le Président (M. French): Alors qu'ici, à Montréal?

M. Veltman: Alors qu'ici, on ne sait pas tout à fait... Oui, mais ce n'est pas juste cela. C'est-à-dire que dans ces pays, le bilinguisme est une chose exceptionnelle; on ne peut pas imaginer même d'apprendre si bien une langue qu'on peut la parler couramment. Aux États-Unis, ils ont de graves difficultés avec l'enseignement des langues secondes.

Ici, on valorise au départ le bilinguisme. Les francophones - n'importe qui - souhaitent que leurs enfants parlent bien l'anglais. Les anglophones, peu importe le comportement réel, souhaitent que leurs enfants parlent bien le français. Alors, le bilinguisme, en soi, est valorisé au Québec. Alors, les nouveaux arrivants doivent apprendre deux langues, d'après eux, pour bien s'insérer dans la société québécoise.

Pourquoi ne pas en retenir une troisième? Peut-être que cela leur ferait retarder un choix définitif aussi. Il faut qu'ils tâtent un peu le terrain avant de décider vers quel groupe il faut se brancher. Tout cela est réglé maintenant par la loi 101, cela dirige de plus...

Là, on va éprouver d'ici peu les mêmes problèmes que les sociétés nationales unilingues. On aura des difficultés de plus en plus grandes pour trouver des gens capables de bien parler l'anglais et l'espagnol, parce qu'on devient une société nationale qui est de plus en plus unilingue.

M. Dauphin: Si vous me permettez, effectivement, mon raisonnement, lorsque j'ai lu ces statistiques de Statistique Canada, était justement comme vous le dites, que dans le Canada anglais, pour une minorité ethnique, c'est clair qu'il faut s'en aller vers l'anglais, que ce soit à New-York ou à Toronto.

M. Veltman: Oui.

M. Dauphin: Tandis qu'à Montréal, notamment depuis une dizaine d'années, depuis les lois linguistiques, certaines communautés, qui avaient tendance généralement à se diriger carrément vers l'anglais, maintenant se dirigent vers les deux, l'anglais et le français, tout en conservant leur langue. Cela a été mon raisonnement.

M. Veltman: Oui.

M. Dauphin: Je pense que vous corroborez un peu dans ce sens-là.

Il y a un autre phénomène que je constate et je parle toujours des Italiens parce que j'en ai beaucoup dans mon comté. C'est que j'ai l'occasion...

Une voix: Pour ne pas parler de la famille...

M. Dauphin: Oui, mon épouse est italienne aussi. Mais je vais souvent à Saint-Léonard. Les Italiens parlent l'italien et le français. Dans mon comté, à ville LaSalle, les Italiens parlent l'italien et l'anglais, à un point tel que, évidemment, lorsqu'ils sont arrivés au Québec, que ce soit dans les années 1945 ou 1950, le choix n'était pas difficile à ce moment-là, ils se dirigeaient carrément vers l'anglais. Maintenant, c'est de plus en plus vers le français et j'en suis très heureux, soit dit en passant. (11 h 30)

Maintenant, ce que je veux dire par là, c'est que plusieurs de ces italophones de ville LaSalle, dans mon comté, sont nettement défavorisés avec le temps en termes d'emplois. J'en vois plusieurs venir à mon bureau de comté, qui ne parlent pas français et il n'est pas question de travailler pour la ville ou pour l'administration publique en général contrairement à Saint-Léonard, qui eux, se sont plus francisés. Alors, ce n'est pas nécessairement leur faute. Ils ont été pris là-dedans. Malheureusement, ils n'en ont pas eu conscience en arrivant. Mais, je voulais juste faire un commentaire là-dessus.

M. Veltman: Mais, je pense que vous touchez une corde sensible. Ils étaient blessés par le mouvement des Italiens vers l'anglais après qu'ils se soient intégrés au

départ à des communautés francophones. Toutcela cause une certaine... Ils sont chatouillés un peu à ce sujet-là. Mais, en effet, on retrouve partout dans l'ouest de Montréal des enfants italiens qui ne parlent que l'anglais. Dans leur réalité, ils parlent l'italien avec leurs parents, mais il y a de vingt à trente ans, par exemple, l'impact de l'anglais a été très marqué. Eux aussi sont anglophones à part entière. Peut-être que leurs enfants ont le droit d'aller à l'école anglaise et il faut les traiter comme ils le sont.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

Le Président (M. French): D'autres questions ou interventions? Je voudrais dire à M. Veltman combien nous avons apprécié son témoignage et l'optique particulière qu'il nous a présentée. Je voudrais rappeler qu'il nous a promis quelques références, des titres en cours...

M. Veltman: J'ai pris cela en note.

Le Président (M. French):... qui tendent à appuyer ses propres analyses et je constate que notre prochain témoin n'est pas encore arrivé, alors, nous allons suspendre.

M. Veltman: Je vous remercie tous. (Suspension de la séance à 11 h 33)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. French): Je veux vous inviter à prendre place, nous allons recommencer. Nous souhaitons donc la bienvenue à notre dernier intervenant, Mme Hoang, de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Nous voulons, d'abord, Mme Hoang, vous exprimer nos regrets pour le déplacement que vous avez dû faire en novembre. Nous regrettons beaucoup que vous n'ayez pas pu, à ce moment-là, comparaître devant nous, tel que nous avions prévu. Des événements au-delà de notre contrôle ont fait en sorte que nous n'avons pas pu procéder.

Maintenant, nous sommes donc prêts à écouter la présentation de votre mémoire ou bien les commentaires, ou un résumé, comme vous voulez. Mais, il n'y a pas manque de temps, alors vous allez procéder comme bon vous semble et, après cela, nous aurons une série de questions à vous poser.

