43rd Legislature | 1st Session

Transcription

Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le Wednesday 6 December 2017, 11 h 07

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Onze heures huit minutes)

M. Khadir : J'ai été interrogé par mes collègues des autres partis, des libéraux, de la CAQ et du PQ, pourquoi nous nous sommes abstenus dans le vote de blâme réclamé par le rapport de M. Jacques Saint-Laurent, qui a été déposé et qui incriminait... enfin, qui reprochait, qui blâmait le député de Claude Surprenant.

Manon, Gab et moi, nous nous sommes abstenus parce qu'on avait des réserves importantes. Nous avons d'ailleurs partagé nos préoccupations, un peu avant le vote, avec Martine Ouellet et M. Lelièvre, deux autres députés indépendants, puis donc nous avons été finalement cinq à nous abstenir.

Pourquoi? Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas des choses à reprocher. On a lu le rapport. M. Surprenant a manqué de jugement à plusieurs égards, a eu des comportements qui dérogent l'esprit et la lettre du code de déontologie et des règles de fonctionnement de l'éthique. Cependant, le coeur du rapport d'analyse de M. Saint-Laurent touche à un problème, c'est-à-dire le travail partisan rémunéré à même le budget de fonctionnement des bureaux et des députés de l'Assemblée nationale, qui relève de la décision des partis... qui sont pratiqués depuis des années, c'est-à-dire cette dérogation aux règles ou l'utilisation indue de l'argent de l'Assemblée nationale pour faire du travail partisan est fait, et tout le monde le sait, par les libéraux, par le PQ, par la CAQ.

D'ailleurs, les hostilités ont commencé comment? La CAQ a voulu prendre à défaut le PQ, le PQ a fait des représailles, puis ensuite tous les deux se sont aperçus : Oh! ça risque de les entraîner dans un tourbillon qui peut nuire à leurs intérêts. Ils se sont entendus entre eux au Bureau de l'Assemblée nationale puis là, devant le commissaire, ils ont prétendu que les règles, ce n'était pas flou... étaient floues. Dorénavant, on ne le fera plus, et puis là rien. Et je trouve déplorable malheureusement que M. Saint-Laurent n'ait pas pu faire son travail adéquatement encore une fois, aller au fond des choses, mordre le gros poisson plutôt que de vouer aux gémonies un député indépendant, M. Claude St-Laurent. Nous, on ne jouera pas dans ce jeu-là. On ne fera pas de Claude St-Laurent le bouc émissaire de tous les problèmes...

Journaliste : ...

M. Khadir : J'ai dit...

Journaliste : Claude Surprenant.

M. Khadir : Excusez-moi. On ne fera pas de Claude Surprenant, le député de Groulx, le bouc émissaire d'un problème systémique dont la responsabilité relève de la CAQ, du PQ et du Parti libéral.

M. Lacroix (Louis) : Mais en même temps, pour une fois qu'il y a quelqu'un qui dénonce cette pratique-là, c'est comme si vous refusiez, en fait, les conclusions du rapport.

M. Khadir : Gros, gros malaise. M. Surprenant a manqué de jugement, M. Surprenant a contrevenu aux règles. Je suis d'accord, il y a un blâme à faire. Mais est-ce que, alors qu'en six ans, en sept ans, je ne sais pas depuis combien de temps a oeuvré M. Saint-Laurent, là, de l'existence de ce Commissaire à l'éthique et à la déontologie, où on n'a pas pu... malgré tout ce qu'on sait des manquements à l'éthique de plusieurs ministres, de plusieurs députés, on ne s'est jamais levés pour condamner personne et là, tout d'un coup, on se lèverait à l'unanimité pour condamner Claude Surprenant?

Il y a une démesure là-dedans qui traduit une telle injustice, une telle inéquité que nous, on ne pouvait pas jouer là-dedans. On s'est abstenus. On n'a pas voté contre parce que, justement, on sait, on a lu le rapport, M. Surprenant a mal agi. Mais est-ce que ça méritait une condamnation unanime de l'Assemblée nationale, une Assemblée qui, par ailleurs, a été incapable, impuissante, n'a pas voulu jamais se questionner?

M. Lacroix (Louis) : Mais alors pourquoi vous n'avez pas voté contre?

M. Khadir : Bien, justement, parce que nous ne voulions pas... mais on aurait pu voter contre, justement, cette inéquité, mais on voulait que ça soit clair qu'on ne cautionne pas, on n'approuve pas les agissements de M. Surprenant. On n'approuve pas ni l'utilisation des fonds publics pour du travail partisan, ni le contrat donné à son épouse, ni les tentatives de facturer des choses qui ne devaient pas être facturées. D'accord? On n'approuve pas ça, on ne veut pas que ça se reproduise.

Mais on sait pertinemment que le travail partisan est systématiquement... était systématiquement pratiqué avant que tout ça soit examiné et donc nous trouvions tout à fait injuste et déséquilibré et un mauvais service rendu à l'éthique et à la déontologie de l'Assemblée nationale de faire de Claude Surprenant le bouc émissaire des problèmes de tout le monde.

M. Lacroix (Louis) : C'est parce qu'il y a comme une espèce de dichotomie dans ce que vous dites, en ce sens que vous reprochez, en fait, à l'Assemblée nationale de ne pas avoir donné de sanction auparavant. Là, pour une fois qu'on donne une sanction, vous n'êtes pas contre, mais, en même temps, vous la dénoncez.