Mme Tam Hanh Hoang

Mme Hoang (Tam Hanh): Alors, j'aimerais savoir combien de temps vous me laissez pour exposer ou pour...

Le Président (M. French): Nous avons au moins une heure, Mme Hoang. Ah! pour l'exposé, quinze minutes, vingt minutes, une demi-heure, comme vous voulez.

Mme Hoang: Et après cela, ce sera la période de questions.

Le Président (M. French): Ce sera les questions.

Mme Hoang: D'abord, j'aimerais vous dire que je travaille à la Commission des écoles catholiques de Montréal, mais ce que je dis aujourd'hui, je ne suis pas le porte-parole de la CECM. Alors, en ce oui concerne les recommandations ou ce que je dis, ce n'est pas la CECM qui dit cela. Alors, j'aime autant attirer votre attention sur cela. Je ne veux pas qu'il y ait un malentendu sur quoi que ce soit.

Le Président (M. French): II n'y en aura pas.

Mme Hoang: La raison pourquoi j'arrive ici, c'est parce que je me trouve comme le droit et le devoir de dire ce que je vis, ce que j'ai su comme employée à la CECM après avoir travaillé neuf ans à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Pouvez m'entendre?

Le Président (M. French): Approchez le micro davantage.

Mme Hoang: Est-ce que cela va mieux? M'entendez-vous mieux?

Une voix: Je pense que cela va mieux. Merci.

Mme Hoang: La clientèle de la CECM, ces quinze dernières années... je montre un chiffre parce que je ne veux pas venir ici pour parler tout le temps de chiffres. Il faut dire que la commission catholique, en 1969, a obtenu l'apogée avec 230 000 élèves. Quinze ans après, c'est-à-dire en septembre 1984, elle a obtenu seulement 104 160, une perte de 125 915 élèves, soit disons 54, 8%.

Face à cette baisse de clientèle, la commission doit fermer beaucoup d'écoles. Depuis 1970, elle a déjà commencé à fermer, mais après elle a ouvert d'autres polyvalentes. Il y a des fermetures, mais par contre, il y a beaucoup d'ouvertures aussi avec les constructions de polyvalentes, de toutes sortes d'écoles secondaires.

En réalité, c'est seulement à partir de 1976 que la commission a commencé à fermer les écoles. Depuis, de 1976 à 1984, on a fermé 95 écoles primaires et 20 écoles secondaires. En date du mois d'octobre 1984, on a 159 écoles primaires et 41 écoles secondaires, c'est-à-dire que 37, 4% des écoles primaires ont été fermées et presque

la moitié des écoles secondaires ont été fermées. C'est en ce qui concerne les écoles et la clientèle scolaire.

Pour le nombre d'enseignants en disponibilité, quand je parle d'enseignants en disponibilité, ce sont les nouveaux en disponibilité qui sont ajoutés à chaque année. Depuis 1979 jusqu'à juin 1984, on a 2167 professeurs en disponibilité et de 1976 à 1978, on n'a pas de chiffre disponible, mais c'était une estimation de 830. Au total, de 1976 à 1984, on a presque 3000 enseignants en disponibilité. Voilà en ce qui concerne le personnel de la commission.

Au point de vue équipement, en date du mois d'avril 1984 on a 30 000 places-élèves libres, mais on devrait quand même les garder parce que ce sont les écoles qui sont utilisées à 60%, 65% ou 50%, c'est-à-dire qu'une place sur quatre est libre. Avec cela, on doit payer l'entretien, le chauffage, tout ce que vous voulez. Normalement, le prix moyen d'une place au coût d'avril 1984, c'est 363 $. Cela fait qu'approximativement, il y a 10 890 000 $ d'équipements payés sans être utilisés.

Le Président (M. French): C'est 10 800 000 $ à peu près la somme totale du coût occcasionné par les places-élèves libres dans les écoles encore ouvertes.

Mme Hoang: Face à cette situation, je fais un petit calcul comme, par exemple, à Montréal, le nombre de familles monoparentales, c'est une estimation de 20%. Le taux d'activité des femmes, c'est 50, 3% et le nombre d'enfants de zéro à quatre ans à la CECM en 1983, c'est 55 593.

La raison pour laquelle je parle d'équipements, des places-élèves, du nombre d'enseignants et du nombre d'enfants de zéro à quatre ans, c'est que je veux en arriver à la situation que les enfants de zéro à quatre ans habitant sur le territoire de la CECM, d'après le service de garde pour toute la région métropolitaine de Montréal, il y a seulement 13% qui ont obtenu le service de garde en garderie, c'est-à-dire seulement pour toute la région métropolitaine, soit au moins le double du nombre d'enfants 0-4 ans de Montréal. Même si l'on calcule toute l'île de Montréal et Laval, on a seulement 13% qui ont été gardés dans les garderies. Je n'ai pas les chiffres pour calculer combien il y en a qui habitent dans le territoire de la CECM qui ont été gardés d'après le service de garde à l'enfance à Longueuil.

Face à cette situation, j'ai fait un genre de recommandation que je vais lire. Face à la situation de la dénatalité surtout de la région de Montréal et face à toute la baisse de la clientèle scolaire de la commission catholique, face à l'équipement et au personnel en disponibilité, etc., j'ai fait un résumé comme quoi il y a moyen que tous les services collaborent pour qu'on puisse quand même créer... Si on veut encourager la natalité surtout dans une région aussi populeuse et aussi variée que Montréal la première difficulté d'un parent d'avoir un enfant, c'est de faire garder son enfant. Surtout à Montréal, c'est une des questions primordiales. Alors, quand j'ai vu la situation en travaillant pendant plusieurs années à la CECM, j'ai voulu proposer qu'on fasse l'impossible pour créer des garderies dans les commissions scolaires. Que ce soit gratuit ou semi-gratuit ou payé d'après les revenus, il faut quand même s'organiser parce qu'il y a cinq ans, avant juin 1981, la commission scolaire n'avait pas droit au service de garde encore, mais après juin 1981, la commission a eu droit au service de garde des enfants. Depuis, on a ouvert 50 services de garde, mais c'est seulement le service de garde pour les enfants qui sont à l'école. 50 depuis seulement 3 ans, à partir de septembre 1981 jusqu'en 1984. Je me dis qu'ils ont seulement 4 garderies. Alors, au lieu d'ajouter au service de garde, on pourrait ouvrir des garderies en utilisant le personnel disponible, en utilisant les places disponibles et en distribuant les ressources disponibles tant au ministère de l'Éducation qu'au ministère des Affaires sociales.

Si je compte les 10 000 places-élèves libres, c'est déjà la subvention de 3000 garderies. Si on veut ouvrir des garderies, on a droit à une subvention de 3000 $ pour 20 places-élèves et, avec ce coût, on peut déjà ouvrir presque 3000 garderies. Je veux parler des services de garde que la CECM pourrait contribuer comme organisme de ressources pour aider aux familles qui veulent avoir des enfants. (12 heures)

Le deuxième point que je veux mentionner aussi, c'est l'aide financière où le gouvernement peut venir en aide quand l'enfant naît, c'est-à-dire les allocations prénatales ou les allocations postnatales comme cela existe en France en ce moment. Pour le moment, une femme enceinte, ici, au Québec, a droit à 240 $ pour la prime de natalité, mais en réalité, ce 240 $ va être déduit de l'assurance-chômage ou des assurances qu'elle reçoit. Il faudrait donner aussi des bons de lait et des bons de couches pour les enfants nouveaux-nés; donner la possiblité aux familles d'avoir accès aux HLM, parce qu'à Montréal, il faut maintenant attendre un à deux ans pour pouvoir avoir accès à un HLM; il y en a qui attendent plus longtemps que cela encore. Il faut donner aussi les services auxiliaires aux enfants, parce que ça existe maintenant des organismes privés, des organismes de bienfaisance, qui essaient de permettre aux enfants défavorisés de partir dans des camps de vacances, de profiter un peu des voyages, d'activités mais c'est encore très minime à

Montréal. À ma connaissance, il n'y a aucune organisation de l'État qui essaie de donner des camps de vacances gratuitement aux enfants défavorisés. Je n'en connais pas.

La troisième aide que je veux mentionner, face à une naissance, c'est l'aide aux parents mêmes, le congé de maternité et de paternité. Au Québec, c'est seulement à partir de 1980 et ce n'est que pour les femmes qui travaillent dans la fonction publique. Les femmes qui travaillent dans le secteur privé ont droit seulement à sept semaines d'assurance-chômage et celles qui travaillent dans des petites entreprises, je pense que la seule chance qu'elles peuvent avoir c'est l'assurance-chômage.

Il faut aussi des bureaux de secours pour les parents en détresse, les familles monoparentales, les jeunes mères qui, après avoir eu des enfants, reçoivent un certain montant d'aide sociale. Il faut aussi un soutien moral pour les filles. Par exemple, à la commission scolaire, il y a une école pour les jeunes mères célibataires de 12 à 18 ans. Elles sont logées, nourries et aidées. Il y a une pouponnière pour aider leurs enfants, mais après un certain temps, ces jeunes filles doivent quitter l'école et se débrouiller elles-mêmes. Il n'existe pas encore d'aide sociale dans ce sens-là, à part les prestations sociales d'une mère célibataire.

Je propose aussi des cartes de famille nombreuse pour le transport, pour les services des loisirs, les achats alimentaires ou vestimentaires, pour les familles de trois enfants, quatre enfants et plus.

Voilà ce que je devais vous dire, ce que j'ai vu, et ce que je pense d'une politique d'encouragement de natalité et d'avoir une famille nombreuse de trois, quatre enfants et plus, face à ce que nous vivons pour le moment. C'est 1, 4, 1, 5, à Montréal, pour une famille. Je répète encore la raison pour laquelle, surtout, je viens ici vous soumettre une proposition. C'est qu'on pourrait faire l'impossible pour obtenir des commissions scolaires, des garderies gratuites ou semi-gratuites pour que les mères qui travaillent puissent avoir accès à ces garderies-là. Pour celles qui ne travaillent pas, elles pourraient quand même obtenir une journée ou deux de garde pour leurs enfants afin qu'elles puissent faire un autre travail ou un travail à temps partiel, ou se libérer de la garde de l'enfant une journée ou une demi-journée, pour qu'elles puissent faire autre chose que de garder les enfants.

Alors, si vous voulez parler de quoi que ce soit à part ce que j'ai à dire et si vous voulez mettre ça comme étant conforme aux discussions, c'est à vous de décider.

Le Président (M. French): Merci beaucoup, Mme Hoang. Je suis convaincu qu'il y a plusieurs députés qui voudraient vous poser des questions et, au premier chef, le député de Vachon m'a demandé la parole.

M. Payne: Qu'il me soit permis de vous remercier, Mme Hoang, au nom de notre formation. Je ne suis pas désintéressé par ce phénomène de mouvement migratoire, parce la circonscription que je représente étant sur la rive sud de Montréal, c'est une des bénéficiaires d'un certain mouvement migratoire positif de la région sud, au détriment de l'île de Montréal.