M. Khadir : Mais attendez, cette sanction, c'est parce que le commissaire, comme je vous ai dit, malheureusement, n'a pas fait bien sa job, et je le... Et on proteste aujourd'hui pour que la commissaire, la nouvelle commissaire entende bien notre protestation. Il y a eu une enquête sur M. Donald Martel. Donald Martel est cité là-dedans. Il y a une enquête sur Mme Poirier. Le PQ faisait la même chose que la CAQ, d'accord? D'ailleurs, le premier groupe à être incriminé, c'était le PQ. Le commissaire Saint-Laurent, comme toujours, incapable de mordre, au lieu de venir nous dire : Écoutez, on m'empêche de faire mon travail, les groupes parlementaires organisés ne m'ont pas permis d'aller au fond des choses en ne me fournissant pas l'information, bien, il s'en prend au seul qui était vulnérable.

Comme je vous dis, avec l'idée qu'il faut qu'il y ait des sanctions, je suis tout à fait d'accord, mais avec une mascarade comme on vient d'assister, hypocrite, dans laquelle l'ensemble des députés, de partis qui, par ailleurs, ont organisé ça, se lèvent pour condamner un député indépendant qui a oui certes mal agi, mais condamné à l'unanimité, alors qu'on ne l'a jamais fait pour personne d'autre, c'est tellement profondément inéquitable que ça relève de l'injustice, et on ne voulait pas participer à ça.

Journaliste : Vous attendiez-vous à ce que, par exemple, que le Parti québécois ait reçu un blâme lui aussi dans son rapport?

M. Khadir : Oui, bien que ce soient les partis qui soient blâmés. Là, on se serait levés unanimement pour applaudir, j'espère, des partis qui... Là, c'est clair, on reproche à M. Surprenant... laissez-moi le reprendre, là. On reproche à M. Surprenant l'usage de fonds à des fins partisanes, d'accord, conformément à des directives provenant directement du bureau de M. Martel de la CAQ.

Bon, alors, qu'est-ce que ça nous prenait de plus? Les mêmes pratiques ont lieu au Parti québécois et au Parti libéral. Qu'est-ce que ça nous prenait de plus? On a failli, M. Saint-Laurent a failli... Je m'excuse, je l'aime, le monsieur, mais ça... vous m'avez entendu. Si vous ne m'avez pas entendu 10 fois, vous ne m'avez jamais entendu. J'ai toujours critiqué son incapacité à mordre là où ça compte, puis il vient de prouver...

M. Robitaille (Antoine) : Donnez-nous un exemple.

M. Khadir : Dans le cas de M. Hamad, dans le cas du conflit d'intérêts et du trafic d'influence au sommet, lorsque M. Charest s'en va visiter les Desmarais au château de Sagard. On est absolument incapables, incapables de faire des enquêtes utiles en quoi que ce soit.

Le Modérateur : D'autres questions?

M. Chouinard (Tommy) : ...Jj suis arrivé un peu tardivement. Donc, vous estimez que... Claude Surprenant est-il une victime dans cette histoire-là?

M. Khadir : Claude Surprenant a mal agi, Claude Surprenant a failli à l'esprit et à la lettre du code d'éthique et de déontologie. Nous n'approuvons aucun des gestes qui lui sont reprochés. Mais de là à en faire le seul bouc émissaire de pratiques qui relèvent des organisations qui pratiquent, du Parti québécois, de la CAQ et du Parti libéral, puis qu'on participe, nous, à une mascarade qui consisterait à en faire le bouc émissaire de tous ces problèmes-là, non.

M. Chouinard (Tommy) : Donc, il y a double standard.

M. Khadir : Il y a un double... Bien, c'est-à-dire, c'est surtout une hypocrisie à laquelle on ne veut pas prendre part. Quand je vois le premier ministre Couillard se lever, alors qu'il sait très bien que, dans son parti, ils ont fait ça pendant des années, s'ils ne continuent pas à le faire encore, je ne peux pas accepter que, la seule fois où nous nous sommes levés pour condamner ces gestes-là, ça soit pour condamner un député indépendant plutôt que de condamner des organisations qui l'ont entraîné là.

M. Lecavalier (Charles) : M. Saint-Laurent, dans son rapport, a indiqué que M. Surprenant avait tenté de l'induire en erreur, de fausses informations. Dans le rapport précédent sur le Parti québécois, avec Carole Poirier, le Parti québécois, bon, avait dit : Oui, oui, nos attachés politiques ont des adresses assnat. Finalement, le commissaire s'est rendu compte qu'ils ont créé les adresses pendant son enquête. Est-ce que vous croyez que le Parti québécois a voulu, lui aussi, induire en erreur?

M. Khadir : Écoutez, merci de m'avoir... Ça m'avait échappé. Vous venez d'accréditer ma thèse. Voilà une démonstration flagrante que ce qui est reproché à M. Surprenant aurait pu être reproché au Parti québécois, à la CAQ et sans doute au Parti libéral, si on fait enquête.

Pourquoi, alors, est-ce que le commissaire ne recommande que de blâmer M. Surprenant? On ne peut pas accepter une telle injustice et une telle inéquité. Si on doit appliquer des sanctions, il faut que ces sanctions soient justes. Les sanctions qui ne s'appliquent qu'aux plus vulnérables, aux moins puissants, ce n'est plus de la justice. Et on ne peut pas participer à cette mascarade. Merci de votre attention.

(Fin à 11 h 18)