Là, par exemple, dans mon seul comté, depuis cinq ans, on a déjà ouvert quatre écoles élémentaires depuis les derniers cinq ans. Cela touche beaucoup les préoccupations de la CECM, la question de rationalisation des services, une question, d'ailleurs, qu'on avait abordée avec beaucoup de soin, je pense, pendant une période de sept semaines en commission parlementaire sur le projet de loi 40. Plusieurs de ces préoccupations ont été soulevées et analysées en détail.

Comme je pense, vous pouvez vous-même souligner vos préoccupations également. Elles représentent en microcosme la situation pour le Québec en général, là où il y a une migration négative à l'extérieur du pays, faisant en sorte qu'il y a une crise de natalité, que ce soit sur l'Ile de Montréal ou analogiquement parlant sur l'ensemble du Québec vis-à-vis du reste du monde d'Amérique du Nord.

Ma question principale concerne, justement, la question de rationalisation. J'ai quelques idées, mais j'aimerais avoir votre expérience, plutôt, sur le nombre et le pourcentage des écoles qui sont démolies et recyclées depuis 1970. En matière de rationalisation, il y avait très peu d'études formelles de faites. Il y avait quelques tentatives très importantes. Il y en avait une, par exemple, qui a été initiée par le Conseil scolaire de l'île de Montréal en 1975, "Hypothèses et solutions des travaux préparés pour le Conseil scolaire de l'île de Montréal" et aussi dirigé par Jean-Pierre Proulx. C'était dans le volet des discussions qui suivaient le dépôt du rapport Gendron.

Dans un premier temps - ce n'est pas ma question principale, mais une sous-question - sur le nombre d'écoles recyclées depuis 1970, juste pour donner l'image globale, peut-être que je pourrais vous demander - je sais bien que vous ne représentez pas la CECM - de nous référer à quelques politiques de rationalisation dans les écoles, par exemple, au niveau de concentration des élèves dans certaines écoles, une politique qui aurait comme effet de progresser tranquillement, mais fermement vers la prématernelle universelle.

Est-ce qu'il y a des documents de base que vous pensez pourraient être utiles pour

les membres de la commission, en matière de rationalisation?

Mme Hoang: Vous parlez de la prématernelle?

M. Payne: Je vous le donne à titre d'exemple. Je parle de l'affectation des immeubles, je parle de recyclage des meubles. Quel est le nombre exact ou général des immeubles qui sont désaffectés et utilisés à d'autres fins? Si oui, à quelles fins, que ce soit pour des bibliothèques, des HLM ou pour réutilisation par d'autres services?

Mme Hoang: Je ne peux pas vous dire exactement vraiment où s'en va l'équipement, mais à ma connaissance, il y a un bureau au service de l'équipement; il y a un monsieur qui est responsable de l'inventaire de tout cela. Il y a une partie qui va à l'entrepôt Jarry pour vendre au public, mais la majorité, il faut dire que les deux tiers de l'équipement s'en vont dans les autres écoles. Moi-même, j'ai été à l'entrepôt Jarry plusieurs fois et c'était vraiment l'équipement inutilisable. Cela se vend très bon marché: un pupitre avec une chaise pour 3 $; une armoire en chêne pour 50 $ ou bien 5 $ pour une étagère. Mais si vous allez à l'entrepôt, vous n'allez pas trouver grand-chose parce cela s'en va dans les écoles, paraît-il.

M. Payne: Pouvez-vous nous indiquer si, à votre connaissance, sans engager la commission, il y a une politique de rationalisation? La question apparaît d'autant plus pertinente que la baisse des effectifs scolaires va continuer beaucoup pendant les années à venir. Lorsqu'on prend cela en considération, c'est un facteur plutôt de la baisse de la fécondité. L'émigration vers les banlieues n'est pas quelque chose qui va diminuer.

Mme Hoang: Normalement, il devrait y avoir une autre politique, mais je ne suis pas en mesure de répondre vraiment quelle est la politique de rationalisation de l'équipement.

M. Payne: Vos fonctions, auprès de la commission, sont lesquelles exactement?

Mme Hoang: Je travaille sur la démographie, sur la population et la clientèle scolaire de la CECM. Je fais partie du service de l'équipement, mais il y a un collègue à côté qui est un planificateur qui utilise mes chiffres pour calculer le nombre d'élèves dans les écoles. À partir de là, il va faire un rapport pour demander aux commissaires s'ils devraient fermer ou non les écoles. Depuis trois ans, les commissaires de la CECM ont fait une espèce... comment ils appellent cela pour empêcher de fermer les écoles primaires, c'est déjà depuis trois ans... (12 h 15)

M. Payne: Comment vous dites cela?

Mme Hoang: II y a un mot...

Le Président (M. French): Un sursis.

M. Payne: Un moratoire.

Mme Hoang: Un moratoire pour ne plus fermer les écoles primaires.

M. Payne: Je sais que vous êtes démographe. Peut-être que c'est hors de votre champ d'intérêt ou de spécialisation. Peut-on chiffrer le coût financier du déséquilibre entre l'offre et la demande, l'offre excédentaire, c'est-à-dire de classes, qui est supposée s'élever à 25% à la fin de l'année passée?

Mme Hoang: Je l'ai mentionné un peu dans la première partie en vous disant: Une classe d'élèves sur quatre est payée...

Le Président (M. French): 158 $

Mme Hoang: C'est cela.

M. Payne: Mais en termes de coût?

Mme Hoang: 363 $ la place, le coût moyen, parce que le coût au primaire est moins cher, mais le coût au secondaire, c'est dans les 460 $. Le coût moyen pour un élève à la CECM est de 363 $. Cela, c'est en 1984.

M. Payne: Quelle est la proportion entre les écoles primaires et secondaires des places en trop?

Mme Hoang: Au secondaire, je pense que c'est 460 $ et au primaire, c'est dans les 320 $. Je n'ai pas les chiffres ici, mais je vous donne la moyenne, c'est 363 $ pour un élève. (12 h 15)

Le Président (M. French): Ces chiffres sont sur une base courante.

Mme Hoang: II y a un rapport qui s'appelle le taux d'utilisation des écoles que les ingénieurs, les architectes et les planificateurs essaient de donner tout en termes de coûts de l'équipement. C'est-à-dire que par pied carré, combien coûte la bâtisse, l'entretien, le chauffage...

Le Président (M. French): Donc le chiffre de 10 000 000 $ c'est un coût...

Mme Hoang: Pour moi, c'est un

gaspillage.

Le Président (M. French): Cela, je l'ai saisi; mais ma question est: Est-ce que le gaspillage s'accumule année par année ou si c'est un chiffre annuel?

Mme Hoang: Annuel.

Le Président (M. French): Bon. Qui risque de monter dans la mesure où d'autres places...

Mme Hoang: Avant 1976, c'était plus que cela. Parce qu'avant 1976, les commissaires ne voulaient pas fermer les écoles. À l'époque, les commissaires, croyez-moi, cela fait 20 ans qu'ils ont des démographes, mais il y en a très peu qui savent ce qu'est la démographie et la perte de la clientèle et ils ne veulent pas croire encore qu'il y a une perte. Six ans après, quand ils voient vraiment qu'ils ont perdu 70 000 élèves ils ont dit: C'est vrai, on devrait le fermer. C'est pour cela que les démographes ont commencé à vouloir les fermer en 1970 et 1971; c'est seulement cinq ans après qu'ils ont commencé à fermer.

Le Président (M. French): Ce n'est pas tellement une politique très compréhensible, ni pas très acceptable.

M. Payne: La politique de la réforme scolaire a favorisé une remise en question de certaines politiques de rationalisation. On commence dans les quelques prochains jours, mais c'est déjà entamé. La réorganisation de la carte scolaire est un des effets indirects de cela. De toute évidence, ce sera une meilleure rationalisation des services, particulièrement au niveau de l'immobilisation.

Mme Hoang: J'ai même découvert en entrant à la CECM que maintenant il n'y a plus de différence parce que tout a été contrôlé par l'informatique. Vous ne pouvez pas déclarer plus d'élèves que vous en avez, mais sept ou huit ans avant, le principal déclarait ce qu'il voulait.

M. Payne: Ah oui?

Mme Hoang: Alors, vous pouvez trouver facilement et tout le monde le savait, je pense, qu'il y a une différence de 3000 à 4000 élèves par an pour toute la commission scolaire.

M. Payne: D'ailleurs, si on divulguait trop la situation, je peux vous dire qu'il y a beaucoup d'exemples, comme vous le savez sans doute, justement d'habitude des directeurs d'école de gonfler les chiffres parce que cela peut arriver que...

Le Président (M. French): Le directeur d'école, c'est la commission, M. le député de Vachon.

M. Payne: Ah oui, je ne suis pas sans expérience moi-même aussi, parce qu'il y a plusieurs déplacements dans la même année par le même élève. Alors quelqu'un peut s'inscrire facilement, ou deux ou trois élèves. Je peux vous donner plusieurs exemples de cela comme expérience personnelle et au niveau du ministère. D'ailleurs, il y avait une longue série d'articles publiés il y a quelques années là-dessus.

Mais je reviens à ma question principale. À ma connaissance, il n'y a pas de politique. Vous ne pouvez pas nous référer à une politique formelle de rationalisation.

Mme Hoang: Je ne pense pas que je pourrais être responsable d'une politique de rationalisation à la CECM, parce que c'est toute une procédure à passer à la CECM. Cela passe par plusieurs étapes et, rendu à la dernière étape, si les commissaires votent non, même à dix contre neuf, parce qu'ils sont dix-neuf à la CECM, je pense que votre projet ne passerait pas.

M. Payne: Ce qu'il m'apparaît... D'ailleurs, M. Proulx y a fait allusion à plusieurs reprises dans ses études; ce n'est pas trop difficile, selon certains scénarios - c'est-à-dire qu'il faut toujours travailler selon les scénarios - de faire les projections pour les prochains dix ans en ce qui concerne le nombre de places-élèves par école. En fonction de cela, faire en sorte qu'on puisse déduire le nombre de places qui seront libres et le pourcentage qui va être libre de plus en plus au cours des prochains dix ans, est-ce qu'il y a des projections de cette nature?

Mme Hoang: Oui. Il y a des projections annuelles et des projections, disons, pour les dix futures années pour pouvoir planifier s'ils devraient ouvrir des écoles ou s'ils devraient en fermer. Pour le moment, tout le monde est en train de travailler beaucoup dans le quartier Rivière-des-Prairies, parce que cela fait dix ans qu'ils ont travaillé là-dessus et qu'il y a certains quartiers qui se développent. Alors, là, c'est le contraire de tout le restant du territoire de la CECM. C'est un quartier qui se développe, qui demande une autre école. Mais, là encore, c'est à cause des budgets ou je ne sais pas quelle autre raison, ils n'ont pas encore obtenu la permission de faire une autre école de 600 places.

M. Payne: Avez-vous une idée à la commission des coûts inhérents à la prématernelle universelle?

Mme Hoang: Pour tous les enfants de la CECM, vous voulez dire?

M. Payne: Oui.

Mme Hoang: Non. Je sais combien il y en a, mais combien d'enfants de 0 à 4 ans ou bien de 4 ans à la CECM, mais je ne sais pas le coût, non.

M. Payne: Donc, vous ne pouvez pas dire a priori si vous aurez les places disponibles.

Mme Hoang: Je vous ai dit que nous avions déjà 30 000 places de disponibles. Pour les enfants de 4 ans à la... vous avez 11 000 enfants et vous avez 30 000 places. Je pense qu'il y en aassez.

M. Payne: Ce n'est pas réglé, le problème de la mise en disponibilité, c'est sûr. Merci, pour le moment.

Le Président (M. French): Mme Hoang, j'ai bien saisi qu'il y a des coûts importants découlant de la baisse ou du déclin de la clientèle scolaire de la CECM. J'ai également compris qu'un des usages possibles pour la capacité excédentaire de la CECM serait la maternelle et la prématernelle. J'ai compris également qu'il y a une série de volets d'une politique nataliste qui va au-delà de cette rationalisation, qui vous concerne particulièrement puisque vous êtes à la CECM. Ces mesures incluraient les allocations pour la natalité, les dons de lait et de couches, amélioration de logements, meilleurs services de loisirs, congés de maternité, de paternité sur une base plus universelle, les bureaux de secours pour les familles en détresse.

Mais, je voudrais tout simplement renverser la problématique et vous poser une question qui peut vous paraître un peu, par rapport à votre mémoire, venir du ciel, mais je pense que vous allez comprendre rapidement pourquoi je vous pose la question. À la CECM, je regardais des clientèles possibles; il y a une série d'enfants qu'on n'a pas et il y a aussi une série de citoyens qu'on pourrait accueillir. Et puisque vous avez mentionné toute une série de dimensions d'une politique sociale autour des familles québécoises, je me suis demandé si vous pouviez me donner votre opinion sur la possibilité sociale, au moins pour ce qui est de l'expérience de la CECM en accueillant de plus en plus d'étudiants en français de souche relativement distincte ou exotique par rapport à la clientèle traditionnelle de la CECM, d'une infrastructure autour de l'école qui pourrait nous permettre d'accueillir beaucoup plus d'immigrants. Je ne vous pose pas la question sur le plan économique ou sur d'autres plans, mais uniquement sur l'insertion sociale et éducative des enfants des nouveaux venus au Québec.

Mme Hoang: L'année dernière, j'ai fait un rapport sur les causes de la baisse de la clientèle scolarisable à la CECM. Je fais référence à la compétition avec les protestants et les catholiques. C'est parce que les écoles protestantes - comme elles viennent d'ouvrir le secteur francophone il y a quatre, cinq ou six ans, et la clientèle anglophone-protestante baisse parce que les immigrants n'ont plus le droit d'y aller -essaient d'attirer plus de clientèle en offrant le maximum de services. Je donne un exemple, le service de garde - tout cela est dans mon rapport - à la CECM varie de 80 $ à 180 $ par année juste pour garder pendant 45 minutes à l'heure du dîner. Tandis que les écoles protestantes, c'est gratuit ou au maximum 35 $ et il y a même une école qui offre une soupe gratuitement à l'heure du dîner pendant toute l'année.

Concernant le transport, les écoles protestantes essaient de faire transporter tous les élèves de la maternelle, les déposer devant la porte et une flexibilité dans le millage. Au secondaire, au-delà de 2000 élèves sont tous transportés, tandis qu'aux écoles catholiques, c'est plus strict, moins flexible et au secondaire il faut qu'il ait un revenu très bas pour être transporté.

Troisièmement, je touche quelque chose d'illégal, mais je le dis quand même. C'est que les écoles protestantes offrent des cours en anglais, même si c'est contre la loi, tandis que les écoles catholiques ne le font pas.

Aussi, il faut dire que l'accueil est très important. Il paraît que les protestants accueillent plus les immigrants que les catholiques. Ils sont plus ouverts. J'ai parlé au responsable des protestants, il m'a dit: Vous êtes vous-même immigrante et savez-vous que depuis des années, des siècles -parce que moi, cela fait seulement onze ans que je suis au Québec, je ne peux pas savoir on a toujours été ouvert pour les immigrants tandis que les catholiques ont essayé d'ouvrir la porte seulement depuis une quinzaine d'années. Tous ces points ensemble, cela fait qu'il y a une différence déjà entre les secteurs protestant et catholique. Je pourrais vous donner les mêmes références pour vous dire comment accueillir les allophones, les immigrants ou toute nationalité sur tous les services et l'accueil. Ce sont les deux points principaux.

Le Président (M. French): Pouvez-vous nous faire parvenir une copie de ce rapport? Est-il confidentiel ou si nous pourrions avoir une copie de ce rapport?

Mme Hoang: Peut-être que je pourrais vous l'envoyer. Je ne sais même pas si c'est

confidentiel.

Le Président (M. French): Notre expert-conseil, M. Mathews et notre secrétaire Mme Tanguay vont vous contacter là-dessus. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire quelles étaient les réactions à ce rapport au sein de la CECM?

Mme Hoang: J'ai attendu trois ou quatre fois pour le présenter, mais cela a toujours été remis. Il paraît que le rapport a passé, mais je n'étais pas là pour répondre aux questions.

Le Président (M. French): L'essentiel du message, c'est que les possibilités existent pour un meilleur accueil - je ne veux pas mettre mes mots dans votre bouche - mais qu'il a peut-être du chemin à faire dans certaines commissions scolaires au Québec, mais c'est possible, c'est faisable.

Mme Hoang: Je pense que oui.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Henri, la seule autre question qui m'intéresserait, c'est un peu de poursuivre ce que le député de Vachon a soulevé. Y a-t-il quelque part à la CECM une étude un peu plus détaillée sur le coût du déclin démographique à cette institution sociale qu'est la CECM? Vous nous avez donné des chiffres fort intéressants et ce que je me demande, parce que ces chiffres n'étaient pas dans votre mémoire original, c'est s'il y a eu d'autres documents que vous pourriez nous fournir. La raison est la suivante, c'est que la CECM et le PSBGM sont peut-être les institutions par excellence au Québec qui subissent le sort qui attend beaucoup d'autres institutions sociales et économiques au Québec face au déclin démographique ou face au déclin démographique possible. C'est pour cela qu'un portrait chiffré de ce qu'implique une baisse de clientèle pour une institution de réseau ou des institutions de réseau serait des plus intéressants. Alors, existe-t-il un rapport qui pourrait venir appuyer les quelques chiffres que vous nous avez donnés? (12 h 30)

Mme Hoang: Je pense que dans le livre de "Taux d'utilisation des écoles" on a donné les coûts de chauffage, d'entretien, etc.

Le Président (M. French): Nous allons essayer de vous contacter afin d'avoir ce rapport.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Juste une précision; à la page 3, vous dites qu'il y a 300 écoles de situées dans tous les coins de Montréal. Je pense que lorsque vous nous avez parlé tout à l'heure, cela était à 200. Est-ce 300 ou 200? Je crois que vous nous avez parlé de 159 écoles primaires et de 41 écoles secondaires, ce qui ferait 200, alors qu'à la page 3 vous dites que 300 écoles sont situées... Est-ce une erreur? C'est juste une précision.

Mme Hoang: À la page 3.

M. Hairs: Oui, à la page 3, au centre, "... la CECM compte presque 300 écoles situées dans tous les coins de Montréal... "

Mme Hoang: C'est plutôt 200. M. Hains: Pardon? Mme Hoang: C'est 200.

M. Hains: C'est 200. Cela fait exactement 200, soit les chiffres que vous nous avez donnés tout à l'heure; 159 primaires et 41 secondaires. Cela va. À la fin - je passe à votre conclusion - à la page 5, vous dites que c'est au gouvernement provincial de prendre l'initiative - attendez un peu - pour coordonner tous les efforts, etc. Vous parlez juste précédemment de la création de prématernelles. Cela existe-t-il quand même dans certaines écoles de Montréal encore, ou bien est-ce que...

Mme Hoang: Dans les milieux défavorisés.

M. Hains: Ce n'est pas généralisé.

Mme Hoang: Je vous ai donné les chiffres en 1983 il y en a plus de 11 000 et seulement 1000 élèves ont droit à la prématernelle.

M. Hains: C'est dans les milieux surtout défavorisés.

Mme Hoang: Défavorisés. Un peu dans Saint-Henri et dans...

M. Hains: Vous parlez aussi des garderies qui sont un grand problème. Vous avez bien touché à la chose en disant que toutes les possibilités qu'il pourrait y avoir de créer des garderies avec les 10 000 000 $ qu'on perd comme cela presque pour rien...

Mme Hoang: Cela fait des années que lorsque je présente mon rapport de prévisions qui est le plus gros de toute l'année, c'est-à-dire la prévision des dix futures années pour pouvoir faire la planification à la fin, toujours, je propose au niveau gouvernemental des allocations - parce que franchement les allocations qu'on reçoit ici -

si vous avez des jeunes enfants, vous allez voir qu'il n'y en a pas assez même pour payer le lait - toute l'aide qu'on pourrait accorder en tant que gouvernement, en tant qu'État et aussi des autres recommandations pour la CECM en tant qu'organisme d'éducation, comme la discipline, les services pédagogiques, et améliorer la vie à l'école et les services que les professeurs peuvent donner aux élèves et des petites choses comme cela que j'ai recommandées. C'est pour cela que je laisse en blanc... en disant qu'il y a moyen d'avoir un comité pour coordonner toutes ces choses ensemble, parce que cela a l'air éparpillé: les professeurs dans un coin avec un syndicat, la CECM dans un coin avec l'équipement disponible et les parents dans un autre coin avec les enfants et ils ne savent pas comment et où placer les enfants et comment s'organiser pour pouvoir s'arranger d'une manière ou d'une autre, que ce soit pour les femmes qui travaillent ou que ce soit pour les femmes qui ne travaillent pas. C'est quand même important d'avoir une place. Par exemple, une mère qui est seule à la maison et qui est malade, ce n'est pas facile pour elle de placer son enfant. Ou bien une mère prise avec une circonstance quelconque, il faut quand même chercher de la parenté, des voisins, des voisines, etc., pour placer l'enfant. En plus de cela, vous avez plusieurs cas, d'incidents, dans les villes comme Montréal qui sont regrettables. Si jamais on place ces enfants avec une personne qui n'est pas responsable ou bien dans un endroit qui n'est pas fiable pour les enfants, il y a toutes sortes d'accidents qui arrivent tous les jours. Pour moi, si cela existe vraiment une garderie d'État, cela pourrait déjà régler beaucoup de problèmes pour les mères de famille.

M. Hains: Là on parle de prématernelles, on parle de garderies. Il y a l'âge d'entrée aussi. Je pense bien que cela ferait une grosse différence si on pouvait ramener l'âge d'entrée des enfants à l'école, du 31 septembre au 31 décembre, comme on l'a demandé.

Mme Hoang: Cela a été voté, mais ici, j'ai refait tous mes calculs en vue d'avoir ces enfants-là, mais...

M. Hains: Avez-vous une idée de l'augmentation que cela pourrait faire comme nombre d'élèves, ce serait combien?

Mme Hoang: Oui?

M. Hains: À peu près combien d'élèves en plus?

Mme Hoang: À chaque année, cela donne quand même, pour la commission scolaire, 2000 à 3000 élèves facilement.

Le Président (M. French): C'est un effet temporaire, M. le député, ils sortent de l'autre côté.

M. Hains: Quand même, dans le moment présent, cela pourrait être bénéfique parce que cela ferait 2000 à 3000 élèves de plus qui pourraient rentrer et maintenir aussi des professeurs en surplus.

Maintenant, il y a un autre problème aussi qu'on regrette beaucoup, c'est le nombre d'élèves par classe, parce que ça demeure toujours un nombre très excessif en général et on se demande toujours pourquoi ne pas diminuer le nombre d'élèves par classe qui pourraient recevoir un enseignement plus spécialisé, plus individuel et qui, en même temps, pourraient occuper les professeurs qui sont là sur des tablettes souvent à regarder leurs confrères et les consoeurs travailler. Je pense que c'est un autre point que l'on pourrait aussi voir, surtout du point de vue des professeurs, pour les engager et pour le bénéfice aussi des enfants. Cela multiplierait le nombre de classes, de locaux. Peut-être pas le nombre de sièges, mais enfin les locaux seraient mieux occupés.

Maintenant, quelle est l'attitude des commissaires devant tout cela? Vous avez dit, un peu tout à l'heure, qu'ils n'ont pas voulu accepter, presque jusqu'ici, cette baisse d'élèves, est-ce que maintenant c'est un fait acquis.

Mme Hoang: Je pense qu'il faut dire qu'à tous les trois ans, il y a des commissaires qui partent et il y a de nouveaux arrivés. La question de démographie, ce n'est pas seulement à la CECM, mais pour le public québécois, ce n'est pas une question qui préoccupe beaucoup de monde, je dois vous avouer cela. Mon prédécesseur, il s'est fait appeler "démagogue", on ne sait pas ce que c'est un démographe. Moi, cela fait un an, on m'appelle "démograte", parfois; c'est pour prouver que les rapports de démographie, c'est vraiment très subalterne comme position.

Le Président (M. French): Ce n'est pas le cas pour la commission.

M. Hains: Maintenant, vous avez parlé aussi de l'accueil qui est fait aux immigrants qui arrivent dans les différentes écoles et vous nous disiez qu'à un moment donné - et c'est vrai, je pense bien, je l'avoue aussi -dans les écoles catholiques, on les voyait placés dans des écoles françaises catholiques, on les voyait venir d'un oeil plus ou moins favorable et c'est pour cela qu'on s'en allait toujours du côté des anglais. Je pense que

cela s'est pas mal renouvelé. D'ailleurs, je pense que vos enfants ont été bien reçus à leur école, quand ils sont arrivés.

Mme Hoang: Non, ils sont nés ici.

M. Hains: Pardon?

Mme Hoang: Ils sont nés ici, les miens.

M. Hains: C'est ça. Vous étiez venue inscrire vos enfants dans une certaine école, que je connais bien. Est-ce que c'est possible, ou si je me trompe? À l'école Coeur-Immaculé-de-Marie.

Mme Hoang: Non.

M. Hains: Ce n'était pas les vôtres.

Mme Hoang: Non.

M. Hains: Parce que le nom est exactement pareil.

Mme Hoang: Oui, il y en a beaucoup à Montréal.

M. Hains: Je m'étais toujous rappelé ces petits enfants-là qui étaient très charmants d'ailleurs. Alors, sur ce, je trouve que c'est un gros progrès, quand même, que nous avons fait du côté des écoles françaises, l'accueil aux immigrants et j'espère aussi que cela va continuer.

Mme Hoang: C'est parce qu'il y a vingt ans, les immigrants n'avaient pas le droit d'aller aux écoles catholiques.

M. Hains: C'est un fait.

Le Président (M. French): Une petite question, Mme Hoang. Les perspectives que vous fabriquez, chaque année, sont-elles conciliées avec les perspectives du Conseil scolaire de l'île de Montréal? Utilisez-vous les mêmes chiffres, les mêmes bases?

Mme Hoang: Oui.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon, avez-vous d'autres questions? Non. Je voudrais donc remercier, Mme Hoang. Votre présentation, votre exposé nous a été très valable. Nous apprécions au plus haut point votre présence. Vous nous avez aidé à comprendre la problématique de l'institution aux prises avec un déclin de croissance très important. Je pense qu'on est beaucoup plus en mesure maintenant de saisir comment c'est pénible et comment c'est important que les Québécois se posent le genre de questions que vous nous demandez de nous poser et de faire en sorte que le genre de dégénération de l'infrastructure, de démoralisation, de chômage ne continue pas. Merci beaucoup.

Mme Hoang: Merci.

Le Président (M. French): Je pense que j'ai une responsabilité, avant que nous ajournions nos travaux, c'est de déclarer que tous les mémoires sont déposés et, deuxièmement, d'ajourner les travaux de la commission sine die. Nous allons avoir une brève séance de travail immédiatement après, à la demande du député de Vachon. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 41)